Julia Alvarez
Julia Alvarez[1] (New York, 1950) est une poĂ©tesse, romanciĂšre et essayiste amĂ©ricaine dâorigine dominicaine. NĂ©e Ă New York, elle passa toutefois les dix premiĂšres annĂ©es de sa vie en RĂ©publique dominicaine, jusquâĂ ce que lâimplication de son pĂšre dans une rĂ©bellion politique en 1960 eĂ»t contraint sa famille Ă fuir le pays.
Naissance |
New York, Ătats-Unis |
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Activité principale |
roman, poésie, essai |
Distinctions |
Ćuvres principales
Julia Alvarez acquit une renommĂ©e littĂ©raire grĂące aux romans How the GarcĂa Girls Lost Their Accents (1991), In the Time of the Butterflies (1994) et Yo! (1997). Dans le domaine de la poĂ©sie, ses publications comprennent Homecoming (1984) et The Woman I Kept to Myself (2004), et dans celui de lâessai, la compilation autobiographique Something to Declare (1998). De nombreux critiques littĂ©raires la considĂšrent comme lâun des Ă©crivains amĂ©ricains dâorigine hispanique les plus importants, et elle a su obtenir un succĂšs critique et commercial Ă lâĂ©chelle internationale.
Beaucoup des Ćuvres de Julia Alvarez sont imprĂ©gnĂ©es de ses expĂ©riences de Dominicaine vivant aux Ătats-Unis et se concentrent sur des questions liĂ©es Ă lâidentitĂ© et Ă lâassimilation. Son identitĂ© double, liĂ©e au fait quâelle a grandi Ă la fois aux Ătats-Unis et dans le pays dâorigine de ses parents, se fait jour dans ses Ă©crits, notamment par la combinaison dâun ton trĂšs personnel et dâaccents explicitement politiques. Elle sâest fait connaĂźtre par des Ćuvres oĂč sont examinĂ©es et mises en regard les aspirations des femmes dans la culture dominicaine d'une part et dans celle des Ătats-Unis d'autre part, et par une enquĂȘte rigoureuse sur les stĂ©rĂ©otypes culturels. Ces derniĂšres annĂ©es, Julia Alvarez sâest attachĂ©e Ă Ă©largir sa thĂ©matique avec des ouvrages tels que In the Name of SalomĂ© (2000), roman mettant en scĂšne des personnages cubains (en plus de personnages dominicains), et par des Ă©vocations romancĂ©es de figures historiques.
ParallĂšlement Ă sa carriĂšre dâĂ©crivain, Julia Alvarez est lâactuel (2015) Ă©crivain en rĂ©sidence Ă Middlebury College.
Biographie
Jeunes années et formation
Julia Alvarez naquit en 1950 Ă New York ; cependant, alors qu'elle n'avait encore que trois mois, ses parents sâen retournĂšrent en RĂ©publique dominicaine et y vĂ©curent les dix annĂ©es suivantes[2]. Sa famille au sens large jouissait d'un confort matĂ©riel suffisant que pour se permettre du personnel domestique[3]. Le critique Silvio Sirias indique que les Dominicains font grand cas du don de conteur ; Julia Alvarez manifesta ce don de bonne heure et lâon « faisait souvent appel Ă elle pour divertir les visiteurs »[4]. En 1960, sa famille fut forcĂ©e de sâenfuir aux Ătats-Unis aprĂšs que son pĂšre eut trempĂ© dans un complot avortĂ© visant Ă renverser Rafael Trujillo, dictateur militaire de lâĂźle[5] â Ă©vĂ©nements qui allaient resurgir plus tard dans ses Ă©crits, en particulier dans son roman How the GarcĂa Girls Lost Their Accents, lequel dĂ©peint une famille contrainte de quitter la RĂ©publique dominicaine dans des circonstances semblables[6], ou dans son poĂšme Exile, oĂč elle dĂ©crit « la nuit oĂč nous fuyĂąmes le pays » (the night we fled the country) et qualifia cette expĂ©rience de « perte beaucoup plus grande que je ne le compris alors » (loss much larger than I understood)[7].
Julia Alvarez vĂ©cut plutĂŽt mal ce dĂ©mĂ©nagement de la RĂ©publique dominicaine pour les Ătats-Unis ; Sirias souligne quâelle « perdit presque tout : une patrie, une langue, des liens familiaux, une maniĂšre de comprendre, et une chaleur humaine »[8]. En tant quâune des rares Ă©lĂšves latino-amĂ©ricaines de son Ă©cole catholique, Julia Alvarez eut Ă faire face Ă la discrimination en raison de ses origines et Ă©tait souvent traitĂ©e de spic par ses condisciples[9]. Elle connut ainsi lâaliĂ©nation et le mal de pays, et fut en butte aux prĂ©jugĂ©s de son nouvel entourage[7]. Dans How the Garcia Girls Lost Their Accents, un personnage se laisse aller Ă affirmer que « tenter dâĂ©lever le niveau de conscience [en RĂ©publique dominicaine]... serait comme essayer de mettre des voĂ»tes de cathĂ©drale dans un tunnel »[10]. Cela la poussa Ă se replier sur elle-mĂȘme et explique sa fascination de la littĂ©rature, quâelle appelle « une patrie portative »[8]. Elle fut encouragĂ©e par plusieurs de ses professeurs Ă poursuivre ses activitĂ©s dâĂ©criture et se persuada, dĂšs le jeune Ăąge, que lĂ Ă©tait ce quâelle voulait faire de sa vie[7].
Les Ă©coles de lâendroit Ă©tant jugĂ©es insatisfaisantes, elle fut envoyĂ©e par ses parents, Ă lâĂąge de 13 ans, Ă lâAbbot Academy (en), pensionnat traditionnel situĂ© dans le Massachusetts[11]. Ses rapports avec ses parents eurent Ă souffrir de cet Ă©loignement, ce quâaggravĂšrent encore les sĂ©jours dâĂ©tĂ© qu'elle et sa sĆur durent passer en RĂ©publique dominicaine, sĂ©jours destinĂ©s à « renforcer leur identitĂ© non seulement de Dominicaines, mais aussi de jeunes filles convenables »[12]. En contrepartie, ce va-et-vient intermittent entre les deux pays lui permit dâen apprĂ©hender les diffĂ©rences culturelles, lui fournissant ainsi la base de nombre de ses futurs ouvrages[11].
AprĂšs obtention de son diplĂŽme Ă Abbot Academy en 1967, elle poursuivit ses Ă©tudes Ă Connecticut College (en) de 1967 Ă 1969, oĂč elle remporta le prix de poĂ©sie Benjamin T. Marshall, puis en 1971 Ă Middlebury College, dans le Vermont, et enfin Ă lâuniversitĂ© de Syracuse, dans lâĂtat de New York, en 1975[11].
CarriÚre littéraire
AprĂšs acquisition de sa maĂźtrise en 1975, Julia Alvarez accepta un poste de writer-in-residence (Ă©crivain en rĂ©sidence) pour le compte de la Commission des arts du Kentucky. Elle parcourut alors cet Ătat, visitant les Ă©coles primaires, les Ă©tablissements dâenseignement secondaires, les instituts dâenseignement supĂ©rieurs et les communautĂ©s, dirigeant des ateliers dâĂ©criture et prononçant des confĂ©rences. Elle se dit aujourdâhui redevable Ă ces annĂ©es-lĂ dâavoir acquis une comprĂ©hension plus approfondie des Ătats-Unis et dâavoir pris conscience de sa passion pour lâenseignement. En effet, sa pĂ©riode de travail dans le Kentucky Ă©coulĂ©e, elle continua dâĆuvrer comme enseignante, dâabord en Californie, puis dans le Delaware, en Caroline du Nord, dans le Massachusetts, Ă Washington D.C. et dans lâIllinois[13].
ParallĂšlement Ă son activitĂ© littĂ©raire, Julia Alvarez occupe un poste de writer-in-residence Ă Middlebury College, oĂč elle donne Ă temps partiel un cours dâĂ©criture crĂ©ative[13]. Julia Alvarez rĂ©side actuellement (2015) dans la VallĂ©e du lac Champlain, dans le Vermont. Elle a Ă©tĂ© consultante, Ă©ditrice et membre de divers jurys littĂ©raires, tels que celui du Newman's Own First Amendment Award et du prix Casa de las AmĂ©ricas[14], tout en donnant des confĂ©rences et en participant Ă des lectures publiques Ă travers les Ătats-Unis[15]. Conjointement avec son compagnon de vie, lâophtalmologiste Bill Eichner, elle fonda Alta Gracia, centre dâalphabĂ©tisation qui, installĂ© dans une ferme, se consacre Ă promouvoir de par le monde un mode de vie Ă©cologique en mĂȘme temps que lâalphabĂ©tisation et la scolarisation[16] - [17] ; en fait, Julia Alvarez et son mari avaient fait acquisition de ladite ferme en 1996 dans lâintention premiĂšre dâappuyer la culture coopĂ©rative et indĂ©pendante du cafĂ© en RĂ©publique dominicaine[18].
Ćuvre littĂ©raire
Julia Alvarez a fait paraĂźtre cinq romans, un volume dâessais, quatre recueils de poĂ©sie, quatre livres pour enfants, et deux Ćuvres de fiction pour adolescent, dont plusieurs connurent un succĂšs commercial important[19], et passe aujourdâhui pour lâun des Ă©crivains amĂ©ricains dâorigine latino-amĂ©ricaine les plus en vue de son Ă©poque, mais aussi les plus critiques[20].
Parmi ses premiers ouvrages figurent quelques recueils de poĂ©sie, dont The Homecoming (litt. le Retour chez soi), publiĂ© en 1984, enrichi ensuite et republiĂ© en 1996[21]. Elle explique sa prĂ©dilection pour la poĂ©sie, qui fut son premier mode dâexpression littĂ©raire, par le fait quâ« un poĂšme est quelque chose de trĂšs intime, de cĆur Ă cĆur »[22]. Sa poĂ©sie cĂ©lĂšbre la nature et les menus dĂ©tails des rituels de la vie quotidienne, y compris les tĂąches domestiques. Ses poĂšmes Ă©voquent des histoires de la vie familiale et adoptent souvent la perspective des femmes. Lâauteur y met en cause les privilĂšges patriarcaux et traite, sur un mode introspectif, les sujets de lâexil, de lâassimilation, de lâidentitĂ© et du combat menĂ© par les classes infĂ©rieures. Elle dit avoir trouvĂ© lâinspiration pour son Ćuvre notamment dans une petite toile de 1894 du peintre Pierre Bonnard, intitulĂ©e lâĂcuyĂšre[23]. La critique Elizabeth Coonrod MartĂnez a pu dire de ses poĂšmes quâils donnent voix Ă la lutte des immigrants[24].
Son premier roman, How the GarcĂa Girls Lost Their Accents (litt. Comment les fillettes GarcĂa perdirent leur accent), parut en 1991 et fut aussitĂŽt acclamĂ© par une grande part de la critique ; il sâagit du premier grand roman Ă©crit en anglais par un auteur dominicain[25]. Le livre, au contenu largement personnel, prend pour thĂšmes lâhybridation culturelle et les combats de la RĂ©publique dominicaine post-coloniale[26] - [27] ; Julia Alvarez y apporte son propre Ă©clairage sur lâintĂ©gration des immigrants latino-amĂ©ricains dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine gĂ©nĂ©rale et montre que lâidentitĂ© est susceptible dâĂȘtre profondĂ©ment dĂ©terminĂ©e par lâappartenance sexuelle et ethnique ainsi que par les dĂ©terminismes de classe[28]. Elle ne rechigna pas, pour illustrer les profonds contrastes culturels entre les CaraĂŻbes et les Ătats-Unis, Ă mettre Ă contribution ses propres expĂ©riences[29] ; le matĂ©riau du roman en Ă©tait devenu si personnel que sa mĂšre refusa de lui adresser la parole pendant plusieurs mois aprĂšs la publication, et ses sĆurs non plus ne furent guĂšre enchantĂ©es de son livre[17]. Cependant, il sâen vendit quelque 250 000 exemplaires, et lâAmerican Library Association a retenu le roman au titre de Notable Book[30].
Son deuxiĂšme roman, In the Time of the Butterflies (litt. Au temps des papillons), de 1994, a pour point de dĂ©part un Ă©vĂ©nement historique survenu en 1960, Ă savoir la mort, sous la dictature de Trujillo en RĂ©publique dominicaine, des sĆurs Mirabal, dont les corps furent dĂ©couverts au pied dâune falaise sur la cĂŽte nord de lâĂźle, et de qui lâon a supposĂ© quâelles faisaient partie dâun mouvement rĂ©volutionnaire visant Ă renverser le rĂ©gime oppressif qui dirigeait alors le pays. Ces figures lĂ©gendaires ont reçu le nom de Las Mariposas (les Papillons)[31]. Le roman, qui met en scĂšne des femmes dotĂ©es dâune personnalitĂ© forte et ayant le pouvoir de dĂ©vier le cours de lâhistoire, illustre lâaffinitĂ© de lâauteur pour des protagonistes fĂ©minins forts et pour les mouvements de libĂ©ration[32]. Julia Alvarez dĂ©clara espĂ©rer quâ« Ă travers cette histoire romancĂ©e, les lecteurs anglophones fassent la connaissance de ces cĂ©lĂšbres sĆurs. Dans beaucoup de pays dâAmĂ©rique latine, la date du , jour de leur assassinat, est observĂ©e comme JournĂ©e internationale contre la violence envers les femmes. Manifestement, ces sĆurs, qui combattirent ce seul tiran particulier, ont servi de modĂšles aux femmes luttant contre des injustices de toute espĂšce »[31].
En 1997, Julia Alvarez publia Yo! (apocope de Yolanda, mais aussi moi en espagnol, trad. française sous le mĂȘme titre), qui fait suite Ă How the GarcĂa Girls Lost Their Accents, mais se concentre sur le seul personnage de Yolanda[33]. Puisant dans ses propres expĂ©riences, lâauteur y dĂ©crit le succĂšs dâun Ă©crivain qui exploite sa propre famille comme source dâinspiration pour son Ćuvre littĂ©raire[33]. Lâon pourrait voir dans Yo! un moyen pour l'auteur de mĂ©diter sur son succĂšs littĂ©raire, voire de le critiquer[34]. Les positions de Julia Alvarez sur le mĂ©tissage culturel sây expriment souvent Ă travers lâusage dâincongruitĂ©s langagiĂšres hispano-anglaises, constituant le dĂ©nommĂ© spanglish, dĂ©rives linguistiques qui occupaient dĂ©jĂ une place Ă©minente dans How the GarcĂa Girls Lost Their Accents. Le langage du personnage de Laura est qualifiĂ© par lâauteur de « galimatias dâexpressions et tournures embrouillĂ©es »[35].
In the Name of SalomĂ© (trad. française Au nom de SalomĂ©), paru en 2000, est un roman qui entremĂȘle les vies de deux femmes diffĂ©rentes, en dĂ©crivant comment elles ont vouĂ© leur existence Ă des causes politiques. Le rĂ©cit, dont lâaction se situe en diffĂ©rents lieux â en RĂ©publique dominicaine, avec des turbulences politiques en toile de fond, dans la Cuba communiste des annĂ©es 1960, ainsi que dans divers campus universitaires Ă travers les Ătats-Unis â, prend pour thĂšmes la lutte pour les droits et le militantisme politique. Julia Alvarez indique comment les protagonistes de ce roman, qui sont toutes deux des femmes, « se retrouvĂšrent ensemble, chacune dans lâamour de la patrie de lâautre et dans leur foi commune en la capacitĂ© des femmes Ă façonner une conscience conciliant les deux AmĂ©riques »[36]. Ce livre fut largement fĂȘtĂ©, notamment pour son minutieux travail de recherche historique et pour sa captivante intrigue, et fut qualifiĂ© par Publishers Weekly dâ« un des romans politiquement les plus entraĂźnants du dernier demi-siĂšcle »[36].
Saving the World: A Novel (trad. française sous le titre Sauver le monde), publiĂ© en 2006, est le rĂ©cit romancĂ© de lâexpĂ©dition Balmis, campagne de vaccination anti-variolique de grande envergure organisĂ©e par la couronne espagnole et menĂ©e entre 1804 et 1805 en AmĂ©rique espagnole et aux Philippines. Adoptant le point de vue dâIsabel Zendal GĂłmez, infirmiĂšre et seule femme membre de cette expĂ©dition, lâauteur apporte par cette Ćuvre, qui bĂ©nĂ©ficia dâun important lancement publicitaire et eut mĂȘme les honneurs dâun commentaire dans la revue mĂ©dicale JAMA, sa version personnelle de la trajectoire de lâinfirmiĂšre galicienne, de qui d'ailleurs lâon sait fort peu de choses. Ă travers le rĂ©cit de deux femmes, Alma et Isabel, â la premiĂšre Ă©tant un auteur contemporain, qui, en proie Ă une crise dans sa vie personnelle, dĂ©couvre en la deuxiĂšme, sur qui elle dĂ©cide dâĂ©crire un livre, une source dâinspiration â, Julia Alvarez prĂ©sente la figure dâIsabel Zendal GĂłmez comme ayant contractĂ© elle-mĂȘme la variole, Ă©vĂ©nement qui marqua sa vie et la dĂ©termina, aprĂšs un prĂ©coce veuvage, Ă se faire employer Ă lâhospice des enfants trouvĂ©s de la Corogne. EnrĂŽlĂ©e dans lâexpĂ©dition Balmis, et devenant tĂ©moin ainsi dâune grande aventure, elle rĂ©dige un carnet, y consignant notamment comment elle raconte aux enfants des contes pour les dĂ©livrer de leurs peurs, et comment elle apprend la technique de lâinoculation. DĂ©vouĂ©e et excellente professionnelle, femme exemplaire, elle se consacre au soin des enfants et, lâexpĂ©dition terminĂ©e, continue de suivre leur parcours. Elle entretient avec Balmis, directeur de lâexpĂ©dition, de qui elle sait quâil a une Ă©pouse Ă Madrid, des rapports de pure collaboration professionnelle empreinte de respect mutuel. Ils se retrouveront plus tard plusieurs fois au Mexique, oĂč elle travaille comme soignante et oĂč Balmis revient quelques annĂ©es aprĂšs lâexpĂ©dition. Le thĂšme central du roman est la subjectivitĂ© et la vitalitĂ© de lâunivers fĂ©minin ; en effet, comme lâindique la narratrice, « nos vies nâappartiennent pas quâĂ nous-mĂȘmes, mais aussi Ă ceux qui nous aiment »[37].
Influence sur la littérature latino-américaine
Julia Alvarez, ainsi que le note Elizabeth Coonrod MartĂnez, fait partie dâun mouvement dâĂ©crivains amĂ©ricains dâorigine latino-amĂ©ricaine qui ont pour point commun dâaborder des thĂšmes axĂ©s sur lâexpĂ©rience particuliĂšre de se trouver Ă cheval sur la frontiĂšre entre AmĂ©rique latine et Ătats-Unis et dâappartenir aux deux cultures, et au rang desquels figurent Ă©galement Sandra Cisneros, Giannina Braschi, et Cristina GarcĂa[38]. Selon Coonrod MartĂnez, une gĂ©nĂ©ration subsĂ©quente dâĂ©crivains amĂ©ricano-dominicains, tels quâAngie Cruz (en), Loida Maritza PĂ©rez, Nelly Rosario (en), et Junot DĂaz, sâest sentie inspirĂ©e par le succĂšs littĂ©raire de Julia Alvarez[38].
Lâauteur reconnaĂźt que « le cĂŽtĂ© dĂ©sagrĂ©able de la qualitĂ© dâĂ©crivain latino est que les gens veulent faire de moi un porte-parole. Il nây a pas de porte-parole ! Il y a un grand nombre de rĂ©alitĂ©s, de nuances et de classes diffĂ©rentes »[39].
How the GarcĂa Girls Lost Their Accents fut le premier roman dâune femme amĂ©ricano-dominicaine Ă bĂ©nĂ©ficier dâune ample estime et dâune grande attention aux Ătats-Unis[40]. Le livre prĂ©sente lâidentitĂ© ethnique comme un fait problĂ©matique Ă diffĂ©rents niveaux. Julia Alvarez conteste les affirmations que l'on entend d'ordinaire sur le multiculturalisme et qui prĂ©sentent celui-ci comme quelque chose de strictement positif. Dans sa vision, lâidentitĂ© immigrante reste fortement marquĂ©e par des conflits ethnique, entre hommes et femmes, et de classe[40]. Ellen McCracken observe que « la transgression et les sous-entendus incestueux ne constituent certes pas les ingrĂ©dients permettant dâobtenir un produit multiculturel de consommation courante tel que dĂ©sirĂ© par la majoritĂ© de la sociĂ©tĂ©, mais la mise en Ćuvre par Alvarez de tactiques narratives de cette nature conduit Ă ce que soit mise en avant â dans cette prĂ©coce contribution de lâAmĂ©ricano-dominicaine Ă la nouvelle fiction narrative latino des annĂ©es 1990 â la centralitĂ© de la lutte contre lâabus de pouvoir patriarcal »[41].
Quant au statut des femmes dans la crĂ©ation littĂ©raire, Julia Alvarez dĂ©clare : « il reste dĂ©cidĂ©ment toujours un plafond de verre du cĂŽtĂ© des romanciĂšres fĂ©minines. Si on a un personnage fĂ©minin, elle pourra ĂȘtre impliquĂ©e dans quelque chose de monumental, mais en mĂȘme temps elle change aussi les langes et fait la cuisine, faisant donc des choses en vertu de quoi cela sera nommĂ© un roman de femme. Vous savez, un roman masculin est universel ; un roman fĂ©minin est pour les femmes »[42].
Julia Alvarez souligne que son propos nâest pas dâĂ©crire pour un public fĂ©minin seulement, mais aussi de sâemparer de thĂšmes universels aptes Ă mettre en Ă©vidence les interconnexions plus gĂ©nĂ©rales[38]. Elle indique par ailleurs : « Ce que jâessaye de faire Ă travers mon Ă©criture, câest de mâextraire, pour entrer dans ces autres soi-mĂȘmes, dans ces autres mondes. Pour devenir chaque fois davantage de nous-mĂȘmes »[43]. Pour illustrer ce dernier point, Julia Alvarez Ă©crit en anglais Ă propos de questions qui concernent la RĂ©publique dominicaine, en combinant langue anglaise et langue espagnole[43] ; Julia Alvarez sâestime du reste compĂ©tente par la notion quâelle a des populations et des cultures se mĂ©langeant autour du monde, et par cette raison sâidentifie comme « citoyenne du monde »[43].
Prix et hommages
Julia Alvarez sâest vu octroyer une allocation de la National Endowment for the Arts et de la fondation Ingram Merrill. Certains de ses manuscrits de poĂ©sie sont aujourdâhui hĂ©bergĂ©s de façon permanente Ă la bibliothĂšque publique de New York, oĂč son Ćuvre eut en 2008 les honneurs dâune exposition intitulĂ©e The Hand of the Poet: Original Manuscripts by 100 Masters, From John Donne to Julia Alvarez[44]. Elle reçut le prix Lamont dĂ©cernĂ© par lâAcademy of American Poets en 1974, le premier prix de fiction narrative de la Third Woman Press Award en 1986, et une rĂ©compense de la part de la fondation General Electric en 1986[45].
How the GarcĂa Girls Lost Their Accents remporta le prix littĂ©raire Josephine Miles, lequel est attribuĂ© Ă des Ćuvres prĂ©sentant un point de vue multiculturel[45]. Yo! fut choisi comme notable book par lâAssociation amĂ©ricaine des BibliothĂšques en 1998. Before We Were Free gagna la mĂ©daille Belpre en 2004[46], et Return to Sender cette mĂȘme rĂ©compense en 2010[47]. Elle fut enfin laurĂ©ate en 2002 du prix de littĂ©rature de lâHispanic Heritage Foundation[48].
De 2021 à 2023, elle est sélectionnée trois années d'affilée pour le prestigieux prix suédois, le Prix commémoratif Astrid-Lindgren[49].
Ouvrages
Fiction
- How the GarcĂa Girls Lost Their Accents, Algonquin Books, Chapel Hill, NC 1991. (ISBN 978-0-945575-57-3)
- In the Time of the Butterflies 1994. (ISBN 978-1-56512-038-9) ; traduction française par Daniel Lemoine sous le titre Au temps des papillons, éd. Métailié, 1997.
- Yo!, Algonquin Books, Chapel Hill, NC 1997 (ISBN 978-0-452-27918-6) ; traduction française par Martine Laroche sous le titre Yo, éd. Métailié, Paris, (ISBN 2-86424-328-8).
- In the Name of Salomé, Algonquin Books, Chapel Hill, NC 2000 (ISBN 978-1-56512-276-5) ; traduction française par Martine Laroche sous le titre de Au nom de Salomé, éd. Métailié, Paris, (ISBN 2-86424-447-0).
- Saving the World: A Novel, Algonquin Books, Chapel Hill, NC 2006 (ISBN 9781565125100) (2006) ; traduction française par Catherine de Leobardy sous le titre de Sauver le monde, éd. Métailié, Paris, (ISBN 978-2-86424-738-8).
Littérature pour enfants et jeunes adultes
- The Secret Footprints, Knopf, New York 2000.
- A Cafecito Story, Chelsea Green, White River Junction, VT 2001. (ISBN 978-1-931498-00-5)
- How Tia Lola Came to
visitStay, Knopf, New York 2001. (ISBN 978-0-375-90215-4) - Before We Were Free, New York, A. Knopf, , 167 p. (ISBN 978-0-375-81544-7)
- Finding Miracles, Knopf, New York 2004. (ISBN 978-0-375-92760-7)
- A Gift of Gracias : The Legend of Altagracia, New York, Knopf, , 40 p. (ISBN 978-0-375-82425-8)
- El mejor regalo del mundo: la leyenda de la Vieja Belen / The Best Gift of All: The Legend of La Vieja Belen, Alfaguara, Miami 2009. (bilingual book)
- Return to Sender, New York, Alfred A. Knopf, , 325 p. (ISBN 978-0-375-85838-3)
- How Tia Lola Learned to Teach, New York, Knopf, (ISBN 978-0-375-86460-5)
- How TĂa Lola Saved the Summer, New York, Knopf, , 160 p. (ISBN 978-0-375-86727-9, lire en ligne)
- How Tia Lola Ended Up Starting Over, Knopf, New York 2011.
Poésie
- The Other Side (El Otro Lado), Dutton, 1995. (ISBN 978-0-525-93922-1)
- Homecoming: New and Selected Poems, Plume, 1996. (ISBN 978-0-452-27567-6) - réédition du volume de 1984, avec ajout de nouveaux poÚmes
- The Woman I Kept to Myself, Algonquin Books of Chapel Hill, 2004 et 2011. (ISBN 978-1-61620-072-5)
Notes
- Dans la graphie espagnole, le a initial de son patronyme porte l'accent : Ălvarez. Cependant, ce signe diacritique, qui en espagnol indique la place de l'accent tonique, a Ă©tĂ© omis par ses Ă©diteurs amĂ©ricains, et le sera Ă©galement dans le prĂ©sent article.
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- « Julia Alvarez Biography », Emory University (consulté le )
- « The Pura Belpré Award winners », American Library Association (consulté le )
- « 2010 Author Award Winner », American Library Association (consulté le )
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Références
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