José Rizal
José Rizal, de son nom complet José Protasio Rizal Mercado y Alonzo Realonda, né le à Calamba dans la province de Laguna (Philippines) et mort fusillé le à Manille, est un poète, romancier, et artiste philippin (également médecin, chirurgien ophtalmologue, et linguiste). Il joua un rôle important dans la lutte pour l'émancipation du peuple philippin pendant la colonisation espagnole, ce qui lui valut d'être exécuté à 35 ans.
Nom de naissance | José Protasio Rizal Mercado y Alonso Realonda |
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Alias |
Pepe |
Naissance |
Calamba, Laguna Indes orientales espagnoles |
Décès |
Bagumbayan, Manille Indes orientales espagnoles |
Nationalité | Philippine |
Profession |
MĂ©decin et chirurgien ophtalmologue |
Activité principale | |
Autres activités | |
Formation | |
Distinctions |
Il est aujourd'hui commémoré aux Philippines comme héros national.
Biographie
- Son exergue
- Dans cet horrible drame que fut (...) la Révolution philippine, une figure se détache, noble et pure entre toutes, celle de José Rizal, le Héros national. Savant, poète, artiste, philologue, écrivain, qui sait quelle œuvre, émancipatrice et féconde, ce Tagal, cet homme de couleur, ce « sauvage », aurait pu donner à sa patrie et à l'humanité si la barbarie européenne ne l'avait stupidement tué ?
- Ramon Sempau, préface d'Au pays des moines, page V (première traduction française du Noli me tangere).
Issu d'une riche famille philippine sino-tagale, José Rizal fit ses études de médecine à Manille. Il fréquenta également les meilleures universités européennes (Madrid, Paris, Berlin). Lors de ses nombreux voyages en Espagne, France, Allemagne, Angleterre, et États-Unis, il acquiert une formation de chirurgien ophtalmologiste, obtient des diplômes en philosophie et apprend plusieurs langues. Il est hyperpolyglotte et ne maîtrise pas moins de 23 langues, dont l'allemand, l'hébreu, l'arabe, le sanskrit. Il a traduit Schiller en tagalog et, lors de son séjour en Allemagne, il a illustré les célèbres histoires de Max und Moritz, de Wilhelm Busch.
Dirigeant du Mouvement de propagande des étudiants philippins d'Espagne, il signe des articles pour le journal La Solidaridad de Barcelone en collaboration avec Marcelo H. del Pilar et Graciano Lopez Jaena (es), et propose des réformes démocratiques pour les Philippines. Il suggère notamment qu'elles soient considérées comme une province à part entière de l'Espagne et qu'elles soient représentées aux Cortes, le parlement espagnol. Il écrit plusieurs livres en espagnol, qui critiquent sévèrement le pouvoir religieux dans son pays (Noli me tangere et El Filibusterismo, voir plus loin). Il porte la langue espagnole au sommet de sa richesse, tout en l'augmentant du vocabulaire originaire des îles. Ses livres, interdits à leur parution, circulèrent d'abord clandestinement.
Rizal milite et participe à des sociétés secrètes et revient aux Philippines. Il y fonde la la Ligue philippine, une organisation visant à promouvoir sur l'archipel ses idées progressistes et réformistes[1]. Dans la nuit du , des conspirateurs se réunissent dans une maison à Manille pour créer la société secrète d'Andrès Bonifacio, la Katipunan (Ang Kataastaasan Kagalanggalangang Katipunan ng Anak ng Bayan – La Grande et très honorable fraternité des fils du peuple), aussi désignée sous l'acronyme K.K.K. dont le sigle sera représenté sur de nombreux drapeaux révolutionnaires. Sans avoir été consulté, José Rizal sera désigné de facto comme président d'honneur du mouvement dont il n'approuve pas l'option violente. Le rôle de la Katipunan était effectivement l'organisation de l'insurrection générale des Philippines.
Les autorités espagnoles arrêtent Rizal le et l'exilent dans l'île de Mindanao au sud du pays, à Dapitan. Pendant ses années d'exil, il fonde une école, enseigne les langues et les techniques agricoles. Il achète des terrains et cultive une immense plantation mettant en œuvre des techniques modernes. Il poursuit son activité de médecin et pratique de nombreuses opérations chirurgicales dans sa spécialité, l'ophtalmologie. En 1896, alors que la guerre civile se déclenche, Rizal se désolidarise des révolutionnaires dont il stigmatise l'insuffisance intellectuelle et les méthodes. Toujours surveillé par les autorités espagnoles, l'écrivain sent le danger se rapprocher à la suite des implications de son nom dans les projets du Katipunan. Il cherche dès lors à quitter le pays et s'engage pour servir en tant que médecin volontaire, à Cuba où sévit une épidémie de fièvre jaune. Il bénéficie du soutien des loges maçonniques et du gouverneur général des Philippines, Blanco, qui favorise son départ.
Cependant, tandis qu'il navigue vers l'Espagne, Rizal est arrêté à bord de son paquebot, emprisonné à Barcelone au fort Montjuich, et renvoyé à Manille, où il est détenu dans le fort Santiago. Le rôle du gouverneur Blanco dans cette arrestation n'est pas encore élucidé par les historiens. Mais c'est le général Despujols qui, comme gouverneur de Barcelone, présida aux « horreurs de Montjuich ».
Le , il est fusillé après un simulacre de procès. Il avait 35 ans. Devenant aussitôt un martyr, sa mort amplifie la résistance. Les États-Unis interviennent à la suite de l'appel d'Aguinaldo et après une courte guerre hispano-américaine, les Espagnols quittent les Philippines en 1898 après avoir vendu le pays au nouveau colonisateur. Passé sous la domination américaine, le pays n'acquit qu'une semi-autonomie en 1935 et son indépendance qu'en 1946.
Œuvre littéraire
Poète, dramaturge, romancier, José Rizal est l'auteur, dans sa jeunesse, d'une pièce de théâtre : El Consejo de los Dioses (le Conseil des Dieux).
Ses romans Noli me tángere (N'y touchez pas, 1887), publié à Berlin et El Filibusterismo (Obstructionisme ou Pillage, 1891), publié à Gand, tous deux écrits en castillan, ont joué un rôle vital pour l'unification du pays autour d'un idéal spirituel libérateur.
Noli me tangere a été traduit une première fois en français en 1899 sous le titre Au Pays des moines, mais d'une façon, selon les critiques modernes, qui lui a retiré sa valeur littéraire, parfois même qualifiée de trahison[2]. Une nouvelle traduction française, parrainée par l'UNESCO, sera éditée en 1980 à l'initiative d'Étiemble. Le roman suivant El Filibusterismo paraîtra en français pour la première fois en 1984 sous le titre Révolution aux Philippines dans la même collection.
Postérité et hommages
José Rizal est un héros national des Philippines. Un monument commémoratif se dresse près de la mer, à l'extrémité du parc Rizal à Manille. La statue, gardée jour et nuit par deux militaires, est en granit d'Uri. Elle a été taillée par le sculpteur suisse Richard Kissling, l'auteur de la célèbre statue de Guillaume Tell. On peut lire sur la plaque :
« Je veux montrer à ceux qui nous refusent le droit au patriotisme que quand nous savons nous sacrifier pour notre devoir et nos convictions, qu'importe la mort si on meurt pour ce qu'on aime — pour sa patrie et pour les êtres qui nous sont chers »
Dans le fort Santiago, à Manille, ou José Rizal fut emprisonné et exécuté, un musée lui est consacré. L'université des Philippines du Sud à Cebu possède un musée qui conserve des objets lui ayant appartenu. Son effigie figure sur des pièces, billets de banque et timbres-poste philippins. Le , anniversaire de son exécution est jour férié.
Ont été nommés en son honneur :
- Une province (Rizal) et plusieurs municipalités des Philippines
- Rizal Park, un parc du centre de Manille, lieu de son exécution
- De nombreuses rues et Ă©coles des Philippines
- La place José-Rizal à Paris
- Josie Rizal, une combattante philippine du jeu vidéo Tekken 7 a été nommé en son honneur[3]
Selon l'historien Philippin Reynold Fajardo[4], Rizal était un franc-maçon membre de diverses loges en Espagne, Allemagne, France et peut-être Angleterre.
Filmographie
À l'occasion du centenaire de la révolte des Philippines en 1998, un film a été réalisé sur la vie et l'œuvre de l'écrivain. José Rizal, réalisation Marilou Diaz-Abaya, scénario Ricardo Lee, Jun Lana et Peter Ong Lim. Avec, dans les rôles principaux : Cesar Montano, Joel Torre, Gloria Diaz.
Citations
- Il n'y a pas de tyrans lĂ oĂą il n'y a pas d'esclaves
- L’Espagne, pour être grande n’a pas besoin d’être tyran.
- Je me trouverai du côté des Philippins opprimés, parce qu'avant tout je préfère succomber pour les droits des bafoués de l’humanité que triompher pour les intérêts égoïstes d’une nation, même quand cette nation s’appelle l’Espagne.
- La haine ne crée que des monstres, le crime, des criminels… Pure et sans tache doit être la victime pour que l’holocauste soit acceptable.
- Les vérités latines sont des mensonges en tagal.
- Croire au hasard c’est croire au miracle ; c’est toujours supposer que Dieu ne connaît pas l’avenir.
- Qu’est ce que le hasard ? Un événement que personne n’avait prévu. Qu’est ce que le miracle ? Une contradiction, un renversement des lois naturelles. Imprévision et contradiction dans l’Intelligence qui dirige la machine du monde signifient deux grandes imperfections.
- La balle cède devant le mot, parce que le mot s'élève dans l’harmonie des forces en présence et fait surgir une énergie que les puissances matérielles ne peuvent contenir…
- Citation de sa dernière lettre au professeur Fernando Blumentritt – Mon cher frère, lorsque tu recevras cette lettre je serai mort. Demain à 7h, je dois être fusillé, mais je suis innocent du crime de rébellion…
Ĺ’uvres
- Noli me tangere, roman paru en 1887 Ă Berlin, Allemagne.
- El Filibusterismo, roman paru en 1891 Ă Gand, Belgique.
- Au Pays des moines (Noli Me Tangere) Roman tagal. Traduction et Annotations de Henri Lucas & Ramon Sempau. Paris. P.-V. Stock, Éditeur. 1899.
- José Rizal (Jovita Ventura Castro, préface d'Étiemble), Noli me tangere « N'y touchez pas ! », Gallimard, 1980.
- José Rizal (Jovita Ventura Castro, préface de Daniel-Henri Pageaux), El Filibusterismo « Révolution aux Philippines », Gallimard, 1984.
- (es) El Consejo de los Dioses (le Conseil des Dieux). Manille. 1915/1916. Théâtre. (texte sur le Projet Gutemberg)
Bibliographie
- Tristan Ranx, « José Rizal, le grand révolutionnaire des Philippines », revue Supérieur Inconnu, nouvelle série, no – .
- Hommage à José Rizal, Florilège, revue de création littéraire et artistique, no 123, édition de , Dijon.
- Georges Fischer, José Rizal, philippin 1861-1896, Paris, Éditions François Maspero, 1970.
- Hélène Goujat, Réforme ou révolution ? Le projet national de José Rizal (1861-1896) pour les Philippines, éditions Connaissances et Savoirs, 2010 (ISBN 978-2-7539-0122-3).
- Raul J. Bonoan, « The Jesuits, José Rizal, and the Philippine Revolution », dans Archivum Historicum Societatis Iesu, vol. 58, p. 269-97, 1999.
- Benedict Anderson, Les bannières de la révolte. Anarchisme, littérature et imaginaire anticolonial. La naissance d'une autre mondialisation (Under three flags : anarchism and the anti-colonial imagination, London, 2007), Paris, La Découverte, 2009.
- Christian Godin, Comment se propagent les insurrections nationales..., Marianne, , [lire en ligne].
Références
- (en) Willem Wolters, « La Liga Filipina », dans Southeast Asia: A Historical Encyclopedia, from Angkor Wat to East Timor, ABC-CLIO, (ISBN 9781576077702, lire en ligne), p. 755.
- Étiemble et Jovita Ventura Castro, dans les préface et avant-propos de : José Rizal (Jovita Ventura Castro), Noli me tangere « N'y touchez pas ! », Gallimard, 1980.
- (en-US) Brian Ashcraft, « Why a Tekken 7 Character Is Being Called a Phoney », sur Kotaku (consulté le )
- Dans son livre : « Dimasalang: The Masonic Life of Dr. Jose Rizal », voir ce site et celui-ci.
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- (en) British Museum
- (en) MutualArt
- Ressource relative Ă la musique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Site philippin en anglais sur José Rizal
- (en) Le site du professeur Ferdinand Blumentritt, l'ami intime de José Rizal