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Jean d'Antioche (chroniqueur)

Jean d’Antioche fut probablement un moine du VIIe siĂšcle originaire d’Antioche, ayant vĂ©cu Ă  Constantinople sous le rĂšgne de l’empereur Phocas. Sous son nom nous sont parvenus des fragments d’une chronique universelle en langue grecque reprenant dans sa presque totalitĂ© celle rĂ©digĂ©e plus de quatre-vingts ans auparavant par Eustathe d’Épiphanie.

Jean d'Antioche
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Biographie
Naissance
Date inconnue
Antakya
DĂ©cĂšs
Date inconnue
Nom dans la langue maternelle
Î™Ï‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ της ΑΜτÎčόχΔÎčας
Activités
Période d'activité
VIe siĂšcle ou VIIe siĂšcle

Biographie

Si l’existence d’un chroniqueur nommĂ© Jean d’Antioche est bien attestĂ©e[1], son identitĂ© a fait l’objet de controverses qui se prolongent jusqu’à aujourd’hui.

Il est possible que sous ce nom se cachent deux auteurs diffĂ©rents, le premier ayant vĂ©cu au VIIe siĂšcle, qui aurait rĂ©digĂ© une chronique universelle d’Adam jusqu’à l’exĂ©cution de Phocas en 610 et que l’on pourrait identifier avec le patriarche jacobite Jean II d’Antioche[2], alors que le deuxiĂšme aurait Ă©tĂ© un auteur du Xe siĂšcle[3].

Selon Warren Treadgold[4] il s’agirait plutĂŽt d’une seule personne : un moine nĂ© Ă  Antioche, qui aurait quittĂ© cette ville, peut-ĂȘtre lorsqu’elle fut menacĂ©e par les Perses en 608, pour s’établir Ă  Constantinople pendant le rĂšgne de Phocas dont il semble avoir Ă©tĂ© le tĂ©moin oculaire. On ne doit pas le confondre avec Jean Malalas, Ă©galement appelĂ© « Jean d’Antioche » ou « Jean le RhĂ©teur », qui a aussi Ă©crit une Histoire universelle se terminant Ă  la mort de Justinien en 565[5]. On s’est longuement interrogĂ© pour savoir si Jean Malalas avait copiĂ© Jean d’Antioche ou si c’était Jean d’Antioche qui avait copiĂ© Malalas. Les plus rĂ©centes Ă©ditions de l’Ɠuvre de Jean d’Antioche en 2005 et 2008[N 1] ont ravivĂ© le dĂ©bat. Pour le professeur Treadgold, la vĂ©ritĂ© serait plutĂŽt que et Jean d’Antioche et Jean Malalas ont copiĂ© une troisiĂšme source, l’ÉpitomĂ© chronographique d’Eustathe d’Épiphanie, aujourd’hui disparue[6].

Selon une derniĂšre hypothĂšse, Jean d’Antioche n’aurait pas vraiment Ă©tĂ© un Ă©crivain, mais un simple copiste, ce qui expliquerait les diffĂ©rences de style notables que l’on retrouve entre les diffĂ©rents fragments qui nous sont parvenus[7]. Cette hypothĂšse rejoint celle de Treadgold jusqu’à un certain point puisque ce dernier affirme que Jean d’Antioche a simplement recopiĂ© (i.e. plagiĂ©) Eustathe d’Épiphanie.

ƒuvre

Extraits « salmasiens » et « constantiniens »

La Chronique universelle (en grec ancien : ÎŠÏƒÏ„ÎżÏÎŻÎ± Ï‡ÏÎżÎœÎčÎșÎź) nous est parvenue sous forme de fragments conservĂ©s dans deux sources diffĂ©rentes. Les premiers sont conservĂ©s dans le Codex Parisinus, appelĂ© aussi Salmasius, du nom de Claude Saumaise (1588-1653), humaniste et philologue français. Les seconds font partie d’extraits (« Excerpta ») de deux anthologies thĂ©matiques dues Ă  l’empereur byzantin Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte et intitulĂ©es Sur les vertus et les vices et Sur les complots. Les spĂ©cialistes parlent ainsi d’extraits « salmasiens » et « constantiniens ». Une difficultĂ© est que les extraits des deux sources concernant la derniĂšre pĂ©riode de l’Ɠuvre (de Justin Ier Ă  610) diffĂšrent considĂ©rablement les uns des autres : les extraits « constantiniens » rĂ©pondent davantage aux normes de l’historiographie grecque antique, les extraits « salmasiens » ont un caractĂšre plus byzantin et chrĂ©tien.

Comme mentionnĂ© plus haut, certains ont suggĂ©rĂ© qu’il y aurait eu deux auteurs, d’autres un seul auteur mais deux versions : la collection salmasienne serait le texte original et la collection constantinienne un texte remaniĂ© au Xe siĂšcle sous l’influence du mouvement humaniste de l’époque[3]. Le professeur Treadgold pour sa part soutient que Jean d’Antioche aurait reproduit le texte d’Eustathe d’Épiphanie de façon pratiquement verbatim jusqu’à la fin du texte de celui-ci, au milieu du rĂšgne d’Anastase. Par la suite, Jean, qui avait assez d’éducation pour Ă©crire en grec convenable, mais pas suffisamment pour reproduire le grec atticisant d’Eustathe, aurait rĂ©digĂ© lui-mĂȘme une continuation jusqu’au rĂšgne de Phocas, utilisant un niveau de langue qui lui Ă©tait plus familier[6].

Composition

Cette Ɠuvre monumentale, Ă  la fois chrĂ©tienne et profane, comprend deux tomes. Le premier allant d’Adam et de la CrĂ©ation jusqu’à la guerre de Troie expose en parallĂšle l’histoire juive et l’histoire des autres peuples ; elle comprend cinq livres sous le titre « Histoire ancienne ». Le deuxiĂšme commence avec ÉnĂ©e pour s’interrompre brutalement aprĂšs la chute d’Amida aux mains des Perses. Il contient Ă  lui seul neuf livres, les livres I Ă  V portant le titre global de « Les consuls », alors que les quatre autres sont intitulĂ©s « Les empereurs ».

Si l’on accepte que l’Histoire chronologique de Jean d’Antioche reprenait presque textuellement l’ÉpitomĂ© chronologique d’Eustathe, l’Ɠuvre devait se diviser ainsi :

  • Tome I, « Histoire Ancienne Â»
    • Une introduction oĂč Jean affirme ĂȘtre l’auteur de l’Ɠuvre : « De l’Ɠuvre de Jean d’Antioche remontant au temps de la CrĂ©ation du monde et composĂ©e Ă  partir des textes de MoĂŻse, d’Africanus, d’EusĂšbe de Pamphilie, de Pausanias, de Didyme et d’autres[8].
    • Livre I : (histoire juive) d’Adam Ă  Nemrod, le fondateur de Babylone ; (histoire des Gentils) du roi Cronos d’Assyrie au roi ƒdipe de ThĂšbes ;
    • Livre II : (histoire juive) de Seroug Ă  JosuĂ© ; (histoire des Gentils) de PromĂ©thĂ©e (invention de l’écriture) Ă  Ilos, fondateur de Troie ;
    • Livre III : (histoire juive) les juges jusqu’à SaĂŒl, premier roi ; (histoire des Gentils) du roi Lacon de Laconie aux premiers Jeux olympiques ;
    • Livre IV : la guerre de Troie et le retour des guerriers grecs ;
    • Livre V : (histoire juive) du roi David Ă  la captivitĂ© Ă  Babylone ; (histoire des Gentils) de CranaĂŒs, premier roi de MacĂ©doine Ă  Philippe II.
  • Tome II
    • Ire partie : « Les Consuls »
      • Livre I : (histoire romaine) d’ÉnĂ©e aux deux premiers consuls, Brutus et Collatinus (509 av. J.-C.) ; (histoire grecque) le rĂšgne d’Alexandre le Grand (336-323 av. J.-C.) ;
      • Livre II : (histoire romaine) des deux premiers consuls Ă  la nomination de Scipion l’Africain Ă  titre de consul ; (histoire grecque) des successeurs d’Alexandre Ă  la mort de Pyrrhus d’Épire, le grand ennemi de Rome ;
      • Livre III : (histoire romaine) de 210 av. J.-C. Ă  la capture de Jugurtha par Sylla (106 av. J.-C.) ; (histoire grecque) de la mort de Pyrrhus Ă  celle d’Attale, alliĂ© de Rome, Ă  Pergame (138 av. J.-C.) ;
      • Livre IV : (histoire romaine) de 106 av. J.-C. Ă  la mort de Sylla (78 av. J.-C.) ; (histoire grecque) de 138 av. J.-C. Ă  la restauration de PtolĂ©mĂ©e XII en Égypte (55 av. J.-C.) ;
      • Livre V : (histoire romaine) la fin de la RĂ©publique et l’avĂšnement d’Auguste en 43 av. J.-C. ; (histoire grecque) l’annexion de l’Égypte par Rome (30 av. J.-C.).
    • IIe partie : « Les Empereurs »
      • Livre I : les empereurs jusqu’à NĂ©ron, dernier descendant de la maison d’ÉnĂ©e ;
      • Livre II : les empereurs jusqu’à SĂ©vĂšre et ses Ă©difices Ă  Byzance ;
      • Livre III : les empereurs jusqu’à Constantin ;
      • Livre IV : de Constantin au rĂšgne d’Anastase jusqu’à la chute d’Amida en 503, annĂ©e oĂč le texte se termine brusquement.
  • Texte original de Jean d’Antioche : de l’avĂšnement de Justin au rĂšgne de Phocas (518-610)[9].

Selon Treadgold, il est vraisemblable que Jean d’Antioche copia le texte d’Eustathe alors qu’il Ă©tait encore Ă  Antioche, puis l’apporta avec lui Ă  Constantinople durant le rĂšgne de Phocas pour le continuer jusqu’en 610, annĂ©e de la mort de l’empereur. En prĂ©sentant sous son propre nom une Ɠuvre Ă©crite quelque quatre-vingt-cinq ans auparavant, peut-ĂȘtre espĂ©rait-il en tirer une certaine gloire rĂ©compensĂ©e par une nomination ecclĂ©siastique. Ceci ne fut probablement pas le cas, car l’un des fragments le qualifie seulement de « moine »[10].

La Chronique servit par la suite de source Ă  l’ÉpitomĂ© de Zonaras[11].

Notes et références

Notes

  1. Voir bibliographie.

Références

  1. Jean TzétzÚs, Epistulae, 6, et Historiae, 6.556.
  2. Gelzer 1898, p. 41.
  3. Kazhdan 1991, vol. II, « John of Antioch », p. 1062.
  4. Treadgold 2010, p. 311-329.
  5. Voir le chapitre sur Malalas dans Treadgold 2010, p. 235-256.
  6. Treadgold 2010, p. 316-317.
  7. Whitby 1990, p. 255 et sq.
  8. Fragment 1, Ă©dition Roberto 2005.
  9. Résumé de Treadgold 2010, p. 321-326.
  10. Treadgold 2010, p. 329.
  11. DiMaio 1980, p. 158-185.

Bibliographie

Sources primaires

  • (la) Carl MĂŒller, Fragmenta Historicorum Graecorum, vol. 4-5, 1851-1870 (premiĂšre Ă©dition).
  • (la) Sergei Mariev (dir.) (trad. du grec ancien), Ioannis Antiocheni fragmenta quae supersunt, vol. 47, Berlin et New York, Walter de Gruyter, coll. « Corpus fontium historiae Byzantinae », , 599 p. (ISBN 978-3-11-020402-5).
Nouvelle Ă©dition avec traduction en anglais. Recension : (en) Mark Whittow, « Review », Bryn Mawr Classical Review,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • (la) Umberto Roberto (dir.), Ioannis Antiocheni Fragmenta ex Historia Chronica. Introduzione, edizione critica e traduzione, Berlin, .
Nouvelle Ă©dition avec traduction en italien. Recension : (de) Bruno Bleckmann, « Rezension », Göttinger Forum fĂŒr Altertumswissenschaft, vol. 9,‎ , p. 1071-1075 (lire en ligne, consultĂ© le ).

Sources secondaires

  • (en) Michael DiMaio, « The Antiochene Connection: Zonaras, Ammianus Marcellinus, and John of Antioch on the Reigns of the Emperors Constantius II and Julian », Byzantion, vol. 50,‎ , p. 158-185.
  • (de) Heinrich Gelzer, Sextus Julius Africanus und die byzantinische Chronographie, Leipzig, (rĂ©impr. Book on Demand) (ISBN 978-5-87599-266-7).
  • (en) Elizabeth Jeffrey, « The Attitude of Byzantine Chroniclers toward Ancien History », Byzantion, vol. 49,‎ , p. 199-238.
  • (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
  • (de) Karl Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Literatur von Justinian bis zum Ende des oströmischen Reiches (527-1453), Munich, Beck, (le premier ouvrage vraiment complet consacrĂ© Ă  la littĂ©rature byzantine).
  • (de) Panagiotis Sotiroudis, Untersuchungen zum Geschichtswerk des Johannes von Antiocheia, Thessalonique, .
  • (en) Warren Treadgold, The Early Byzantine Historians, Londres, Palgrave MacMillan, (1re Ă©d. 2007), 432 p. (ISBN 978-0-230-24367-5).
  • (en) Peter Van Nuffelen, « John of Antioch, Inflated and Deflated. Or: How (Not) to Collect Fragments of Early Byzantine Historians! », Byzantion, vol. 82,‎ , p. 437-450.
  • (en) F. R. Walton, « A Neglected Historical Text », Historia, vol. 14,‎ , p. 236-251.
  • (en) Michael Whitby, « John of Antioch », Classical Review, vol. 40,‎ , p. 255-256.

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