Accueil🇫🇷Chercher

Itinéraires (revue)

Itinéraires, « Chroniques et documents » était une revue catholique traditionaliste française fondée en mars 1956, et dont Jean Madiran fut le directeur jusqu'à la disparition de celle-ci en 1996. Revue mensuelle, elle devient trimestrielle à partir de 1988.

Historique

Fondation

La revue est nĂ©e Ă  la suite de la parution en 1954-55 de deux pamphlets de Madiran, Ils ne savent pas ce qu’ils font, et Ils ne savent pas ce qu’ils disent, aux N.E.L. Ce sont deux charges contre les milieux catholiques progressistes, contre leurs revues (La Vie catholique illustrĂ©e, TĂ©moignage chrĂ©tien, Esprit (revue), etc.) et leurs animateurs (Georges Hourdin, les R.P. Boisselot et Gabel, rĂ©dacteur en chef de La Croix, etc.). Madiran leur reproche d’ignorer la dimension corporatiste de la doctrine sociale de l’Eglise – leurs revues laissent leurs lecteurs catholiques « ignorer jusqu’au nom, jusqu’à la dĂ©nomination de l’ordre social que recommande l’Eglise » Ă©crit-il - et il dĂ©nonce leur philocommunisme. La dĂ©claration liminaire publiĂ©e dans le premier numĂ©ro en 1956 affirme la fidĂ©litĂ© au pape et Ă  l'Eglise ainsi qu'un solide anticommunisme: « Le Christ est la Voie, la VĂ©ritĂ©, la Vie. Nous sommes d’accord pour reconnaĂ®tre que la fidĂ©litĂ© dans la doctrine et l’unitĂ© de la discipline ne peuvent ĂŞtre maintenues que sous l’autoritĂ© du pape et des Ă©vĂŞques en union avec le pape. Nous sommes d’accord sur l’identification du plus grand pĂ©ril temporel de notre Ă©poque : l’appareil publicitaire, idĂ©ologique, politique, militaire et policier du communisme soviĂ©tique. Nous sommes d’accord sur la première urgence temporelle, (…) le combat politique contre l’organisation communiste internationale et ses dĂ©pendances Â».

Contributeurs

Madiran obtint l’accord de relations et d’amis lors de la fondation de la revue : Louis Salleron, Marcel ClĂ©ment[1], Henri Charlier et l’homme de lettres Henri Pourrat promirent une collaboration rĂ©gulière sans attendre d’avoir lu le premier numĂ©ro, tandis que l’amiral Gabriel Auphan, Henri Massis[2], Marcel de Corte et Jean de Fabrègues « n’avaient consenti que le principe d’une collaboration occasionnelle Â»[3]. Henri Rambaud participe Ă©galement rĂ©gulièrement Ă  la revue par sa chronique des temps difficiles. Un numĂ©ro spĂ©cial sera Ă©ditĂ© Ă  l'occasion de sa disparition en 1974. Salleron et l’amiral Auphan figurent parmi les membres et les fondateurs de l’association des « Compagnons d’ItinĂ©raires », fondĂ©e en 1962 afin d’assurer le soutien financier de la revue.

Parmi les personnes ayant écrit dans Itinéraires, on compte quelques membres du clergé (l'abbé Victor-Alain Berto, l'abbé Dulac, le dominicain Roger-Thomas Calmel, dom Edouard Guillou). Et aussi des collaborateurs du quotidien Présent (François Brigneau, Hugues Kéraly et Bernard Antony, cofondateurs du journal avec Madiran, Georges-Paul Wagner, Francis Bergeron, Yves Daoudal, Alain Sanders, Christian Langlois, Jacques Ploncard d'Assac), Alexis Curvers, André Charlier, Gustave Thibon, Hyacinthe Dubreuil, Luc Baresta[4], Jacques Perret, Jean Dumont, Judith Cabaud, le romancier Michel de Saint Pierre, ou encore Thomas Molnar, François Natter[5], Georges Laffly, Jean-Baptiste Morvan, Jean Crété, Luce Quenette, Louis Jugnet, François Saint-Pierre[6], etc. La revue publia aussi des articles de traditionalistes étrangers, tels que le brésilien Gustavo Corção ou Charles De Koninck. Parmi les autres contributeurs, on note également des hommes issus de la gauche, devenus anticommunistes et catholiques (Henri Barbé, Georges Dumoulin, Georges Sauge[7], Achille Dauphin-Meunier). Elle organise une réunion en avec ses collaborateurs traditionalistes et d'anciens meneurs de l'Algérie française (le général Raoul Salan, le colonel Antoine Argoud)[8].

Prises de position

La revue critique les catholiques progressistes, tel le père jésuite Michel Bigo, directeur de la Revue de l’action populaire et de l’Institut d’études sociales[9]. Au lendemain du IIe concile œcuménique du Vatican (Vatican II), l'épiscopat français mit en garde en 1966 les catholiques contre Itinéraires et d'autres périodiques partageant la même sensibilité, ce qui équivaut à une condamnation. Le communiqué publié le par le conseil permanent de l'épiscopat mettait en garde contre « une minorité [qui], avec une audace qui s'affirme, conteste, au nom d'une fidélité au passé, les principes du renouveau entrepris par le concile[10]. C'est que la revue dénonce les réformes post-conciliaires[11]. Elle s'engage successivement dans la bataille du catéchisme, dans celle de la messe traditionnelle[12], enfin dans le soutien à Mgr Marcel Lefebvre, du moins jusqu'à la rupture entre cet évêque et Rome.

Cette revue de réflexion n'a pas seulement abordé des thématiques religieuses; elle a aussi évoqué des questions politiques (le nationalisme[13], le socialisme, le communisme, la guerre d'Algérie[14]), sociales (le corporatisme[15], l'éducation[16]), internationales (le Chili dans les années 1970), historiques, etc.

L'intégralité des numéros de la revue est publiée sur CD-ROM[17].

Collection « ItinĂ©raires Â»

Madiran dirige la collection « ItinĂ©raires Â» publiĂ©e par les Nouvelles Éditions latines. Elle publie des textes de Madiran, des principaux collaborateurs de la revue, et d'autres auteurs comme AmĂ©dĂ©e d'AndignĂ©[18] ou Claude-Joseph Gignoux[19].

Sources et bibliographie

  • Jean Madiran, Éditoriaux et chroniques, tome I : De la fondation d'ItinĂ©raires Ă  sa condamnation par l’épiscopat (1956-1966), Éditions Dominique Martin Morin, 320 p., .
  • Jean Madiran, L'hĂ©rĂ©sie du XXe siècle, NEL, 1968, collection "ItinĂ©raires"
  • Jean Madiran, RĂ©clamation au Saint-Père, NEL, 1974, collection "ItinĂ©raires"
  • "La Tradition en France avant la FraternitĂ© Saint-Pie X" sur le site revue-item.com, 2014
  • Mgr Annibale Bugnini, La rĂ©forme de la liturgie ( 1948-1975 ), DesclĂ©e de Brouwer, 2015
  • Denis Pelletier, La crise catholique: religion, sociĂ©tĂ©, politique en France ( 1965-1978 ), Payot, 2002

Notes et références

  1. Sur les relations entre Madiran et Marcel ClĂ©ment, cf. le tĂ©moignage de Madiran dans PrĂ©sent, 16 avril 2005 (en ligne) : il signale la « forte personnalitĂ©, assez tranchante Â» de ClĂ©ment, son Ă©loignement progressif d’avec la revue Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1960, et « quelque agacement rĂ©ciproque Â» entre Salleron et ClĂ©ment.
  2. Le n° 49 de janvier 1961 est consacrĂ© Ă  cĂ©lĂ©brer les louanges de ce vĂ©tĂ©ran du maurrassisme, qui venait d’être Ă©lu Ă  l’AcadĂ©mie française. Parmi les contributeurs de ce numĂ©ro : Jean de Fabrègues, le gĂ©nĂ©ral Maxime Weygand, Salleron, Jean Ousset, ClĂ©ment, le marĂ©chal Juin, Henri Rambaud, Henry Bordeaux, etc.
  3. Fabrègues avait promis un article mais s’est ravisĂ©, protestant contre une critique de Xavier Vallat adressĂ©e Ă  son ami Rollet, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration nationale catholique. Ce qui amena Salleron Ă  adresser Ă  la revue la lettre suivante : « Fabrègues est un vieil ami Ă  moi. Nous sommes Ă  moitiĂ© brouillĂ©s la moitiĂ© du temps. Mais je l’aime bien tout de mĂŞme et c’est pourquoi je veux le dĂ©fendre contre lui-mĂŞme. Â» Et de moquer sa modĂ©ration, les « choix qu’il hĂ©site Ă  faire, les dĂ©cisions qu’il hĂ©site Ă  prendre Â». (ItinĂ©raires, juin 1956).
  4. De La France catholique.
  5. Sous son nom de plume, Étienne Malnoux
  6. ItinĂ©raires, n° 63, mai 1962 (« La co-gestion immobilière Â»), n° 65, juillet-aoĂ»t 1962 (« La communautĂ© des acquĂŞts Â»), n° 74, juin 1963 (« DĂ©ifier ou diviniser l'amour Â»), n° 86, septembre-octobre 1964 (« Grossir Paris ou amĂ©nager le territoire Â»). Son livre La co-gestion de l'Ă©conomie est publiĂ© dans la collection « itinĂ©raires Â» aux NEL en 1963. François Saint-Pierre, maurrassien, est le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral d’Aide au logement (1951-1983). Son action en faveur du logement et de l'accession Ă  la propriĂ©tĂ© pour les «mal logĂ©s Â» est imprĂ©gnĂ©e de la doctrine sociale de l'Eglise (responsabilitĂ© et action privĂ©e des possĂ©dants en faveur des plus pauvres, pour le bien commun) et hostile Ă  la fois au libĂ©ralisme et Ă  l'Ă©tatisme. Cf. son article dans L'Action française 2000, n° 2717, « Une formule libĂ©ratrice », p. 8. On va aussi le trouver comme confĂ©rencier aux congrès de l'Office – l'avatar de la CitĂ© catholique de Jean Ousset - en Suisse, en 1964 et 1969.
  7. Avec notamment un article sur « tactique et stratégie communiste » dans le n° 22
  8. Ed. Itinéraires, 15 mars 1975, plaquette commémorative de la première réunion organisée par la revue. Avec Madiran, Henri Charlier, Salleron, Marcel de Corte, Jacques Perret, Hugues Kéraly, le Père de Chivré, le Père Calmel, Alexis Curvers, l'amiral Auphan.
  9. ItinĂ©raires, dĂ©cembre 1956, Louis Salleron, « Lettre Ă  Jean Madiran sur le P. Bigo Â». Bigo, nĂ© en 1906, est docteur en droit ; il a soutenu une thèse sur le marxisme (Marxisme et humanisme. Introduction Ă  l’œuvre Ă©conomique de Karl Marx, PUF, 1953). Il est alors supĂ©rieur-directeur de l’Action populaire, de 1952 Ă  1958. Sur Bigo, cf. Etienne Fouilloux, « L’Action populaire au temps de la reconstruction 1946-1958 Â», dans ChrĂ©tiens et sociĂ©tĂ©s XVIe – XXIe siècles, 11/2004 (en ligne), qui montre que Bigo « subit les assauts du courant intĂ©griste Â» (attaques de Salleron, Madiran, l’abbĂ© Georges de Nantes).
  10. Autres revues: le magazine Le monde et la vie d'André Giovanni, Défense du foyer de Pierre Lemaire, L'Homme nouveau de Marcel Clément: Le Nouvelliste du Rhône, 13 juillet 1966, "Y a-t-il crise au sein de la communauté catholique de France ?", Le Nouvel observateur, 6 juillet 1966, "Le complot des mille. Aujourd'hui les évêques de France frappent à droite"", Le Monde, 28 juin 1966, 29 juin 1966, 5 août 1966
  11. Par exemple cet article de Louis Salleron en fĂ©vrier 1964 : « Pour la seconde fois le monde va-t-il se rĂ©vĂ©ler arien Â», Ă  propos de ce qu’il estime ĂŞtre « le scandale de la traduction du « consubstantialem patri Â» dans le Credo (religion), du fait de « l’invasion vernaculaire Â» et du dĂ©clin du latin : « de mĂŞme nature que le père Â» au lieu de « consubstantiel au père Â», ce qui « laisse ouverte la porte Ă  l’hĂ©rĂ©sie Â» et ce qui est « tellement significatif de l’abdication catholique devant les exigences de la modernitĂ© Â», selon l’expression de Madiran.
  12. Louis Salleron publie un article dénonçant la « subversion de la liturgie » dans le n° 117, en novembre 1967.
  13. A partir d'un article de Marcel Clément sur "Pie XII et le nationalisme" dans le n° 3 d'Itinéraires, Itinéraires, n° 5, p. 60-62: cf. M. Clément, Enquête sur la nationalisme, NEL, 1957
  14. ItinĂ©raires, mai 1957: Madiran dĂ©nonce « l’imposture Â» de la campagne contre l’armĂ©e et contre l’emploi de la torture : Ă©voquer des « reprĂ©sailles parfois excessives en taisant les constantes atrocitĂ©s qui les ont provoquĂ©es Â» est un « mensonge  en lui-mĂŞme immoral Â» et il l’est « plus encore quand il est fabriquĂ© et propagĂ©, contre leur patrie, par des catholiques français Â».
  15. Dans la deuxième moitiĂ© des annĂ©es 1950, la revue se livre Ă  une « enquĂŞte sur la corporation Â», Ă  l’initiative de Marcel ClĂ©ment, interrogeant nombre d’intellectuels de droite sur le corporatisme. C’est que Madiran s’indigne de ce que le corporatisme est passĂ© sous silence par les catholiques progressistes, alors qu’il fait partie de l’enseignement pontifical. Cf. l’étude d’Olivier Dard sur cette enquĂŞte dans Olivier Dard, « La peau de chagrin du corporatisme dans les droites nationalistes françaises des annĂ©es 1950-1980 Â», in Olivier Dard (dir.), Le corporatisme dans l'aire francophone au XXe siècle. Le siècle du corporatisme, Berne, Peter Lang, 2011, p. 70-81.
  16. Par exemple les articles d'Etienne Malnoux à la fin des années 1960 sur les réformes universitaires.
  17. Les détails pour se procurer le CD-ROM
  18. Un apĂ´tre de la charitĂ© : Armand de Melun, 1961. Le comte d’AndignĂ© (1900-1993), camĂ©rier secret de Pie XII, docteur en droit, a jouĂ© un rĂ´le majeur dans l’essor de la CitĂ© catholique de Jean Ousset ; il sera prĂ©sident des Amis de la CitĂ© catholique, puis dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral de l’Office international des Ĺ’uvres de formation civique et d’action naturelle selon le droit naturel et chrĂ©tien. Cf. Permanences, no 302, 1er juin 1993, « In memoriam Â».
  19. Joseph de Maistre, prophète du passé, historien de l'avenir, 1963
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.