Intérim (droit constitutionnel)
En droit constitutionnel, l'intérim est une disposition généralement prévue par la constitution pour organiser les cas de vacance, d'empêchement ou d'absence temporaire d'un dirigeant (notamment un chef d'État), dans l'attente de son retour ou de la désignation d'un nouveau titulaire. À ce titre, l'intérim peut être considéré comme l'équivalent républicain de la régence.
L'intérim du président de la République
France
L'intérim du président de la République est prévu à l'alinéa 4 de l'article 7 de la Constitution de la Cinquième République. Si le terme « intérim » n'y figure pas, ses causes sont cependant indiquées. Ainsi, en cas d'empêchement ou de vacance, les fonctions du président sont exercées provisoirement par le président du Sénat. Selon le fait générateur et l'évolution de la situation (le cas échéant), l'intérim du président prend fin, soit lorsque l'ancien président reprend ses fonctions, soit lorsque le nouveau président élu entre en fonction. En cas d'empêchement du président du Sénat, c'est le gouvernement qui exerce collégialement l'intérim présidentiel.
Sous la Cinquième République, il y a eu deux intérims :
- 1969 : Alain Poher, à la suite de la démission du président de Gaulle ;
- 1974 : Alain Poher de nouveau, à la suite du décès de Georges Pompidou.
Italie
La Constitution de la République italienne prévoit que le président du Sénat de la République remplace, à titre intérimaire, le chef de l'État en exercice si les fonctions de celui-ci prenaient fin pour divers motifs (décès, démission, destitution…). Ce cas s'est fréquemment présenté depuis 1948.
- 1964 : Cesare Merzagora, à la suite de l'accident vasculaire cérébral puis de la démission d'Antonio Segni ;
- 1978 : Amintore Fanfani, à la suite de la démission de Giovanni Leone ;
- 1985 : Francesco Cossiga, à la suite de la démission de Sandro Pertini ;
- 1992 : Giovanni Spadolini, à la suite de la démission de Francesco Cossiga ;
- 1999 : Nicola Mancino, à la suite de la démission d'Oscar Luigi Scalfaro ;
- 2015 : Pietro Grasso, à la suite de la démission de Giorgio Napolitano.
Mexique
- 1829 : JosĂ© MarĂa Bocanegra, Ă la suite de la dĂ©mission de Vicente Guerrero.
- 1832 : Melchor MĂşzquiz
- 1835 : Miguel Barragán
- 1836 : José Justo Corro
- 1837 : José Justo Corro
- 1839 : Antonio LĂłpez de Santa Anna
- 1839 : Nicolás Bravo
Tchétchénie
- 2007 : Ramzan Kadyrov, à la suite de la démission de Alou Alkhanov
Togo
- 2005 : Faure Gnassingbé, à la suite du décès de Gnassingbé Eyadéma, son père.
Tunisie
- 2011 : Fouad Mebazaa, Ă la suite de la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali, dans le cadre de la RĂ©volution tunisienne de 2010-2011 ;
- 2019 : Mohamed Ennaceur, Ă la suite de la mort de BĂ©ji CaĂŻd Essebsi.
L'intérim du Premier ministre ou d'un ministre
France
En cas d'empêchement du Premier ministre ou d'un ministre, le Président de la République désigne un intérimaire pour agir à la place de l'autorité empêchée. En pratique, le dispositif a surtout pour fonction de régler la délégation de signatures lors de l'empêchement provisoire du titulaire. En cas d'empêchement définitif, le président de la République nommerait immédiatement un remplaçant s'il s'agit d'un ministre, et un nouveau Gouvernement, s'il s'agit du Premier ministre.
DĂ©signation
Le décret présidentiel qui institue l'intérim est contresigné par le Premier ministre, si ce dernier ne se trouve pas d'ores et déjà empêché. En général, il s'agira de désigner par ordre protocolaire le numéro deux du Gouvernement pour remplacer le Premier ministre. Pour le remplacement d'un ministre et si l'empêchement était prévisible, le titulaire peut suggérer l'un de ses collègues au Premier ministre qui lui-même présentera un nom au président de la République qui en décide seul. Dans cette hypothèse, l'opportunité de l'intérim est toutefois préalablement examinée par le Secrétariat général du gouvernement auquel le ministre prévoyant d'être empêché (par exemple cas d'un déplacement à l'étranger) doit faire parvenir :
- une note permettant d'apprécier l'opportunité du recours à la procédure de l'intérim (exemple : date, lieu et durée du déplacement, existence de dossiers urgents relevant du département ministériel) ;
- une note dressant, dans l'ordre protocolaire, la liste des membres du gouvernement qui, le cas échéant, seraient en mesure d'assurer l'intérim.
Effet de la désignation
La question s'est posée de savoir si le Premier ministre intérimaire était compétent dès sa désignation avant même la parution du décret présidentiel au journal officiel. Le Conseil constitutionnel a répondu par l'affirmative dans sa décision no 89-264 du s'agissant de la validité de la loi de programmation relative à l'équipement militaire pour les années 1990-1993 qui était soumise à son appréciation :
- « Considérant qu'en conférant, par décret en date du , à M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la charge d'assurer l'intérim de M Michel Rocard, Premier ministre, pendant l'absence de ce dernier, le Président de la République a, ainsi que l'y habilite l'article 5 de la Constitution, pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'action gouvernementale ; que, sur le même fondement et pour des motifs analogues, le décret individuel chargeant un ministre de l'intérim du Premier ministre produit effet immédiatement sans attendre sa publication au Journal officiel ; que M Jospin possédait l'intégralité des pouvoirs attachés à la fonction qui lui était confiée à titre intérimaire ; qu'il avait, par suite, compétence pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution ; »
Pratique de l'intérim du Premier ministre ou d'un ministre
- Intérim d'un ministre par le Premier ministre :
Même si sous la Cinquième République l'habitude s'est prise d'avoir un chef de gouvernement sans portefeuille (sauf Raymond Barre qui fut simultanément ministre de l’Économie et des Finances, du à ), rien n'empêche le Premier ministre d'assurer lui-même l'intérim d'un ministre[1] : cas de Michel Debré assurant l'intérim du ministre de l'Éducation nationale du au , après la démission d'André Boulloche en désaccord ; de Pierre Bérégovoy assurant l'intérim du ministre de la défense du 9 au , après la nomination de Pierre Joxe à la tête de la Cour des Comptes ; de François Fillon assurant l'intérim du ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement entre le et le , après la démission de Nathalie Kosciusko-Morizet pour se préparer en vue de la campagne présidentielle ; d'Édouard Philippe, assurant l'intérim du ministre de l'Intérieur, entre le 3 et le , après la démission de Gérard Collomb pour préparer les municipales à Lyon[2] - [3], ou d'Élisabeth Borne assurant l'intérim de Yaël Braun-Pivet comme ministre de l'Outre-mer après l'élection de celle-ci à la tête de l'Assemblée nationale. En pratique la durée varie de 9 jours (Borne) à deux mois et demi (Fillon).
À noter qu'il était fréquent jusque dans les années 1980 que le Premier ministre assure un bref intérim (glissement pratique de la suppléance vers l'intérim) d'un de ses ministres en déplacement. Ce fut le cas plusieurs dizaines de fois sous les primatures de Michel Debré, Georges Pompidou, Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Messmer, Pierre Mauroy et Jacques Chirac (notamment d'Édouard Balladur, ministre de l'économie et des finances en )[4].
Seul l'intérim du ministre de l'intérieur par Édouard Philippe en fit polémique par sa durée (13j), certains trouvant qu'un ministère régalien chargé de la sécurité exige un remplaçant immédiat[5] - [6] - [7], bien qu'il n'y eut pourtant aucune vacance[8]. À cet égard, l'intérim du ministre de l'intérieur par le chef de gouvernement, autre que ponctuelle comme évoqué ci-dessus, est une première sous la Ve République mais était courant auparavant (par exemple, les présidents du Conseil Armand Fallières, entre janvier et , Jules Dufaure, entre février et , Emile Loubet entre 1892 et 1893, jusqu'à Georges Clemenceau d' à , etc.)
- Intérim du Premier ministre par un ministre :
Le , Jack Lang, ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale et de la Culture, chargé de l'intérim du Premier ministre Pierre Bérégovoy ; le , Lionel Jospin, ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, chargé de l'intérim du Premier ministre Michel Rocard.
Norvège
- du 23 au : Christian Fredrik Michelet alors ministre des Affaires étrangères est chargé d'assurer l'intérim de Premier ministre à la suite du décès de Otto Bahr Halvorsen et ce jusqu'à la nomination d'Abraham Berge.
- du au : Nils Trædal, ministre des Affaires religieuses et de l'Éducation est chargé de l'intérim du Premier ministre Peder Kolstad.
Notes et références
- Premier ministre et ministre par intérim : les précédents sur www.lalsace.fr (consulté le 18 octobre 2018)
- Intérim d’Edouard Philippe à l’Intérieur : comment ça marche ? sur (consulté le 10 octobre 2018)
- Christophe Castaner et Laurent Nunez nommés au ministère de l'Intérieur sur www.interieur.gouv.fr (consulté le 18 octobre 2018)
- Barre, Fillon, Bérégovoy… Ces Premiers ministres ont eux aussi assumé une double casquette sur www.ouest-france.fr (consulté le 18 octobre 2018)
- Ministère de l’Intérieur. « L’intérim n’est pas possible pour les questions de sécurité » selon François Hollande sur (consulté le 18 octobre 2018)
- sur www.ouest-france.fr (consulté le 18 octobre 2018)
- Beauvau, l’intérim qui s’éternise pour Edouard Philippe sur www.leparisien.fr (consulté le 18 octobre 2018)
- Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur le plus tardivement remplacé sur www.lefigaro.fr (consulté le 18 octobre 2018)
Voir aussi
Bibliographie
- Raymond Barillon et autres, Dictionnaire de la constitution, Cujas, 4e Ă©dition, 1986
- Jean-Louis Debré, La constitution de la cinquième République, PUF, 1975
- Simon-Louis Formery, La constitution commentée article par article, Hachette supérieur, 9e édition, 2005
- François Luchaire et Gérard Conac, La constitution de la république française, Economica, 1987
- Thierry S. Renoux et Michel de Villiers, Code constitutionnel, Litec, 1994