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Intégrale de Lebesgue

En mathĂ©matiques, l’intĂ©grale de Lebesgue dĂ©signe Ă  la fois une thĂ©orie relative Ă  l'intĂ©gration et Ă  la mesure, et le rĂ©sultat de l'intĂ©gration d'une fonction Ă  valeurs rĂ©elles dĂ©finie sur (ou sur ) muni de la mesure de Lebesgue.

Généralisant l'intégrale de Riemann, l'intégrale de Lebesgue joue un rÎle important en analyse, en théorie des probabilités et dans beaucoup d'autres domaines des mathématiques.

Dans les cas simples, l'intĂ©grale d'une fonction positive f peut ĂȘtre vue comme l'aire comprise entre l'axe des x (l'axe horizontal) et la courbe de la fonction f. En Ă©tendant cette notion, la construction de l'intĂ©grale de Lebesgue s’applique Ă  un ensemble plus riche de fonctions dĂ©finies sur des espaces plus gĂ©nĂ©raux que ou .

IntĂ©rĂȘt pratique de l'intĂ©grale de Lebesgue

AprĂšs la construction de l'intĂ©grale de Cauchy-Riemann, l’intĂ©rĂȘt s’est portĂ© sur des extensions du thĂ©orĂšme fondamental du calcul intĂ©gral :

Soit f une fonction à valeurs réelles, définie sur l'axe réel et supposée continue par morceaux. Alors, pour tout intervalle fermé [a, b], f est Riemann-intégrable et elle admet une primitive continue sur [a, b]. Si F désigne une primitive de f sur [a, b], alors pour tout x dans [a, b] :

.

Les études réalisées sur l'intégrale de Riemann aboutissent au théorÚme suivant qui est le « meilleur qu'on sache démontrer » :

Si F est différentiable sur [a, b] et si sa dérivée F' est Riemann-intégrable sur [a, b], alors pour tout x dans [a, b]

.

Cependant, il existe des fonctions F dérivables sur [a, b] sans que leur dérivée soit Riemann-intégrable.

L'objectif premier de l'intégrale de Lebesgue est de lever cette restriction afin de satisfaire à l'énoncé :

Si F est différentiable sur [a, b] et si sa dérivée F' est bornée sur [a, b], alors, pour tout x dans [a, b], elle est Lebesgue-intégrable sur [a, x] et

.

Par la suite, d’autres constructions d'une intĂ©grale ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es (intĂ©grale de Kurzweil-Henstock, Denjoy, Perron, Khintchine, etc.) et elles satisfont Ă  l'Ă©noncĂ© plus gĂ©nĂ©ral

Si F est différentiable sur [a, b], alors, pour tout x dans [a, b], F' est intégrable sur [a, x] et

.

Historique

Avant les travaux d’Henri Lebesgue, la thĂ©orie de l'intĂ©gration s'appuyait sur l'intĂ©grale de Riemann, mais celle-ci Ă©tait plutĂŽt insatisfaisante pour diverses raisons : problĂšme de dĂ©finition « efficace » des intĂ©grales dites impropres (par exemple l’intĂ©grale de Dirichlet), difficultĂ© Ă  Ă©tablir des thĂ©orĂšmes de convergence


En concevant son intĂ©grale, Lebesgue l'a lui-mĂȘme comparĂ©e Ă  l'intĂ©grale de Riemann : « Imaginez que je doive payer une certaine somme ; je peux sortir les piĂšces de mon porte-monnaie comme elles viennent pour arriver Ă  la somme indiquĂ©e, ou sortir toutes les piĂšces et les choisir selon leur valeur. La premiĂšre mĂ©thode est l'intĂ©grale de Riemann, la deuxiĂšme correspond Ă  mon intĂ©grale. » Pour comprendre cette phrase, il faut prĂ©ciser que l'intĂ©gration de Riemann « parcourt » le segment et exploite au fur et Ă  mesure la « hauteur » y de la fonction, alors que l'intĂ©gration de Lebesgue exploite la « taille » des ensembles de niveau f = y pour toutes les valeurs de y.

Cette thĂ©orie s'est avĂ©rĂ©e particuliĂšrement fĂ©conde. Elle a permis (via la thĂ©orie des tribus) de formaliser les probabilitĂ©s, de dĂ©finir de nombreux espaces fonctionnels extrĂȘmement importants et elle a marquĂ© le dĂ©but de la thĂ©orie de la mesure.

Construction formelle

L'idĂ©e gĂ©nĂ©rale consiste Ă  dĂ©finir l'intĂ©grale de fonctions simples (en l'occurrence les fonctions Ă©tagĂ©es positives), d’étendre successivement cette notion Ă  toute fonction mesurable Ă  valeurs positives, puis finalement Ă  une catĂ©gorie plus riche : les fonctions mesurables.

Soit un espace mesurĂ©. En analyse rĂ©elle, X est l'espace euclidien , dĂ©signe la tribu des borĂ©liens de , et ÎŒ la mesure de Lebesgue. En probabilitĂ© et en statistique, ÎŒ est une probabilitĂ© sur un espace probabilisable .

L'intégrale de Lebesgue des fonctions mesurables définies sur X et à valeurs réelles est construite de la maniÚre suivante :

Soit A un élément de et soit 1A la fonction indicatrice de A : c'est la fonction définie sur X qui vaut 1 sur A et 0 en dehors.

La valeur attribuĂ©e Ă  est conforme Ă  la mesure ÎŒ :

.

Par linĂ©aritĂ©, l’intĂ©grale est Ă©tendue Ă  l'espace vectoriel engendrĂ© par les fonctions indicatrices (une combinaison linĂ©aire finie de fonctions indicatrices s'appelle une fonction Ă©tagĂ©e) :

pour toute somme finie et tous coefficients ak réels[1].

Remarquons que l’intĂ©grale ainsi dĂ©finie pour une fonction qui est une combinaison linĂ©aire de fonctions indicatrices est indĂ©pendante du choix de la combinaison : c'est une condition essentielle Ă  la consistance de la dĂ©finition (preuve).

Soit f une fonction mesurable Ă  valeurs dans [0, +∞]. L’intĂ©grale de Lebesgue de f est dĂ©finie comme Ă©tant la borne supĂ©rieure de l'ensemble des pour toutes les fonctions Ă©tagĂ©es positives s infĂ©rieures Ă  f (pour tout x, s(x) ≀ f(x))[2]. Lorsque cet ensemble n'est pas bornĂ©, est donc infinie.

Remarque : cette construction est analogue Ă  celle des sommes infĂ©rieures de Riemann, bien qu’elle n’envisage pas de somme supĂ©rieure ; ce fait important permet d’obtenir une classe plus gĂ©nĂ©rale de fonctions intĂ©grables.

Pour ĂȘtre plus prĂ©cis, il convient encore de mentionner la mesure et le domaine d'intĂ©gration :

.

L’intĂ©grale est ainsi Ă©tablie pour toute fonction dĂ©finie sur X et Ă  valeurs positives. Cependant, afin de satisfaire des propriĂ©tĂ©s de linĂ©aritĂ© et de convergence pour des suites, les fonctions considĂ©rĂ©es sont limitĂ©es aux fonctions mesurables, soit celles pour lesquelles l'image rĂ©ciproque de tout intervalle soit dans la tribu .

Une telle fonction f mesurable sur l'ensemble X et Ă  valeurs dans ℝ se dĂ©compose en une diffĂ©rence de deux fonctions positives f + et f –. Si , alors f est dite intĂ©grable au sens de Lebesgue ou sommable. Dans ce cas, les deux intĂ©grales et sont finies et donnent un sens Ă  la dĂ©finition :

.

Il est possible de vérifier que cette définition étend la notion d'intégrale de Riemann.

Les fonctions Ă  valeurs complexes peuvent ĂȘtre intĂ©grĂ©es de la mĂȘme maniĂšre, en intĂ©grant sĂ©parĂ©ment la partie rĂ©elle et la partie imaginaire.

ThéorÚmes

Toute notion raisonnable d'intĂ©grale doit satisfaire les propriĂ©tĂ©s de linĂ©aritĂ© et de monotonie. L'intĂ©grale de Lebesgue ne fait pas exception : si f et g sont des fonctions intĂ©grables et si a et b sont des nombres rĂ©els, alors af + bg est intĂ©grable et ; si f ≀ g, alors (et de mĂȘme en remplaçant les deux ≀ par des <, si le domaine d'intĂ©gration est de mesure non nulle), en particulier . On dĂ©montre que cette inĂ©galitĂ© est vraie aussi pour f Ă  valeurs complexes.

Deux fonctions qui diffĂšrent seulement sur un ensemble de mesure ÎŒ nulle (on dit alors que f et g sont Ă©gales ”-presque-partout) ont la mĂȘme intĂ©grale, ou plus prĂ©cisĂ©ment : si , alors f est intĂ©grable si et seulement si g est intĂ©grable, et dans ce cas .

Toute fonction intĂ©grable Ă  valeurs dans ℝ est finie presque partout, c'est-Ă -dire que l'ensemble des points oĂč elle prend les valeurs ±∞ est de mesure nulle.

Comparativement à l'intégrale de Riemann, l'un des avantages essentiels de l'intégrale de Lebesgue est la facilité avec laquelle s'effectue un passage à la limite. Les trois théorÚmes suivants sont parmi les plus utilisés :

  • ThĂ©orĂšme de convergence monotone : si est une suite croissante de fonctions mesurables positives (c.-Ă -d. pour tout k, fk ≀ fk + 1) et si f = lim fk, alors f est mesurable et la suite de terme gĂ©nĂ©ral converge vers (remarque : peut ĂȘtre infinie ici) ;
  • Lemme de Fatou : si est une suite de fonctions mesurables positives et si f = lim inf fk, alors (Ă  nouveau, peut ĂȘtre infinie) ;
  • ThĂ©orĂšme de convergence dominĂ©e : si est une suite de fonctions mesurables convergeant ponctuellement presque partout vers une fonction f, et s'il existe une fonction intĂ©grable g telle que pour tout k, , alors f est intĂ©grable et la suite de terme gĂ©nĂ©ral converge vers .

Références

  1. Jean-Pierre Marco, L3 Mathématiques Analyse : Cours complet avec 600 tests et exercices corrigés, Paris, Pearson, , 927 p. (ISBN 978-2-7440-7350-2), p. 234.
  2. Bernard Candelpergher, Calcul intégral, Paris, Cassini, , 478 p. (ISBN 978-2-84225-053-9), p. 177.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Lebesgue integration » (voir la liste des auteurs).
  • (en) Robert G. Bartle, The Elements of Integration and Lebesgue Measure, New York, John Wiley & Sons, coll. « Wiley Classics Library », , xii+179 (ISBN 0-471-04222-6, MR 1312157)
  • N. Bourbaki, ÉlĂ©ments de mathĂ©matique, IntĂ©gration, Paris, xvi+472 (MR 2018901), chap. I.1-6
  • Michel Bouyssel, IntĂ©grale de Lebesgue. Mesure et intĂ©gration : Exercices avec solutions et rappels de cours, CĂ©paduĂšs, (ISBN 978-2-854283907)
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    Connu comme le Petit Rudin.
  • Walter Rudin, Analyse rĂ©elle et complexe [dĂ©tail des Ă©ditions]
    Connu comme le Grand Rudin.
  • (en) StanisƂaw Saks (trad. Laurence Chisholm Young (en), with two additional notes by Stefan Banach), Theory of the Integral, vol. 7, Varsovie-Lviv, G. E. Stechert & Co., coll. « Monografie Matematyczne », , 2e Ă©d., VI+347 (lire en ligne) Zbl 63.0183.05, 0017.30004
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Lien externe

[vidĂ©o] Cours de Centrale Paris de 1re annĂ©e sur l’intĂ©grale de Lebesgue sur YouTube

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