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Incendie du boulevard Vincent-Auriol

L'incendie du boulevard Vincent-Auriol est un incendie ayant eu lieu dans la nuit du jeudi au vendredi au 20 boulevard Vincent-Auriol dans le 13e arrondissement de Paris, dans un immeuble géré par un bailleur associatif où résidaient cent trente personnes. Le bilan s'élève à dix-sept morts dont onze enfants. Cet incendie est le deuxième de la vague d'incendies de l'année 2005 à Paris qui a fait une cinquantaine de morts, après l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra en et avant celui de la rue du Roi-Doré qui aura lieu fin . Cette vague d'incendie a mis en évidence le mal-logement des plus pauvres dans la capitale, en particulier des populations d'origine étrangère.

Incendie du boulevard Vincent-Auriol
Plaque commémorative apposée sur l'immeuble après sa reconstruction.
Plaque commémorative apposée sur l'immeuble après sa reconstruction.

Type Incendie
Pays Drapeau de la France France
Localisation 20 boulevard Vincent-Auriol, Paris
Coordonnées 48° 50′ 12,99″ nord, 2° 22′ 18,49″ est
Date nuit du 25 au 26 août 2005
Bilan
Morts 17

Géolocalisation sur la carte : Paris
(Voir situation sur carte : Paris)
Incendie du boulevard Vincent-Auriol

Description de l'immeuble

L'immeuble du 20 boulevard Vincent-Auriol est un bâtiment géré par un bailleur associatif, France Europe Habitation (Freha), qui a conclu un bail emphytéotique de cinquante ans avec l'État[1]. Freha gère l'immeuble pour l'association Emmaüs et y loue des logements à des familles avec des baux classiques à un coût réduit[1]. Il ne s'agit pas d'un immeuble d'hébergement d'urgence[2]. Il contient huit appartements[3] sur six étages avec une seule entrée[4]. Les habitants, cent trente personnes originaires d'Afrique de l'Ouest[2], sont en situation régulière et disposent de revenus mais ne trouvent pas de logement dans le parc privé[1]. Ce sont des familles polygames, avec de nombreux enfants, souvent une dizaine, qui vivent souvent dans des regroupements d'appartements[1]. Certaines d'entre elles accueillent aussi de la famille élargie, avec des oncles ou des grands-mères[5]. Le bâtiment devait être réhabilité, mais il est très difficile de reloger des familles qui ont ainsi besoin de très grandes surfaces[1]. Ces habitants ont fait partie, au début des années 1990 d'un campement de mal-logés qui s'était installé quai de la Gare[6]. Après négociation avec l'État, ils ont été relogés dans ce bâtiment, d'une manière qui ne devait être que provisoire, le préfet d'Île-de-France s'étant engagé fin 1991 à ce qu'ils soient relogés dans un délai de trois ans[6].

L'immeuble n'est pas classé « insalubre » (notion qui tient compte de l'état du bâtiment, et non de sa suroccupation) ; il n'a pas de sortie de secours et son escalier est en bois[1], et il n'y a ni extincteur dans les parties communes, ni plan d'évacuation[4]. L'immeuble avait fait l'objet d'un reportage de France 2 après l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra en où il était montré comme exemple de logement mal entretenu et à destination des personnes en situation précaire[5]. Une habitante y déclarait que trois départs de feu avaient eu lieu dans l'immeuble mais que, « par chance », ils n'avaient pas touché l'escalier[5]. Après l'incendie, un autre résident de l'immeuble déclare qu'il y avait d'importantes fissures dans l'immeuble et que le système électrique était vétuste[5].

La peinture au plomb présente dans l'escalier a créé de graves problèmes de saturnisme pour les habitants de l'immeuble[7]. En 2003, une note de la préfecture de Paris avait envisagé l'évacuation de l'immeuble pour faire des travaux, mais l'année suivante une expertise avait conclu à l'absence de nécessité de cette évacuation[7]. Des toiles de verres ont été posées sur les murs pour rendre la peinture inaccessible, mais elles ont été abîmées par les enfants[7]. La Freha a donc mandaté en urgence la société Paris banlieue construction (PBC) pour poser sur les murs de la cage d'escalier des plaques de contreplaqué[7].

Incendie

Dans la nuit du jeudi au vendredi , un incendie se déclenche dans l'immeuble[7]. Les secours, appelés vers 0 h 20[1], sont sur les lieux neuf minutes après et il y a déjà des morts[5]. Le feu aurait pris au rez-de-chaussée, sous la cage d'escalier, et la présence d'un vasistas ouvert au dernier étage aurait fait un appel d'air permettant au feu de s'étendre rapidement[1]. Le feu gagne rapidement deux appartements où les portes et fenêtres sont ouvertes[4]. L'enquête montrera que ce sont des poussettes situées au rez-de-chaussée qui ont volontairement été enflammées[8]. Le contreplaqué posé pour éviter les problèmes de saturnisme est hautement inflammable et participe à la propagation de l'incendie[8]. Ces planches n'étaient pas aux normes anti-incendie[6] et, sans elles, les flammes n'auraient sans doute pas dépassé le rez-de-chaussée[7]. L'incendie fait dix-sept morts : trois femmes et quatorze enfants de moins de dix ans[7].

Suites de l'incendie

Les familles sont relogées dans un gymnase[9]. Elles décident d'y rester tant que des logements pérennes ne leur auront pas été attribués[9] et refusent d'aller dans les hôtels qui leur sont proposés au nord de Paris[10]. Les familles souhaitent en effet rester dans le quartier où les enfants sont scolarisés et où certaines femmes travaillent comme femme de ménage[10]. Certaines d'entre elles refusent des relogements dans des quartiers où se trouve déjà une forte proportion d'immigrés[10].

Une aide d'urgence de 350 à 450 euros est attribuée à chaque famille, la mairie précisant que cette aide est habituellement distribuée lors de la survenue de catastrophes afin que les victimes puissent parer aux « besoins élémentaires »[9].

Début septembre, l'enquête sur cet incendie s'oriente vers une piste criminelle[11]. Bien que la présence d'hydrocarbures n'ait pas été relevée, l'intensité et la rapidité de l'incendie laissent clairement penser qu'il y a eu une intervention humaine sur ce sinistre[11]. Un habitant du quartier est soupçonné pendant un moment puis innocenté[7].

Procès

Un premier procès s'ouvre en [7]. Il est initialement prévu sur une matinée et une après-midi[7]. Il débute dans de mauvaises conditions : des micros sont en panne et la salle est trop petite pour accueillir toutes les parties civiles[3]. La première demi-journée est consacrée à une lecture « fastidieuse » des faits par la présidente de la cour[4]. Si l'incendie est de nature criminelle, son auteur n'a jamais pu être identifié[3]. Les victimes de l'incendie estiment que peu d'efforts ont été faits pour savoir qui est le coupable et se sentent frustrées de ne pas savoir pourquoi il a agi[3]. Les seuls accusés sont la Freha qui gérait l'immeuble et la société PBC qui a posé le contreplaqué dans l'escalier[8]. L'État, qui n'avait pas respecté ses engagements de relogement des familles, n'est pas poursuivi[7]. Les deux sociétés poursuivies apparaissent alors comme des « lampistes » dans ce procès aux yeux de l'avocat des parties civiles[7]. Les avocats des victimes ayant menacé de ne pas participer à ce procès trop court, un nouveau procès s'ouvre à la fin de l'année 2011[8].

Ce nouveau procès s'étend sur six demi-journées réparties sur trois semaines, les , , , , et [4].

Les deux sociétés sont reconnues coupables d'homicides et de blessures involontaires et sont condamnées chacune à 30 000 euros d'amende[8]. Elles doivent aussi verser environ 700 000 euros de dommages et intérêts[8].

Devenir du bâtiment et mémoire

Nouvel immeuble du 20 boulevard Vincent-Auriol, photographié en 2016.

Le bâtiment a été entièrement détruit, jusqu'au fondations, et remplacé par un immeuble de logements sociaux avec parking en sous-sol[12]. Une crèche se trouve au rez-de-chaussée, ce qui était une volonté de la mairie afin de montrer que « la vie [reprend] ses droits. »[12]. L'entrée a été déplacée dans une rue adjacente et une plaque commémorative a été posée à l'emplacement de l'ancienne porte de l'immeuble[13]. L'adresse de l'immeuble est dorénavant 2 rue Edmond Flamand[12]. L'immeuble compte 27 appartements. Aucune des familles qui y vivaient au moment de l'incendie n'a souhaité y être relogée[12].

Un jardin de la mémoire a été créé en mémoire du drame dans le jardin James-Joyce dans le 13e arrondissement[14].

Notes et références

  1. Jean-Pierre Thibaudat et Patricia Tourancheau, « Le feu récidive dans l'habitat précaire », Libération, .
  2. « Incendie boulevard Vincent-Auriol : la douleur et la colère », Le Monde, .
  3. Tony David, « L'incendie du boulevard Auriol au tribunal... sans suspect », L'Express, (consulté le ).
  4. AFP, « Reprise du procès de l'incendie du boulevard Auriol », L'Obs, (consulté le ).
  5. (es) Octavi Marti, « Mueren 17 inmigrantes, entre ellos 14 niños, al incendiarse un edificio en París », El País, .
  6. Tonino Serafini, « Hommage aux morts de l'hôtel Paris-Opéra, mais pas de procès en vue », sur Avec ou sans toit, Libération, (consulté le ).
  7. Fabrice Tessel, « Incendie de 2005: ce procès qui scandalise les victimes », Libération, .
  8. Fabrice Tassel, « Incendie du boulevard Vincent-Auriol : jugement et frustration », Libération, .
  9. AFP et Reuters, « Logement social : 1 500 personnes manifestent à Paris, la Mairie accorde une aide aux rescapés », Le Monde, .
  10. Blandine Grosjean, « Dans le quartier de l'incendie, une colère qui ne sait où aller », Libération, .
  11. Julien Dumond, « L'incendie du boulevard Vincent-Auriol serait criminel », Le Parisien, .
  12. Tonino Serafini, « Les incendies de 2005: mémoire et amnésie », Libération, .
  13. William Molinié, « Vincent-Auriol, Paris-Opéra, Roi-Doré: Que sont devenus les immeubles incendiés des mal-logés ? », 20 Minutes, .
  14. « Paris : dix ans après, l'hommage aux victimes de l'incendie du boulevard Auriol », Le Parisien, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Fatou Diarra et Albertine Gentou, Il me reste à vivre : Oublier les flammes, retrouver l'espoir, Neuilly-sur-Seine, Lafon, , 237 p. (ISBN 2-7499-0423-4) : témoignage d'une survivante de l'incendie.

Articles connexes

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