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Histoire du Timor oriental

Le Timor oriental est un pays d'Asie du Sud-Est. Le pays est constitué de la moitié orientale de l'île de Timor d'où son nom , des îles d'Atauro et Jaco et de l'Oecussi-Ambeno, une enclave située dans la partie occidentale de l'île de Timor, entourée par le Timor occidental sous souveraineté indonésienne.

La grotte de l'île Kére Kére.

Longtemps colonie portugaise, le Timor oriental fut annexé par l'Indonésie à la fin de l'année 1975. Après une guerre des plus meurtrières, le pays fit sécession par voie de référendum en 1999 et acquit sa pleine indépendance en 2002.

Préhistoire

La grotte de Jerimalai au Timor oriental contient quantité d'arêtes de poissons dont les plus anciennes datent de 42 000 ans, et dont la moitié proviennent de poissons pélagiques (de haute mer), en particulier de thons. La pêche de haute mer a donc été pratiquée depuis au moins cette date. L'équipe d'archéologues australiens de l'université de Canberra, qui a fait la découverte, a également mis au jour deux hameçons fabriqués à partir de coquillages, l'un de 11 000 ans et l'autre d'au moins 16 000 ans — le plus vieil hameçon découvert à ce jour[1] - [2].

La colonisation

Soldats portugais à Timor (1968).

Tomé Pires, un apothicaire portugais qui de 1512 à 1515 a habité Malacca (conquise par les Portugais en 1511), note dans sa Suma Oriental que le bois de santal provient des îles de Sumba et Timor. Cette dernière devint portugaise en 1596.

Au XVIIe siècle, c'est toujours le cas du Timor, mais plus de Sumba. Les Portugais établissent un fort à Kupang dans l'Ouest du Timor, puis l'abandonnent pour se replier dans l'Est de l'île. La VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie ou Compagnie néerlandaise des Indes orientales) occupe Kupang en 1653.

En 1859, un traité est signé par lequel le Portugal cède formellement la partie occidentale de l'île aux Néerlandais.

En , le Timor oriental est envahi successivement par les Alliés et par l'empire du Japon dans le cadre de la guerre du Pacifique. La bataille du Timor, menée principalement par les forces australiennes et néerlandaises, dure jusqu'en février 1943, les forces armées portugaises soutenant plutôt les Alliés malgré leur neutralité officielle. En 1945, à la fin de la guerre, le Portugal reprend le contrôle de sa colonie.

Avec l'indépendance de l'Indonésie, en 1949, le Portugal va être obligé de passer par l'Australie, pour approvisionner, et ce, difficilement sa colonie. Soekarno, le président indonésien, était l'un des dirigeants, avec l'Inde de Nehru, des pays non-alignés, et il demandait le départ des Portugais de l'archipel de l'Insulinde, ou Indonésie. Un temps, le Portugal va craindre que sa colonie soit envahie militairement par l'Indonésie, comme le fera l'Inde entre 1954 et 1961 pour les possessions portugaises en Inde (Dadra et Navéli, Goa, Diu, Daman…). Mais finalement, l'Indonésie attendra bien après la mort de Salazar pour envahir ce territoire.

Timor reste officiellement colonie portugaise jusqu'en 1976. La colonisation portugaise a marqué durablement la société timoraise. C'est le deuxième pays d'Asie majoritairement catholique (80 % de la population) après les Philippines. Il disposait de sa propre monnaie depuis 1946 avec le pataca luso-timorais, puis, à partir de 1959, avec l'escudo timorais.

L'occupation indonésienne

L'invasion indonésienne (en violet clair).

Le , profitant du mouvement issu de la révolution des Œillets du Portugal, le Fretilin (Frente Revolucionária de Timor-Leste Independente) déclara l'indépendance du Timor oriental. Neuf jours plus tard, l'armée indonésienne, armée et soutenue politiquement par les États-Unis[3], envahissait le territoire. L'ONU condamne l'occupation indonésienne par la résolution 384 votée le [4].

La répression continua après, avec l'implantation de fonctionnaires indonésiens et la volonté affirmée du régime Soeharto d'assimiler cette nouvelle province, la 27e de la nation. Une politique qualifiée d'exterminatrice se déploya avec l'utilisation par l'armée indonésienne de napalm sur les villages timorais soupçonnés d'apporter leur aide aux rebelles du FRETILIN, causant plus de 200 000 morts, la plupart civils, sur une population de moins d'un million d'habitants (près d'un tiers de la population), entre 1975 et la fin des années 1980[5]. Selon Noam Chomsky, cette invasion aurait eu pour cause la présence de gisements de pétrole dans les mers du Timor et serait soutenue par les gouvernements d'Australie, des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne qui auraient fourni de l'armement à l'Indonésie lors des périodes de massacres les plus critiques[6]. Afin d'appuyer cette théorie, Chomsky mentionne principalement :

  • le traité australo-indonésien (1989) autorisant l'exploitation des champs de pétrole ;
  • la reconnaissance officielle de « l'annexion » indonésienne du Timor par l'Australie ;
  • la déposition à l'O.N.U. de Benedict Anderson, spécialiste de l'histoire de l'Indonésie.

De plus, Noam Chomsky a violemment critiqué la différence de traitement entre l'énorme couverture médiatique donnée par les médias occidentaux aux massacres du régime communiste des Khmers rouges au Cambodge, et l'absence totale d'informations sur l'occupation du Timor oriental par l'Indonésie, soutenu par les États-Unis; et ce malgré des massacres aussi violents[7].

L'occupation indonésienne qui dure 24 ans est accompagnée par une politique de « javanisation » qui se traduit par des conversions forcées à l'islam, des massacres, l'interdiction de l'enseignement du portugais, des stérilisations de femmes[4].

Le Pape Jean-Paul II visita le Timor oriental les 11 et . Lors de son passage dans la capitale indonésienne, le Pape a rendu hommage au Pancasila le système politique mis en place par Soeharto en soulignant que « cette philosophie a inspiré et guidé votre croissance nationale » et qui « reconnaît fort opportunément que l'unique fondement de l'unité nationale est le respect pour les diverses opinions et convictions ». Mais son hommage à Soeharto n'a pas été apprécié par les chrétiens de l'île et seulement 80 000 personnes assistèrent le à la grand-messe, alors qu'il en était attendu plus de 300 000. De plus en atterrissant à Dili, le Pape n'a pas baisé le sol de l'île comme il le fait lorsqu'il visite pour la première fois un pays souverain. Montrait-il par ce geste qu'il considérait le Timor oriental comme une partie de l'Indonésie ? Désapprouvait-il donc l'évêque du Timor qui s'était adressé, auparavant, aux Nations unies pour réclamer un référendum sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (autodétermination) pour le Timor ?

La lutte pour l'indépendance

La visite du pape fut ainsi marquée par des manifestations indépendantistes qui furent durement réprimées. Le , l'armée indonésienne ouvrit le feu sur une foule en deuil après la mort d'un étudiant au cimetière de Santa-Cruz de Dili. Environ 200 personnes furent tuées ce jour-là[4]. D'autres manifestants furent assassinés les jours suivants, après des recherches de l'armée.

La cause du Timor oriental pour l'indépendance reçut un impact médiatique et international important avec la remise du prix Nobel de la paix à l'évêque Carlos Filipe Ximenes Belo et José Ramos-Horta en . En , le président sud-africain Nelson Mandela vint rencontrer le chef du Fretilin, Xanana Gusmão, alors emprisonné. Cette visite augmenta encore la pression sur l'Indonésie pour arriver à une solution négociée.

La crise économique asiatique de 1997 affecta durement l'Indonésie. Le régime militaire de Suharto rencontra davantage de pressions intérieures, avec de nombreuses manifestations et violences dans les grandes villes du pays.

Manifestation contre l'armée indonésienne (« ABRI » sur la banderole) à l'université de Timor oriental en novembre 1998.

Il fallut attendre , pour que le dictateur laisse la place à son dauphin, B. J. Habibie, et qu'une évolution notable se produise quant à la situation du Timor oriental. En , le nouveau président Habibie, qui avait besoin de l'aide internationale pour réparer les dégâts provoqués par la crise économique, se dit prêt à accorder au Timor oriental un « statut spécial », que les dirigeants timorais refusèrent. Le , le ministre indonésien des Affaires étrangères accepta le principe d'une consultation d'autodétermination organisée par les Nations unies auprès des Timorais. Le suivant, sous l'égide de l'ONU, l'Indonésie et le Portugal signèrent un accord prévoyant un référendum pour le .

Le , les Timorais choisirent l'indépendance par le référendum organisé par l'ONU, 78,5 % des Timorais refusant l'autonomie interne proposée par le gouvernement indonésien[4]. Aussitôt, la province fut mise à feu et à sang par des milices pro-indonésiennes (en) ne dépendant pas du gouvernement, mais jouissant d'une impunité totale et refusant de reconnaître l'écrasante victoire au référendum en faveur de l'indépendance. Dans une démonstration de force sans précédent, les milices indonésiennes s'emparèrent de Dili, la capitale, et lancèrent une chasse sanglante aux indépendantistes.

Après plusieurs jours de tueries, de déportations et de pillages, l’ONU se décida à envoyer une force multinationale sous commandement australien (Interfet) afin d’imposer la paix. Le , le Timor oriental devint un territoire sous administration provisoire des Nations unies. Le , l'Assemblée consultative du peuple abrogea la loi d’annexion de 1976 et ratifia un décret entérinant les résultats du référendum du précédent.

Le , le Conseil de sécurité de l'ONU adopta la résolution 1272 (1999), qui portait création de l'Administration transitoire des Nations unies au Timor oriental (ATNUTO), administration civile et de maintien de la paix dont le mandat sera prolongé à deux reprises jusqu'à l'accession formelle du pays à l'indépendance, le .

La majeure partie de l'infrastructure du pays était détruite et l'économie paralysée[4]. Le chef de la résistance timoraise, Xanana Gusmão, fut libéré peu après.

Les atrocités commises par les autorités indonésiennes et les milices pro-indonésiennes firent l'objet de démarches de justice transitionnelle :

  • trois chambres spéciales des tribunaux de district de Dili furent créées pour juger les exactions ; elles ne purent toutefois pas mener à leur terme toutes les investigations et les jugements qui auraient dû en découler, faute d'un financement suffisant pour accomplir toute la tâche ;
  • une Commission pour la réception, la vérité et la réconciliation au Timor oriental (en) fut établie pour essayer de réparer et de réconcilier le pays.

L'indépendance

En , furent organisées les premières élections du pays. Xanana Gusmão fut élu et intronisé président du nouveau pays le , marquant l'avènement de l'indépendance effective du Timor oriental, devenu un pays souverain.

Depuis l'indépendance, les principaux enjeux diplomatiques concernent l'exploitation des champs de pétrole dans le Timor Gap que l'Indonésie et l'Australie tentent d'accaparer à leurs profits[4]. Le jeune État reste cependant très dépendant de l'aide australienne au développement. Cette coopération est néanmoins entachée par les révélations dans la presse des activités d'espionnage australiennes auprès de certains cabinets ministériels timorais. En , la Cour internationale de justice ordonne à l'Australie de mettre fin à ces activités[4].

Notes et références

  1. « On pêche en haute mer depuis 42 000 ans » par C.H., article dans Sciences & Vie no 1133, février 2012, p. 18.
  2. (en) « Ancient fish hook shows early man skilled in deep-sea fishing », article par Leigh Goessl dans Digital Journal, 27 novembre 2011.
  3. Noam Chomsky, « L’Indonésie, atout maître du jeu américain », Le Monde diplomatique, juin 1998.
  4. Tigrane Yégavian, « Timor oriental. La Cendrillon de l'Asie du Sud-Est », Conflits, no 11, oct.-déc. 2016, p. 25-27
  5. Noam Chomsky, « L'hypocrisie de l'Occident. Timor-Oriental, l’horreur et l’amnésie », Le Monde diplomatique, octobre 1999.
  6. (en) Noam Chomsky, Powers and prospects, South End Press, 1996 (ISBN 089608535X).
  7. Olivier Azam et Daniel Mermet, Chomsky & Cie, 26 novembre 2008.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Geoffrey C. Gunn, Historical Dictionary of East Timor, Scarecrow Press, Lanham Md, 2010, 272 p. (ISBN 978-0-8108-6754-3).
  • (en) Elizabeth Stanley, Torture, Truth and Justice: The Case of Timor Leste, Taylor & Francis, 2008.
  • René Pélissier, Timor en guerre. Le crocodile et les Portugais (1847-1913), éditions Pélissier, Montamets, 78630 Orgeval (France), 1996.
  • (fr) Flávio Borda d’Água, Le Timor Oriental face à la Seconde Guerre mondiale (1941-1945), préface d'Armando Marques Guedes, Lisbonne, Instituto diplomático, 2007.
  • Frédéric Durand, « Timor Loro Sa'e : la déstructuration d'un territoire », dans collectif, Timor, les défis de l'indépendance, Khartala, (ISBN 9782845862326, lire en ligne), p. 215-242.
  • « Timor oriental », sur larousse.fr (consulté le ).
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