AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Justice transitionnelle

La justice transitionnelle en anglais : transitional justice, parfois aussi dĂ©nommĂ©e « justice de transition » ou « justice en transition », dĂ©signe un ensemble de mesures judiciaires et non judiciaires permettant de remĂ©dier au lourd hĂ©ritage des abus des droits humains dans les sociĂ©tĂ©s qui sortent d'un conflit armĂ© ou d'un rĂ©gime autoritaire. Son principe est qu’en promouvant la justice, la reconnaissance des victimes et la commĂ©moration des violations passĂ©es, on multiplie les chances de la sociĂ©tĂ© de revenir Ă  un fonctionnement pacifiĂ© et dĂ©mocratique. Les quatre mesures centrales de la justice transitionnelle (procĂšs, publication de la vĂ©ritĂ©, rĂ©parations et rĂ©formes administratives) sont destinĂ©es Ă  garantir quatre objectifs : la reconnaissance, la confiance, l'État de droit et Ă  terme la rĂ©conciliation[1]. Les quatre droits reconnus aux victimes par la justice transitionnelle sont : le droit Ă  la vĂ©ritĂ©, le droit Ă  la justice, le droit Ă  la rĂ©paration et la garantie de non-rĂ©pĂ©tition (aussi dĂ©nommĂ©e non-rĂ©currence). Ce sont les « principes Joinet » ou principes contre l'impunitĂ©, Ă©tablis en 1997 par le juriste français Louis Joinet Ă  la demande du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme[2].Le domaine de la justice transitionnelle est Ă©volutif et intĂšgre rĂ©guliĂšrement de nouvelles approches innovantes susceptibles de rĂ©pondre Ă  l'un ou plusieurs de ses objectifs[3].

Historique

On peut faire remonter l’idĂ©e de justice transitionnelle aux tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, lorsque, en 1945, les puissances alliĂ©es victorieuses Ă©largirent les instruments de la justice pĂ©nale existante pour pouvoir juger les dirigeants et certains militaires japonais et allemands pour crimes de guerre, crime contre l'humanitĂ© et crime contre la paix, tout en exonĂ©rant la grande majoritĂ© des personnes impliquĂ©es dans le nazisme ou le systĂšme idĂ©ologique japonais. Cette idĂ©e a pris ampleur et cohĂ©rence dans les annĂ©es 1980 et suivantes, avec les procĂšs d'anciens membres des juntes militaires en GrĂšce (1975) et en Argentine (1983). L'accent Ă©tait alors mis sur la justice pĂ©nale avec une attention particuliĂšre Ă  la promotion des droits de l’homme. La prise de conscience internationale qui en est rĂ©sultĂ©e a conduit Ă  une prise en compte accrue des droits humains dans l’établissement des lois et des conventions internationales. La prioritĂ© de la justice transitionnelle Ă©tait alors la bonne prise en compte des violations des droits de l'homme pendant la transition politique par des poursuites judiciaires et pĂ©nales suffisantes. Le concept d’une "justice" universelle incluant les droits de l’homme Ă©tait donc le fondement de l’idĂ©e de justice transitionnelle. Il n’est donc pas Ă©tonnant que la littĂ©rature sur la justice transitionnelle ait initialement Ă©tĂ© dominĂ©e par les avocats, le droit et les normes juridiques dĂ©finissant la notion de droits et les processus judiciaires permettant de traiter les abus Ă  l’encontre des droits de l’homme et de dĂ©finir les responsabilitĂ©s en la matiĂšre. Ainsi, la justice transitionnelle a ses racines Ă  la fois dans le mouvement des droits de l’homme et dans celui du droit international et du droit humanitaire. Ces origines ont nĂ©cessairement rendu la justice transitionnelle « consciemment victimo-centrique ».

La fin des annĂ©es 1980 et le dĂ©but de la dĂ©cennie suivante ont fait Ă©voluer les prioritĂ©s de la justice transitionnelle. Sous l’impact des nombreux pays qui accĂ©daient alors Ă  la dĂ©mocratie, la justice transitionnelle se transforma en un des outils de la dĂ©mocratisation. Au-delĂ  de ses habituelles questions de droit et de jurisprudence, elle s’ouvrit aux questions politiques du dĂ©veloppement d’institutions stables et de la refondation de la sociĂ©tĂ© civile. Les Ă©tudes de sciences politiques sur les processus de transition des rĂ©gimes dictatoriaux vers des rĂ©gimes dĂ©mocratiques intĂ©grĂšrent la justice transitionnelle Ă  ce processus. Les dĂ©fis Ă  relever par la justice transitionnelle dans ce contexte sont nombreux : rĂ©gler les diffĂ©rends du passĂ© sans mettre en pĂ©ril le processus dĂ©mocratique, dĂ©velopper des forums judiciaires ou Ă©manant de tierces parties permettant de rĂ©soudre les conflits, d’organiser les rĂ©parations, de crĂ©er les commĂ©morations et de dĂ©velopper les contenus d’enseignements qui permettent de combler les lacunes culturelles et de traiter les traumatismes encore Ă  vif. La justice transitionnelle bĂ©nĂ©ficie dĂšs lors de l’apport des militants pro-dĂ©mocratie.

Une des innovations marquantes de cette deuxiĂšme Ă©poque est l’apparition des commissions de vĂ©ritĂ© et de rĂ©conciliation, d’abord en Argentine en 1983, puis au Chili en 1990 et en Afrique du Sud en 1995. MalgrĂ© les Ă©checs Ă  crĂ©er une telle institution en ex-Yougoslavie, il est probable que ces commissions voient le jour dans l’avenir pour rĂ©gler les conflits dans diffĂ©rentes rĂ©gions du Proche-Orient, plusieurs propositions ayant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es dans ce sens. Une autre innovation majeure a Ă©tĂ© l’apparition d’une variĂ©tĂ© de programme de lustration dans les pays d’Europe centrale et orientale depuis les annĂ©es 1990. Alors que certains pays ont basĂ© leur programmes dans ce domaine sur la rĂ©vocation des personnels compromis Ă  partir d’outils d’analyse exhaustifs, d’autres pays ont prĂ©fĂ©rĂ© des mĂ©thodes plus inclusives permettant d’offrir une seconde chance aux personnes compromises[4].

Ainsi le concept de justice transitionnelle a-t-il Ă©voluĂ©, prenant en compte l’ensemble de la sociĂ©tĂ© en cause de maniĂšre exhaustive, d’une perspective tournĂ©e vers le passĂ© vers une perspective tournĂ©e vers l’avenir, avec la consolidation de la dĂ©mocratie comme principal objectif. Le consensus auquel sont parvenus les chercheurs et les praticiens est que les stratĂ©gies dĂ©ployĂ©es Ă  l’échelle d’une nation pour traiter les abus du passĂ© peut contribuer Ă  la dĂ©termination des responsabilitĂ©s, Ă  la fin de l’impunitĂ©, Ă  la restauration de la relation entre l’État et les citoyens et Ă  la reconstruction des institutions dĂ©mocratiques.

Objectifs

L’objectif premier d’une politique de justice transitionnelle est de mettre fin Ă  la culture de l’impunitĂ© et d’établir l’état de droit dans un contexte de gouvernance dĂ©mocratique. Les racines de la justice transitionnelle qui plongent dans la protection des droits juridiques et humains impliquent certaines obligations juridiques pour les États qui vivent des transitions. Il met au dĂ©fi ces sociĂ©tĂ©s d’Ɠuvrer activement pour une sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur le respect des droits humains et oĂč les responsabilitĂ©s sont clairement dĂ©finies et assumĂ©es. Dans ce contexte, la justice transitionnelle vise Ă  :

  • Stopper les violations des droits de l’homme qui seraient encore en cours,
  • EnquĂȘter sur les crimes commis dans le passĂ©,
  • Identifier les responsables des violations des droits de l’homme,
  • Faire sanctionner ces responsables (dans toute la mesure du possible),
  • Apporter des rĂ©parations aux victimes,
  • PrĂ©venir toute nouvelle violation,
  • RĂ©former le secteur de la sĂ©curitĂ©,
  • PrĂ©server et renforcer la paix, et
  • Favoriser la rĂ©conciliation au plan interpersonnel comme Ă  l’échelle nationale.

On peut donc identifier huit grands objectifs que la justice transitionnelle vise Ă  servir : Ă©tablir la vĂ©ritĂ©, offrir une tribune aux victimes, faire apparaĂźtre la responsabilitĂ© des auteurs des violations, renforcer l’état de droit, apporter des compensations aux victimes, rĂ©aliser des rĂ©formes institutionnelles, promouvoir la rĂ©conciliation et promouvoir le dĂ©bat public.

Stratégies

Pour ĂȘtre efficaces, les mesures de justice transitionnelle doivent faire partie d'une approche holistique. Il y a cinq grandes stratĂ©gies de justice transitionnelle[5].

Poursuites pénales

L'enquĂȘte et la poursuite des crimes internationaux graves, tels que le gĂ©nocide, les crimes contre l'humanitĂ© et les crimes de guerre contribuent Ă  renforcer la primautĂ© du droit en sanctionnant pĂ©nalement ceux qui violent les lois et dĂ©montrent que le crime ne sera pas tolĂ©rĂ©, et que les auteurs d’atteintes aux droits humains seront tenus responsables de leurs actes[6]. Outre le cas historique du procĂšs de Nuremberg, des exemples rĂ©cents de tribunaux internationaux temporaires sont le Tribunal pĂ©nal international pour le Rwanda, le Tribunal pĂ©nal international pour l'ex-Yougoslavie, les tribunaux hybrides tels que le Tribunal spĂ©cial pour la Sierra Leone, les Chambres spĂ©ciales des tribunaux de district de Dili, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens et l'Ă©tablissement de la Cour pĂ©nale internationale (CPI), en lui prĂȘtant une compĂ©tence universelle. La CPI et les tribunaux internationaux temporaires sont des Ă©lĂ©ments clĂ©s lors des poursuites.

RĂ©parations

Les rĂ©parations visent Ă  procurer des compensations aux victimes de violations des droits de l’homme ou Ă  leurs ayants droit, de maniĂšre Ă  corriger au moins en partie le mal qui leur a Ă©tĂ© fait, Ă  les aider Ă  surmonter les consĂ©quences des violations subies et Ă  leur permettre de se reconstruire. Les rĂ©parations peuvent inclure des paiements d’argent, des avantages sociaux comme l’accĂšs gratuit aux soins ou Ă  l’éducation et des compensations symboliques comme des excuses publiques[7]. Exemple de ces rĂ©parations : la "DĂ©claration de rĂ©conciliation" et les excuses du gouvernement canadien envers les familles canadiennes autochtones dont les enfants leur avaient Ă©tĂ© enlevĂ©s pour les placer dans des pensionnats indiens dirigĂ©es par les Ă©glises ; le gouvernement canadien a crĂ©Ă© un fonds de 350 millions de dollars pour aider les personnes touchĂ©es par ces placements. Une dĂ©marche analogue a eu lieu envers les peuples aborigĂšnes d’Australie lorsqu’en , Ă  la suite de la campagne du National Sorry Day, le premier ministre Kevin Rudd exprima publiquement des excuses du gouvernement fĂ©dĂ©ral envers les autochtones.

Recherche de la vérité

La recherche de la vĂ©ritĂ© englobe toutes les initiatives qui permettent de faire des recherches pour documenter les crimes et violations des Droits de l’homme et les torts faits aux victimes. Ces processus permettent d’examiner les faits et de les accepter afin d’éviter toute rĂ©pĂ©tition des mĂȘmes faits. La recherche historique permet d’éviter que des rĂ©gimes dictatoriaux ne rĂ©Ă©crivent l’histoire et n’entretiennent une attitude de dĂ©ni. Elle permet aux victimes de faire leur processus de deuil en obtenant les informations sur les Ă©vĂ©nements, par exemple dans le cas des "personnes disparues", et en comprenant les atrocitĂ©s endurĂ©es par les victimes. Les mesures Ă  prendre pour faciliter la recherche de la vĂ©ritĂ© peuvent comprendre : des lois sur la libertĂ© de l’information, la dĂ©classification des archives, des enquĂȘtes et des "commissions de vĂ©ritĂ©"[8].

Les "commissions de vérité"

Les "commissions de vĂ©ritĂ©" sont des commissions d’enquĂȘte non judiciaires visant Ă  mettre au jour les crimes et violations des droits de l’homme commis par un gouvernement ou par des acteurs non Ă©tatiques. Une quarantaine de ces commissions ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es de par le monde[9]. Un exemple est la Commission vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation en Afrique du Sud, Ă©tablie pour aider Ă  surmonter l’hĂ©ritage de l’apartheid et rĂ©duire les tensions dans le pays[10].

Mémoire et mémoriaux

Les mĂ©moriaux sont destinĂ©s Ă  prĂ©server et entretenir la mĂ©moire de personnes ou d’évĂ©nements au moyen de cĂ©rĂ©monies, monuments, musĂ©es et autres commĂ©morations. Dans le cadre de la justice transitionnelle, ils permettent d’honorer ceux qui sont morts pendant des conflits ou d’autres atrocitĂ©s, Ă  examiner le passĂ©, Ă  traiter les questions du prĂ©sent et Ă  tĂ©moigner du respect aux victimes. Ils peuvent aider Ă  enregistrer certains Ă©vĂ©nements pour prĂ©venir toute attitude de dĂ©ni et faciliter l’apaisement par rapport au passĂ©[8]. Citons Ă  titre d’exemple les monuments, la cĂ©rĂ©monie de priĂšre annuelle et les fosses communes qui furent crĂ©Ă©es au nord de l’Ouganda Ă  la suite des guerres meurtriĂšres conduites dans cette rĂ©gion par et contre la milice gĂ©nocidaire qui se faisait appeler l'ArmĂ©e de rĂ©sistance du Seigneur (‘’Lord’s Resistance Army’’)[11]

RĂ©forme institutionnelle

Dans des rĂ©gimes dictatoriaux, des institutions publiques telles que la police, l’armĂ©e ou les tribunaux sont souvent impliquĂ©es plus ou moins gravement dans la rĂ©pression et dans les violations des droits de l’homme. Quand les sociĂ©tĂ©s connaissent une transition vers un systĂšme dĂ©mocratique, ces institutions doivent ĂȘtre rĂ©formĂ©es afin de prĂ©venir toute rĂ©pĂ©tition des mĂȘmes faits. Les rĂ©formes Ă  faire incluent le processus de restructuration de ces institutions afin qu’elles respectent les droits de l’homme et l’état de droit[12], mais aussi des mesures telles que l’épuration, la lustration et le dĂ©sarmement, dĂ©mobilisation et rĂ©intĂ©gration ou DDR. L’épuration est le processus de rĂ©vocation des fonctionnaires corrompus ou coupables de violations des droits de l’homme. Par exemple en Afghanistan, les listes Ă©lectorales des Ă©lections de 2009 et 2010 avaient Ă©tĂ© Ă©purĂ©es[13]. La lustration est un processus similaire, le mot faisant particuliĂšrement rĂ©fĂ©rence aux processus appliquĂ©s dans les anciens pays communistes d’Europe centrale et orientale aprĂšs la fin de la guerre froide[14]. Il ne s’ensuit pas nĂ©cessairement une exclusion des personnes concernĂ©es de la fonction publique. Plusieurs Ă©tats ont adoptĂ© des procĂ©dures permettant de rĂ©intĂ©grer ces personnes moyennant une reconnaissance des faits et leur dĂ©nonciation[15]. Enfin les programmes de DDR aident les anciens miliciens et combattants Ă  retrouver une place dans la sociĂ©tĂ©[16].

Un exemple de rĂ©forme institutionnelle provient de Tunisie : sous le rĂ©gime de Ben Ali, les tribunaux facilitaient souvent la corruption. La rĂ©vocation du personnel judiciaire impliquĂ© dans ces affaires est l’un des axes de travail du gouvernement actuel pour rĂ©parer ces abus[17].

Prévalence de la justice transitionnelle

Depuis le dĂ©but des annĂ©es 1980, les États confrontĂ©s Ă  une phase de transition vers la dĂ©mocratie ont utilisĂ© une vaste palette d’instruments de justice transitionnelle participant Ă  la prise en compte du passĂ© et Ă  la construction de leur fonctionnement dĂ©mocratique. Des outils tels que les procĂšs, les « commissions de vĂ©ritĂ© », les rĂ©parations, la lustration, les musĂ©es et d’autres lieux de mĂ©moire ont Ă©tĂ© utilisĂ©s soit isolĂ©ment, soit combinĂ©s entre eux pour traiter les suites des violations des droits de l’homme. Diverses Ă©tudes allant de la prise de dĂ©cision quant au choix de la stratĂ©gie jusqu’à la mise en Ɠuvre d’une politique de justice transitionnelle et ses impacts sur la stabilitĂ© future de la sociĂ©tĂ© en question ont Ă©tĂ© menĂ©es par des universitaires ces derniĂšres annĂ©es. Celle de Kathryn Sikkink and Carrie Booth Walling, publiĂ©e en 2006[18], est particuliĂšrement Ă©clairante ; ils dĂ©crivent dans leur article ce qu’ils appellent la "cascade de la justice", le fait que les "commissions de vĂ©ritĂ©" et les procĂšs au titre des droits de l’homme rĂ©alisĂ©s entre 1979 et 2004 ont provoquĂ© une "judiciarisation" de la politique tant rĂ©gionale qu’internationale. Sur les 192 pays examinĂ©s, 34 avaient utilisĂ© des "commissions de vĂ©ritĂ©" et 50 avaient conduit au moins un procĂšs au titre des droits de l’homme dans un cadre transitionnel. Deux tiers des quelque 85 pays recensĂ©s comme Ă©tant en formation ou en transition avaient utilisĂ© soit des procĂšs soit des "commissions de vĂ©ritĂ©" comme outils de justice transitionnelle, et plus de la moitiĂ© avaient essayĂ© un processus judiciaire. L’utilisation de ces outils n’est donc pas une pratique isolĂ©e ou marginale, mais une pratique sociale trĂšs frĂ©quente au sein des pays en transition.

Évaluation par la Banque Mondiale

Dans son rapport 2011 ("2011 World Development Report on Conflict, Security, and Development”) , la Banque mondiale Ă©tablit un lien entre la justice transitionnelle, la justice et le dĂ©veloppement[19]. Ce rapport explore comment des pays peuvent Ă©viter de nouveaux cycles de violence et met en lumiĂšre l’importance de la justice transitionnelle, mettant particuliĂšrement en avant que c’est lĂ  l’un des "signaux" que les gouvernements peuvent utiliser pour montrer qu’ils entendent rompre avec les pratiques du passĂ©. Il souligne aussi que les mesures de justice transitionnelle peuvent dĂ©montrer l’importance accordĂ©e Ă  la responsabilitĂ© de chacun et Ă  l’amĂ©lioration de la capacitĂ© institutionnelle[20].

RĂ©duction de l'indice de violence politique

L'Ă©tude menĂ©e en 2006 par Sikkink et Walling[18] compare la situation des droits de l’homme dans plusieurs pays d’AmĂ©rique latine avant et aprĂšs les procĂšs de justice transitionnelle. Elle permet d’établir que parmi les 14 pays ayant eu au moins deux de ces procĂšs, onze avaient amĂ©liorĂ© leur indice de violence politique (en) (en anglais Political Terror Scale ou PTS) aprĂšs ces procĂšs. Ceux de ces pays qui avaient mis en place Ă  la fois des commissions de vĂ©ritĂ© et des procĂšs contre les coupables d’atteinte aux droits de l’homme avait davantage amĂ©liorĂ© leur indice PTS que les pays qui n'avaient organisĂ© que des procĂšs.

Influence des leaders politiques sur le processus

Une autre maniĂšre d’évaluer les campagnes de justice transitionnelle, c’est le constat que les dĂ©cideurs politiques ont moins de contrĂŽle sur ses mĂ©thodes de travail qu’ils ne le pensent. Quelles que soient leurs positions personnelles, ils ne sont pas en mesure d’empĂȘcher la mise en place de ces politiques. Dans son livre Juger le passĂ© dans l’Allemagne rĂ©unifiĂ©e (Judging the Past in Unified Germany, 2001), James McAdams montre que certains hommes politiques ouest-allemands, dont le chancelier Helmut Kohl voulaient empĂȘcher l’accĂšs du public aux archives de la Stasi (la police secrĂšte est-allemande), mais que les pressions des dissidents est-allemands les en ont empĂȘchĂ©s.

DĂ©fis

Difficultés pratiques

Depuis son apparition, la justice transitionnelle a rencontrĂ© de nombreux dĂ©fis, tels que d’identifier les victimes, de dĂ©cider de punir ou non les acteurs de niveau intermĂ©diaire, d’éviter de tomber dans une "justice des vainqueurs", de trouver les ressources nĂ©cessaires pour les compensations, les procĂšs et les rĂ©formes institutionnelles. Il arrive aussi que la pĂ©riode de transition n’aboutisse qu’à une paix ou Ă  une dĂ©mocratie fragile. Dans une transition, le dilemme des nouveaux gouvernants est de clarifier les responsabilitĂ©s pour les crimes passĂ©s sans faire courir de risques Ă  la transition dĂ©mocratique.

Faiblesses de l’appareil judiciaire rĂ©gional

De plus, le systĂšme judiciaire existant peut s’avĂ©rer faible, corrompu ou inefficace ce qui rend difficile l’obtention d’une justice effective. Des observateurs tels que Makau W. Mutua (en) ont soulignĂ© les difficultĂ©s que soulĂšve l’utilisation d’un des principaux outils de la justice transitionnelle, les procĂšs. À partir de l’exemple du tribunal international mis en place au Rwanda en 1994, il soutient que cela "sert Ă  rejeter la responsabilitĂ©, Ă  asservir les consciences Ă  des États qui ne cherchĂšrent pas Ă  arrĂȘter le gĂ©nocide
 et, en large part, Ă  masquer l’illĂ©gitimitĂ© du rĂ©gime tutsi. " Au total, conclut-il, des tribunaux tel que ceux du Rwanda ou de Yougoslavie sont moins importants s’ils peuvent pas ĂȘtre utilisĂ©s sans biais pour corriger les transgressions, Ă  moins qu’ils n’aient un effet dissuasif sur le comportement des criminels en puissance."

Fragilisation des poursuites judiciaires par certaines "commissions de vérité"

Plus rĂ©cemment, Lyal S. Sunga (en) a soutenu que, Ă  moins que les "commissions de vĂ©ritĂ©" ne soient Ă©tablies et conduites en conformitĂ© avec les rĂšgles du droit international en matiĂšre de droits de l’homme, de justice criminelle et de droit humanitaire, elles risquent d’interfĂ©rer avec les procĂ©dures pĂ©nales et de les fragiliser, que ces procĂ©dures se situent au niveau national ou international, cela en particulier lorsque ces commissions utilisent l’amnistie, voire l’amnistie totale, Ă  l’égard des coupables de crimes graves. En contrepartie, les procĂ©dures judiciaires doivent se placer davantage du point de vue des victimes et replacer les Ă©vĂ©nements dans la perspective globale. Sunga propose dix principes pour rendre les commissions vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation complĂ©mentaires des poursuites pĂ©nales en accord avec le droit international[21].

Compromis entre justice et vérité

Les critiques qui prĂ©cĂšdent peuvent conduire les universitaires comme les praticiens Ă  s’interroger sur celui des objectifs qui est le plus important parmi tous ceux attribuĂ©s Ă  la justice transitionnelle, voire s’il est seulement rĂ©aliste d’envisager de les atteindre. Les commissions de vĂ©ritĂ© peuvent apparaitre comme un mauvais compromis et une insulte Ă  l’état de droit puisqu’elles troquent les condamnations et les indemnisations contre la vĂ©ritĂ© par le biais des amnisties. Cela soulĂšve des questions encore plus fondamentales, telles que : la vĂ©ritĂ© peut-elle ĂȘtre rĂ©ellement Ă©tablie ? Toutes les victimes peuvent-elle se voir offrir une compensation ou mĂȘme une simple tribune ? Tous les coupables de crimes peuvent-il ĂȘtre amenĂ©s devant la justice ? Ou bien est-il suffisant de reconnaĂźtre l’existence des atrocitĂ©s et que les victimes doivent recevoir une compensation au regard de leurs souffrances ? Se concentrer trop Ă©troitement sur ces dĂ©fis de la justice transitionnelle peut faire perdre de vue le sens de la dĂ©marche. Son but est une recherche permanente de la vĂ©ritĂ©, de la justice, du pardon et de la guĂ©rison, et les efforts consentis dans ce sens aident d’anciens ennemis Ă  s’accepter et Ă  se cĂŽtoyer. Bref, le passĂ© doit ĂȘtre traitĂ© pour ouvrir la voie Ă  l’avenir. MĂȘme si l’impact de la justice transitionnelle peut parfois paraĂźtre marginal, le rĂ©sultat attendu en vaut la peine.

Compromis entre paix et justice

Un autre dĂ©fi est la tension entre la paix et la justice, qui rĂ©sulte des aspects contradictoires des deux objectifs. Bien qu’il soit gĂ©nĂ©ralement admis que les deux sont nĂ©cessaires pour rĂ©ussir la rĂ©conciliation, les avis divergent sur l’ordre de prioritĂ© dans lequel placer les deux objectifs : faut-il atteindre d’abord la justice ou la paix[22] ? Les partisans de l’école de la justice soutiennent que si tous les coupables d’atteintes aux droits de l’Homme ne sont pas jugĂ©s, la culture de l’impunitĂ© se propagera dans le nouveau rĂ©gime et l’empĂȘchera de rĂ©aliser complĂštement sa transition[23]. Les partisans de l’école de la paix rĂ©pliquent que la seule maniĂšre de mettre fin Ă  la violence est d’accorder des amnisties et mener des nĂ©gociations pour amener les criminels Ă  dĂ©poser les armes . Des exemples tels que celui de l’Irlande du nord montrent l’efficacitĂ© de ces amnisties sĂ©lectives pour mettre fin Ă  un conflit. Les plus rĂ©cents dĂ©veloppements dans le domaine des situations post-conflit tendent toutefois Ă  faire pencher la balance du cĂŽtĂ© de l’école de la justice, soulignant le fait que seule une justice Ă©quitablement rendue aux victimes permet d’éviter la reprise d’une guerre ou d’une guerre civile. Un dĂ©bat dans les colonnes de The Economist en 2011 conclu par un sondage montrait que 76 % des participants au dĂ©bat Ă©taient de cet avis.

Perspectives d’avenir

Édification d’États dĂ©mocratiques

Le nombre actuel de chantiers de construction ou de reconstruction d’États dĂ©mocratiques, dans des situations post-conflit ou non, rend la justice transitionnelle pertinente dans de trĂšs nombreux cas. MĂȘme si les statistiques concernant son efficacitĂ© sont a priori encourageantes, il appartient Ă  chaque État de dĂ©terminer quels dispositifs seront le mieux Ă  mĂȘme de lui permettre d’atteindre ses objectifs. Afin d’éviter de causer des dĂ©ceptions parmi les victimes de la violence, l’État doit aussi s’assurer que le public soit bien informĂ© quant aux buts et aux limites de ces dispositifs.

Un chantier interdisciplinaire

Le succĂšs de la justice transitionnelle ne montre aucun signe d’affaiblissement et devient au contraire un des Ă©lĂ©ments-clĂ© du discours de la politique de transition au XXIe siĂšcle, comme le montrent l'incorporation des politiques, des outils et des programmes de justice transitionnelle dans les opĂ©rations de consolidation de la paix et les processus de dĂ©mocratisation par les Nations unies (ONU) et par de nombreuses organisations de promotion de la dĂ©mocratie locale et internationale, comme l'Institut international de Stockholm d'assistance Ă©lectorale et la dĂ©mocratie (International IDEA) et de nombreux d'autres. Cela est Ă©galement confirmĂ© par la mise sur pied d'organisations non gouvernementales internationales (OING) et de rĂ©seaux dĂ©diĂ©s comme le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ), la justice African Transitional Justice Research Network (ATJRN) et de centres de recherche comme le Transitional Justice Institute (en). Les publications universitaires comme le Journal international de Justice transitionnelle contribuent Ă©galement Ă  la construction d'un domaine interdisciplinaire avec l'espoir que les innovations futures seront adaptĂ©es Ă  la situation spĂ©cifique de chaque État et contribueront Ă  des transitions politiques qui traitent le passĂ© et ainsi Ă©tablissent des garanties pour le respect des droits de l’homme et la dĂ©mocratie.

Prise en compte des enfants

En , le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) a publiĂ© un rapport appelant Ă  une meilleure comprĂ©hension des effets de mesures de la justice transitionnelle traditionnelle du point de vue des enfants. Ce rapport identifie les enfants comme une large section de la population trop souvent exclue des rĂ©flexions de la justice transitionnelle traditionnelle. Afin de corriger ce dĂ©sĂ©quilibre, une nouvelle perspective centrĂ©e sur l’enfant est nĂ©cessaire[24].

Quelques procĂšs importants

  • Loayza–Tamayo v. Peru, 1998 Inter-Am. Ct. H.R. (ser. C) No. 42 (November 27, 1998)
  • Garrido and Baigorria v. Argentina, 1998 Inter-Am. Ct. H.R. (ser. C) No. 39, 72 (August 27, 1998)
  • Moiwana Community v. Suriname, 2005 Inter-Am. Ct. H.R. (ser. C) No. 124, 100 (June 15, 2005)

Articles connexes

Références

  1. Rapport du Rapporteur SpĂ©cial sur la Promotion de la VĂ©ritĂ©, de la Justice, des RĂ©parations et des Garanties de Non-RĂ©pĂ©tition, M. Pablo de Greiff, Conseil de Droits de l’homme, A/HRC/21/46, 9 aoĂ»t 2012, citĂ© par Kora Andrieu dans "Confronter le passĂ© de la dictature en Tunisie, la loi de justice transitionnelle » en question", Institut de Relations Internationales Et StratĂ©giques (IRIS), Paris, 2014
  2. Joinet, Louis, Question de l’impunitĂ© des auteurs des violations des droits de l’homme civils et politiques, Rapport final en application de la dĂ©cision 1996/119 de la Sous-Commission, Nations Unies, E/CN.4/Sub.2/1997/20 et E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1.
  3. La justice transitionnelle : une voie vers la rĂ©conciliation et la construction d’une paix durable, actes de la 2e confĂ©rence rĂ©gionale sur la justice transitionnelle, tenue du 17 au 19 novembre 2009 Ă  YaoundĂ©, au Cameroun, Carol Mottet, Christian Pout Ă©diteurs, Copyright : 2009 Mediaw4Peace, DĂ©partement fĂ©dĂ©ral des affaires Ă©trangĂšres de Suisse, MinistĂšre des affaires Ă©trangĂšres et europĂ©ennes de France, Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme et la dĂ©mocratie en Afrique centrale (Cameroun)
  4. (en) « Homepage - University of Pennsylvania Press », sur University of Pennsylvania Press (consulté le ).
  5. "What is Transitional Justice?", International Center for Transitional Justice
  6. "pénale Justice ", Centre international pour la justice transitionnelle
  7. "Reparations in Theory and Practice", Lisa Margarrell, International Center for Transitional Justice
  8. "Truth and Memory", International Center for Transitional Justice
  9. "Truth Commissions", International Center for Transitional Justice
  10. Peccia, T., Meda, R., & Forte, M. C. (2019). La recherche d’une paix durable Ă  travers la justice transitionnelle et le rĂŽle de la mĂ©moire: Un regard sur la Tunisie contemporaine. Dilemas-Revista de Estudos de Conflito e Controle Social, 12(1), 195-209.
  11. "We Can’t Be Sure Who Killed Us: Memory and Memorialization in Post-conflict Northern Uganda", Julian Hopwood, International Center for Transitional Justice
  12. "Institutional Reform", International Center for Transitional Justice
  13. "Vetting Lessons for the 2009-10 Elections in Afghanistan", Fatima Ayub, Antonella Deledda, Patricia Gossman, International Center for Transitional Justice
  14. "Justice as Prevention: Vetting Public Employees in Transitional Societies", eds. Pablo de Greiff and Alexander Mayer-Rieckh, International Center for Transitional Justice
  15. Roman, David, Lustration and Transitional Justice: Personnel Systems in the Czech Republic, Hungary, and Poland. Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2011
  16. "Disarmament, Demobilization, and Reintegration", International Center for Transitional Justice
  17. "Tunisia's courts Emerge Slowly from Shadow of Ben Ali", International Center for Transitional Justice
  18. The Impact of Human Rights Trials in Latin America, Journal of Peace Research, 2007
  19. "Human Rights and Transitional Justice in the 2011 World Development Report", International Center for Transitional Justice
  20. "Conflict, Security, and Development", World Development Report 2011
  21. Ten Principles for Reconciling Truth Commissions and Criminal Prosecutions, in The Legal Regime of the ICC, Brill (2009) 1071–1104.
  22. http://www.crisisgroup.org/en/key-issues/peace-justice.aspx
  23. (en) « Seductions of "Sequencing" », sur Human Rights Watch, (consulté le ).
  24. "Through A New Lens: A Child-Sensitive Approach to Transitional Justice", "International Center for Transitional Justice"

Bibliographie

En français

  • "La justice transitionnelle : une voie vers la rĂ©conciliation et la construction d’une paix durable", actes de la 2e confĂ©rence rĂ©gionale sur la justice transitionnelle, tenue du 17 au Ă  YaoundĂ©, au Cameroun, Carol Mottet, Christian Pout Ă©diteurs, Copyright : 2009 Mediaw4Peace, DĂ©partement fĂ©dĂ©ral des affaires Ă©trangĂšres de Suisse, MinistĂšre des affaires Ă©trangĂšres et europĂ©ennes de France, Centre des Nations unies pour les droits de l’homme et la dĂ©mocratie en Afrique centrale (Cameroun)
  • Kora Andrieu, "Confronter le passĂ© de la dictature en Tunisie, la loi de justice transitionnelle » en question", Institut de Relations Internationales Et StratĂ©giques (IRIS), Paris, 2014
  • DIGNEFFE et PIERENS [dir.], Justice et Gacaca : L'expĂ©rience rwandaise et le gĂ©nocide, Presses universitaires de Namur, Namur, 2003.
  • "La notion de justice transitionnelle a-t-elle un sens ? " ConfĂ©rence du professeur de droit public Fabrice Hourquebie
  • "La recherche d’une paix durable Ă  travers la justice transitionnelle et le rĂŽle de la mĂ©moire: Un regard sur la Tunisie contemporaine"https://www.redalyc.org/jatsRepo/5638/563864288009/index.html

En anglais

  • (en) Restoring Justice After Large-scale Violent Conflicts : Kosovo, DR Congo and the Israeli-Palestinian Case, William Publishing, , 483 p. (ISBN 978-1-84392-302-2 et 1-84392-302-5, lire en ligne)
  • (en) Helena Cobban, AMNESTY AFTER ATROCITY : Healing Nations after Genocide and War Crimes, Boulder, CO, Paradigm Publishers, , 284 p. (ISBN 978-1-59451-316-9) The final chapter of this book is available online at « Restoring Peacemaking, Revaluing History » (consultĂ© le )
  • CLARK, The gacacas courts, post genocide justice and reconciliation in Rwanda : justice without lawyers, Cambridge University Press, New York, 2010, 310 p., (ISBN 978-0-521-19348-1)
  • M. Drumbl, Collective Violence and individual Punishment: The Criminality of Mass Atrocity, Northwestern University Law Review 99, 2005, p. 539-610
  • Roman David, Lustration and Transitional Justice, Philadelphia: Pennsylvania University Press, 2011.
  • Kritz, Neil, ed. (1995). Transitional Justice: How Emerging Democracies Reckon with Former Regimes, Vols. I–III. Washington, D.C.: U.S. Institute of Peace Press.
  • McAdams, A. James (2001). "Judging the Past in Unified Germany." New York, NY: Cambridge University Press.
  • Martin, Arnaud, ed. (2009). La mĂ©moire et le pardon. Les commissions de la vĂ©ritĂ© et de la rĂ©conciliation en AmĂ©rique latine. Paris: L'Harmattan.
  • Mendez, Juan E. (1997). "Accountability for Past Abuses." Human Rights Quarterly 19:255.
  • Nino, Carlos S. (1996). Radical Evil on Trial. New Haven, Conn.: Yale University Press.
  • Lavinia Stan, ed., Transitional Justice in Eastern Europe and the Former Soviet Union: Reckoning with the Communist Past, London: Routledge, 2009.
  • Ruti Teitel, "Transitional Justice", Oxford University Press, 2000.
  • Zalaquett, Jose (1993). "Introduction to the English Edition." In Chilean National Commission on Truth and Reconciliation: Report of the Chilean National Commission on Truth and Reconciliation, trans. Phillip E. Berryman. South Bend, Ind.: University of Notre Dame Press.

Liens externes

En français

En anglais

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.