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Tribunal pénal international pour le Rwanda

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est une ancienne juridiction pénale internationale mise en place le par le Conseil de sécurité des Nations unies afin de juger les personnes responsables d'actes de génocide des Tutsi au Rwanda, et d'autres crimes contres l'humanités commis sur le territoire du Rwanda, ou par des citoyens rwandais sur le territoire d'États voisins, entre le et le . Son siège était situé à Arusha en Tanzanie.

Tribunal pénal international pour le Rwanda
Image illustrative de l’article Tribunal pénal international pour le Rwanda
Les bureaux du TPIR Ă  Arusha en 2003.
Sigle (en) ICTR, (fr) TPIR
Juridiction GĂ©nocide des Tutsis au Rwanda
Type Tribunal pénal international spécialisé
Langue Anglais, français
Création
Dissolution
Siège Arusha
CoordonnĂ©es 3° 22′ 04″ sud, 36° 41′ 47″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Tanzanie
(Voir situation sur carte : Tanzanie)
Voir aussi
Site officiel https://unictr.irmct.org/fr/tribunal

Il achève ses travaux le avec un bilan mitigé et très critiqué par de nombreux experts. Les dossiers du tribunal sont repris par le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux.

Historique

Les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui concernent le TPIR sont :

  • la rĂ©solution 955 du sur la crĂ©ation du TPIR[1] ;
  • la rĂ©solution 978 du sur la coopĂ©ration de tous les États-membres de l'ONU avec le TPIR[2] ;
  • la rĂ©solution 1165 du sur la crĂ©ation d'une troisième chambre de première instance[3].

Le tribunal devait achever ses travaux en 2010. Les décisions de première instance ont été rendues avant fin 2012 et les décisions d'appel avant fin 2015[4].

Mandat du TPIR

Le mandat du TPIR est uniquement de « juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations du droit international commis sur le territoire d’États voisins entre le 1er janvier et le »[5].

Son but est de « contribuer au rétablissement et au maintien de la paix et à la réconciliation nationale » au Rwanda[6] tel qu'établi par le Conseil de sécurité[7].

Organisation du TPIR

Le TPIR est constitué de deux chambres de première instance, dotées chacune de trois juges, d'une chambre d'appel dotée de cinq juges, d'un procureur et d'un greffe.

Les juges de la chambre d'appel sont ceux qui siègent déjà à la chambre d'appel pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Ceux des deux chambres de première instance sont élus par l'Assemblée générale des Nations-Unies, sur une liste présentée par le Conseil de Sécurité établie à partir des candidatures proposées par les États membres[8].

Les langues de travail du Tribunal international sont l’anglais et le français.

Les peines prononcées sont exécutées au Rwanda ou dans des pays qui se sont proposés auprès du Conseil de sécurité pour recevoir des condamnés[9].

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a fait un effort de transparence et de communication, en utilisant notamment son site Internet[10] et d'autres moyens plus locaux pour ce faire.

Les principaux procès

L'Ă©tat des affaires peut ĂŞtre suivi sur le site du TPIR[11].

Jean-Paul Akayesu

Il était le bourgmestre de la ville de Taba en 1994. Arrêté en à Lusaka en Zambie, son procès a eu lieu entre janvier 1997 et mars 1998. Ce fut la première sentence du TPIR.

Jean-Paul Akayesu a été condamné à la prison à vie pour le massacre de 2000 Tutsi réfugiés dans le bureau communal de Taba, l'incitation à des viols collectifs et publics, ainsi que pour sa participation directe dans plusieurs assassinats.

Ce procès a également établi une chaîne de commandement. Le tribunal a aussi, pour la première fois, reconnu le viol comme crime de génocide, dans la mesure où ils étaient commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie, un groupe particulier ciblé comme tel[12].

Jean Kambanda

Né le , Jean Kambanda a assuré la direction de l’Union des banques populaires du Rwanda de à . Kambanda était le vice-président du Mouvement démocratique républicain (MDR) et devint Premier ministre du gouvernement intérimaire le , deux jours après l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana.

Arrêté à Nairobi, au Kenya, le , Jean Kambanda a été inculpé pour sa participation directe dans le génocide et ses interventions au nom du gouvernement intérimaire. En tant que responsable politique, il lui est également reproché de n'être pas intervenu pour faire cesser les crimes. Jean Kambanda a reconnu avoir distribué armes et munitions dans les préfectures de Butare et de Gitarama, en ayant pleinement conscience du fait que celles-ci seraient utilisées pour perpétrer des massacres à l'encontre des civils. Pour la première fois, un chef du gouvernement reconnaissait l'existence du génocide et confirmait que celui-ci avait été préparé à l'avance.

Chefs d’inculpation sont retenus le :

Le , Jean Kambanda a été condamné à la réclusion à perpétuité pour génocide, entente en vue de et incitation directe et publique à commettre le génocide, complicité dans le génocide et crimes contre l'humanité. Il est alors revenu sur ses aveux et a interjeté un recours, rejeté par la chambre d'appel du TPIR le . Jean Kambanda purge aujourd’hui sa peine à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako, au Mali. Ce fut la première condamnation prononcée pour crime de génocide depuis l’adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.

Source : Trial Watch

Georges Ruggiu

Naturalisé belge en 1975, Georges Ruggiu était journaliste et animateur à la Radio Mille Collines au moment du génocide. Arrêté à Mombasa au Kenya le , il a reconnu avoir diffusé des émissions qui ont incité au meurtre ou à des atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale des Tutsis et ont constitué des actes de persécution envers les Tutsis, ainsi que certains Hutus et citoyens belges. Son procès a été dissocié de celui des médias de la haine (voir plus bas) et il a été condamné à douze ans[13] de prison le .

Procès des médias de la haine

Le procès des « médias de la haine » a débuté le et est chargé de la répression des médias ayant encouragé le génocide de 1994.

Il y a trois inculpés :

Le , le TPIR avait condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie les deux premiers inculpĂ©s, et le troisième Ă  35 ans de prison, pour incitation Ă  la haine ethnique avant et durant la pĂ©riode du gĂ©nocide de 1994, avant que leur peine ne soit allĂ©gĂ©e en appel.

La Cour suprême du Canada a statué en que Léon Mugesera, réfugié politique depuis 1996, devra retourner au Rwanda pour répondre des chefs d'accusations d'incitation à la haine et au génocide. Léon Mugesera avait fait un discours en 1992 incitant la population Hutu au massacre des Tutsis.

Procès des militaires et des politiques

  • ThĂ©oneste Bagosora, directeur de cabinet au ministère de la DĂ©fense, condamnĂ© Ă  35 ans de prison en 2011.
  • JĂ©rĂ´me Bicamumpaka, ministre des Affaires Ă©trangères
  • Augustin Bizimana, ministre de la DĂ©fense, dĂ©cès confirmĂ© par le MTPI[14].
  • Augustin Bizimungu, chef d’état-major des Forces armĂ©es rwandaises, condamnĂ© Ă  30 ans de prison en 2014.
  • Casimir Bizimungu, ministre de la SantĂ©
  • Jean-Baptiste Gatete, ancien bourgmestre de la commune de Murambi
  • Gratien Kabiligi, chef d’opĂ©ration Ă  l’état-major des Forces ArmĂ©es Rwandaises, acquittĂ©
  • L’homme d’affaires FĂ©licien Kabuga
  • Édouard Karemera, ministre de l’IntĂ©rieur
  • ClĂ©ment Kayishema, prĂ©fet de Kibuye, condamnĂ© Ă  vie pour le massacre de l'Ă©glise et du stade de Kibuye, de l'Ă©glise de Mubuga et de la colline de Bisesero
  • Simon Bikindi, chanteur rwandais
  • Protais Mpiranya, responsable de la garde prĂ©sidentielle (mort en 2006 au Zimbabwe[15])
  • Justin Mugenzi, ministre du Commerce, acquittĂ©
  • Prosper Mugiraneza, ministre de la Fonction publique, acquittĂ©
  • Augustin Ndindiliyamana, ancien chef de la gendarmerie (dĂ©fendu par l'avocat canadien Christopher Black)
  • Colonel Anatole Nsegiyumya, chef de la rĂ©gion militaire de Gisenyi
  • Major Aloys Ntabakuse, commandant des para-commandos.
  • Pauline Nyiramasuhuko, ministre de la Famille, condamnĂ©e Ă  perpĂ©tuitĂ©
  • Callixte Nzabonimana, ministre de la Jeunesse
  • Lieutenant-colonel Nzuwonemeye et son adjoint le capitaine Sagahutu
  • AndrĂ© Rwamakuba, ministre de l’Éducation, acquittĂ©
  • Matthieu Ngirumpatse et Joseph Nzirorera, deux dirigeants du MRND

Chronologie

  • : crĂ©ation du TPIR, Richard Goldstone est nommĂ© procureur gĂ©nĂ©ral du TPIY et du TPIR.
  • : Laity Kama est Ă©lu prĂ©sident du TPIR.
  • : premières mises en accusation.
  • : Louise Arbour remplace Richard Goldstone.
  • : dĂ©but du procès de Jean-Paul Akayesu.
  • : publication du rapport Paschke, dĂ©mission du greffier Adede (remplacĂ© par Agwu Okali) et du procureur adjoint Rakotomanana (remplacĂ© par Bernard Muna).
  • : la juge Pillay remplace le juge Kama Ă  la prĂ©sidence.
  • Juillet Ă  : aucun procès n’est en cours devant le TPIR.
  • : Carla Del Ponte remplace Louise Arbour.
  • 1999-2000 : ralentissement gĂ©nĂ©ral des procès du TPIR.
  • : Kigali donne son accord de principe concernant des poursuites Ă  l’encontre de militaires du FPR.
  • : nomination de Adama Dieng comme greffier
  • 2003 : le vice-prĂ©sident du Tribunal, le norvĂ©gien Erik Møse est Ă©lu prĂ©sident du tribunal ; le gambien Hassan Bubacar Jallow remplace Carla del Ponte au poste de procureur gĂ©nĂ©ral.
  • 2007 : le juge Charles Michael Dennis Byron succède Ă  Erik Møse Ă  la prĂ©sidence.

La compétence universelle de tribunaux nationaux

Certains pays disposent dans leur législation de la possibilité de juger pour génocide, crime contre l'humanité ou crime de guerre des personnes accusées de ces crimes et se trouvant sur leur territoire. Le TPIR et les juridictions de ces pays sont alors concurremment compétentes pour juger ces crimes. Cependant, le TPIR garde une primauté sur ces juridictions et peut leur demander de se dessaisir en sa faveur, à tout moment de la procédure[16].

Une personne déjà jugée par le TPIR ne peut plus l'être par une juridiction nationale. Une personne jugée par une juridiction nationale ne peut l'être de nouveau par le TPIR que si le fait pour lequel elle a été jugé était qualifié de crime de droit commun ou si la procédure nationale engagée devant elle visait à la soustraire à sa responsabilité pénale internationale[17].

Plusieurs pays ont utilisé leur compétence universelle pour juger des personnes suspectées de participation au génocide:

  • En Belgique, quatre Rwandais ont Ă©tĂ© jugĂ©s pour participation au gĂ©nocide.
  • En France, cette compĂ©tence universelle est Ă©tablie juridiquement notamment par la loi no 96-432 du 22 mai 1996. Six plaintes ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es contre X, par des Rwandais, devant le tribunal des armĂ©es en fĂ©vrier 2005 pour complicitĂ© de gĂ©nocide. En 2014, Pascal Simbikangwa a Ă©tĂ© jugĂ© et condamnĂ© Ă  25 ans de prison, peine confirmĂ©e en appel[18]. En juillet 2016, Ă  l'issue de deux mois de procès, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, deux bourgmestres du village de Kabarondo, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s par la cour d'assises de Paris Ă  la rĂ©clusion criminelle Ă  perpĂ©tuitĂ© pour « crimes contre l’humanitĂ© » et « gĂ©nocide », et pour « une pratique massive et systĂ©matique d’exĂ©cutions sommaires » en application d’un « plan concertĂ© tendant Ă  la destruction » du groupe ethnique tutsi, peines confirmĂ©es en appel en juillet 2018[19] - [20]. En 2021, Claude Muhayimana a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  14 ans de prison pour avoir, Ă  plusieurs reprises, transportĂ© des miliciens sur les lieux de massacre dans les rĂ©gions de Kibuye et Bisesero[21]. En juillet 2020, le parquet national antiterroriste a ouvert une enquĂŞte prĂ©liminaire pour « crimes contre l’humanitĂ© » contre Aloys Ntiwiragabo[2] - [3]; en dĂ©cembre 2021, le Rwanda Ă©met un mandat d'arrĂŞt international Ă  son encontre[4]; enfin, Interpol lance une fiche rouge au nom de Aloys Ntiwiragabo pour crime de gĂ©nocide et crimes contre l’HumanitĂ©[5]. En 2022, a lieu le procès de Laurent Bucyibaruta[22].
  • En Suisse, Fulgence Niyonteze, ancien maire de Mushubati, a Ă©tĂ© jugĂ© pour avoir organisĂ© fin la tuerie des Tutsis de sa commune qui avaient Ă©chappĂ© jusque-lĂ  au gĂ©nocide en cours. RĂ©fugiĂ© politique en Suisse en 1994, il a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ© en 1996 et condamnĂ© en 2000 Ă  14 ans de prison[23].
  • Au Canada, un Rwandais, DĂ©sirĂ© Munyaneza, a Ă©tĂ© jugĂ© pour participation au gĂ©nocide[24].

Bilan et Critiques

Logo du TPIR Ă  Kigali.

En ce qui concerne les victimes du génocide, le TPIR semble être un temps et un lieu important de (re)constitution de la mémoire de faits généralement cachés par les auteurs de crimes, ce qui peut aider à apaiser les tensions interdisant un vrai retour de la paix. Le problème de l'ensemble des séquelles de guerre, autres qu'économiques semble pouvoir ainsi à l'avenir trouver à être mieux traité par le droit international, parce que moins "indicible".

Le manque de moyens et de juges, le temps pris par les traductions, sont également sources de retard et de difficultés d'instruction, évoqués par les membres du tribunal et leurs rapports à l'ONU. Le travail de ces tribunaux est un travail de longue haleine, dont le bilan définitif ne peut déjà être produit.

Une instruction limitée aux crimes liés au génocide des Tutsi

Si le TPIR a jugé un nombre important de hauts responsables politiques impliqués dans le génocide, il n'a entrepris aucune action contre les crimes de guerre ou crimes contre l'humanité imputés au Front patriotique rwandais (FPR). La procureure Carla Del Ponte, qui a tenté de mener de telles enquêtes, s'est vu opposer un refus de la part du gouvernement rwandais (issu de la victoire du FPR) qui estime que le jugement de ces crimes est de son ressort. Le mandat de procureur de Mme Del Ponte n'a pas été reconduit en 2003 et son successeur n'a pas cherché à poursuivre ses enquêtes[25].

Critiques émises par les victimes du génocide

Par ailleurs, les rescapés ont pu être moins bien traités que les détenus. La procureure Carla del Ponte affirme[26] que le centre de détention était une prison « cinq étoiles » où les détenus étaient « vraiment très bien traités du point de vue alimentaire » tandis que les « témoins victimes se trouvaient dans des conditions misérables ». Une rescapée, Yolande Mukagasana, consacre de nombreuses mentions de son livre[27] aux enquêtes et jugements du TPIR. Elle y relève entre autres que les rescapés n'ont pas d'avocat (car ils sont témoins et non partie civile), et que leur sécurité n'étant pas assurée, certains ont été tués à leur retour au Rwanda[28]. Elle critique également le fait que les plaignantes pour viol soient soumises à des questions déstabilisantes qui sont humiliantes, et à des tentatives de reconstitution explicites.

Critiques émises par les avocats de la défense

Outre l’unilatéralité du bilan du Tribunal, d'autres critiques ont été soulevées par des avocats de la défense. Ainsi, la procédure suivie est celle de la common law anglo-saxonne, où procureur et accusé sont censés être à égalité face au juge qui tranche au vu des preuves fournies. Mais cette égalité serait imparfaite, car c'est le procureur qui décide du moment de l'ouverture de la procédure à l'audience, en fonction des preuves qu'il aura réussi à rassembler. La proximité du siège du tribunal avec le Rwanda lui permet également de rassembler des preuves et des témoins à charge plus facilement que les accusés ne peuvent le faire pour les témoins à décharge, ces derniers vivant parfois en exil, et ceux qui vivent au Rwanda étant susceptibles de subir des pressions de la part du gouvernement rwandais. Par ailleurs, les garanties que peut accorder ce gouvernement aux accusés qui ont été acquittés et qui souhaitent retourner au Rwanda seraient loin d'être acquises[29]. Ces personnes acquittées ne peuvent retourner au Rwanda[30] alors que les pays d'accueil semblent réticents à les accueillir[31].

Des critiques ont également été émises quant à la suite à donner à ses acquittés qui ne peuvent pas retourner chez eux et pour lesquels le tribunal a du mal à trouver un pays tiers d'accueil [32].

La communication politique du Tribunal

Depuis le commencement du génocide, les médias principalement locaux comme radio Rwanda, ont joué un rôle considérable dans le déroulement de celui-ci. Ceux-ci ont divulgué de nombreux messages ayant pour but d’inciter à commettre directement et publiquement le génocide. Une culture de la violence était entretenue à travers différents moyens de communications où de nombreux messages et images de propagandes circulaient. Cet appel à la violence n’est bien-sûr pas passé inaperçu auprès de la communauté internationale. Par la suite, les médias ont donc eux aussi pris part au procès réalisé par le TPIR, sur le banc des accusés, lors du procès dit « des médias ».

En revanche, ce sont les médias internationaux qui vont jouer un rôle majeur dans l’aspect communicationnel du TPIR. L’intégralité des événements majeurs (prévus ou non) des différents procès vont faire l’objet de sujets centraux de centaines d’articles publiés par de nombreux médias informatifs. Les caractéristiques de ces procès et leur complexité n’étant pas habituelles, l’audience fut directement réceptive et avide de justice. La communication est donc un élément majeur lors de procès controversé comme celui-ci. De plus, le TPIR confia certaines des affaires à différents pays comme la France par exemple, ce qui amplifia considérablement l’audience. Par ailleurs les médias locaux des pays concernés se sont mis eux aussi à divulguer des informations pertinentes sur l’avancement du procès et ses conséquences. Grâce à la communication effectuée par de nombreux médias l’avancement et le déroulement du TPIR ont donc pu être suivis par le monde entier au fil des années.

De plus, les acteurs constituant les procès se sont exprimés auprès des médias, de manière positive comme négative, sur le déroulement et les conséquences sur les victimes et les accusés du procès.. Par exemple, le 6 février 2012 après qu’un verdict soit tombé à la suite d’un procès mené par le TPIR, le magistrat rwandais a critiqué l’acquittement prononcé par la chambre d’appel du TPIR « Ce n’est pas compréhensible ! Tant de contradictions entre les chambres de première instance et la chambre d’appel dans plusieurs affaires ! », s’est-il étonné. « Cela veut dire qu’il y a une chambre trop faible qui a condamné des gens à tort ou qu’il y a une chambre trop faible qui a acquitté des personnes coupables ? », a-t-il demandé. « Il y a une question de responsabilité », a-t-il conclu[33]. De nombreuses critiques sont donc rendues publiques menant à différents points de vue, qui peuvent être enrichis et accentués par des acteurs extérieurs, pouvant parfois conduire à de la propagande positive ou négative sur le TPIR.

Si le projet du Tribunal Pénal International pour le Rwanda fait partie des plus grands projets internationaux pour l’ONU, il ne rencontre pas autant d’intérêt que son prédécesseur :le Tribunal Pénal pour l’Ex- Yougoslavie[34]. En effet, l’aspect communicationel de l’instance pêne à être prise au sérieux ou à être mise en avant pour cause de la lenteur de ses actions. Le majeur problème du Tribunal Pénal est le délai de mise en action pour non seulement juger les coupables, mais aussi pour les retrouver. Le TPIR perd de sa crédibilité auprès de la communauté internationale et son efficacité est remise en question. Il est aussi évident que lorsque des démarches de cette délicatesse prennent autant de temps à voir le jour, la communication de celles-ci au grand public reste extrêmement compliquée à mettre en place. Effectivement les échanges, accusassions et jugements communiqués au cours des différents tribunaux sont préparés et mis en action par les plus grands professionnels reconnus sur la scène internationale. La banalisation et l’explication, pour le grand public, de ces longues heures d’audiences où plusieurs partis plaident leurs causes indéfiniment, est un enjeu de taille. Enfin, la communication du jugement d’un génocide est épineuse, il faut faire attention aux formulations des faits et une totale transparence. Le TPIR n’est pas une instance parfaite dans son fonctionnement même, il est donc difficile de créer son aspect communicationnel sans failles et sans bases solides.

Sept ans après la clôture du tribunal pénal international pour le Rwanda, la communication de celui-ci reste encore très légère mais présente. En effet certains organismes se sont chargés de retranscrire les faits de manière accessible à tous sur des plateformes qui sont aujourd’hui, elles aussi, facilement accessibles ; on peut notamment citer la page des Nations unies qui va expliquer le déroulement du génocide, des affaires juridiques qui ont suivi, ils mettent aussi à disposition la documentation liée aux affaires et autres supports permettant de comprendre un peu mieux le déroulement du TPIR. Le comité international de la Croix-Rouge a lui aussi publié un article sur son site web, cet article présente l’organisation, la création du tribunal et les enquêtes qui ont été faites, notamment celles liées au “procès des médias de la haine”. C’est donc aussi par le biais de site web comme celui des Nations unies que le TPIR a pu communiquer ses actions à toutes personnes souhaitant s’en informer.

Malgré quelques difficultés et quelques défauts du TPIR, il a permis de nombreuses choses et a eu beaucoup d’influence notamment sur Arusha, qui était une ville sans grande différences des autres villes du pays. La communication politique peut passer tout simplement par l’influence de l’instance aussi bien sur le local qu’à l’international. Pour Arusha, la mise en place de ce Tribunal Pénal international a été bénéfique car il a apporté avec lui l’œil de la communauté internationale sur la ville. Selon Adara Raza, originaire d’Arusha, “ (…) il a pu constater la métamorphose de sa ville (…)” ainsi que “la richesse culturelle qu’a apportée le Tribunal”[35]. En effet la présence de ce tribunal a renouvelé le dynamisme de la ville dû à ses nombreux visiteurs venant d’un peu partout dans le monde. Le TPIR a aussi été une source de création d’emplois pour les habitants d’Arusha comme en témoigne Adara Raza : “Ces fonctionnaires internationaux consommaient, se logeaient, se déplaçaient à Arusha, et employaient de nombreuses personnes pour des services.”[35]. La communauté internationale, a rendue attirante la ville d’Arusha et cela a permis à de nombreux locaux de trouver de l’emploi et de dynamiser les ressources disponibles dans cette région de la Tanzanie.

Notes et références

Références

  1. (fr) RĂ©solution 955.
  2. (fr) RĂ©solution 978.
  3. (fr) RĂ©solution 1165.
  4. (fr) Stratégie d'achèvement du tribunal
  5. « Résolution 955, adoptée par le Conseil de sécurité à sa 3453e séance,le 8 novembre 1994 », sur unictr.irmct.org (consulté le )
  6. Cécile Aptel, « A propos du Tribunal pénal international pour le Rwanda », Revue internationale de la Croix-Rouge, no 828,‎ , p. 721-730, spéc. p. 721 (lire en ligne, consulté le )
  7. « Le TPIR se souvient - 20ème anniversaire du génocide rwandais », sur irmct.org (consulté le )
  8. Article 12 de la résolution 955 du Conseil de Sécurité
  9. Article 26 de la résolution 955 du Conseil de Sécurité
  10. État des affaires
  11. The New York Times, When Rape Becomes Genocide, 5 septembre 1998; Trial Watch.
  12. Trial Watch
  13. « Rwanda: confirmation de la mort, il y a 20 ans, du génocidaire Augustin Bizimana », sur RFI, (consulté le )
  14. « Génocide au Rwanda : après Protais Mpiranya, un deuxième fugitif était en fait décédé – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  15. article 8 de la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies
  16. article 9 de la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies
  17. « Génocide au Rwanda: la justice française confirme la condamnation de Pascal Simbikangwa », sur RFI, (consulté le )
  18. « Deux ex-maires rwandais condamnés en appel à perpétuité pour génocide », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. « Génocide au Rwanda : Tito Barahira et Octavien Ngenzi condamnés en appel à la réclusion à perpétuité – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  20. « Génocide au Rwanda : un Franco-Rwandais condamné à 14 ans de réclusion pour complicité », sur www.france24.com,
  21. « Rwanda : Laurent Bucyibaruta, un ancien préfet accusé de « génocide » devant la cour d’assises de Paris », LeMonde,
  22. Trial Watch, fiche de Fulgence Niyonteze
  23. « La prison à vie pour Désiré Munyaneza - Vers un « développement durable » de la justice pénale internationale », sur Le Devoir (consulté le ).
  24. Voir l'interview de Mme Del Ponte à l'occasion d'un colloque du club Démocraties, le 1er avril 2014, au Palais du Luxembourg à Paris. Selon Mme Del Ponte, sa non-reconduction résulte d'un marchandage entre les États-Unis et le Rwanda.
  25. Voir l'interview de Mme Del Ponte Ă  l'occasion d'un colloque du club DĂ©mocraties, le 1er avril 2014, au Palais du Luxembourg Ă  Paris.
  26. "L'ONU et le chagrin d'une négresse" (Aviso, 2014) pages 75, 79, 93, 130-142, 179-180.
  27. Raymond O. Savadogo, « Après que justice soit rendue: La réinstallation des acquittés des juridictions pénales internationales dans des États-tiers », International Criminal Law Review,‎ (2015), vol 15, no. 6, pp. 989–1039 (ISSN 1567-536X, lire en ligne)
  28. Rapport de mission de Roland Weyl au TPIR, pour l'Association internationale des juristes démocrates (AIJD)
  29. Raymond O. Savadogo, « Non-Coupables! Le Non-refoulement, les Assurances diplomatiques et la réinstallation des Acquittés des juridictions pénales internationales dans leurs pays d’origine », International Criminal Law Review,‎ (2015), vol 15, no. 5, pp. 784-822 (ISSN 1567-536X, lire en ligne)
  30. Raymond Savadogo, « Après que justice soit rendue: La réinstallation des acquittés des juridictions pénales internationales dans des États-tiers », International Criminal Law Review,‎ (2015), vol 15, no. 6, pp. 989–1039 (ISSN 1567-536X, lire en ligne)
  31. Raymond O. Savadogo, « Non-Coupables! Le Non-refoulement, les Assurances diplomatiques et la réinstallation des Acquittés des juridictions pénales internationales dans leurs pays d’origine », International Criminal Law Review,‎ 2015 (vol 15, no. 6), pp. 989–1039 (ISSN 1567-536X, lire en ligne)
  32. « Le Rwanda menace de fermer la porte aux observateurs du TPIR », sur Justiceinfos, (consulté le )
  33. Jean-Pierre Chrétien, Politique Africaine, (lire en ligne), p. 185 À 191
  34. Julia Kuntzle, « Dans les couloirs du TPIR », sur TV5Monde, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Le TPI pour le Rwanda dans la littérature

  • GĂ©rard de Villiers, EnquĂŞte sur un gĂ©nocide (2000), 140e roman de la sĂ©rie SAS (le roman Ă©voque longuement la mort du prĂ©sident rwandais et les commanditaires possibles de l'assassinat, ainsi que les difficultĂ©s pour faire juger les gĂ©nocidaires par le Tribunal pĂ©nal international).

Bibliographie

  • Raymond Savadogo, « Non-Coupables! : Le Non-refoulement, les Assurances diplomatiques et la rĂ©installation des AcquittĂ©s des juridictions pĂ©nales internationales dans leurs pays d’origine », International Criminal Law Review, vol. 15, no 6,‎ , p. 989–1039 (ISSN 1567-536X, lire en ligne)
  • (en) Larissa J. van den Herik, The contribution of the Rwanda Tribunal to the development of international law, M. Nijhoff, Leyde, Boston, 2005, 324 p. (ISBN 90-04-14580-X)
  • (fr) Jean-Damascène Bizimana, La contribution du Tribunal criminel international pour le Rwanda Ă  l'Ă©dification de la justice pĂ©nale internationale, UniversitĂ© Toulouse I, 2004, 588 p. (thèse de doctorat de Droit international)
  • Raymond O. Savadogo, « Après que justice soit rendue : La rĂ©installation des acquittĂ©s des juridictions pĂ©nales internationales dans des États-tiers », International Criminal Law Review, vol. 15, no 6,‎ , p. 989–1039 (ISSN 1567-536X, lire en ligne).
  • (fr) Thierry Cruvellier, Le tribunal des vaincus : un Nuremberg pour le Rwanda ?, Calmann-LĂ©vy, Paris, 2006, 269 p. (ISBN 2-7021-3670-2)
  • (fr) AndrĂ©-Michel Essoungou, Justice Ă  Arusha : un tribunal international politiquement encadrĂ© face au gĂ©nocide rwandais, L'Harmattan, 2006, 254 p. (ISBN 2-296-01134-9)
  • (fr) Jean-Pierre FofĂ© Djofia Malewa, La question de la preuve devant le Tribunal pĂ©nal international pour le Rwanda : le cas Cyangugu, L'Harmattan, 2005, 292 p. (ISBN 2-7475-9361-4)
  • (fr) StĂ©phanie Maupas, Juges, bourreaux, victimes. Voyage dans les prĂ©toires de la justice internationale, Autrement, 2008 (ISBN 978-2-7467-1207-2)
  • (fr) FrĂ©dĂ©ric MĂ©gret, Le Tribunal pĂ©nal international pour le Rwanda, Pedone, Paris, 2002, 249 p. (ISBN 2-233-00410-8)
  • (fr) JosĂ© Baruani Saleh, Le tribunal pĂ©nal international pour le Rwanda et l'accusĂ© : la fonction juridictionnelle face aux objectifs politiques de paix et de rĂ©conciliation nationale, UniversitĂ© de Reims, 2010, 555 p. (thèse de doctorat de Droit international et relations internationales)

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