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Histoire de l'université libre de Bruxelles

L'histoire de l'université libre de Bruxelles trouve ses origines dans la naissance de la Belgique moderne, depuis sa création en 1834. L'ULB a ainsi participé à la formation de générations de scientifiques, d'hommes d'affaires, d'universitaires et de politiciens, notamment de plusieurs lauréats du prix Nobel, le plus récent étant le physicien François Englert en 2013[1].

La fondation de l'université

L'université libre de Bruxelles fut fondée le , dans une période qui suivit l'indépendance de la Belgique et qui connut la désorganisation de l'enseignement supérieur.

Les trois universités d'État fondées à l'époque du Royaume uni des Pays-Bas - Gand, Liège, Louvain - sont amputées de plusieurs facultés. Auguste Baron et Adolphe Quetelet avaient imaginé dès 1831 dans leur loge maçonnique Les amis philanthropes l'idée d'une université « libre ». La création, en 1834, de l'université catholique de Malines, sous l'impulsion des évêques de Belgique, fut le détonateur qui poussa le monde libéral à réagir rapidement. Le juriste Pierre-Théodore Verhaegen, vénérable maître de la loge Les Amis philanthropes, lança en un appel à une souscription dans les milieux libéraux et dans les loges du Grand Orient de Belgique en vue de la création d'une université « libre » qui combattrait « l'intolérance et les préjugés » en répandant la philosophie des Lumières. On fit cependant remarquer à Verhaegen l'utopie de son projet, lui qui ne disposait ni de professeurs, ni de locaux, ni d'argent. C'était sans compter sur l'aide du bourgmestre de Bruxelles et franc-maçon, Nicolas-Jean Rouppe, qui trouva des locaux dans l'ancien palais de Charles-Alexandre de Lorraine, place du Musée. Verhaegen annexa à son projet l'École de médecine et trouva des enseignants parmi les hommes d'expérience du musée des sciences et des lettres. La Faculté de droit fut confiée à des professeurs bénévoles, comme Henri de Brouckère, qui était lui aussi franc-maçon. Dans la foulée, la Ville de Bruxelles alloua un subside et le , Auguste Baron pouvait, dans son discours d'inauguration, définir l'esprit de l'université libre :

« Nous jurons d'inspirer à nos élèves, quel que soit l'objet de notre enseignement, l'amour pratique des hommes qui sont frères, sans distinction de caste, d'opinion, de nation ; nous jurons de leur apprendre à consacrer leurs pensées, leurs travaux, leurs talents au bonheur et à l'amélioration de leurs concitoyens et de l'humanité...»

Le développement de l'université

La première année universitaire pouvait commencer avec ses trente-huit professeurs et 96 étudiants. À l'origine, elle porte le nom d’université libre de Belgique et se compose de quatre facultés : philosophie et lettres, droit, sciences et médecine. À partir de 1842, elle changea de nom et devint l'université libre de Bruxelles.

Jusqu'en 1847, l'université vécut des souscriptions lancées par le Grand Orient et diverses loges maçonniques du pays, dont celle des Amis philanthropes. Outre les difficultés financières, l'Église et l'État faisaient peser des menaces sur la jeune université libre de Bruxelles. La loi sur l'enseignement supérieur de 1835 supprimait l'université d'État de Louvain, ce qui permit à l'université catholique de Malines de s'installer dans la cité brabançonne où elle prit le nom d’université catholique de Louvain et à se présenter petit à petit, en passant outre à plusieurs jugements[2] et en déformant son histoire, comme étant l’héritière et la continuatrice légitime de l'ancienne université de Louvain, ce qu'on peut toujours lire actuellement[3]. Il ne restait donc plus que deux universités de l'État - Gand et Liège. Quant aux évêques, ils avaient peine à admettre l'existence d'une université qui se proclamait autonome et qui échappait ainsi à leur contrôle. La presse catholique milita contre l'enseignement dispensé à Bruxelles. Verhaegen répondit à toutes les attaques par un discours académique retentissant où il proclama : « Partis de la liberté d'enseignement, nous réalisons la liberté dans l'enseignement. »

Couverture d'un cahier du libre examen.

Surmontant ces querelles, l'université libre devint une institution reconnue. La population estudiantine était en progression et l'on put en 1842 déménager dans un nouveau bâtiment, le palais Granvelle sis rue des Sols et rue de l'Impératrice.

En 1873, l'université ouvrit son École polytechnique où un enseignement pratique put être dispensé.

En 1880, elle fut la première en Belgique à permettre aux femmes d'accéder aux cours et ce au sein de son Institut de pharmacie. Avant cela quelques-unes étaient allées étudier dans des universités étrangères, principalement en faculté de médecine. Il n'y avait pourtant, en Belgique, aucune restriction légale en ce qui concerne l'accès des femmes aux hautes études. Mais, traditionnellement, seuls les hommes entraient à l'université, et surtout, aucune école secondaire ne préparait les jeunes filles à de telles études.

Le , un incendie détruisit l'aile gauche de l'édifice rue des Sols. La salle académique, la bibliothèque et une partie des collections minéralogiques disparurent dans les flammes. La reconstruction prit six ans.

Le était, depuis l'ouverture, un jour de congé à l'université libre de Bruxelles mais ce n'est qu'en 1888, à l'initiative des étudiants, qu'on organisa les premières célébrations de la Saint-Verhaegen.

En 1893, l'université libre de Bruxelles bénéficia d'un mécénat de grande envergure qui acheva le développement de la faculté de médecine : Ernest Solvay la dota d'un Institut de physiologie implanté au parc Léopold à Etterbeek (ces locaux sont actuellement occupés par le lycée Émile Jacqmain, une école secondaire très réputée) ; Raoul Warocqué, d'un Institut d'anatomie ; Alfred Solvay et quelques autres, d'un Institut d'hygiène et de bactériologie. Dès leur fondation, plusieurs instituts et facultés de l'université sont directement liés aux principales figures du capitalisme industriel belge à son apogée. Il n'est pas anodin que Solvay constitue une école de commerce (pour former les cadres nécessaires à sa multinationale), et un institut de physiologie (pour mesurer l'efficacité des ouvriers et contrôler leur rendement).

En 1899, fut créée l'École des sciences politiques et sociales.

La première crise des années 1890

Affaire Dwelshauvers

À l'origine issue d'un milieu certes anticlérical mais néanmoins catholique, ou au moins spiritualiste ou déiste, l'université verra au cours des dernières décennies du XIXe siècle le développement d'un courant farouchement athée ainsi que l'essor de la démarche scientifique positiviste chère à Auguste Comte, qui affirme le primat absolu de l'expérimentation et de la raison. Cette évolution ne se fit pas sans heurts. Ainsi, en 1890, la thèse de philosophie de Georges Dwelshauvers provoqua de vifs débats par ses positions athées alors que la majorité des professeurs de la faculté de philosophie et lettres étaient toujours déistes[4].

Affaire Élisée Reclus

Ces conflits entre doctrinaires et progressistes, puis entre libéraux et socialistes se traduiront également à l’université libre de Bruxelles par l’affaire Reclus. Élisée Reclus, géographe français anarchiste, avait été invité à donner cours à l’université libre de Bruxelles en 1892. En 1893, à la suite d'un attentat anarchiste le conseil d’administration s’opposa à sa venue désavouant ainsi le recteur Hector Denis, premier socialiste élu à ce poste.

Conséquences

Cela provoqua une scission et la création d’une université nouvelle (1894 - 1919) qui sera parfois même surnommée « Université bulgare », au vu du nombre d'étudiants bulgares qui y étudieront, et qui perdura jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale.

L'université libre modifia ses statuts et inscrit le le principe du Libre examen dans son premier article qui s'énoncera désormais comme suit: "L'université libre de Bruxelles fonde l'enseignement et la recherche sur le principe du libre examen. Celui-ci postule, en toute matière, le rejet de l'argument d'autorité et l'indépendance de jugement"

Cercles Ă©tudiants

Dans les années 1880, les étudiants se groupent en cercles facultaires[5].

Par la suite, on verra apparaître des cercles interfacultaires qui ne groupent pas les étudiants par leur appartenance à une même discipline, mais en fonction de leurs opinions, philosophiques, politiques, etc. Le Cercle du libre examen en est un exemple[6].

La modernisation des facultés

L’Institut de sociologie fut fondé en 1902. L'année 1904 vit la création de l'École de commerce Solvay. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, qui entraîna la première interruption des cours de l'université, alors que Jules Bordet, professeur à l'université libre de Bruxelles se voit attribuer le prix Nobel de physiologie ou médecine (1919), on envisage de déménager à la suite de la croissance des besoins en espace et de la démolition du palais Granvelle du fait des travaux de la jonction Nord-Midi. Le choix se porte sur le plateau du Solbosch situé à la limite des faubourgs de l'époque. Les travaux débutent en 1921 par le bâtiment U inauguré en 1924. La construction du bâtiment A (qui n'est donc pas le bâtiment le plus ancien contrairement à une idée reçue) (1924-1928) est soutenue financièrement par la Belgian American Educational Foundation[7] (héritière de la Commission for Relief in Belgium (CRB)), une organisation américaine (présidée par Herbert Hoover) destinée à restaurer l'enseignement universitaire en Belgique meurtri par la guerre. Elle participe également avec la famille Tournay-Solvay au financement de la cité Héger ouverte en 1933. En 1939, est inauguré l'Institut de cancérologie Bordet, boulevard de Waterloo.

La grande guerre

Dès 1914, les cours sont suspendus à la suite des incendies de Louvain, lorsque l'armée allemande met le feu à la ville et à sa bibliothèque causant la mort de 248 personnes dans la nuit du 25 au , événement qui connut un grand retentissement dans la presse internationale. Il faudra attendre le pour que les cours reprennent à l’université libre de Bruxelles. « Plutôt périr que céder(...) elle manquerait à elle-même si elle acceptait la censure : ce qui caractérise notre institution, ce qui lui donne sa seule ou tout au moins sa vraie grandeur, c’est la liberté de pensée et de parole qui s’est abritée ici »[1]. Voici ce que déclarait Paul Héger, vice-président du conseil d'administration face aux tentatives des forces d’occupation allemandes de soumettre l’enseignement universitaire à ses ordres[8].

L'occupation allemande et la résistance du groupe G

Écusson du Groupe G.

À partir du mois de novembre , alors que la Belgique est sous l'occupation allemande, l'université préfère se saborder en fermant ses portes plutôt que d'accepter des professeurs flamands d'Ordre nouveau imposés par les Nazis[9].

Les étudiants et des professeurs partent dans d'autres universités belges, mais certains professeurs donnent des cours clandestins. Certains professeurs et des étudiants militent dans la résistance, dont le Groupe G composé d'ingénieurs qui procèdent à des sabotages techniques comme la grande coupure du affectant le réseau à haute tension par des destructions à l'explosif de 28 pylônes à haute tension et de stations électriques du Borinage, ce qui a handicapé gravement les industries réquisitionnées par l'Allemagne jusqu'à la fin de la guerre[10]. La libération de Bruxelles, en , permet une reprise progressive des cours.

NĂ©erlandais et naissance de la Vrije Universiteit Brussel

Des cours furent donnés en néerlandais à l'université libre de Bruxelles dès 1890 en faculté de Droit, et en 1963 dans presque toutes les facultés. L'université libre de Bruxelles fut scindée en selon la langue, donnant naissance à la Vrije Universiteit Brussel néerlandophone. Cette scission fut confirmée par une loi en 1970 qui consacra la séparation totale des deux entités. Juridiquement, les deux universités sont donc indépendantes. Cependant, le titre de Vrije Universiteit Brussel est l'exacte traduction du nom de l'université libre de Bruxelles, les valeurs de la philosophie du libre examen étant celles de la nouvelle université de langue néerlandaise, comme elles sont celles de l'université libre de Bruxelles depuis 1835. Les deux institutions sont d'ailleurs voisines, les nouveaux bâtiments de la Vrije Universiteit ayant été érigés sur l'ancien champ de manœuvres de la gendarmerie à côté des extensions de l'université libre sur ce que l'on appelle le Campus de la Plaine. Mais l'université francophone conserve le siège historique situé non loin de là, avenue Roosevelt, en plus de ses extensions. Cette proximité favorise les contacts entre professeurs dont certains enseignent dans les deux établissements. Des formations et des masters sont d'ailleurs organisés en commun.

Notes et références

Notes

  1. (en) « The Nobel Prize in Physics 2013 », sur NobelPrize.org (consulté le ).
  2. Rappelons ici ces jugements :
    • Jugement de la Cour d'appel de 1844 : La Belgique judiciaire, 28 juillet 1844 n° 69, p. 1 : « Cour d’appel de Bruxelles. Deuxième chambre. L'universitĂ© libre de Louvain ne reprĂ©sente pas lĂ©galement l’antique universitĂ© de cette ville. Attendu que cette universitĂ© (l’ancienne universitĂ© de Louvain), instituĂ©e par une bulle papale, de concert avec l'autoritĂ© souveraine, formait un corps reconnu dans l'État, ayant diffĂ©rentes attributions, dont plusieurs mĂŞme lui Ă©taient dĂ©lĂ©guĂ©es par le pouvoir civil; Attendu que ce corps a Ă©tĂ© supprimĂ© par les lois de la rĂ©publique française; Attendu que l'universitĂ© existant actuellement Ă  Louvain ne peut ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme continuant celle qui existait en 1457, ces deux Ă©tablissements ayant un caractère bien distinct, puisque l'universitĂ© actuelle, non reconnue comme personne civile, n'est qu'un Ă©tablissement tout Ă  fait privĂ©, rĂ©sultat de la libertĂ© d'enseignement, en dehors de toute action du pouvoir et sans autoritĂ© dans l'État... ».
    • Jugement de la Cour de cassation du 26 novembre 1846 : « L'universitĂ© catholique de Louvain ne peut ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme continuant l'ancienne universitĂ© de Louvain ; et lorsqu'un acte de fondation a dĂ©signĂ© pour collateur un professeur de cette ancienne universitĂ©, il y a lieu d'y pourvoir par le gouvernement », Table gĂ©nĂ©rale alphabĂ©tique et chronologique de la Pasicrisie belge contenant la jurisprudence du Royaume de 1814 Ă  1850, Bruxelles, 1855, p. 585, colonne 1, alinĂ©a 2. Voir Ă©galement : Bulletin usuel des lois et arrĂŞtĂ©s, 1861, p. 166.
  3. Maurice Voituron, Le Parti libéral joué par le parti catholique dans la question de l'enseignement supérieur, Bruxelles, 1850 : « et alors aurait paru plus évidente encore aux yeux du pays l'intention du parti catholique de tuer l'enseignement de l'État, afin de ne laisser debout que l'université catholique de Malines, qui allait prendre le titre d'université de Louvain, pour y usurper la renommée de l'ancienne, ainsi que ses fondations de bourses. Cependant, malgré lui, le parti catholique laissa échapper cet espoir par la bouche de son rapporteur M. Dechamps, lorsqu'il disait : « la confiance entourera de telle façon les établissements privés que les universités de l'État, par exemple, deviendront à peu près désertes » »
  4. « Le Libre Examen et Université nouvelle : La Première Crise », sur La Digithèque de l'ULB (consulté le )« Introduction du corpus et Bref historique du terme », sur La Digithèque de l'ULB (consulté le ).
  5. Les Cercles de l'ULB Lire en ligne.
  6. LIBREX, Cercle du libre examen Lire en ligne, certains sont plus politiques comme le Cercle des étudiants libéraux, le Cercle des étudiants socialistes, etc.
  7. page histoire du site de la BAEF vu la dernière fois le 19 mai 2007.
  8. Paul Héger, « Vieux papier », in – Revue de l’université de Bruxelles, trentième année, Bruxelles, université libre de Bruxelles, 1925, p.171.
  9. Paul Aron, José Gotovitch, Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, éditions André Versaille, Bruxelles, 2008, (ISBN 9782874950018)
  10. William Ugeux, Le « Groupe G » (1942-1944) : deux héros de la Résistance : Jean Burgers et Robert Leclercq, Éditions Elsevier Séquoia, Bruxelles-Paris, 1978.

Ouvrages utilisés

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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