Henriette Valium
Henriette Valium, de son vrai nom Patrick Henley[1], est né le à Montréal au Canada et mort le [2] - [3].
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(Ă 62 ans) |
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Patrick Henley |
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Artiste pluridisciplinaire, il est le premier grand auteur québécois de bande dessinée alternative. Son style provocateur et hallucinogÚne l'a gardé à l'écart tant des structures officielles de l'art que de l'industrie de la bande dessinée conventionnelle. Il est surnommé par ses pairs québécois "le pape de la BD underground[3]".
Au printemps 2022, une exposition rétrospective de son travail est organisée à la Maison de la culture Janine-Sutto à Montréal[4].
Biographie
Il naĂźt Ă MontrĂ©al en 1959 et passe toute son enfance Ă Repentigny, une municipalitĂ© de banlieue Ă lâest de la ville. Bien quâil ait fait des Ă©tudes en arts au CĂ©gep du Vieux-MontrĂ©al, il est avant tout un autodidacte[3]. SâĂ©tendant sur plus de quatre dĂ©cennies, lâĆuvre de Valium - tant en arts visuels quâen bande dessinĂ©e - est dispersĂ©e dans de nombreuses anthologies, fanzines, publications Ă compte dâauteur et collaborations diverses. Ces diffĂ©rents supports rendent difficile toute chronologie exhaustive. Henriette Valium est considĂ©rĂ© comme Ă©tant lâun des auteurs de bande dessinĂ©e quĂ©bĂ©coise de la gĂ©nĂ©ration perdue[5].
Années 1980
Les premiĂšres incursions de Valium dans le monde de la bande dessinĂ©e, Ă lâexception de Vajorbine 14 (1981)[6], autoĂ©ditĂ©, peuvent ĂȘtre retrouvĂ©es dans diffĂ©rentes compilations et fanzines comme Motel (1986), Tchiize et Rectangle. Il se prĂ©sente pour la premiĂšre fois sous le pseudonyme dâHenriette Valium dans les annĂ©es 1980. Plusieurs des histoires Ă©crites durant cette pĂ©riode se trouvent dans une premiĂšre version de 1000 Rectums, cât'un album Valium (1987), une anthologie autoĂ©ditĂ©e. Valium y introduit ses protagonistes les plus connus, comme son alter ego Pattou, lâĂ©nigmatique Monsieur Iceberg et le diabolique Doc Lekron. Les histoires, souvent dâune page, tournent autour de thĂšmes rĂ©currents comme la maladie, les dĂ©pendances, les dĂ©viances sexuelles et le dĂ©clin social en gĂ©nĂ©ral. Alors que ses dessins sont fortement marquĂ©s par un penchant pour lâesthĂ©tique punk, 1000 Rectums nâaffiche pas encore lâexcĂšs graphique, complexe et violent, qui caractĂ©risera les publications ultĂ©rieures de Valium.
En arts visuels, aprĂšs une brĂšve collaboration avec Normand Hamel sous le nom dâObu International (Syndrome, 1983) et une exposition Ă la galerie autogĂ©rĂ©e Oboro, il commencera Ă travailler en solo, essentiellement des Ćuvres sur papier Ă lâencre et Ă lâaquarelle. Suivra lâexposition « Youâre a Fish » Ă la dĂ©funte galerie FĂ©tish. En 1984, Valium lance le fanzine Iceberg en rĂ©ponse au magazine quĂ©bĂ©cois BD Titanic, qui l'avait congĂ©diĂ© aprĂšs une livraison de planches "jugĂ©es inadĂ©quates[7]". Avec Normand Hamel, Thibaud de Corta et d'autres collaborateurs, Henriette Valium crĂ©e une premiĂšre mouture de cette revue, pour laquelle "les bĂ©dĂ©istes avaient dĂ©cidĂ© que les filles prendraient des pseudonymes de gars et vice-versa. De Cortin devĂźnt donc Violette Bristol et c'est Charlotte BĂ©ton (Hamel) qui baptisa Henley du maintenant lĂ©gendaire pseudonyme Henriette Valium[6]".
En 1987, il fait son incursion dans le domaine musical comme chanteur du groupe « Valium et les dépressifs » (voir son pseudonyme Laure Phelin). Des années 1980 à 1990, Valium va également produire de trÚs nombreuses affiches pour Les Foufounes électriques, bar et salle de spectacles emblématique de Montréal.
Années 1990
Le dĂ©but des annĂ©es 1990 fut une pĂ©riode prolifique qui a menĂ© Ă la crĂ©ation de Primitive crĂ©tin! (1996), une anthologie autoĂ©ditĂ©e en sĂ©rigraphie qui constitue probablement le travail en bande dessinĂ©e le plus reconnu de Valium Ă ce jour. Câest une collection dâhistoires dĂ©mentes et absurdes de surprenants dessins surrĂ©alistes. Chacune des pages de Primitive crĂ©tin! est un monde en soi dans lequel dâĂ©tranges organismes, objets du quotidien dĂ©formĂ©s et densitĂ© urbaine extrĂȘme sâentremĂȘlent pour crĂ©er une impression gĂ©nĂ©rale de dĂ©sordre. La complexitĂ© des dessins combinĂ©e Ă leur ampleur considĂ©rable gĂ©nĂšre un environnement chaotique immersif qui est impossible Ă dĂ©coder du premier coup dâĆil, avec des planches visuellement trĂšs compacts[8]. Pour arriver Ă cet effet dans ses bandes dessinĂ©es, Valium travaille plusieurs mois sur chacune de ses planches. La conception dâun album complet est un processus long et laborieux qui peut prendre jusquâĂ six annĂ©es de travail. Il collabore avec de nombreux fanzines indĂ©pendants en Europe (Le dernier cri de Marseille) et aux Ătats-Unis (Zero Zero de Fantagraphics).
En arts visuels, il dĂ©bute des expĂ©rimentations plus formelles avec le collage. Parmi les plus intĂ©ressants de cette pĂ©riode, on trouve les sĂ©ries La prison anale des frĂšres Rouges (1993) et CurĂ©s malades (1995). Ă travers la reprĂ©sentation de parties de machines et de pornographie, mixĂ©s Ă des portraits de prĂȘtres, ces collages constituent une critique graphique acerbe et lugubre de lâinfluence historique de lâĂglise catholique romaine au QuĂ©bec. Le travail de collage de Valium, avec son incorporation dâimagerie sexuelle explicite allant jusquâĂ la bestialitĂ© et de photos de presse horrifiantes, lâa empĂȘchĂ© de gagner toute reconnaissance publique, incluant lâoctroi de bourses gouvernementales.
Années 2000
La publication de CĆur de Maman (2000) marque le dĂ©but dâune nouvelle dĂ©cennie. Cette bande dessinĂ©e sĂ©rigraphiĂ©e et autoĂ©ditĂ©e est lâĂ©trange histoire dâun cĆur de mĂšre monstrueux et surdimensionnĂ© qui graphiquement reprend lĂ oĂč Primitive crĂ©tin! (1996) se terminait, avec des pages si lourdement illustrĂ©es quâelles en deviennent presque indĂ©chiffrables. La mĂȘme annĂ©e, Valium complĂšte Unterluben (Le survivant), une Ćuvre sur papier monumentale de 104 x 150 cm faite Ă partir dâune photo de la famille Goebbels, quâil expose Ă la galerie Clark, Ă MontrĂ©al, avec CurĂ©s malades (1995) et plusieurs autres de ses travaux. Au printemps 2000, il participe Ă une exposition collective Ă la galerie La Luz de Jesus Ă Los Angeles.
Valium continue Ă expĂ©rimenter le collage et intĂšgre Photoshop Ă ses crĂ©ations, ce qui lâamĂšne Ă une sĂ©rie de sĂ©rigraphies grand format intitulĂ©e Les hĂ©ritiers du rĂȘve (2002) et Ă la production des Mutants I (2002) et des Mutants II (2003). Ă la mĂȘme pĂ©riode, il complĂšte le recueil de bandes dessinĂ©es Princesse brune (2006) et produit la sĂ©rie de collages Djoker (2008), quâil expose Ă la galerie Voltigeur Ă Toulouse. Valium travaille Ă©galement sur Mutants III (2008), un hommage Ă Hans Bellmer constituĂ© de collages pornographiques rĂ©alisĂ©s par ordinateur, ultĂ©rieurement Ă©ditĂ©s par Le Dernier Cri sous forme de cartes Ă jouer.
LâĂ©diteur français L'Association publie une anthologie de ses bandes dessinĂ©es : Ab bĂ©dex compilato (2007). Le site Internet henriettevalium.com a Ă©tĂ© mis en ligne en .
Câest aussi durant cette dĂ©cennie que lâon voit apparaĂźtre dans son Ćuvre ses premiers tableaux en champlevĂ©, notamment Nana Martel, triptyque dâhuile sur carton inspirĂ© de JĂ©rĂŽme Bosh et de lâiconographie du Moyen Ăge.
Années 2010
En , une partie des Ćuvres picturales de Valium sont exposĂ©es Ă lâEspace Robert Poulin, Ă MontrĂ©al. Ce dernier deviendra par la suite son mĂ©cĂšne[9].
AprĂšs plus de dix annĂ©es de travail, The Palace of Champions (2016) est Ă©ditĂ© chez Conundrumpress et Le Palais dĂ© champions (2019) chez Moelle graphique. Suivront Nitnit et le lambda rose (2019), publiĂ© Ă compte dâauteur, suivi de sa version anglaise, Nitnit and the Pink Lambda (2019), Ă©ditĂ©e en MacĂ©doine. Valium sâinspirera de ce dernier ouvrage pour effectuer une sĂ©rie de tableaux en champlevĂ© inspirĂ©s des personnages altĂ©rĂ©s dâHergĂ©, dont ceux de « Nitnit et Moulin » et de « La Castafolle », ou encore de ceux gĂ©nĂ©ralement issus de son univers BD, comme « Berri Rash » (2017). Suivra la sĂ©rie de portraits de chef indiens Fragment lointain (2020) rĂ©alisĂ©s en cartons dĂ©coupĂ©s aux motifs de swastikas. Câest aussi Ă cette pĂ©riode que Valium commence Ă explorer la vidĂ©o en rĂ©alisant de courts films gĂ©nĂ©rĂ©s par ordinateur, accompagnĂ©s de musiques faites de collages sonores rĂ©pĂ©titifs et anxiogĂšnes (voir Laure Phelin).
En 2013, la galerie Robert Poulin, au centre-ville de Montréal, accueille l'exposition Habemus papam[10], une premiÚre exposition dans un cadre institutionnel pour cet artiste québécois[9]. En 2018, l'artiste reçoit le prix Albert-Chartier en hommage à un individu ayant marqué le monde de la bande dessinée francophone au Québec[11].
Distinctions
- 2017 : Prix Pigskin Peters pour The Palace of Champions
- 2018 : Prix Albert-Chartier des prix Bédéis causa (prix hommage pour son apport important au milieu de la bande dessinée québécoise)[12]
- 2019 : Prix expozine (B.D. francophone) pour Nitnit et le mystĂšre du lambda rose[13]
Publications
- Vajorbine 14, Ăditions de lâOrdure, 1981, 20 p.
- Iceberg, (5 numéros), collectif autoédition, 1983
- [Syndrom], autoédition, 1983, 24 p.
- Motel, (6 numéros), collectif autoédition, 1986
- 1000 Rectums câtun album Valium, MontrĂ©al, autoĂ©dition sĂ©rigraphiĂ©e, 1987, 48 p.
- La Prison anale des frÚres rouges, Québec, Mille Putois, 1993, 62 p.
- Maladies, France, Ăditions Chacal puant, 1994, 76 p.
- The Clinical Visit, France, Ăditions Chacal puant, 1995, 32 p.
- Primitive crétin!, Fantagraphics, 1996, 48 p.
- Primitive crétin!, autoédition sérigraphiée, 1996, 48 p.
- La Prison anale des frĂšres rouges, France, Ăditions Le Dernier Cri, 1996, 62 p.
- CurĂ©s malades Portfolio, France, Ăditions Le Dernier Cri, 2000,62 p.
- CĆur de maman, autoĂ©dition sĂ©rigraphiĂ©e, 2000, 48 p.
- Les HĂ©ritiers du rĂȘve, autoĂ©dition, 2002
- Mutants I, France, Ăditions Le Dernier Cri, 2002
- Mutants II, France, Ăditions Le Dernier Cri, 2003
- Djoker Portfolio, France, Ăditions Le Dernier Cri, 2006
- Mutants III, France, Ăditions Le Dernier Cri, 2002, jeu de cartes
- Princesse brune, Robert Poulin, 2006
- Ab bĂ©dex compilato, France, LâAssociation, 2007, 252 p.
- Le Mauvais sort, Québec, Yves Millet, 2008, 32 p.
- Fist Raid Portfolio, France, Ăditions Le Dernier Cri, 2011, 12 p.
- ŃŃŃОп ĐœĐ° bruno ĐșĐœĐžĐłĐ°, Macedonia, Crna hronika â strip, 2013
- The Palace of Champions, Canada, Conundrumpress, 2016, 72 p.
- Le Palais dé champions, Québec, Moelle graphique, 2019, 72 p.
- Le MystÚre du lambda rose, Québec, autoédition, 2019, 38 p.
- Nitnit and the Pink Lambda Mystery, Macedonia, Crna hronika â strip, 2019, 42 p.
Musique
Sous le pseudonyme de Laure Phelin, Valium rĂ©alise des Ćuvres vidĂ©o aux musiques anxiogĂšnes et au visuel dĂ©jantĂ©.
Influences majeures
Notes et références
- Guy Leshinski, « Henriette Valium Parody's Pope », (consulté le )
- « Disparition dâHenriette Valium, artiste quĂ©bĂ©cois, rĂ©fĂ©rence de la (...) », sur ActuaBD (consultĂ© le )
- André Duchesne, « DécÚs du bédéiste underground Henriette Valium », sur La Presse, (consulté le )
- Ville de Montréal, « Habuimus Papam - Henriette Valium », sur montreal.ca (consulté le )
- Jean-Dominic Leduc, « Retour de lâartiste prodige », sur Le Journal de MontrĂ©al, (consultĂ© le )
- « valium », sur leou.ca (consulté le )
- Jean-Dominic Leduc, « Retour de lâenfant terrible », sur Le Journal de QuĂ©bec (consultĂ© le )
- « Disparition dâHenriette Valium, artiste quĂ©bĂ©cois, rĂ©fĂ©rence de la (...) », sur ActuaBD (consultĂ© le )
- Fabien Deglise, « Les cris dâangoisse dâun pape de la bĂ©dĂ© underground », sur Le Devoir, (consultĂ© le )
- « Henriette Valium », sur Galerie Robert Poulin (consulté le )
- « Bédéiste ⹠FBDM », sur FBDM (consulté le )
- Marianne St-Jacques, « Remise des Prix Bédéis Causa 2018 : la grande soirée de (...) », sur ActuaBD, (consulté le )
- « 2019 », sur expozine.ca (consulté le )
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à la bande dessinée :
- BD Gest'
- (en + nl) Lambiek Comiclopedia
- Site internet officiel de Henriette Valium.
- Galerie Robert Poulin
- Actua BD - MystĂšre du lambda rose
- Henriette Valium - Festival BD de Montréal 2019
- Journal de Montréal - Une classe à part
- Journal de Québec - Retour de l'enfant terrible
- Librairie Le Monte-en-l'air, Paris - Exposition No es su culpa
- Le Devoir, Montréal - Cris d'angoisse d'un pape de la BD underground
- (en) White Hot Magazine - Here be Dragons!: The Devilish Deliria of Henriette Valium
- Entrevue radiophonique de Dominique Leduc 2019