Grande Serbie
La Grande Serbie, en serbe en Ă©criture cyrillique : ĐДлОĐșĐ° ĐĄŃбОŃĐ° et Velika Srbija en serbe en Ă©criture latine, est un concept liĂ© au nationalisme serbe. Il dĂ©signe un Ătat serbe qui engloberait tous les territoires historiquement serbes ou ayant une importante population de Serbes.
Compte tenu des diverses dĂ©finitions du peuple serbe et des alĂ©as de l'histoire de ce peuple, les frontiĂšres dâun tel Ătat, projetĂ©es, revendiquĂ©es ou rĂ©alisĂ©es dans les Balkans, sont Ă gĂ©omĂ©trie trĂšs variable :
- dans celles dâAdolphe Thiers (1862) elles engloberaient lâensemble des Slaves du Sud, Bulgarie actuelle incluse ;
- on peut aussi considĂ©rer comme une « grande Serbie » lâĂtat yougoslave qui a existĂ© durant sept dĂ©cennies, de 1918 Ă 1941 et de 1945 Ă 1991 : dans la premiĂšre version, unitaire, on considĂ©rait implicitement comme entiĂšrement ou partiellement serbes six des neuf « banovines » : celles du Danube, du Vrbas, de la Drina, de la Morava, de la Zeta et du Vardar ; mais dans la seconde version, fĂ©dĂ©rale, la rĂ©publique de Serbie nâĂ©tait pas plus grande que lâĂtat issu en 2006 de la dissolution de la Serbie-et-MontĂ©nĂ©gro ;
- enfin les nombreux projets postĂ©rieurs Ă 2006 comprennent lâactuelle Serbie (avec le Kosovo, en partie ou en entier), la RĂ©publique serbe de Bosnie (dans diverses variantes), des parties de la Croatie, parfois la MacĂ©doine, et toujours le MontĂ©nĂ©gro.
Ces divers projets visent à réunir à la Serbie trois types de régions :
- les rĂ©gions oĂč les Serbes se sont initialement installĂ©s lors de leur arrivĂ©e dans les Balkans (Bosnie orientale, MontĂ©nĂ©gro, moitiĂ© sud-ouest de l'actuelle Serbie) ;
- certains des territoires contrĂŽlĂ©s par lâĂtat mĂ©diĂ©val serbe (actuelle Serbie au sud du Danube, MacĂ©doine, Thessalie) : cela vise surtout la rĂ©publique de MacĂ©doine ;
- les territoires oĂč un nombre important de Serbes sâest installĂ© au cours de lâhistoire, notamment lorsquâils fuyaient l'occupation turque de la Serbie (confins militaires de lâempire d'Autriche, soit la Slavonie et la KraĂŻna serbe, en Croatie).
Le but est dâunir dans un mĂȘme Ătat tous les Serbes et, dans les versions plus extrĂȘmes, toutes les terres considĂ©rĂ©es comme historiquement serbes par les nationalistes serbes. Dans les formes les plus radicales, les projets incluent des rĂ©gions oĂč les Serbes sont trĂšs minoritaires ou mĂȘme des rĂ©gions oĂč il nây en a pas et/ou qui nâont plus fait partie de la Serbie depuis des siĂšcles. Certains nationalistes serbes considĂšrent les Croates et les Bosniaques comme des Serbes qui se seraient convertis au catholicisme ou Ă lâislam, et appuient leur argumentation sur le postulat quâils seraient « des Serbes qui sâignorent » (et quâ« il faudrait rĂ©veiller »). Cette mĂȘme thĂšse de lâ« ignorance de son identitĂ© » existe chez certains nationalistes croates vis-Ă -vis des Bosniaques musulmans et des Serbes orthodoxes, ainsi que chez certains nationalistes bosniaques vis-Ă -vis des Croates et des Serbes, considĂ©rĂ©s comme dâanciens Bogomiles (assimilĂ©s aux Bosniaques avant leur islamisation) devenus catholiques ou orthodoxes. Tous ont partiellement raison (les changements de religion Ă©tant attestĂ©s tout au long de lâhistoire) et partiellement tort car au Moyen Ăge les noms de « Croate », « Bosnien » ou « Serbe » dĂ©finissaient seulement des origines gĂ©ographiques ou bien des allĂ©geances aux dirigeants (bans, voĂŻvodes, rois) de ces territoires, et non des identitĂ©s nationales comme celles Ă©mergĂ©es depuis le dĂ©but du XIXe siĂšcle[2].
Perspective historique
Ă la suite de la montĂ©e des nationalismes en Europe au cours du XIXe siĂšcle, la Serbie, qui venait dâaccĂ©der au statut de principautĂ© autonome au sein de lâEmpire ottoman en 1817, se mit Ă revendiquer le rassemblement de tous les Serbes vivant dans les territoires voisins. La premiĂšre formulation de la volontĂ© dâexpansion territoriale de la Serbie remonte Ă 1844 dans le Nacertanije, un programme politique secret visant Ă annexer tout ou partie du MontĂ©nĂ©gro, du nord de lâAlbanie, de la Bosnie et de lâHerzĂ©govine. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, tous les partis politiques du Royaume de Serbie Ă lâexception du Parti social-dĂ©mocratique serbe qui envisageaient la fondation dâune FĂ©dĂ©ration balkanique acceptaient lâidĂ©e de regrouper tous les Serbes Ă lâintĂ©rieur dâun mĂȘme Ătat. De son autonomie en 1817 jusquâĂ la PremiĂšre Guerre mondiale, le territoire serbe ne cessa de sâagrandir.
AprĂšs la fin des guerres des Balkans, le Royaume de Serbie acheva son expansion vers le Sud. Les Serbes poursuivirent leurs revendications sur des territoires permettant lâaccĂšs Ă la mer Adriatique mais il reçurent, en lieu et place, la MacĂ©doine du Vardar, originellement prĂ©vue pour rejoindre le Royaume de Bulgarie et lâarmĂ©e serbe dut quitter le littoral quâelle occupait pour le cĂ©der Ă la nouvelle PrincipautĂ© d'Albanie. Cet Ă©pisode, conjointement Ă lâannexion de la Bosnie par lâEmpire austro-hongrois frustra la majoritĂ© de la classe politique serbe, qui ne voulait pas se rĂ©soudre Ă abandonner des territoires peuplĂ©s de compatriotes.
La dislocation de lâAutriche-Hongrie Ă lâissue de la premiĂšre Guerre mondiale permit lâĂ©mergence d'un Ătat des SlovĂšnes, Croates et Serbes de lâex-Empire des Habsbourg qui, en prenant pour monarque le roi Pierre Ier de Serbie, sâunit Ă cette derniĂšre le pour former le Royaume des Serbes, Croates et SlovĂšnes renommĂ© Royaume de Yougoslavie le . Au sein de celui-ci, pendant lâentre-deux guerres, les nationalistes serbes se sont dĂ©clarĂ©s satisfaits puisque la grande majoritĂ© des Serbes Ă©tait enfin rĂ©unie au sein dâun mĂȘme Ătat, unitaire et centralisĂ©, comportant neuf « banovines » correspondant Ă des territoires gĂ©ographiques et non aux communautĂ©s ethniques historiques (par ailleurs souvent entremĂȘlĂ©es, notamment en Bosnie-HerzĂ©govine). En revanche, les SlovĂšnes, Croates, Bosniaques, Sandjaques, Albanais du Kosovo et autres groupes se plaignaient de lâhĂ©gĂ©monie serbe au sein du royaume et rĂ©clamaient un Ătat fĂ©dĂ©ral, voire des royaumes sĂ©parĂ©s en union personnelle sous la maison royale ObrenoviÄ, selon le modĂšle du compromis austro-hongrois sous la maison de Habsbourg[4]. Les tensions augmentĂšrent, comme en tĂ©moignent lâapparition des oustachis (milices croates sĂ©paratistes) et lâassassinat d'Alexandre Ier de Yougoslavie le .
Lâinvasion allemande de 1941 dĂ©clencha, comme ailleurs en Europe, une guerre civile pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale, mais ici, celle-ci prit un double aspect, d'une part ethnique avec la sĂ©cession de lâĂtat indĂ©pendant de Croatie (incluant la Bosnie-HerzĂ©govine) proclamĂ© le et membre de lâAxe, et d'autre part politique avec la lutte entre les tchetniks monarchistes, obĂ©issant au gouvernement yougoslave en exil Ă Londres, et les partisans communistes, qui, parallĂšlement Ă leur combat contre lâAxe sâaffrontaient aussi entre eux. Cette guerre civile ignora totalement les conventions de GenĂšve et les nombreux massacres de civils par tous les belligĂ©rants laissĂšrent dans le pays de profonds traumatismes et de tenaces rancunes[5] - [6].
AprĂšs la guerre, Josip Broz Tito organisa la rĂ©publique fĂ©dĂ©rative socialiste de Yougoslavie selon des critĂšres ethniques avec six rĂ©publiques fĂ©dĂ©rĂ©es et deux rĂ©gions autonomes au sein de la rĂ©publique serbe, et la prĂ©sida fermement jusquâĂ sa mort en 1980. Croate et communiste, il fit tuer son rival serbe et royaliste DraĆŸa MihailoviÄ, et emprisonna la majoritĂ© des nationalistes serbes dont les survivants ne durent leur salut quâĂ lâexil.
Pendant les guerres de Yougoslavie, la Serbie fut rĂ©guliĂšrement accusĂ©e de faire ressurgir lâidĂ©ologie de la Grande Serbie en soutenant les entitĂ©s serbes non reconnues de Bosnie (RĂ©publique serbe de Bosnie) et de Croatie (RĂ©publique serbe de Krajina)[7].
Naissance et dĂ©veloppement de lâidĂ©ologie pan-serbe
Ilija GaraĆĄanin et le Nacertanjie
Les racines de lâidĂ©ologie pan-serbe sont souvent attribuĂ©es au Nacertanije du ministre serbe Ilija GaraĆĄanin, Ă©crit en 1844 sous lâinspiration des Conseils sur la conduite Ă suivre par la Serbie du prince polonais Adam Czartoryski en 1843 et sa version amendĂ©e par lâambassadeur de Pologne en Serbie, Franjo Zach, Zachâs Plan. Ces textes eurent une influence considĂ©rable sur la politique serbe Ă compter des annĂ©es 1850.
GaraĆĄanin revendiquait des terres habitĂ©es par des Bulgares, des MacĂ©doniens, des Albanais, des MontĂ©nĂ©grins, des Bosniaques, des Hongrois et des Croates. Croates et Bosniaques Ă©taient dĂ©signĂ©s comme Ă©tant des « Serbes catholiques » et des « Serbes musulmans » dĂ©nuĂ©s de conscience nationale. Longtemps confinĂ© aux cercles proches du pouvoir central, le projet ne fut dĂ©voilĂ© quâen 1906.
Le pan-serbisme de Vuk KaradĆŸiÄ
Vuk KaradĆŸiÄ, lâun des plus grands linguistes serbes du XIXe siĂšcle, dĂ©fendait la thĂšse selon laquelle tous les Slaves du Sud parlant le dialecte chtokavien sont des Serbes. Le fait que cela englobe de grandes parties de la Croatie continentale, de la Dalmatie, de la Bosnie-HerzĂ©govine, Ă©galement peuplĂ©es de catholiques et de musulmans, valut Ă KaradĆŸiÄ dâĂȘtre considĂ©rĂ© comme le fondateur du programme de la Grande Serbie. Cette dĂ©finition linguistique du territoire national aurait eu pour effet dâexclure une partie du sud de la Serbie, dont les habitants parlent le torlakien.
Critiques et dissensions
Les politiciens et auteurs serbes Svetozar MiletiÄ et Mihailo Polit-DesanÄiÄ ainsi que Svetozar MarkoviÄ, pionnier du mouvement socialiste en Serbie, furent parmi les premiers Ă sâĂ©lever contre cette conception assimilant, notamment, Croates et Bosniaques Ă des Serbes de confession non orthodoxe. Ils soutenaient tous une forme de confĂ©dĂ©ration balkanique incluant la Serbie, la Bulgarie et Ă©ventuellement la Roumanie ainsi que la Vojvodine, la Bosnie-HerzĂ©govine et la Croatie au cas oĂč lâEmpire austro-hongrois se disloquerait.
Svetozar MarkoviÄ fut le premier Ă employer le terme de Grande Serbie (Velika Srbija), pour mieux en rejeter lâidĂ©e, dans un livre paru en 1872, Srbija na istoku ("La Serbie Ă lâEst"), mettant en garde contre la confrontation avec les nations voisines telles que la Croatie et la Bulgarie et refusant tout expansion de lâĂtat serbe qui ne serait pas accompagnĂ©e de profondes rĂ©formes sociales et culturelles.
Guerres des Balkans
Les rĂ©clamations territoriales de la Serbie rĂ©apparurent au grĂ© des conflits qui Ă©maillĂšrent les Balkans au cours des XIXe et XXe siĂšcles, notamment vers le Sud pendant les guerres des Balkans. La Serbie revendiqua ses âdroits historiquesâ sur la MacĂ©doine, que Stefan DuĆĄan avait conquise au XIVe siĂšcle. Elle Ă©tendit considĂ©rablement son territoire, le multipliant pratiquement par deux, et annexa des rĂ©gions principalement peuplĂ©es de non-serbes (notamment Albanais, Bulgares et Turcs). Le Royaume de Serbie occupa temporairement la plus grande partie de lâAlbanie cĂŽtiĂšre et continentale. Les territoires nouvellement acquis Ă©taient placĂ©s sous lâautoritĂ© dâun gouvernement militaire et nâĂ©taient pas inclus au systĂšme constitutionnel serbe. La presse dâopposition demandait que ces rĂ©gions bĂ©nĂ©ficient Ă©galement de la protection de la Constitution et des principes de lâĂtat de droit.
La Main noire
La Main noire est un groupe nationaliste serbe fondĂ© le par des membres de lâarmĂ©e serbe, dans le but de rĂ©unir tous les territoires peuplĂ©s de Slaves du Sud dans un Ătat sous gouvernement serbe. En 1914, elle fournit armes et soutien logistique Ă Gavrilo Princip, jeune Serbe de Bosnie membre du groupe Jeune Bosnie et Ă©galement partisan dâun Ătat unifiĂ© mais Ă gouvernement multi-ethnique, pour assassiner lâarchiduc François-Ferdinand d'Autriche et son Ă©pouse Sophie. Cet Ă©vĂ©nement poussa lâEmpire austro-hongrois Ă envahir la Serbie et dĂ©clencha la PremiĂšre Guerre mondiale.
PremiĂšre Guerre mondiale et fondation de la Yougoslavie
En 1914, lâidĂ©ologie pan-slave avait pris le relais de la notion de Grande Serbie, dans le but de sâattirer le soutien des Slaves non serbes des pays voisins, Ă©galement occupĂ©s par lâAutriche-Hongrie. En , la DĂ©claration de NiĆĄ de Nikola PaĆĄiÄ, alors Premier ministre de Serbie, annonce pour la premiĂšre fois lâintention officielle de fonder un Ătat yougoslave intĂ©grant tous les territoires peuplĂ©s de Serbes, Croates, SlovĂšnes et Bosniaques.
Ă la suite de la dĂ©faite de lâAutriche-Hongrie en 1918, le Royaume Serbie pressa la Triple-Entente de lui octroyer les territoires quâelle rĂ©clamait. Il annexa dâoffice les rĂ©gions mĂ©ridionales de lâancien Empire ainsi que le MontĂ©nĂ©gro. Les AlliĂ©s lui accordĂšrent ensuite la SlovĂ©nie, la Croatie et la Bosnie-HerzĂ©govine. Le Royaume des Serbes, Croates et SlovĂšnes vit le jour le .
Les nationalistes serbes considĂ©raient les autres Slaves des Balkans comme leurs semblables, uniquement sĂ©parĂ©s par leurs religions imposĂ©es par divers occupants, musulmans ou catholiques. Ils soutenaient en consĂ©quence que leur assimilation suivrait de peu lâannexion de leurs territoires. Le gouvernement du royaume entama une serbianisation linguistique de la MacĂ©doine, dont les langues furent qualifiĂ©es de dialectes du serbo-croate. Leur usage fut rapidement interdit dans lâĂ©ducation, lâarmĂ©e et lâadministration.
Nikola PaĆĄiÄ sâaffaira Ă rĂ©duire ses opposants au silence, en particulier les alliĂ©s de son principal rival, le Croate Stjepan RadiÄ et centralisa le pouvoir au profit des Serbes.
La Grande Serbie des Tchetniks
Pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale, les Tchetniks, faction royaliste composĂ©e principalement de Serbes sous le commandement du gĂ©nĂ©ral DraĆŸa MihailoviÄ, sâaffairĂšrent Ă prĂ©parer lâissue de la guerre dĂšs le dĂ©but de cette derniĂšre. Stevan MoljeviÄ, intellectuel serbe de Bosnie, publia un manifeste intitulĂ© Serbie homogĂšne revendiquant non seulement la Bosnie et une grande partie de la Croatie, mais Ă©galement des portions de la Roumanie, de la Bulgarie, de lâAlbanie et de la Hongrie oĂč les Serbes ne formaient mĂȘme pas une minoritĂ© significative.
Dans les territoires sous leur contrĂŽle, les Tchetniks se livrĂšrent Ă du nettoyage ethnique contre les Croates et les Bosniaques[8]. NĂ©anmoins, il se heurtĂšrent rapidement aux Partisans de Tito, mouvement Ă©galement dâorigine serbe mais devenu largement multi-ethnique. Le programme de MoljeviÄ ne fut jamais mis en pratique mais demeura prĂ©gnant dans toutes les rĂ©surgences de vellĂ©itĂ©s pan-serbes, notamment chez le Parti radical serbe.
Dissolution de la Yougoslavie
MĂ©morandum de lâAcadĂ©mie serbe des sciences et des arts
En , un groupe de seize intellectuels serbes publiĂšrent des extraits dâun document, connu sous le nom de MĂ©morandum de lâAcadĂ©mie serbe des sciences et des arts, dĂ©nonçant le centralisme de la Yougoslavie et se plaignant de discriminations Ă lâencontre des Serbes, jusquâĂ des allĂ©gations de gĂ©nocide contre les Serbes du Kosovo. Ils rĂ©clamaient, comme principale rĂ©forme visant Ă rĂ©tablir la position serbe au sein de la Yougoslavie, lâabolition de lâautonomie du Kosovo et de la Vojvodine.
Ascension de Slobodan Milosevic
Slobodan MiloĆĄeviÄ accĂ©da Ă la prĂ©sidence de la Serbie le . Il accĂ©da aux revendications nationalistes et supprima lâautonomie du Kosovo et de la Voivodine et renversa leurs gouvernements, ainsi que celui du MontĂ©nĂ©gro. Cette opĂ©ration lui assura quatre votes sur huit voix au sein de la prĂ©sidence collective du pays.
La Croatie et la SlovĂ©nie sâĂ©levĂšrent contre ce regain de centralisme et plaidĂšrent pour transformer la Yougoslavie en un Ătat fĂ©dĂ©ral multipartite. Tout en se prononçant contre cette perspective, MiloĆĄeviÄ rĂ©torqua que, si cela devait se concrĂ©tiser, la question des frontiĂšres extĂ©rieures de la Serbie serait rouverte, laissant entendre que son gouvernement chercherait Ă Ă©tendre le territoire de la Serbie en cas de dĂ©centralisation de la Yougoslavie[9].
En 1990, les premiĂšres Ă©lections libres portent des partis dâopposition au pouvoir en Croatie, en SlovĂ©nie, en Bosnie et en MacĂ©doine. ParallĂšlement, plusieurs partis dâopposition serbes, dont le Parti radical serbe de Vojislav Ć eĆĄelj, appellent ouvertement Ă rĂ©aliser la Grande Serbie au motif que les frontiĂšres des rĂ©publiques de Yougoslavie seraient des crĂ©ations artificielles de Tito et de ses partisans[10].
Guerres de Yougoslavie
Pendant les guerres de Yougoslavie, les autoritĂ©s yougoslaves furent rĂ©guliĂšrement accusĂ©es de suivre un agenda axĂ© sur la Grande Serbie[11] en soutenant militairement les Ătats serbes autoproclamĂ©s en Croatie (RĂ©publique serbe de Krajina) et en Bosnie (RĂ©publique serbe de Bosnie)[12]. Les Serbes allĂšguent en retour quâils ne visaient quâĂ protĂ©ger les Serbes Ă©tablis dans des pays qui leur Ă©taient hostiles.
Notes et références
- (en) Ć eĆĄelj ICTY Case information sheet
- Paul Garde : Les Balkans, héritages et évolutions, Flammarion 2010, coll. « Champs actuel », 217 p, (ISBN 9782081226036).
- Les neuf banovines étaient : 1.la Posavie (le préfixe po signifie « le long de », ici de la Save), 2.la Podravine (longeant la Drave), 3.la Podanubie, 4.la Pomorie (longeant l'Adriatique), 5.la Pomoravie (longeant la Morava), 6.la Povardarie (logeant le Vardar), 7.la Verbasie (longeant la Vrbas), 8.la Podrinie (logeant la Drina) et 9.la Zeta (dont le nom évoque une ancienne principauté médiévale); en 1939, pour satisfaire les aspirations des Croates, la Posavie et la Pomorie, légÚrement agrandies, furent réunies en une banovine de Croatie, ramenant leur nombre à huit.
- Tomasz Kamusella (en), The Politics of Language and Nationalism in Modern Central Europe, Palgrave Macmillan 2008, pp. 228 - 297.
- FrĂ©dĂ©ric Le Moal, Le Front yougoslave pendant la Seconde Guerre mondiale : de la guerre de l'Axe Ă la guerre froide, Ăd. Soteca, 2012, 272 p. (ISBN 978-2-916385-53-2).
- Stepan K. PavloviÄ, (en) Hitler's new disorder : the Second World War in Yugoslavia, Columbia University Press, New York, 2008, (ISBN 978-1850658955)).
- « Nations Unies, Conseil de sécurité S/1994/674,Rapport final de la commission d'experts créée en application de la résolution 780, p.34 », 27 mai 1994,
- Tomic Yves, « Massacres dans la Yougoslavie démembrée, 1941-1945 »,
- Christophe Chùtelot, « Slobodan Milosevic, le semeur de guerres », sur Le Monde,
- « Tribunal pĂ©nal international pour lâex-Yougoslavie,, Procureur c Vojislav Seselj, Case No. IT-03-67-PT, p.78-91 »
- Paul Garde,, Vie et mort de la Yougoslavie, Fayard, (ISBN 2-213-02914-8), p.370
- « Tribunal pĂ©nal international pour lâex-Yougoslavie, Casse / «PRIJEDOR» (IT-94-1) DuĆĄko TadiÄ p.4 »