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Extension quadratique

En mathématiques, et plus précisément en algÚbre dans le cadre de la théorie de Galois, une extension quadratique est une extension finie de degré 2 d'un corps commutatif K, c'est-à-dire un corps contenant K et de dimension 2 en tant que K-espace vectoriel. Le corps K considéré est souvent celui des rationnels.

Une extension quadratique est un cas trĂšs simple d'extension de corps : c'est une extension simple, et elle est algĂ©brique et normale car c'est un corps de dĂ©composition. Sauf dans certains cas spĂ©cifiques Ă  la caractĂ©ristique 2, elle est de plus sĂ©parable donc galoisienne, et mĂȘme cyclique.

La notion d'extension quadratique possÚde de nombreuses applications ; on peut citer la théorie de Kummer ou les théorÚmes de Wantzel et de Gauss-Wantzel.

Motivations

Dans tout cet article, le corps commutatif de base est noté K.

Une extension quadratique est le cas le plus simple d'extension algĂ©brique. Il correspond au cas oĂč l'extension est rĂ©alisĂ©e Ă  partir d'un unique Ă©lĂ©ment dont le carrĂ© est combinaison de lui-mĂȘme et d'un Ă©lĂ©ment du corps de base.

De plus, si la caractéristique est différente de 2, alors une telle extension possÚde toutes les bonnes propriétés des extensions de Galois. Il est possible d'établir tous les résultats principaux de la théorie avec des démonstrations largement plus simples. Cette théorie dépasse donc le cadre des extensions du corps des rationnels ou des réels.

Une premiÚre application a été trouvée par Gauss en 1801 dans l'étude de la constructibilité à la rÚgle et au compas du n-polygone régulier, problÚme qui se ramÚne à l'analyse de l'équation cyclotomique correspondante. Le théorÚme de Gauss-Wantzel, qui répond à cette question, s'appuie sur le théorÚme de Wantzel, qui reformule la constructibilité en termes de tour d'extensions quadratiques.

Cette théorie possÚde de plus de nombreuses applications en théorie des nombres, comme la théorie de Kummer. Dans ce domaine, il existe encore des problÚmes ouverts qui font l'objet de recherches.

DĂ©finition

Soit L une extension de corps de K.

Remarque : si α est un élément de L qui n'est pas élément de K, alors 1 et α forment une famille libre du K-espace vectoriel L, donc une base si l'extension L est quadratique. Dans ce cas, K(α) (le plus petit sous-corps de L contentant K et α, qui est engendré par les puissances de α) est donc égal à L tout entier.

Exemples

Construction d'une extension quadratique

Cas général

Soit P(X) un polynÎme irréductible sur K, de degré 2. Dans l'anneau principal K[X], l'idéal (P(X)) engendré par l'élément irréductible P(X) est donc maximal, si bien que l'anneau quotient K[X]/(P(X)) est un corps, noté ici L. Le corps K s'identifie à un sous-corps de L par le plongement de K dans L qui à chaque k associe sa classe. Soit Q(X) un polynÎme à coefficients dans K, la division euclidienne de Q(X) par P(X) montre qu'il est congru à un unique polynÎme du premier degré, si bien que l'élément 1 et la classe du monÎme X, forment une base du K-espace vectoriel L. Ainsi, le corps L est bien une extension quadratique de K.

Plus concrĂštement, si α est Ă©lĂ©ment algĂ©brique de degrĂ© 2 sur K, l'ensemble des nombres de la forme x + yα, oĂč x et y dĂ©signent deux Ă©lĂ©ments de K, est un corps. Pour l'inverse de x + yα non nul, on considĂšre la relation suivante (oĂč α est l'Ă©lĂ©ment conjuguĂ© de α, c'est-Ă -dire l'« autre Â» racine du polynĂŽme X2 + bX + c dĂ©finissant α) : et l'on voit que le produit (x + yα)(x + yα) = x2 – xyb + y2c appartient Ă  K, ce qui donne, via la relation α = –b – α, un Ă©lĂ©ment de la forme x' + y' α, avec x', y' ∈ K. Autre façon de procĂ©der (gĂ©nĂ©ralisable aux corps de nombres quelconques) : Ă©crire une relation de BĂ©zout (x + yX) U(X) + (X2 + bX + c) V(X) = 1 dans K[X] ; alors U(α) est l'inverse de x + yα.

RĂ©ciproquement, soient M une extension quadratique quelconque de K, α un Ă©lĂ©ment de M qui n'est pas Ă©lĂ©ment de K et (c, b) les coordonnĂ©es de l'Ă©lĂ©ment –α2 dans la base (1, α). Alors, P(X) = X2 + bX + c est irrĂ©ductible (c'est le polynĂŽme minimal de α sur K), ce qui permet de construire L = K[X]/(P(X)) comme ci-dessus, et le morphisme de K[X] dans M qui Ă  tout polynĂŽme Q(X) associe Q(α) induit alors un isomorphisme de L sur M.

On peut de plus remarquer que l'extension est non seulement un corps de rupture du polynĂŽme P, mais mĂȘme un corps de dĂ©composition, car si α est l'une des deux racines de P dans M alors son conjuguĂ© α est l'Ă©lĂ©ment –b – α de M. Ainsi, toute extension quadratique est normale.

Formes canoniques

  • Dans la construction prĂ©cĂ©dente, le cas typique est celui oĂč b est nul, c'est-Ă -dire oĂč le polynĂŽme P(X) est de la forme X2 – d avec d non carrĂ© dans K. Dans ce cas, la classe de X est notĂ©e √d, et L=K[X]/(X2–d) est notĂ© K(√d).
  • Lorsque la caractĂ©ristique de K est diffĂ©rente de 2 (par exemple si K est le corps des nombres rationnels, rĂ©els ou complexes, dont la caractĂ©ristique est nulle), on peut toujours se ramener Ă  cette forme, par complĂ©tion du carrĂ© :
    donc K[X]/(P(X))=K[Y]/(Y2–d) (ou encore, en posant ÎŽ = α + b/2 : K(α)=K(ÎŽ) et ÎŽ2=d), ce qui montre la proposition suivante :
    Pour toute extension quadratique M d'un corps K de caractĂ©ristique diffĂ©rente de 2, il existe un Ă©lĂ©ment d de K qui n'admet pas de racine carrĂ©e dans K tel que M est isomorphe Ă  K(√d).
  • Lorsque b n'est pas nul, on peut toujours se ramener Ă  une autre forme canonique :
    donc K[X]/(P(X))=K[Y]/(Y2–Y+a). Si la caractĂ©ristique vaut 2, ce type d'extension appartient Ă  la thĂ©orie d'Artin-Schreier.

Cas des rationnels

Un cas souvent utilisĂ© en arithmĂ©tique est celui oĂč K est le corps ℚ des rationnels. La proposition prĂ©cĂ©dente prend une forme un peu plus forte :

Soit L une extension quadratique de ℚ, il existe un unique entier sans facteur carrĂ© d tel que L est isomorphe Ă  ℚ(√d).

Remarque : Le symbole √ porte une double signification. Soit il dĂ©signe une fonction des rĂ©els positifs vers les rĂ©els positifs, soit il dĂ©signe la classe de X dans le quotient dĂ©fini prĂ©cĂ©demment. La premiĂšre dĂ©finition ne peut se gĂ©nĂ©raliser aux nombres nĂ©gatifs. En effet, –1 n'a pas de racine dans l'ensemble des rĂ©els et en possĂšde deux dans celui des complexes. Si l'approche algĂ©brique permet de dĂ©finir rigoureusement √–1, tel n'est pas le cas de l'autre approche. Pour cette raison, si d est strictement positif, √–d est aussi notĂ© i√d, avec i dĂ©signant l'unitĂ© imaginaire. L'extension est alors identifiĂ©e avec un sous-corps des nombres complexes. C'est un cas particulier de la thĂ©orie de Kummer (qui dit que toute extension cyclique de degrĂ© n d'un corps k contenant toutes les racines n-iĂšmes de l'unitĂ© est de la forme k(n√ή) pour un ÎŽ ∈ k convenable ; cette hypothĂšse dans le cas n = 2 Ă©tant toujours vĂ©rifiĂ©e pour les corps k de caractĂ©ristique diffĂ©rente de 2). Lorsque l'hypothĂšse « k contient toutes les racines n-iĂšmes de l'unitĂ© Â» n'est pas vĂ©rifiĂ©e, la notation radicale n'est pas utilisable car par exemple le corps K = ℚ(3√5) dĂ©pend du choix de la racine de X3 – 5 (et en plus le corps K n'est pas galoisien), contrairement au cas kummĂ©rien.

Les corps quadratiques, c'est-Ă -dire les sous-corps de ℂ qui sont des extensions quadratiques de ℚ, sont donc en bijection avec les entiers sans facteur carrĂ© d ≠ 1. Si d > 1, le corps ℚ(√d), inclus dans ℝ, est dit quadratique rĂ©el (ou totalement rĂ©el, ce qui pour un corps quadratique est Ă©quivalent) ; si d < 0, il est dit quadratique imaginaire (ou totalement imaginaire (en), ou complexe). L'anneau de ses entiers est Ă©tudiĂ© dans l'article « Entier quadratique Â». Un des intĂ©rĂȘts de cette Ă©tude est la rĂ©solution d'Ă©quations diophantiennes. Celles du dernier thĂ©orĂšme de Fermat, de Pell-Fermat ou des deux carrĂ©s en sont des exemples.

Propriétés galoisiennes

Le groupe de Galois d'une extension L de K est le groupe des automorphismes de corps de L qui fixent chaque Ă©lĂ©ment de K. Si l'extension est finie, l'ordre de ce groupe est infĂ©rieur ou Ă©gal au degrĂ© de l'extension, et lui est Ă©gal si et seulement si l'extension est galoisienne, c'est-Ă -dire Ă  la fois sĂ©parable et normale. On a dĂ©jĂ  remarquĂ© que toute extension quadratique est normale. Elle sera donc ou bien sĂ©parable (et galoisienne) cyclique, avec un groupe de Galois d'ordre 2, ou bien non sĂ©parable et de groupe de Galois rĂ©duit au neutre, ce qui offre deux critĂšres pour discerner ces deux cas. Dans ce qui suit, L = K[X]/(P(X)) avec P(X)=X2+bX+c irrĂ©ductible sur K et α, –b–α dĂ©signent les deux racines de P(X) dans L.

Séparabilité

L'extension L de K est dite séparable si le polynÎme minimal sur K de tout élément de L n'admet que des racines simples.

En caractéristique différente de 2, toutes les extensions quadratiques sont séparables. En caractéristique 2, seules celles d'Artin-Schreier le sont.

Dit autrement : les seules extensions quadratiques non sĂ©parables sont celles de la forme K(√d) avec K de caractĂ©ristique 2. En effet, L est sĂ©parable sur K si et seulement si les deux racines α et –b–α sont distinctes, ce qui est toujours le cas sauf si b=0 et si la caractĂ©ristique de K vaut 2 (il s'agit dans ce cas d'une extension radicielle).

Groupe de Galois

Un Ă©lĂ©ment σ du groupe de Galois est entiĂšrement dĂ©terminĂ© par σ(α), qui doit ĂȘtre Ă©gal Ă  l'une des deux racines.

  • Si les deux racines sont confondues (ce qui correspond au cas non sĂ©parable), on trouve bien que le groupe de Galois est rĂ©duit Ă  l'identitĂ©.
  • Si elles sont distinctes, le groupe de Galois contient un autre Ă©lĂ©ment σ, dĂ©crit dans la base (1, α) par :
    L'image par σ d'un Ă©lĂ©ment de L est son Ă©lĂ©ment conjuguĂ©, et le produit d'un Ă©lĂ©ment par son conjuguĂ© est sa norme relative :
    L'application « norme relative Â» est multiplicative, puisque l'application identitĂ© et σ le sont.
    En caractĂ©ristique diffĂ©rente de 2, on peut supposer P(X)=X2–d et noter √d, –√d les deux racines. Les expressions se simplifient alors :

Caractérisation par le degré des éléments

Si L est une extension quadratique de K, tout élément de L est algébrique de degré 1 ou 2 sur K. La réciproque est vraie sous certaines hypothÚses :

Soit L une extension propre de K telle que tout élément de L est algébrique de degré 1 ou 2 sur K. Si l'extension est séparable (en particulier si la caractéristique est différente de 2) alors elle est quadratique.

L'hypothÚse de séparabilité est indispensable : par exemple si L = F2(X, Y) et K = F2(X2, Y2), alors L est une extension de K de degré 4, bien que tous ses éléments soient de degré 1 ou 2.

Corps quadratique et corps cyclotomique

Pour tout nombre premier impair p, il existe un unique corps quadratique inclus dans le corps cyclotomique engendrĂ© par une racine primitive p-iĂšme de l'unitĂ© : en effet, ce corps est une extension cyclique du corps des rationnels, de degrĂ© pair p – 1, et la thĂ©orie de Galois assure l'existence et l'unicitĂ© souhaitĂ©es. Comme expliquĂ© dans l'article « PĂ©riode de Gauss Â», le discriminant de l'anneau des entiers du corps quadratique est p pour p = 4n + 1 et –p pour p = 4n + 3. Un autre argument est que les seules places ramifiĂ©es dans le corps cyclotomique sont la place p et la place Ă  l'infini, ce sont donc les seules susceptibles de se ramifier dans le corps quadratique et, comme notĂ© dans le § « Nombre premier ramifiĂ© Â» de l'article dĂ©taillĂ©, tout nombre premier divisant le discriminant rĂ©duit d'un corps quadratique est ramifiĂ© dans ce corps.

Un corps cyclotomique engendré par une racine n-iÚme de l'unité pour n non premier admet en revanche, par la théorie de Galois, plusieurs sous-corps quadratiques (non cyclicité du groupe de Galois).

Articles connexes

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