Emmanuel Le Roy Ladurie
Emmanuel Le Roy Ladurie, né le aux Moutiers-en-Cinglais (Calvados), est un universitaire et historien français.
Président Institut d'histoire sociale | |
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Président Académie des sciences morales et politiques | |
Naissance | |
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Nationalité | |
Formation |
École normale supérieure (jusqu'en ) Faculté des lettres de Paris (doctorat) (jusqu'en ) Lycée Lakanal Lycée Henri-IV |
Activités |
Historien, professeur d'université, enseignant du secondaire |
Père | |
Conjoint |
Madeleine Le Roy Ladurie (d) |
Titulaire de la chaire d'histoire de la civilisation moderne au Collège de France, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et disciple de Fernand Braudel, il est un des animateurs majeurs de l'École des Annales et devient, dans les années 1970, une figure emblématique de la Nouvelle Histoire. Certaines de ses œuvres qui s'inscrivent dans le courant de l'anthropologie historique connurent un grand succès auprès d'un large public.
Ses apports majeurs dans le champ de la connaissance historique concernent l'histoire économique et sociale du monde rural et l'histoire de l'environnement, notamment à travers ses travaux précurseurs sur l'histoire du climat. Ils lui ont conféré un grand prestige international[1].
Biographie
Famille
La famille Le Roy Ladurie est une vieille famille normande de la région de Domfront, installée peu avant la Révolution française à Verneuil. Il est aussi apparenté à la famille Delauney.
Son grand-père, le commandant Barthélemy-Emmanuel Le Roy Ladurie, est un officier de carrière destitué à 43 ans, lors d'un conseil de guerre, à Nantes, le , pour avoir refusé de participer, le , à la fermeture des écoles des congrégations catholiques ouvertes avant 1901, à Douarnenez, sous le gouvernement d'Émile Combes. Il fut réintégré avec son grade, sans avancement, au début de la Première Guerre mondiale[2].
Barthélemy-Emmanuel et Jeanne Le Roy Ladurie, issue d'une famille normande, ont eu sept enfants dont Gabriel, directeur de la banque Worms sous Vichy, Marie (Mère Marie de l'Assomption[3] - [4], fondatrice du cercle Saint Jean-Baptiste) et Jacques, père d'Emmanuel.
Catholique social, Jacques a été un des fondateurs du syndicalisme agricole, ministre du ravitaillement sous le régime de Vichy en 1942, ainsi que résistant et maquisard[5] - [6].
Emmanuel Le Roy Ladurie se marie, en juillet 1955, avec Madeleine Pupponi (née en 1931), médecin, fille du professeur de mathématiques et militant communiste d'origine corse Henri Pupponi (1904-1980)[7]. Elle le soutient tout au long de sa carrière en l'accompagnant, entre autres, dans ses recherches sur l'avancée ou le recul des glaciers, marqueurs de l'histoire du climat[8]. Ils ont eu deux enfants, dont l'un, François, devenu médecin, s'est spécialisé dans les transplantations pulmonaires[9].
Études
Il fait ses études au collège Saint-Joseph de Caen, au lycée Henri-IV à Paris et au lycée Lakanal à Sceaux.
Élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (promotion Lettres 1949), agrégé d'histoire en 1953 (reçu 12e sur 24), il est délégué au sein de l'Union nationale des étudiants de France du cartel des ENS où il s'oppose à plusieurs reprises de manière très vive à Jean-Marie Le Pen représentant de la Corpo de Droit de Paris. Aux côtés de François Furet, il collabore à Clarté, journal des étudiants communistes qui mobilise les intellectuels contre le colonialisme et la guerre de Corée[10].
Carrière universitaire
Il est d'abord nommé professeur au lycée de garçons de Montpellier de 1955 à 1957. Cette période fut cruciale pour le reste de sa carrière, car c'est alors qu'il se lance dans la recherche. De 1958 à 1960, il est attaché de recherche au Centre national de la recherche scientifique, de 1960 à 1963, il est assistant à la faculté de Lettres de Montpellier puis maître-assistant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Enfin, de 1973 à 1999, il occupe la chaire d'Histoire de la civilisation moderne au Collège de France.
En 1966, il soutient son doctorat ès lettres Les Paysans de Languedoc dont il tire, en 1975, son succès mondial Montaillou, village occitan.
Il devient administrateur général de la Bibliothèque nationale de 1987 à 1994[11] — préparant la création de la nouvelle entité avec Dominique Jamet, président de l'établissement public de la Bibliothèque de France qui donna en fusionnant la Bibliothèque nationale de France — il est un lecteur assidu à la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l'homme et à la Bibliothèque de Météo-France à laquelle il a légué le fonds climat de sa bibliothèque personnelle[12].
Travaux scientifiques
Anthropologie historique
Sans doute l'un des historiens contemporains les plus féconds, il doit beaucoup à son mentor le grand historien de l'École des Annales Fernand Braudel[13]. Au début des années 1970, Le Roy Ladurie participe à la « Nouvelle histoire »[13]. Il est un pionnier de l'analyse micro-historique. Son œuvre la plus connue, Montaillou, village occitan (1975)[14], se fonde sur les notes de l'inquisiteur Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1318-1325), traduites en français par Jean Duvernoy, pour reconstituer la vie d'un petit village du Languedoc à l'époque du catharisme. Il devient ainsi un spécialiste de l’anthropologie historique qui permet de saisir les hommes du passé dans leur environnement.
Étude historique du climat
Chercheur éclectique, il s'intéresse à l'histoire des régions (Histoire de France des régions, Seuil, 2004) et a joué un rôle pionnier dans l'histoire du climat par ses études de phénologie. Lors de ses recherches personnelles à la Bibliothèque de France, il découvre l'« Arbre de Justice », premier organigramme de l’État français réalisé par Charles de Figon au XVIe siècle, dont il fit l'analyse et la transcription en concepts modernes.
Toujours très actif à la retraite, il continue à donner des interviews[15] - [16] - [17], des conférences[18] - [19] - [20] et à publier des articles[21] - [22], notamment dans le domaine de l'histoire du climat et de ses conséquences pour l'homme.
Engagement politique
Engagement Ă gauche
D'abord membre du Parti communiste français, il rompt en 1956 comme sa consœur Annie Kriegel et ses collègues François Furet et Alain Besançon après l'invasion de la Hongrie par l'Union soviétique[5]. Il rejoint par la suite le Parti socialiste unifié[5].
Il a depuis analysé et renié son engagement au sein du mouvement communiste dans Ouverture, société, pouvoir : de l’Édit de Nantes à la chute du communisme (en collaboration avec Guillaume Bourgeois, Fayard, 2004) et Les grands procès politiques ou la pédagogie infernale (Rocher, 2002).
Il se tient à distance des événements de mai 1968 qui provoquent chez lui un « dégoût profond »[23]. Il a évolué vers la droite libérale à partir des années 1970.
Basculement Ă droite
En , il fait partie des membres fondateurs du Comité des intellectuels pour l'Europe des libertés[24].
En 2012, il soutient Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle[25].
Rejet du négationnisme
En , il fait partie des 34 signataires de la déclaration rédigée par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet pour démonter la rhétorique négationniste de Robert Faurisson[26].
Opposition au PACS
En 1998 et en 1999, il s'oppose à la création du pacte civil de solidarité (PACS) et relie homosexualité et pédophilie dans une tribune du Figaro : « Les prosélytes de l'homosexualisme proposent un modèle d'intolérance vécu comme une insulte par des couples hétéros normaux pour lesquels le mariage correspond avant tout à une certaine manière d'élever les enfants et de les garantir contre ces fléaux modernes que sont le sida ou la pédophilie »[27] - [28].
Soutien au GIEC
Il prend position sur la question du changement climatique aux côtés du GIEC[29].
Il a été membre du conseil d'administration du Centre Royaumont pour une Science de l’Homme[30].
Publications
(Liste non exhaustive)
- Les Paysans de Languedoc (thèse), Paris, SEVPEN, 1966[31].
- Histoire du climat depuis l'an mil, Paris, Flammarion, 1967[32].
- Anthropologie du conscrit français (avec J.-P. Aron et al.), Paris, EHESS, 1972.
- Médecins, climat, épidémies (avec J.-P. Desaive et al.), Paris, EHESS, 1972.
- Le Territoire de l'historien, 2 vols, Paris, Gallimard, 1973-1978.
- Montaillou, village occitan de 1294 Ă 1324, Paris, Gallimard, 1975[33].
- Histoire Ă©conomique et sociale de la France. I/ De 1450 Ă 1660. II/ Paysannerie et croissance, Paris, PUF, 1976.
- Le Carnaval de Romans : de la Chandeleur au Mercredi des cendres (1579–1580), Paris, Gallimard, 1979, 3e Prix Fondation Pierre-Lafue 1979.
- L’Argent, l'amour et la mort en pays d'Oc, Paris, Le Seuil, 1980.
- La Sorcière de Jasmin, Paris, Le Seuil, 1980.
- Inventaire des campagnes (en collaboration), Paris, JC Lattès, 1980.
- Histoire de la France urbaine (en collaboration), Paris, JC Lattès, 1981.
- Paris-Montpellier : PC-PSU, 1945-1963, Paris, Gallimard, 1982.
- Parmi les historiens, Paris, Le Seuil, 1983 et 1994.
- Pierre Prion, scribe, Paris, Gallimard, 1987.
- Histoire de France Hachette, t. 2 : L'État royal : de Louis XI à Henri IV, 1460-1610, Paris, Hachette, , 357 p. (ISBN 2-01-009461-1, présentation en ligne) Réédition : Histoire de France Hachette, t. 2 : L'État royal : de Louis XI à Henri IV, 1460-1610, Paris, Hachette littératures, coll. « Pluriel » (no 999), , 510 p., poche (ISBN 2-01-278999-4).
- Histoire de France Hachette, t. 3 : L'Ancien Régime : de Louis XIII à Louis XV, 1610-1770, Paris, Hachette, , 461 p. (ISBN 2-01-013146-0). Réédition : Histoire de France Hachette, t. 2 : L'Ancien Régime : de Louis XIII à Louis XV, 1610-1770, Paris, Hachette littératures, coll. « Pluriel » (no 999), , 510 p., poche (ISBN 2-01-278999-4).
- Histoire de la Bibliothèque nationale de France, Paris, Collège de France 1995 (CD Audio, Éd. Le Livre qui parle 2009).
- Le Siècle des Platter, 1 : Le mendiant et le professeur, Paris, Fayard, 1997
- L'Historien, le Chiffre et le Texte, Paris, Fayard, 1997.
- Saint-Simon ou Le système de la Cour, Paris, Fayard, 1997 (collaborateur).
- Le Siècle des Platter, 2 : Le voyage de Thomas Platter, Paris, Fayard, 2000
- Histoire du Languedoc, Toulouse, Privat, 2000.
- Histoire de France des régions : la périphérie française, des origines à nos jours, Paris, Le Seuil, 2001.
- Autour de Montaillou, un village occitan : histoire et religiosité d'un village au Moyen Âge, Paris, L'Hydre Éditions, 2001.
- Histoire des paysans français : de la peste noire à la Révolution, Paris, Le Seuil, 2002.
- Les Grands Procès politiques, Paris, Rocher, 2002.
- La Dîme royale, Paris, Imprimerie nationale, 2002.
- Histoire humaine et comparée du climat, 1 : Canicules et glaciers XIIIe – XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 2004
- Histoire humaine et comparée du climat, 2 : Disettes et révolutions, Paris, Fayard, 2006
- Le Siècle des Platter, 3 : L'Europe de Thomas Platter, Paris, Fayard, 2006.
- Histoire du climat du Moyen Ă‚ge jusqu'Ă nos jours, DVD, 2007.
- Abrégé d'histoire du climat du Moyen Âge à nos jours (Entretiens avec Anouchka Vasak), Paris, Fayard, 2007.
- Histoire humaine et comparée du climat, 3 : Le réchauffement de 1860 à nos jours (avec le concours de Guillaume Séchet), Paris, Fayard, 2009.
- Histoire et système (dir.), Paris, Le Cerf, 2010 (ISBN 978-2204090643)
- Trente-trois questions sur l'histoire du climat (Entretiens avec Anouchka Vasak), Paris, Fayard, 2010.
- Les fluctuations du climat de l'an mil Ă aujourd'hui, Paris, Fayard, 2011
- La Civilisation rurale, Paris, Allia, 2012 (ISBN 978-2-84485-587-9)
- Une vie avec l'histoire. MĂ©moires, Paris, Tallandier, 2014.
- Les Paysans français d'Ancien Régime, Paris, Le Seuil, 2015[34]
- Huit leçons d'histoire, Paris, Fayard, 2016 (ISBN 978-2846212243)
- Brève histoire de l'Ancien Régime, Paris, Fayard, 2017[35]
Honneurs reçus
DĂ©corations
- Grand officier de la LĂ©gion d'honneur (2 avril 2010[36] ; commandeur en 1996[37] ; chevalier en 1979[38]).
- Grand-croix de l'ordre national du MĂ©rite (19 mai 2018)[39] - [38].
- Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres[37] - [40].
Distinctions
- Membre de l'Académie des sciences morales et politiques de l'Institut de France depuis 1993 (président de cette Académie en 2003).
- Délégué de l'Académie à la Séance publique annuelle des cinq académies en octobre 2006.
- Membre de l'Académie américaine des arts et des sciences.
- Membre de l'Academia Europaea.
- Membre de l'Académie polonaise des sciences.
- Membre non résidant de l'Académie de Nîmes.
- Membre honoraire de l'Académie japonaise des sciences (2006).
- Foreign honorary member de l'Académie des sciences américaine (1974).
- Président du Prix national du livre médiéval : Provins patrimoine mondial.
Docteur honoris causa
- Université de Genève (1978)
- Université du Michigan (1981)
- Université de Leeds (1982)
- Université de Leicester (1986)
- Université d'York (1986)
- Université Carnegie-Mellon (1987)
- Université de Durham (1987)
- Université de Hull (1990)
- Université de Dublin (1992)
- Université d'Albany (1992)
- Université de Montréal (1993)
- Université de Haïfa (1993)
- Université d'Oxford (1993)
- Université de Pennsylvanie (1995)
- Université de Sussex (1996)
- HEC Paris (1999)
Références
- Anouchka Vasak, « Emmanuel Le Roy Ladurie et l’écriture de l’histoire du climat », Revue de la BNF, vol. 36,‎ , p. 19-25 (lire en ligne)
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- 1896-1973
- Françoise Jacquin, Mère Marie de l'Assomption, fondatrice du cercle Saint Jean-Baptiste, éd. Karthala, 2008, préface de Michel Sales, S.J.
- Antoine de Baecque, « Héraut de l'histoire », sur Libération (consulté le )
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- 18 intellectuels et artistes signent une tribune pour défendre Nicolas Sarkozy
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- « Emmanuel Le Roy Ladurie : "Ma raison d’exister, c’est écrire" », sur lemonde.fr,
- Jacques de Saint Victor, « Le Roy Ladurie : portrait des campagnes de France », sur lefigaro.fr,
- Frédéric Mounier, « Le Roy Ladurie livre son histoire de l’Ancien Régime », sur la-croix.com,
- Décret du 2 avril 2010, publié au Journal officiel le 4 avril 2010, NOR: PREX1004885D.
- « Emmanuel Le Roy Ladurie », sur college-de-france.fr.
- « "À force de si bien faire de l'histoire, vous y êtes entré" », sur bnf.hypotheses.org, .
- Décret du 19 mai 2018 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier (lire en ligne)
- « Emmanuel Le Roy Ladurie », sur sorbonne-universite.fr.
Bibliographie
- Philippe Cailleux et Bertrand Renouvin, Avec Emmanuel Le Roy Ladurie : La nature du pouvoir royal, Revue Cité no 11, 1985. lire en ligne.
- (en) Jeffrey A. Bowman, « Emmanuel Le Roy Ladurie (1929- ) », dans Philip Daileader et Philip Whalen (dir.), French Historians, 1900-2000 : New Historical Writing in Twentieth-Century France, Chichester / Malden (Massachusetts), Wiley-Blackwell, , 610 p. (ISBN 978-1-4051-9867-7, présentation en ligne), p. 394-416.
- Olivier Dumoulin, « Le Roy Ladurie (Emmanuel) », dans Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français : les personnes, les lieux, les moments, Paris, Le Seuil, (ISBN 978-2-02-099205-3), p. 848-849.
Liens externes
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