Dick pic
Une dick pic est une photographie de pénis, généralement en érection, envoyée par internet (réseau social, site de rencontres, messagerie instantanée, courrier électronique, etc.). Cette pratique sexuelle exhibitionniste peut s'apparenter à du cyberharcÚlement sexuel, lorsqu'elle est envoyée à quelqu'un sans consentement. Lorsqu'elle est envoyée à quelqu'un avec son consentement, il s'agit de sexting.
Description
Une dick pic, de « pic », abréviation de « picture », qui veut dire « image » en anglais, et de « dick », mot anglais vulgaire pour désigner le pénis, est une photo de pénis, la plupart du temps en érection, qui est envoyée via internet[1]. Cette pratique est dénoncée quand elle est faite sans le consentement du destinataire[2].
L'abrĂ©viation DP est parfois utilisĂ©e[3], et le terme anglais de cyberflashing dĂ©signe la mĂȘme pratique[4] - [5].
Analyse
L'auteur d'une dick pic non-sollicitĂ©e peut prĂ©supposer que la destinataire va ĂȘtre excitĂ©e, voire Ă©merveillĂ©e par la vision de ses attributs[1] - [6]. C'est une dĂ©monstration de masculinitĂ© relevant du narcissisme[7]. Certains expĂ©diteurs disent y rechercher l'admiration de leur virilitĂ© ou y voir une tactique de flirt (« quitte ou double » dans une discussion Ă©lectronique qui selon eux traine en longueur, etc.)[8].
Niant le consentement et dĂ©daignant l'avis du destinataire[6], la pratique peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme caractĂ©ristique d'un sexisme hostile[7] et comme une dĂ©viance sexuelle[9]. Elle relĂšve d'un hĂ©donisme purement Ă©goĂŻste[10].
Il peut parfois s'agir de troubles du comportement imputables à des traumatismes antérieurs[6].
« Version 2.0 de lâexhibitionnisme en impermĂ©able », elle est perçue par l'immense majoritĂ© des personnes qui en sont victimes comme extrĂȘmement intrusive, offensante[9], « incomprĂ©hensible, dĂ©goĂ»tante, horrible »[6].
Prévalence
Selon un sondage rĂ©alisĂ© aux Ătats-Unis en 2016, 49 % des femmes ont reçu au moins une photo de sexe masculin non sollicitĂ©e[10]. Une autre enquĂȘte, fin 2017, conclut que 78 % des femmes de 18 Ă 34 ans et 69 % des femmes de 35 Ă 54 ans disent avoir reçu au moins une dick pic sans consentement prĂ©alable ; 17 % des hommes admettent en avoir envoyĂ©[9].
Selon une Ă©valuation de 2019, toujours aux Ătats-Unis, 27 % des jeunes adultes masculins auraient dĂ©jĂ envoyĂ© de telles photos non sollicitĂ©es[7]. Les motivations invoquĂ©es sont :
- recevoir l'Ă©quivalent en retour (44 %) ;
- trouver un ou une partenaire (33 %), espérant exciter ainsi le destinataire ou estimant qu'il s'agit d'une façon normale de flirter ;
- trouver dans cet acte exhibitionniste une excitation sexuelle personnelle (27 %) ;
- Ă©prouver un sentiment de pouvoir et de contrĂŽle (9 %) ;
- trouver un plaisir dans les insultes qui suivront probablement (8 %) ;
- gérer des conflits non résolus concernant leur enfance (6 %) ;
- offenser ou plonger dans la gĂȘne la destinataire (6 %)[7].
Seuls 27 % des pratiquants répétitifs disent préférer recevoir une réponse positive à une réponse négative[7]. La plupart du temps, l'envoi ne reçoit aucune réponse en retour.
Quelles que soient les motivations conscientes (ou tout au moins affichĂ©es par les auteurs), la psychanalyste freudienne Caroline Leduc estime quâinconsciemment ces hommes cherchent à « susciter l'angoisse » en plaçant leurs victimes (fĂ©minines) devant ce qu'ils estiment manquer Ă leur corps[11].
Les rĂ©seaux sociaux et sites de rencontres sont les vecteurs les plus utilisĂ©s (Twitter, Instagram, Snapchat, Tinder et tout particuliĂšrement Chatroulette, oĂč selon un dĂ©compte d'universitaires de Boston en 2011 un quart des webcams sont braquĂ©es sur des pĂ©nis[10]). Cette mĂȘme Ă©tude a scrutĂ© un autre rĂ©seau rĂ©servĂ© aux adultes, fantasti.cc : 23 % des photographies de profil des hommes exhibent leur pĂ©nis (Ă quoi s'ajoute 13 % qui utilisent une photographie de pĂ©nis trouvĂ©e sur internet)[10].
En France en 2019, selon l'ancienne rĂ©alisatrice Ovidie, la quasi-totalitĂ© des lycĂ©ennes ont reçu une dick pic via les rĂ©seaux sociaux, notamment par Snapchat ; la figure de l'exhibitionniste s'est adaptĂ©e aux nouvelles technologies pour choquer et asseoir une forme de domination[12]. Une enquĂȘte IFOP d' rapporte que 42 % des femmes utilisatrices de sites de rencontre y ont dĂ©jĂ reçu une dick pic, un taux qui croit Ă 63 % pour les jeunes femmes adultes de 18 Ă 24 ans[13].
Au Royaume-Uni ce sont 22 % des femmes qui affirment avoir subi ce type d'agression pendant l'année 2021[5].
Des modes opératoires indépendants des réseaux sociaux et des sites de rencontres sont apparus, par transmission Bluetooth (bluejacking) ou AirDrop vers le téléphone de la victime par exemple[4] - [14].
Cas particuliers
Au moins deux hommes politiques ont été convaincus d'avoir transmis des dick pics : l'ancien parlementaire et candidat à la mairie de New York Anthony Weiner, condamné en 2017 à 21 mois de prison fermes pour avoir envoyé des photos de son sexe à des femmes entre 2011 et 2013, dont une mineure[15], et le maire du Havre, Luc Lemonnier, acculé à la démission en 2019 aprÚs que plusieurs femmes se sont plaintes d'avoir reçu de telles images depuis 2011[16].
LĂ©gislations
En droit français, la pratique peut ĂȘtre assimilĂ©e Ă un acte dâexhibitionnisme, passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, selon l'article 232-22 du code pĂ©nal[6]. L'article R.624-2 prĂ©voit une amende de 750 euros pour qui a envoyĂ© un message contraire Ă la dĂ©cence sans demande prĂ©alable du destinataire[17]. Une pratique rĂ©pĂ©tĂ©e tombera sous le coup du harcĂšlement, passible de deux Ă trois ans dâemprisonnement et de 30 000 Ă 45 000 euros dâamende selon l'Ăąge de la victime[17]. Enfin, si le destinataire est un mineur, la peine encourue est de 7 ans de prison et 100 000 euros d'amende[18]. En 2019, le tribunal correctionnel de Roanne condamne Ă trois ans de prison ferme un homme rĂ©cidiviste, aprĂšs les plaintes de « 49 victimes, ĂągĂ©es de 12 Ă 90 ans »[19].
Au Texas, l'expéditeur d'un dick pic non-sollicitée s'expose à une amende de 500 dollars[20].
La Finlande s'apprĂȘte Ă lĂ©gifĂ©rer en 2021, avec un projet de loi instaurant une peine d'au plus six mois d'emprisonnement[18].
En Angleterre et au Pays de Galles la loi punit de deux ans d'emprisonnement l'envoi de telles images depuis mars 2022[4].
RĂ©actions
Face Ă l'inaction de la plupart des rĂ©seaux sociaux â qui prouveraient s'ils censuraient les messages privĂ©s qu'ils accĂšdent bien aux donnĂ©es personnelles de leurs utilisateurs[10] â, des filtres basĂ©s sur l'intelligence artificielle font leur apparition en 2019[21].
Plusieurs initiatives individuelles ont vu le jour :
- pour dĂ©noncer le caractĂšre intrusif du phĂ©nomĂšne, l'artiste amĂ©ricaine Whitney Bell a rĂ©alisĂ© des installations oĂč des dizaines de dick pics dĂ©corent les murs d'un appartement, Ă la maniĂšre de tableaux[2] ;
- une Britannique a rĂ©digĂ© (et partagĂ© sur les rĂ©seaux sociaux) une lettre trĂšs formelle et humoristique oĂč elle explique aux envoyeurs que leur photo « ne remplit pas (ses) critĂšres de qualitĂ© les plus basiques » et leur prodigue des conseils de soin psychologiques[22] ;
- Madeleine Holden, une NĂ©o-ZĂ©landaise, a crĂ©Ă© un site oĂč elle Ă©value et note la « qualitĂ© photographique » des dick pics qu'elle reçoit[23] ;
- l'application de rencontre Once met en place en 2020 un algorithme basé sur l'intelligence artificielle qui détecte les photos de pénis et les transforme en chatons[24] ;
- le site NFT the DP propose de vendre en NFT les dick pics reçues[25].
La multiplication de ces images a pu donner lieu à des tentatives de chantage, basées sur des menaces de publication[26].
Notes et références
- Caroline Michel, « Dick pics : pourquoi les hommes envoient-ils des photos de leur pénis ? », Elle, (consulté le ).
- Esther Meunier, « Rencontre avec lâartiste qui remplit son appartâ de dick pics, pour dĂ©noncer le sexisme », sur MadmoiZelle.com, .
- Waling et Pym 2017.
- Romain Challand, « Au Royaume-Uni, l'envoi de dickpic non sollicité sera passible de prison », sur Les Numériques, (consulté le ).
- LĂ©a Dechambre, « Lâenvoi de « dick pick » est dĂ©sormais passible de deux ans de prison au Royaume-Uni », Version Femina (consultĂ© le ).
- Pauline Machado, « Pourquoi une dick pic non-sollicitée est clairement synonyme d'horreur », sur Terrafemina, (consulté le ).
- Lise Lanot, « Une étude affirme que les expéditeurs de "dick pics" sont plus narcissiques que les autres », Cheese-Konbini, (consulté le ).
- (en) Moya Sarner, « What makes men send dick pics? », The Guardian, (consulté le ).
- Hakima Bounemoura, « Pourquoi certains hommes envoient des « dick pic », des photos de leur pénis ? », 20 Minutes, (consulté le ).
- MĂ©lissa Chevreuil, « Mais qu'est-ce qui pousse autant dâhommes Ă envoyer des photos de leur bite sur les rĂ©seaux sociaux ? », Les Inrocks, (consultĂ© le ).
- Guillaume Erner, « Pourquoi des hommes envoient des photos de leur pénis », Superfail, France Culture, (consulté le ).
- Fanny Marlier, « Comment éduque-t-on son enfant en 2019 quand on est mÚre et féministe ? », Les Inrocks, (consulté le ).
- « EnquĂȘte sur le harcĂšlement et les formes dâirrespect sur les sites de rencontre », IFOP, (consultĂ© le ).
- Maïka Yargeau, « Des pénis et des hommes », Le Devoir, .
- Gilles Paris, « Scandale sexuel : Anthony Weiner condamné à de la prison », Le Monde, (consulté le ).
- J. Cl, « Démission du maire du Havre à cause de photos de lui nu : plusieurs femmes racontent », Le Parisien, (consulté le ).
- Aymeric Sagui, « Dick pic : que dit la loi sur les sextos ? », sur Lawyered, (consulté le ).
- « Finlande : envoyer des "dick pics" pourrait ĂȘtre passible de 6 mois de prison », sur Mouv (consultĂ© le )
- « CondamnĂ© Ă de la prison ferme pour l'envoi de photos de son pĂ©nis Ă des inconnues », Le ProgrĂšs (Lyon),â (lire en ligne).
- « Dans cet Ătat, envoyer une dick pic non sollicitĂ©e est dĂ©sormais illĂ©gal », TĂȘtu, (consultĂ© le ).
- Mathilda Hautbois, « Une développeuse crée un filtre pour bloquer les dick pics », sur Slate, (consulté le ).
- Audrey Chauvet, « Une Britannique a trouvé la meilleure réponse aux photos de pénis », 20 Minutes, (consulté le ).
- Madeleine Holden, « BLOG - Confessions dâune critique de "dick-pics" semi-professionnelle », sur HuffPost, (consultĂ© le ).
- « Fini les « dick pics » ! Une appli de rencontres les transforme⊠en chatons », 20 Minutes, (consulté le )
- Pierre Bazin, « Ce site propose de vendre en NFT les dick pics que vous ne vouliez pas recevoir », sur Konbini Techno, .
- Boris Manenti, « Pourquoi les "dick pics" sont devenues omniprésentes », L'Obs, (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Andrea Waling et Tinonee Pym, « âCâmon, No One Wants a Dick Picâ : Exploring the cultural framings of the âDick Picâ in contemporary online publics », Journal of Gender Studies, vol. 28, no 1,â , p. 70â85 (DOI 10.1080/09589236.2017.1394821).