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Diagoras de Mélos

Diagoras de Mélos (en grec ancien : Διαγόρας ὁ Μήλιος), parfois dénommé Diagoras le Mélien ou Diagoras l'Athée, est un législateur, poète lyrique et sophiste grec du Ve siècle av. J.-C. (vers - après ).

Diagoras de Mélos
Diagoras de Mélos (au centre) dans l'École d'Athènes de Raphaël.
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
Διαγόρας ὁ Μήλιος
Activités
Période d'activité
Ve siècle av. J.-C.
Autres informations
Mouvements
Athéisme, sophistique (en)

Disciple de Démocrite, il est resté dans l’histoire comme l'un des plus célèbres athées de l'antiquité[1] - [2].

Notice biographique

Diagoras, fils de Téléclidès ou Teleclytos, est né dans l’île de Milos, une des Cyclades[3]. Dans sa jeunesse, Diagoras a acquis une réputation comme poète lyrique, au point d'être mentionné aux côtés des plus grands poètes lyriques Simonide de Céos, Pindare et Bacchylide[3]. Parmi ses dithyrambes, trois nous sont parvenus : l'éloge d'Arianthes d'Argos, personne par ailleurs inconnue ; un second sur les Mantinéens et un troisième sur Nicodore, un homme politique de Mantinée, notamment célébré en tant qu'homme d'État et législateur de sa ville natale. D’après Élien, Diagoras était son amant et il avait en partie ou entièrement rédigé la constitution démocratique de la ville, autour de [4] - [5]. Diagoras d'esclave devint disciple de Démocrite après que celui-ci, dans l'admiration de ses dons, eut payé une très forte rançon (1000 drachmes) pour l'affranchir[3] - [6].

Une allusion des Nuées d'Aristophane - pièce représentée pour la première fois en et révisée par l'auteur en / - implique qu'à une période estimée à -423/-416, Diagoras était déjà connu à Athènes.

Procès d'impiété

Vers /[7], Diagoras est accusé d'impiété par les Athéniens[n 1]. La raison exacte est inconnue, les témoignages rapportant des versions différentes.

Selon diverses sources, entre autres Mélanthios dans Sur les mystères d’Éleusis, l’historien Cratère, le scholiaste des Oiseaux d'Aristophane[8] ou encore la Souda[9], il aurait non seulement critiqué les Mystères d'Éleusis, mais il en aurait en outre révélé le fonctionnement aux profanes, tout en dissuadant ceux qui voulaient être initiés. D'autres actes d'impiété sont évoqués[n 2] - [n 3].

La Souda[3] évoque une autre explication, liée à un premier procès, où Diagoras accuse un homme de lui avoir volé un péan. Mais l'accusé confirmant effrontément qu'il en était l'auteur, Diagoras perdit son procès et vit de plus l'imposteur remporter un certain succès avec son péan. Diagoras se serait alors récrié contre les Dieux qui ne punissaient pas le menteur, allant jusqu'à rédiger les Ἀποπυργίζοντας λόγους (Discours qui renversent les tours) où il aurait clairement exposé son athéisme. À noter que pour les philologues Winiarczyk (pl) et Woodbury, cet argument serait une pure invention des biographes hellénistiques[10].

Il n'est pas impossible non plus que l'accusation soit due au contexte politique de la guerre du Péloponnèse. Après le massacre des Méliens en , Diagoras, d'origine mélienne, et étant de plus intervenu pour les Mantinéens qui venaient de se retourner contre les Athéniens, faisait vraisemblablement de facto l'objet de suspicions - qu'il ait ouvertement ou non critiqué les Athéniens. Il faut aussi ajouter à ce contexte, les actes d'impiété contemporains : la mutilation des Hermès (), les parodies des Mystères d'Éleusis, impliquant notamment Alcibiade, la profanation par un dénommé Cinésias des statues d'Hécate[1]...

Quelle qu'en soit la cause, le procès condamne Diagoras à mort, sa tête étant de plus mise à prix (un talent pour sa mort, deux s'il est arrêté vivant)[11] - [9]. Diagoras avait cependant déjà fui à Pellène hors de portée de la législation athénienne.

Selon les sources, il meurt dans un naufrage[n 4] ou à Corinthe[3].

Œuvres

Œuvres lyriques

Seuls deux petits fragments des dithyrambes à Arianthes d'Argos (fr. 1) et Nicodore de Mantinée (fr. 2) nous sont parvenus[n 5].

Œuvres philosophiques

Concernant ses œuvres philosophiques, on lui attribue les discours Ἀποπυργίζοντας λόγους (discours qui renversent les tours), mais nous n'en possédons aucun fragment - excepté peut-être le fragment de Deverni (voir ci-dessous). Ceci explique — bien qu'il soit disciple de Démocrite — son absence des Présocratiques de Diels.

D'autre part, les Φρύγιοι λόγοι (discours phrygiens) attribués à Démocrite[12] seraient de Diagoras[13]. Il est aussi possible que les Ἀποπυργίζοντας λόγους et les Φρύγιοι λόγοι soient un seul et même texte.

Concernant sa philosophie, Cicéron, pour qui l'athéisme de Diagoras ne fait aucun doute[n 6], rapporte les deux anecdotes suivantes dans le De natura deorum :

« Étant à Samothrace, on montra à Diagoras des ex-voto de personnes réchappées d’un naufrage. « Regardez cela, lui dit-on, vous ne croyez pas qu’il y ait une providence en laquelle il faut croire ? » Ce à quoi Diagoras répondit ceci : « Je ne m’étonne pas de voir les tableaux de ceux qui sont réchappés. La coutume est que l’on peigne ces gens-là. Mais on ne s’avise nulle part de représenter ceux qui périssent sur mer tout en ayant cru à la même providence. » Pourquoi croire si au bout du compte la providence fait son tri et sélectionne ceux qu'elle privilégie en abandonnant les autres? »

— Cicéron, De natura deorum, Livre III, 37.

« Diagoras à bord d‘un vaisseau traversait une forte tempête en mer. Pendant le gros temps on se mit à dire à Diagoras que l’équipage et les passagers méritaient ce qu’ils enduraient puisque le bateau transportait un impie. Ce à quoi Diagoras répondit : « Regardez les autres navires en ce moment dans la même tempête que nous. Croyez-vous que je suis aussi sur chacun de ces bâtiments ? » Vivez bien ou mal, il est certain que ce n'est pas ce qui fera ou détruira votre fortune. »

— Cicéron, De natura deorum, Livre III, 37.

Le Papyrus de Derveni

Fragments du papyrus de Derveni (Musée archéologique de Thessalonique).

Le texte du Papyrus de Derveni - un papyrus qu'on peut dater du milieu du IVe siècle av. J.-C. - cite et commente un poème orphique (plus précisément une théogonie) en hexamètres. On a affaire aux vestiges d'un traité qui a dû être composé vers , peut-être dans l'entourage du philosophe Anaxagore. Le philologue Richard Janko (en) a proposé[14] d'en attribuer la paternité à Diagoras de Mélos, qui encourut à Athènes la même accusation d'impiété et d'athéisme qu'Anaxagore. Pour Janko le fragment serait un extrait des Ἀποπυργίζοντας λόγους. Ni Marek Winiarczyk ni Tim Whitmarsh ne sont convaincus par cette attribution[15].

Publication

  • (la + grc) Theodor Bergk, Poetae lyrici greeci : Poetas melicos continens, vol. 3, Leipzig, , p. 958 (éditions modernes des fragments lyriques).

Notes et références

Notes

  1. Ce procès est évidemment à rapprocher de ceux d'Anaxagore (vers ), de Protagoras (vers ?) et de Socrate (). Ce dernier, bien qu'athénien, se verra même lors de son procès qualifié de « mélien » en référence à Diagoras.
  2. « On rapporte encore à propos de Diagoras le Mélien cette anecdote. Entrant dans une auberge, ne trouvant que des lentilles pour son dîner et le logis dépourvu de bois pour les cuisiner, Diagoras s’adressa alors à une représentation d’Hercule, dieu tutélaire du logis, sous forme d’idole votive, en ces termes considérés comme injurieux : « Hercule, il faut qu’aujourd’hui je vous fasse entreprendre un treizième travail, le combat contre les lentilles. »
  3. « Une autre fois entrant dans la basse-cour où les prêtres prenaient augure du repas des volailles pour prédire l’avenir, voyant que tout le collège était grandement effrayé de ce que les poulets ne mangeaient pas, Diagoras prit les poulets et les plongeant trois ou quatre fois dans une cuve pleine d’eau dit : « Vous boirez, puisque vous ne mangez plus. » »
  4. De manière similaire à Protagoras fuyant son procès d'impiété.
  5. On en trouvera le texte in Poetae lyrici greeci 1847, p. 958. de Theodor Bergk (de).
  6. « C'est ainsi qu'en ce qui concerne les dieux, tandis que la plupart des philosophes affirment leur existence, thèse raisonnable et à laquelle la nature nous incline, Protagoras la tient pour douteuse, Diagoras de Mélos et Théodore de Cyrène la nient sans réserve. » Cicéron, De natura deorum : I, 1

Références

  1. Romilly 1988, p. 168.
  2. Robert 1981, p. 121
  3. Souda art. Διαγόρας (delta.523)
  4. Élien, Histoires variées [lire en ligne], Livre II, Chap. XXII-XXIII : « Des lois des Mantinéens et de l'athlète Nicodore leur législateur ».
  5. Will 2006, p. 66–68.
  6. Hésychios de Milet, De viris illustribus, 17.
  7. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XIII.6
  8. Les Oiseaux, v.1073.
  9. Souda art. Διαγόρας ὁ Μήλιος (delta.524)
  10. Betegh 2004, p. 374.
  11. Aristophane, Les Oiseaux, v. 1072-73.
  12. voir Les Présocratiques (éd. Pléiade) : Démocrite B CCXCIX e (p. 917 et note 5 p. 1494).
  13. Tatien, Le Discours aux Grecs, XXVII
  14. Janko 2001
  15. T. Whitmarsh, c.r. de Marek Winiarczyk, Diagoras of Melos: A Contribution to the History of Ancient Atheism. Translated from Polish by Witold Zbirohowski-Kościa. Beiträge zur Altertumskunde, 350. Berlin; Boston: De Gruyter, 2016, Bryn Mawr Classical Review 2018.08.36.

Annexes

Sources antiques contemporaines sur Diagoras

Sources antiques

Liste non exhaustive - on trouvera dans Winiarczyk 1981 l'ensemble des textes où son nom est mentionné, par ordre chronologique :

Études modernes

  • (en) W. Smith, « Diagoras », dans Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology, (lire en ligne), p. 897-899 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • H. Diels (trad. de l'allemand par Jean-Paul Dumont, Jean-Louis Poirier et Daniel Delattre), Les Présocratiques, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1903 (trad. 1988) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) F. Jacoby, Diagoras O Ἄθεος,
  • (en) L. Woodbury, « The date and atheism of Diagoras de Melos », Poenix, no 19, , p. 178-211
  • (de) M. Winiarczyk, « Diagoras von Melos : Wahrheit und Legende I », Eos, no 67, , p. 191-213
  • (de) M. Winiarczyk, « Diagoras von Melos : Wahrheit und Legende II », Eos, no 68, , p. 51-75
  • (la) M. Winiarczyk, Diagorae Melii et Theodori Cyrenaei reliquiae, Leipzig, B.G. Teubner,
  • Fernand Robert, La religion grecque, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 105), (1re éd. 1949), 127 p. (ISBN 2-13-044672-8) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Jacqueline de Romilly, Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès, éditions de Fallois, , 334 p. (ISBN 978-2-87706-003-5) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) R. Janko, « The Derveni Papyrus (Diagoras of Melos, Apopyrgizontes Logoi ?): a New Translation », Classical Philology, vol. 96(1), , p. 1–32 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Gábor Betegh, The Derveni Papyrus : Cosmology, Theology and Interpretation, Cambridge, Cambridge University Press, , 456 p. (ISBN 978-0-521-04739-5, lire en ligne) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (de) Wolfgang Will, Der Untergang von Melos : Machtpolitik im Urteil des Thukydides und einiger Zeitgenossen, Bonn, R. Habelt, (ISBN 3-7749-3441-X) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Marek Winiarczyk, Diagoras of Melos: A Contribution to the History of Ancient Atheism. Tr. du polonais par Witold Zbirohowski-Kościa. Beiträge zur Altertumskunde, 350. Berlin; Boston: De Gruyter, 2016. Pp. xviii, 224. (ISBN 9783110443776).

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