AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Deinosuchus

Deinosuchus (mot grec signifiant « crocodile terrible »), parfois nommĂ© Phobosuchus (« crocodile terrifiant »), est un genre d'Alligatoroidea, dont les espĂšces vivaient il y a 75 Ma, durant le CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur, en AmĂ©rique du Nord, continent qui Ă©tait alors divisĂ© en trois parties par la voie maritime intĂ©rieure de l'Ouest.

Deinosuchus
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Reconstitution d'un Deinosuchus hatcheri au musĂ©e d'histoire naturelle de l'Utah (en), aux États-Unis.
83.5–70.6 Ma
16 collections

Genre

Deinosuchus
Holland (en), 1909

Synonymes

EspÚces de rang inférieur

  • Deinosuchus rugosus (Emmons, 1858)
  • Deinosuchus hatcheri Holland, 1909 (type)
  • Deinosuchus schwimmeri Cossette and Brochu, 2020
  • Deinosuchus riograndensis (Colbert & Bird, 1954)

Les premiers fossiles de ce genre ont été découverts en Caroline du Nord dans les années 1850. Le genre a été nommé et décrit en 1909. Des fragments fossilisés supplémentaires ont été retrouvés dans les années 1940 et ont été utilisés plus tard pour réaliser la reconstitution d'un crùne. Celle-ci, bien qu'incomplÚte et quelque peu imprécise, a servi de base à de nombreuses études sur cette espÚce et est exposée au Muséum américain d'histoire naturelle. Les connaissances concernant Deinosuchus demeurent incomplÚtes, mais progressent à la fin du XXe siÚcle grùce à la découverte d'autres fragments de crùne de cet imposant prédateur.

Bien que Deinosuchus fĂ»t trĂšs nettement plus grand que tous les crocodiles et alligators modernes, puisque les plus grands adultes mesuraient vraisemblablement presque 11 m, son apparence Ă©tait globalement trĂšs proche de ces animaux. Il avait de grandes dents robustes adaptĂ©es pour Ă©craser sa nourriture, et son dos Ă©tait recouvert d'Ă©pais ostĂ©odermes hĂ©misphĂ©riques. Une Ă©tude a indiquĂ© que Deinosuchus pouvait vivre plus de 50 ans, croissant Ă  un rythme similaire Ă  celui des crocodiles modernes, mais maintenant sa croissance plus longtemps.

Les fossiles de Deinosuchus ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans dix États des États-Unis, dont le Texas, le Montana et divers États de la cĂŽte Est du pays. Des fossiles ont Ă©galement Ă©tĂ© retrouvĂ©s dans le nord du Mexique. Deinosuchus vivait sur les deux rives de la voie maritime intĂ©rieure de l'Ouest et Ă©tait un superprĂ©dateur opportuniste dans les rĂ©gions cĂŽtiĂšres de l'est de l'AmĂ©rique du Nord. Deinosuchus atteignait des tailles plus importantes dans l'ouest de son aire de rĂ©partition, mais les populations orientales Ă©taient plus importantes. Les avis divergent concernant le statut de ces deux populations, qui seraient pour certains deux espĂšces diffĂ©rentes. Deinosuchus Ă©tait probablement capable de tuer et manger de grands dinosaures. Il pouvait Ă©galement se nourrir de tortues marines, de poissons et de diverses autres proies terrestres et aquatiques.

Description

Morphologie

Reconstitution d'un D. hatcheri.
Reconstitution d'un D. rugosus.

En dehors de sa grande taille, l'apparence générale de Deinosuchus était sensiblement analogue à celle des crocodiliens modernes[1]. Deinosuchus avait une large gueule comme celle des crocodiles, avec une extrémité antérieure légÚrement renflée[1]. Chaque prémaxillaire possédait quatre dents, et la paire la plus proche de l'extrémité de la gueule était nettement plus petite que les deux autres[2]. Chaque maxillaire, principal os porteur de dents sur la mùchoire supérieure, comportait 21 ou 22 dents[3]. Le nombre de dents de chaque dentaire, l'os de la mùchoire inférieure portant des dents, en avait au moins 22[2]. Toutes les dents étaient trÚs larges et robustes ; les plus proches de l'arriÚre de la mùchoire étaient courtes, arrondies et émoussées[4]. Il semblerait qu'elles étaient mieux adaptées pour concasser que pour déchirer[4]. Lorsque la bouche était fermée, seule la quatriÚme dent de la mùchoire inférieure était visible[2].

Les ostéodermes des Deinosuchus, illustration de William Jacob Holland (en). Ils sont proportionnellement beaucoup plus épais que ceux des crocodiliens modernes.

Les crocodiles marins, qui ont la plus importante force de morsure de tous les animaux vivants, ont une force maximale de 16 460 newtons. Celle de Deinosuchus est estimĂ©e Ă  plus de 102 750 newtons[5]. MĂȘme les dinosaures thĂ©ropodes les plus forts, comme Tyrannosaurus, avaient probablement une force de morsure infĂ©rieure Ă  celle des Deinosuchus[6].

Deinosuchus avait un palais secondaire osseux, ce qui devait lui permettre de respirer par les narines tandis que le reste de la tĂȘte restait submergĂ© sous l'eau[7]. Les vertĂšbres Ă©taient de type procƓle, c'est-Ă -dire avec une face concave vers l'avant et une face convexe vers l'arriĂšre. Cela permet Ă  ces vertĂšbres de s'assembler pour former des articulations en rotules[8] - [9]. Le palais secondaire et les vertĂšbres procƓles sont des fonctionnalitĂ©s avancĂ©es Ă©galement retrouvĂ©es chez les crocodiliens modernes eusuchiens[7] - [10].

Les ostéodermes (scutelles) couvrant le dos de Deinosuchus étaient exceptionnellement grands, lourds et profondément ponctués. Certains avaient une forme semi-sphérique[11] - [12] ; des fosses profondes et des rainures sur ces ostéodermes servaient de points d'attache aux tissus conjonctifs[12]. Ostéodermes et tissus conjonctifs sous-jacents servaient de renforts pour soutenir les corps massifs hors de l'eau[3] - [12]. Par conséquent, malgré leur masse, les Deinosuchus étaient probablement presque aussi agiles sur terre que leurs descendants modernes[3] - [7].

Taille

Comparatif de taille entre Deinosuchus, d'autres crocodyliformes de grande taille, le Crocodile marin (Crocodylus porosus) et l'Homme.

On ne dispose que de fragments de squelette de Deinosuchus, et les estimations de la taille de cet animal varient considĂ©rablement selon les auteurs[13]. En 1954, Edwin H. Colbert et Roland T. Bird ont reconstruit une mĂąchoire infĂ©rieure de Deinosuchus qui avait une longueur de m et calculĂ© « sur la base de mesures comparatives » que la longueur totale de ce crocodilien gĂ©ant pourrait avoir atteint 15 m[8]. Gregory M. Erickson et Christopher A. Brochu ont calculĂ© une taille trĂšs infĂ©rieure (8 Ă  10 m) en 1999[14]. David R. Schwimmer a notĂ© en 2002 que l'espĂšce plus petite et plus commune de Deinosuchus trouvĂ©e dans l'est de l'AmĂ©rique du Nord avait des crĂąnes d'environ m de long. En utilisant une Ă©quation basĂ©e sur la longueur du crĂąne, Schwimmer a estimĂ© qu'ils mesuraient probablement m et pesaient environ 2,3 tonnes. Selon les recherches de Schwimmer, Deinosuchus atteignait de plus grandes tailles dans l'ouest du continent. Un crĂąne assez bien conservĂ© dĂ©couvert au Texas permet d'estimer que la tĂȘte de l'animal mesurait environ 1,30 m et, de lĂ , Schwimmer a Ă©valuĂ© la longueur de son corps Ă  9,8 m. Comme la plupart des fossiles de Deinosuchus ont des crĂąnes trop mal conservĂ©s pour utiliser cette mĂ©thode d'estimation, la comparaison d'Ă©chelle des vertĂšbres laisse Ă  penser que certains d'entre eux ont atteint des tailles encore plus grandes. Schwimmer estime que les plus gros spĂ©cimens avaient une longueur pouvant atteindre un maximum de 12 m et pesaient peut-ĂȘtre 8,5 tonnes ou plus[3].

Bien qu'il y ait un certain dĂ©saccord sur la taille exacte de ces fossiles, le nombre de fossiles retrouvĂ©s est nĂ©anmoins suffisant pour conclure que Deinosuchus Ă©tait nettement plus grand que tous les crocodiliens actuels. MĂȘme l'estimation relativement basse de taille proposĂ©e par Erickson et Brochu suggĂšre que le poids maximum atteint par Deinosuchus dĂ©passait celui des espĂšces vivant actuellement d'un facteur de trois Ă  cinq[14]. Deinosuchus a souvent Ă©tĂ© dĂ©crit comme le plus grand crocodile de tous les temps, mais certains crocodyliformes - comme Purussaurus, Rhamphosuchus et Sarcosuchus - l'ont peut-ĂȘtre Ă©galĂ© ou dĂ©passĂ© en taille, le dernier citĂ© pouvant atteindre vraisemblablement une taille de 12 m[15].

Paléobiologie

Habitat

La voie maritime intérieure de l'Ouest durant le milieu du crétacé.
Fragment de mĂąchoire d'un Deinosuchus, exposĂ© au musĂ©e des sciences naturelles de Caroline du Nord. Des fossiles de ce grand crocodilien ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans dix États des États-Unis et au nord du Mexique.

Deinosuchus vivait de part et d'autre de la voie maritime intĂ©rieure de l'Ouest[16]. Des spĂ©cimens ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans dix États des États-Unis[17]. Un ostĂ©oderme de Deinosuchus a Ă©tĂ© Ă©galement dĂ©couvert dans la formation de San Carlos en 2006, de sorte que ce crocodilien gĂ©ant peut avoir vĂ©cu dans certaines rĂ©gions du nord du Mexique[18]. Les fossiles de Deinosuchus se trouvent surtout au niveau de la plaine cĂŽtiĂšre du golfe du Mexique en GĂ©orgie, prĂšs de la frontiĂšre avec l'Alabama[16]. Tous les spĂ©cimens connus de Deinosuchus ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans les gisements datant du Campanien au CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur. Les plus anciens exemplaires de ce genre ont vĂ©cu il y a environ 80 Ma, et le plus jeune il y a environ 73 Ma[19].

La rĂ©partition des Ă©chantillons de Deinosuchus indique que ces crocodiliens gĂ©ants semblent avoir prĂ©fĂ©rĂ© les milieux estuariens[16]. Dans la formation Aguja du Texas, oĂč l'on a trouvĂ© certains des plus gros spĂ©cimens de Deinosuchus, ces prĂ©dateurs habitaient sans doute des baies d'eau saumĂątre[20]. MĂȘme si certains spĂ©cimens ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s dans les dĂ©pĂŽts marins, on ne sait pas si Deinosuchus s'aventurait en mer (comme les Crocodiles marins actuels (Crocodylus porosus)) ; ces restes peuvent avoir Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s aprĂšs la mort des animaux[16]. Deinosuchus a Ă©tĂ© dĂ©crit comme une des espĂšces caractĂ©ristiques du prĂ©tendument distinct biome ayant existĂ© dans la moitiĂ© sud de l'AmĂ©rique du Nord au CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur[21].

RĂ©gime alimentaire

Deinosuchus s'est peut-ĂȘtre nourri de grands ornithopodes. Kritosaurus, montrĂ© ici, vivait Ă  cĂŽtĂ© de ce crocodilien gĂ©ant dans la formation Aguja[22].

En 1954, Edwin H. Colbert et Roland T. Bird en sont arrivĂ©s Ă  supposer que Deinosuchus « pouvait trĂšs bien avoir chassĂ© et mangĂ© quelques-uns des dinosaures avec lesquels il Ă©tait contemporain »[8]. Colbert a repris cette hypothĂšse avec plus de confiance en 1961 : « Ce crocodile a certainement Ă©tĂ© un prĂ©dateur de dinosaures. Sinon pourquoi aurait-il Ă©tĂ© si massivement gigantesque ? Il chassait dans l'eau oĂč les thĂ©ropodes gĂ©ants ne pouvaient pas aller »[23] - [24]. David R. Schwimmer a proposĂ© comme preuves en 2002 plusieurs vertĂšbres caudales d'Hadrosauridae trouvĂ©es prĂšs du parc national de Big Bend montrant des marques de dents de Deinosuchus, renforçant ainsi l'hypothĂšse que Deinosuchus se nourrissait de dinosaures au moins dans certains cas[4]. En 2003, Christopher A. Brochu n'a pas trouvĂ© que les empreintes de dents Ă©taient convaincantes, mais il a nĂ©anmoins convenu que Deinosuchus « mangeait probablement des ornithopodes de temps en temps »[25]. On pense que Deinosuchus utilisait gĂ©nĂ©ralement des tactiques de chasse similaires aux crocodiliens modernes, tendant des embuscades aux dinosaures et autres animaux terrestres venant au bord de l'eau, puis les immergeant jusqu'Ă  ce qu'ils soient noyĂ©s[26].

Schwimmer et Dent G. Williams ont proposĂ© en 1996 que Deinosuchus pouvait s'ĂȘtre attaquĂ© Ă  des tortues marines[27]. Deinosuchus aurait probablement utilisĂ© ses robustes dents plates situĂ©es Ă  l'arriĂšre de ses mĂąchoires pour Ă©craser les carapaces des tortues[4]. Les tortues marines Bothremys Ă©taient particuliĂšrement abondantes dans la zone oĂč vivait Deinosuchus, et plusieurs carapaces qui ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es portent des marques de morsures probablement infligĂ©es par des crocodiliens gĂ©ants[4] - [27].

Schwimmer a conclu en 2002 que les habitudes alimentaires des Deinosuchus variaient trĂšs probablement selon leur emplacement gĂ©ographique, les plus petits des Deinosuchus qui vivaient Ă  l'est de l'AmĂ©rique du Nord auraient Ă©tĂ© opportunistes, vivant dans une niche Ă©cologique semblable Ă  celle de l'alligator amĂ©ricain moderne. Ils auraient consommĂ© des tortues marines, des poissons de grande taille et des petits dinosaures[3]. Les plus grands, mais plus rares, Deinosuchus qui vivaient au Texas et au Montana auraient pu ĂȘtre des chasseurs plus spĂ©cialisĂ©s, capturant et mangeant de grands dinosaures[3]. Schwimmer fait remarquer qu'il n'existait pas de dinosaures thĂ©ropodes approchant leur taille dans la partie orientale, ce qui indique que l'Ă©norme crocodile aurait pu ĂȘtre rĂ©gionalement au sommet de la chaine alimentaire[4].

Vitesse de croissance

Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 1999 par Gregory M. Erickson et Christopher A. Brochu suggĂ©rait que la vitesse de croissance de Deinosuchus Ă©tait comparable Ă  celle des crocodiliens modernes, mais se prolongeait sur une pĂ©riode beaucoup plus longue[14]. Leurs estimations, basĂ©es sur les anneaux de croissance des ostĂ©odermes dorsaux de diffĂ©rents spĂ©cimens, indiquent que Deinosuchus avait vraisemblablement besoin de plus de 35 ans pour atteindre sa taille adulte, et que les individus les plus ĂągĂ©s pourraient avoir vĂ©cu pendant plus de 50 ans[14]. Il s'agissait d'un schĂ©ma de croissance tout Ă  fait diffĂ©rent de celui des grands dinosaures, qui atteignaient leur taille adulte beaucoup plus rapidement et vivaient moins longtemps[14]. Selon Erickson, un Deinosuchus adulte doit avoir vu « grandir et disparaitre plusieurs gĂ©nĂ©rations de dinosaures »[28].

Schwimmer a noté en 2002 que les hypothÚses d'Erickson et Brochu sur les vitesses de croissance ne sont valables que si les anneaux ostéodermiques correspondent à des périodes annuelles, comme chez les crocodiliens modernes[3]. Selon Schwimmer, les anneaux retrouvés chez Deinosuchus pourraient avoir été affectés par de nombreux facteurs, comme les « migrations de leurs proies, les variations climatiques saisonniÚres, ou la circulation océanique et les cycles des éléments nutritifs »[3]. Si les anneaux correspondaient à un cycle bisannuel plutÎt qu'à un cycle annuel, cela pourrait signifier que Deinosuchus grandissait plus rapidement que les crocodiliens modernes et avait une espérance de vie semblable[3].

Découverte et dénomination

Ebenezer Emmons a reprĂ©sentĂ© deux dents fossiles en 1858. Elles appartenaient trĂšs probablement Ă  des crocodiliens qui allaient plus tard ĂȘtre nommĂ©s Deinosuchus.

En 1858, le gĂ©ologue Ebenezer Emmons dĂ©crit deux grandes dents fossilisĂ©es trouvĂ©es dans le comtĂ© de Bladen, en Caroline du Nord[29]. Emmons a attribuĂ© ces dents Ă  un Polyptychodon, qu'on croyait alors ĂȘtre « un genre de reptiles crocodiliens »[29]. Plus tard, les dĂ©couvertes ont montrĂ© que Polyptychodon Ă©tait en rĂ©alitĂ© un pliosaure, un genre de reptile marin[12]. Les dents ont Ă©tĂ© dĂ©crites par Emmons comme Ă©paisses, lĂ©gĂšrement incurvĂ©es et recouvertes d'un Ă©mail rainurĂ© verticalement. Il leur a assignĂ© un nom de nouvelle espĂšce, P. rugosus[29]. Bien que n'Ă©tant pas initialement comptabilisĂ©es en tant que telles, ces dents Ă©taient probablement les premiers restes de Deinosuchus Ă  ĂȘtre dĂ©crits scientifiquement[12]. Une autre grosse dent qui provenait probablement de Deinosuchus, dĂ©couverte dans le comtĂ© voisin de Sampson, a servi Ă  nommer Polydectes biturgidus par Edward Drinker Cope en 1869[12].

En 1903, Ă  Willow Creek, dans le Montana, John Bell Hatcher et T.W. Stanton ont dĂ©couvert des ostĂ©odermes fossilisĂ©s Ă©talĂ©s Ă  la surface du sol[11]. Ces ostĂ©odermes ont Ă©tĂ© initialement attribuĂ©s Ă  un dinosaure ankylosauridĂ©, Euoplocephalus[11]. Des fouilles sur le site, rĂ©alisĂ©es par W.H. Utterback, ont permis de dĂ©couvrir des restes fossilisĂ©s supplĂ©mentaires, dont de nouveaux ostĂ©odermes ainsi que des vertĂšbres, des cĂŽtes et un pubis[11]. Quand ces Ă©chantillons ont Ă©tĂ© examinĂ©s, il est devenu clair qu'ils appartenaient Ă  un grand crocodilien et non pas Ă  un dinosaure. En apprenant cela, Hatcher cessa immĂ©diatement de s'intĂ©resser aux matĂ©riaux[11]. AprĂšs la mort de Hatcher en 1904, son collĂšgue William J. Holland a Ă©tudiĂ© et dĂ©crit les fossiles[11]. En 1909, Holland a attribuĂ© ces spĂ©cimens Ă  un nouveau genre et espĂšce, Deinosuchus hatcheri[11]. Deinosuchus vient du grec ΎΔÎčΜός/deinos, qui signifie « terrible », et ÏƒÎżÏ…Ï‡ÎżÏ‚/suchos, qui signifie « crocodile »[11].

Cette reconstitution d'un crùne, exposée au Muséum américain d'histoire naturelle depuis prÚs d'un demi-siÚcle, est probablement le plus connu de tous les fossiles de Deinosuchus (appelé à l'époque Phobosuchus riograndensis). Les parties sombres sont de véritables fossiles, tandis que les portions claires sont en plùtre.

En 1940, une expĂ©dition organisĂ©e par le MusĂ©um amĂ©ricain d'histoire naturelle a dĂ©couvert de nouveaux morceaux de fossiles de crocodiles gĂ©ants, mais cette fois dans le parc national de Big Bend, au Texas[8]. Ces spĂ©cimens ont Ă©tĂ© dĂ©crits par Edwin H. Colbert et Roland T. Bird en 1954, sous le nom de Phobosuchus riograndensis[8]. Plus tard, Donald Baird et Jack Horner ont attribuĂ© ces restes au genre Deinosuchus, ce qui a Ă©tĂ© approuvĂ© par la plupart des autres auteurs modernes[12] - [30]. Le nom de genre Phobosuchus, crĂ©Ă© par le baron Franz Nopcsa en 1924, a depuis Ă©tĂ© abandonnĂ© car il comprenait diffĂ©rentes espĂšces de crocodiliens qui se sont avĂ©rĂ©s ne pas ĂȘtre Ă©troitement liĂ©s les uns aux autres[12].

Le Musée américain d'histoire naturelle a réalisé une reconstitution d'un crùne en plùtre à partir des fragments de mùchoire et du crùne, en prenant pour modÚle sur celui du Crocodile de Cuba actuel (Crocodylus rhombifer)[8]. Colbert et Bird ont déclaré qu'il s'agissait d'un reconstruction « prudente », car on aurait obtenu une longueur encore plus grande si on avait utilisé comme modÚle une espÚce au crùne allongé telle que le Crocodile marin (C. porosus)[8]. Comme on ignorait alors que Deinosuchus avait un museau élargi à son extrémité, Colbert et Bird ont mal calculé les proportions du crùne, et leur reconstitution a grandement exagéré sa largeur moyenne et sa longueur[12]. En dépit de ces imprécisions, le crùne reconstitué est devenu le spécimen le plus connu de Deinosuchus et a attiré pour la premiÚre fois l'attention du public sur ce crocodilien géant[12].

De nombreux spécimens supplémentaires de Deinosuchus ont été découverts au cours des décennies qui ont suivi. La plupart étaient trÚs fragmentaires, mais ils ont élargi les connaissances de l'aire géographique du prédateur géant. Comme l'a noté Christopher A. Brochu, les ostéodermes et les fragments osseux sont assez distinctifs pour confirmer qu'il s'agit bien de Deinosuchus[12] - [31] On a aussi trouvé de meilleurs fragments de crùne. En 2002, David R. Schwimmer a pu recréer un crùne à 90 % par ordinateur[1] - [16].

Classification

VertĂšbre et Ă©cailles de Deinosuchus rugosus, Carnegie Museum of Natural History.

Colbert et Bird ont d'abord classĂ© Deinosuchus dans la famille des Crocodylidae, en se basant essentiellement sur ses caractĂ©ristiques dentaires semblables Ă  celles des crocodiles modernes[8]. Cependant, une rĂ©Ă©valuation phylogĂ©nĂ©tique effectuĂ©e en 1999 par Brochu a montrĂ© que Deinosuchus Ă©tait en fait un membre primitif des Alligatoroidea. Aussi, Deinosuchus « n'est pas le plus grand crocodile au monde mais l'un des plus gros alligators »[15]. Cette modification a Ă©tĂ© renforcĂ©e en 2005 par la dĂ©couverte d'une boĂźte crĂąnienne bien conservĂ©e dĂ©couverte dans la formation de Blufftown (en) en Alabama, et dont certaines caractĂ©ristiques rappellent celles de l'alligator amĂ©ricain moderne[32]. Bien qu'il ait Ă©tĂ© un membre prĂ©historique du mĂȘme clade, Deinosuchus n'est pas un ancĂȘtre direct des alligators actuels[33]. Ses plus proches parents semblent avoir Ă©tĂ© Leidyosuchus et Diplocynodon[33]. Le genre Pliogonodon, nommĂ© en 1856 par Joseph Leidy, pourrait ĂȘtre un synonyme de Deinosuchus[34].

Schwimmer (2002) estime que tous les spĂ©cimens de Deinosuchus appartiennent Ă  la mĂȘme espĂšce[2]. Il a notĂ© qu'il y avait plus de similitudes que de diffĂ©rences entre les populations occidentales et orientales, et que la plupart de ces diffĂ©rences Ă©taient liĂ©es uniquement Ă  la grande taille des spĂ©cimens occidentaux[2]. En vertu des rĂšgles de prioritĂ© du Code international de nomenclature zoologique, cette espĂšce devait ĂȘtre nommĂ©e D. rugosus[2]. Lucas (2006) a aussi estimĂ© que Deinosuchus Ă©tait un genre monospĂ©cifique[19]. Cependant, Brochu (2003) a contestĂ© l'analyse de Schwimmer, estimant que la taille pouvait ĂȘtre un Ă©lĂ©ment important de classement et que plusieurs traits utilisĂ©s par Schwimmer pour Ă©tablir l'unicitĂ© des deux populations sont en fait des traits primitifs partagĂ©s par d'autres genres[25]. Schwimmer (2002) avait donnĂ© le nom informel de D. riograndensis aux populations occidentales et plusieurs autres chercheurs, comme Anglen et Lehman (2000) et Westgate (2006) ont rĂ©cemment attribuĂ© ce nom au Deinosuchus de l'ouest amĂ©ricain[2] - [18] - [20].

Deinosuchus dans la culture populaire

Dans la série documentaire Prehistoric Park, Nigel Marven sauve un Deinosuchus de l'extinction[35].

Dans Le Petit Dinosaure : Voyage au pays des brumes apparait un Deinosuchus s'appelant Dil.

Dans la série documentaire Sur la terre des dinosaures, un Deinosuchus est montré lors du dernier épisode.

Notes et références

Notes

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Deinosuchus » (voir la liste des auteurs).

Références

  1. (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne), « The Life and Times of a Giant Crocodylian », p. 1–16
  2. (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne), « How Many Deinosuchus Species Existed? », p. 107–135
  3. (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne), « The Size of Deinosuchus », p. 42–63
  4. (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne), « The Prey of Giants », p. 167–192
  5. (en) Brian Handwerk, « Crocodiles Have Strongest Bite Ever Measured, Hands-on Tests Show », National Geographic,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Gregory M. Erickson, Kristopher A. Lappin et Kent A. Vliet, « The ontogeny of bite-force performance in American alligator (Alligator mississippiensis) », Journal of Zoology, vol. 260, no 3,‎ , p. 317–327 (ISSN 0370-2774, DOI 10.1017/S0952836903003819, lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
  7. (en) J.L. Cloudsley-Thompson, Ecology and Behaviour of Mesozoic Reptiles, Berlin, Springer Science+Business Media, , 219 p. (ISBN 978-3-540-22421-1, lire en ligne), p. 40–41
  8. (en) Edwin H Colbert et Roland T. Bird, « A gigantic crocodile from the Upper Cretaceous beds of Texas », American Museum Novitates, American Museum of Natural History, vol. 1688,‎ , p. 1–22 (lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
  9. (en) John Foster, Jurassic West : The Dinosaurs of the Morrison Formation and Their World, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 389 p. (ISBN 978-0-253-34870-8), p. 150
  10. (en) George Rolleston et William Hatchett Jackson, Forms of Animal Life, Oxford at the Clarendon Press, , p. 392
  11. (en) W.J. Holland, « Deinosuchus hatcheri, a new genus and species of crocodile from the Judith River beds of Montana », Annals of the Carnegie Museum, vol. 6,‎ , p. 281–294
  12. (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne), « The Early Paleontology ofDeinosuchus », p. 17–41
  13. (en) Mark Renz, Megalodon : Hunting the Hunter, Lehigh Acres, Paleo Pr, , 159 p. (ISBN 978-0-9719477-0-2, lire en ligne), p. 139
  14. (en) Gregory M. Erickson et Christopher A. Brochu, « How the 'terror crocodile' grew so big », Nature, Nature Publishing Group, vol. 398, no 6724,‎ , p. 205–206 (DOI 10.1038/18343)
  15. (en) Christopher A. Brochu, « Phylogenetics, Taxonomy, and Historical Biogeography of Alligatoroidea », Society of Vertebrate Paleontology Memoir, vol. 6,‎ , p. 9–100 (DOI 10.2307/3889340, JSTOR 3889340)
  16. (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne), « Deinosuchus Localities and Their Ancient Environments », p. 81–106
  17. (en) Alan L. Titus, Michael J. Knell, Jelle P. Wiersma et Mike A. Getty, « First report of the hyper-giant Cretaceous crocodylian Deinosuchus from Utah », Geological Society of America Abstracts with Programs, vol. 40, no 1,‎ , p. 58 (lire en ligne)
  18. (en) James Westgate, R. Brown, Jeffrey Pittman, Dana Cope et Jon Calb, « First occurrences of Deinosuchus in Mexico », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 26, no 3 (supplĂ©ment),‎ , p. 138A
  19. (en) Spencer G. Lucas, Robert M. Sullivan et Justin A. Spielmann, « The giant crocodylian Deinosuchus from the Upper Cretaceous of the San Juan Basin, New Mexico », New Mexico Museum of Natural History and Science Bulletin, vol. 35,‎ , p. 247 (lire en ligne)
  20. (en) John J. Anglen et Thomas M. Lehman, « Habitat of the giant crocodilian Deinosuchus, Aguja Formation (Upper Cretaceous), Big Bend National Park, Texas », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 20, no 3 (supplĂ©ment),‎ , p. 26A
  21. (en) T.M. Lehman, D.H. Tanke (Ă©diteur) et K. Carpenter (Ă©diteur), Mesozoic Vertebrate Life, Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press, , 577 p. (ISBN 0-253-33907-3), « Late Cretaceous dinosaur provinciality », p. 310–328
  22. (en) Julia T. Sankey, « Late Campanian Southern Dinosaurs, Aguja Formation, Big Bend, Texas », Journal of Paleontology, vol. 75, no 1,‎ , p. 208–215 (DOI 10.1666/0022-3360(2001)075<0208:LCSDAF>2.0.CO;2, lire en ligne, consultĂ© le )
  23. (en) Edwin H. Colbert, Dinosaurs : Their Discovery and Their World, E. P. Dutton, , p. 243
  24. (en) Allen Debus, Dinosaur Memories, San José, Authors Choice Press, , 640 p. (ISBN 978-0-595-22988-8, lire en ligne), p. 265
  25. (en) Christopher A. Brochu, « Review of King of the Crocodylians: The Paleobiology of Deinosuchus », Palaios, vol. 18, no 1,‎ , p. 79–82 (DOI 10.1669/0883-1351(2003)018<0080:BR>2.0.CO;2)
  26. (en) Richard Cowen, History of Life, Blackwell Publishing, , 3e Ă©d. (ISBN 978-0-632-04501-3), p. 263
  27. (en) David R. Schwimmer et G. Dent Williams, « New specimens of Deinosuchus rugosus, and further evidence of chelonivory by Late Cretaceous eusuchian crocodiles », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 16, no 3 (supplĂ©ment),‎ , p. 64
  28. (en) Steve Connor, « Solved: Mystery of crocodile that feasted on dinosaurs », The Independent, Independent News & Media,‎
  29. (en) Ebenezer Emmons, Report of the North Carolina Geological Survey, Henry D. Turner, (ISBN 978-1-4366-0488-8), p. 219–22
  30. (en) D. Baird et Jack Horner, « Cretaceous dinosaurs of North Carolina », Brimleyana, vol. 2,‎ , p. 1–28
  31. (en) Christopher A. Brochu, « Deinosuchus occurrences », sur Dinosaur Mailing List, (consulté le )
  32. (en) Terrell K. Knight et David R. Schwimmer, « Anatomy of the skull and braincase of a new Deinosuchus rugosus specimen from the Blufftown Formation, Russell County, Alabama », Geological Society of America Abstracts with Programs, vol. 37, no 2,‎ , p. 12 (lire en ligne)
  33. (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne), « A Genealogy of Deinosuchus », p. 136–166
  34. « Deinosuchus », sur Paleofile (consulté le )
  35. « Prehistoric Park », sur dinosoria.com (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • (en) David R. Schwimmer, King of the Crocodylians : The Paleobiology of Deinosuchus, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, , 220 p. (ISBN 978-0-253-34087-0, lire en ligne)

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.