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DĂ©communisation

L'expression dĂ©communisation (verbe : dĂ©communiser) ne concerne pas l'idĂ©al communiste mais l'hĂ©ritage concret des États communistes autoritaires, en ses aspects organisationnels (parti unique, police politique hypertrophiĂ©e, absence de libertĂ©s civiques, surveillance permanente des citoyens), Ă©conomiques (collectivisation, planification, sous-production, pĂ©nuries), sociaux (existence d'une nomenclature sociale attribuant des mĂ©rites, des blâmes ou des punitions sur critère de fidĂ©litĂ© aux dirigeants), culturels (culte de la personnalitĂ© des dirigeants, subordination de la crĂ©ation Ă  la propagande, rĂ©alisme socialiste) et psychologiques (peur constante, mĂ©fiance gĂ©nĂ©ralisĂ©e, paranoĂŻa, tortures psychiques)[2]. Elle est parfois appelĂ©e lustration, Ă©puration ou nettoyage politique[3].

Renommage des rues Ă  PoznaĹ„ (Pologne) : la rue Julian LeszczyĹ„ski (ulica LeĹ„skiego, du nom d'un militant bolchĂ©vik) devient en 2017 la rue Anna German (ulica Anny German, du nom d'une chanteuse populaire)[1].
Statue de Lénine démontée, déposée au palais de Mogoșoaia (Roumanie) : à sa place se dresse aujourd'hui le monument à la résistance anticommuniste roumaine.

Le terme est couramment appliqué pour les anciens pays du Bloc de l'Est et les États post-soviétiques pour décrire un certain nombre de questions juridiques et des changements sociaux au cours de leurs périodes de post-communisme. Bien qu'ils aient tous des traits communs, notamment celui de considérer la dictature communiste comme une forme de totalitarisme, voire d'occupation étrangère pour les pays annexés de force par l'URSS (comme les pays baltes), les processus de « décommunisation » se déroulent différemment selon les États[4] - [5].

Organismes régulateurs de la décommunisation

Sort des dirigeants déchus des États communistes

  • Allemagne - Erich Honecker a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©, mais rapidement libĂ©rĂ© pour raison de santĂ© : il s'exila au Chili. Plusieurs personnes, comme Egon Krenz, ont Ă©tĂ© condamnĂ©es.
  • Bulgarie - Todor Jivkov a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  7 ans de prison, mais n'a Ă©tĂ© dĂ©tenu qu'une journĂ©e : il fut libĂ©rĂ© pour des raisons de santĂ©.
  • Cambodge - Kang Kek Ieu est jusqu'Ă  prĂ©sent le seul inculpĂ© parmi les Khmers rouges ; Pol Pot a Ă©tĂ© destituĂ© et assignĂ© Ă  rĂ©sidence par ses propres camarades, mais n'a jamais Ă©tĂ© jugĂ©.
  • Pologne - Wojciech Jaruzelski a Ă©tĂ© inculpĂ© en 2006 : absent de la plupart des audiences en raison de sa mauvaise santĂ©, il n'a jamais Ă©tĂ© condamnĂ©.
  • Roumanie - Nicolae CeauČ™escu et son Ă©pouse ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  mort et exĂ©cutĂ©s selon une procĂ©dure expĂ©ditive que le rĂ©gime rĂ©servait jusqu'alors aux rĂ©sistants armĂ©s. Ce sont les seuls dirigeants Ă  avoir payĂ© de leur vie leurs actes politiques, et comme tels, ce sont des hĂ©ros aux yeux des nostalgiques du rĂ©gime.
  • TchĂ©coslovaquie - Milouš Jakeš, renversĂ© par la rĂ©volution de Velours qu'il voulait rĂ©primer, n'a jamais Ă©tĂ© condamnĂ© et, dans ses mĂ©moires, il se prend pour un Jan Hus moderne (rĂ©formateur religieux tchèque de la Renaissance).

Suites

Bien qu'il ait Ă  un moment Ă©tĂ© envisagĂ© par Boris Eltsine sur la suggestion de Vladimir Boukovski, il n'y a finalement jamais eu de procès global des rĂ©gimes se rĂ©clamant du communisme — souvent surnommĂ© le « Nuremberg du Communisme Â»[6] - [7] — ni de condamnation des Ă©lĂ©ments idĂ©ologiques justifiant et gĂ©nĂ©rant une violence d'État tournĂ©e contre la population que ledit État Ă©tait censĂ© protĂ©ger ; toutefois les crimes commis par ces rĂ©gimes font l'objet d'un devoir de mĂ©moire dans les pays baltes et les Ă©tats jadis satellites de l'URSS[8]. En Russie, ce devoir de mĂ©moire est exclu de l'espace public et la fondation Memorial qui tente de le promouvoir, est considĂ©rĂ©e comme une organisation « anti-patriotique », mais en revanche, un certain nombre de victimes du rĂ©gime, notamment en sa pĂ©riode stalinienne, ont Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ©es (pour la plupart post-mortem)[9].

Dans la plupart des cas, seuls les anciens dirigeants ont été juridiquement condamnés en tant que personnes responsables, mais pas les exécutants. Ainsi, selon Stéphane Courtois, dans plusieurs pays, la nomenklatura locale réalisa une reconversion pragmatique ou démocratique pour conserver ou reprendre le pouvoir. Durant certaines périodes (par exemple en Pologne et Tchécoslovaquie après la chute des régimes communistes en Europe ou l'ex-RDA après la réunification allemande) la participation des ex-communistes aux affaires politiques a pu être limitée, ainsi que celle des membres de la police politique, et de leurs informateurs. En Allemagne de l'Est, des milliers d'anciens informateurs de la Stasi ont été renvoyés des services publics[10]. À l'exception des pays Baltes, les partis communistes n'ont pas été bannis et leurs membres n'ont pas été poursuivis, mais certains, comme le parti communiste roumain, se sont auto-dissous avant de renaître de leurs cendres. Dans un certain nombre de pays, le parti communiste a tout simplement changé de nom et a continué de fonctionner[11].

Enfin, dans certains pays, la « décommunisation » a pu se traduire, dans le paysage, par l'enlèvement de la statuaire (statues des dirigeants ou monuments à la gloire de l'armée rouge), des symboles du communisme (slogans gravés sur les frontons, étoiles rouges, faucille et marteau…) et des noms de héros communistes (noms de rues, voire de localités)[12]. Elle se prononça de façon plus brutale en Ukraine à la suite de la crise politique des années 2010 et en Pologne depuis 2016 et la mainmise des conservateurs de Droit et justice.

En 2022, il reste en Pologne 60 monuments qui glorifient l’Armée rouge, alors que l'Etat questionne le fait de savoir si l'armée rouge est intervenue en tant que libérateur ou occupant[13].

Voir aussi

Références

  1. (pl) « German zastąpi działacza komunistycznego », radiopoznan.fm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Alexandre Zinoviev, Le Communisme comme réalité, Julliard, 1981.
  3. Yoder, Jennifer A., From East Germans to Germans? : the new postcommunist elites, Duke University Press, (ISBN 0822323729, 9780822323723 et 0822323516, OCLC 41026634, lire en ligne), p. 95-97
  4. (en-GB) « Lithuanian ban on Soviet symbols », BBC news,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. (en-GB) Vitaly Shevchenko, « Ukraine says Goodbye, Lenin », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « L'impossible procès du communisme », sur L'Histoire,
  7. « Thierry Wolton: «Le dissident Vladimir Boukovski fut un des héros de la lutte contre le totalitarisme soviétique» », sur Le Figaro,
  8. Documentaire et livre d'Hélène Blanc, Nuremberg du communisme : le procès interdit, ed. Gingko Bleu et Jaune 2017, (ISBN 978-2846792950)
  9. Marie Jégo, « L'ONG russe Memorial reçoit le prix Sakharov du Parlement européen », sur Le Monde,
  10. Michael Mandelbaum (Ed., 1996) "Post-Communism: Four Perspectives", Council on Foreign Relations (ISBN 0876091869)
  11. After socialism: where hope for individual liberty lies. Svetozar Pejovich.
  12. Archie Brown, (en) The Rise and Fall of communism, Vintage Books 2009
  13. https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/23/en-pologne-le-pouvoir-s-attaque-aux-derniers-monuments-glorifiant-l-armee-rouge_6127247_3210.html
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