Elena CeauÈescu
Elena CeauÈescu, nĂ©e LenuÈa Petrescu le Ă PetreÈti (DĂąmboviÈa, Roumanie) et exĂ©cutĂ©e le , Ă TĂąrgoviÈte (Roumanie), est une femme politique roumaine.
Elena CeauÈescu | |
Fonctions | |
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Vice-PremiĂšre ministre de RĂ©publique socialiste de Roumanie | |
[1] â (9 ans, 8 mois et 23 jours) |
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PrĂ©sident | Nicolae CeauÈescu |
Premier ministre | Ilie VerdeÈ Constantin DÄscÄlescu |
Biographie | |
Nom de naissance | LenuÈa Petrescu |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | PetreÈti (DĂąmboviÈa, Roumanie) |
Date de décÚs | (à 73 ans) |
Lieu de dĂ©cĂšs | TĂąrgoviÈte (Roumanie) |
Nature du décÚs | Exécution par arme à feu |
Nationalité | Roumaine |
Parti politique | PCR |
Conjoint | Nicolae CeauÈescu |
DiplÎmée de | Université de Bucarest |
Profession | Chimiste |
Religion | Athéisme |
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Ăpouse du dirigeant communiste Nicolae CeauÈescu, Ă la tĂȘte du pays Ă partir de 1967, elle acquiert au fil des annĂ©es une forte influence sur la vie politique de la RĂ©publique socialiste de Roumanie. PremiĂšre dame, elle devient Ă©galement vice-PremiĂšre ministre et obtient de nombreuses rĂ©compenses scientifiques dans le domaine de la chimie, largement usurpĂ©es. Le 25 dĂ©cembre 1989, aprĂšs un procĂšs sommaire d'une durĂ©e de moins d'une heure qui fait l'objet d'une retransmission en direct Ă la tĂ©lĂ©vision roumaine (ainsi que l'exĂ©cution) et trois jours aprĂšs la chute du rĂ©gime communiste de Roumanie, Ă la suite du coup d'Ătat organisĂ© par la nomenklatura roumaine, elle est tuĂ©e avec son mari, mitraillĂ©e par trois soldats de l'armĂ©e roumaine.
Biographie
Enfance et Ă©tudes
Elena Petrescu naĂźt dans le judeÈ de DĂąmboviÈa dans une famille d'origine rurale qui s'installe dans le dĂ©partement d'Ilfov, en Valachie, et finit par travailler dans un bar de Bucarest oĂč elle termine une scolaritĂ© mĂ©diocre en quatriĂšme (son carnet scolaire ayant Ă©tĂ© publiĂ© Ă la chute du rĂ©gime confirma l'Ă©cart entre ses compĂ©tences rĂ©elles et celles qui lui Ă©taient officiellement reconnues)[2]. Avec son frĂšre, elle travaille comme assistante de laboratoire d'analyses avant de devenir ouvriĂšre dans une usine textile[3].
Mariage et engagement politique
Elle rejoint le Parti communiste roumain en 1937, Ă l'Ăąge de 21 ans, et y rencontre deux ans plus tard Nicolae CeauÈescu, son futur Ă©poux. Ils se marient le [3], journĂ©e durant laquelle elle falsifie son certificat de naissance (changeant l'annĂ©e « 1916 » en « 1919 ») afin de se rajeunir de trois ans, Nicolae CeauÈescu Ă©tant en rĂ©alitĂ© de deux ans son cadet. C'est Ă ce moment aussi qu'elle fait changer officiellement son prĂ©nom (LenuÈa voulant dire « petite HĂ©lĂšne », trop diminutif), en Elena.
De cette union, naissent trois enfants : un fils Valentin (nĂ© en 1948), une fille Zoia (1949-2006), officiellement mathĂ©maticienne, qui dirigea la branche fĂ©minine des pionniers (jeunesses communistes) et un fils Nicu (1951-1996), qui prĂ©sida la branche masculine et fut considĂ©rĂ© comme l'« hĂ©ritier » du rĂ©gime. Grand amateur de fĂȘtes, de femmes et d'alcool, Nicu eut une relation, qui apparaĂźtra par la suite forcĂ©e, avec la gymnaste Nadia ComÄneci, triple championne olympique aux Jeux d'Ă©tĂ© de MontrĂ©al en 1976. L'aĂźnĂ©, Valentin, fut le seul Ă manifester quelques dĂ©saccords avec ses parents, et ne s'est pas impliquĂ© autant que son frĂšre et sa sĆur dans la politique. Il avait Ă©pousĂ© Iordana (dite « Dana ») BorilÄ, fille de Petre BorilÄ, un ancien rival de son pĂšre au sein du parti communiste roumain[4].
Une chimiste controversée
Deux ans aprĂšs la prise du pouvoir par les communistes, en mars 1945, la Roumanie devient officiellement la RĂ©publique populaire roumaine en dĂ©cembre 1947 : Elena CeauÈescu occupe alors comme emploi un poste de secrĂ©taire au ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, faisant d'elle une figure de la nomenklatura qui ne manquera de rien et Ă©tant protĂ©gĂ©e, mĂȘme aux moments les plus rigoureux de la dictature communiste. DĂšs 1948, elle est affectĂ©e au prestigieux dĂ©partement international du ComitĂ© central du PC[3]), oĂč elle est une personnalitĂ© de second rang jusqu'Ă ce que son mari soit nommĂ© au poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du parti, en 1965. Ă partir de juillet 1971, on lui confie des postes de haut niveau de responsabilitĂ© au sein du Parti communiste roumain.
Ayant obtenu dans les annĂ©es 1950 un diplĂŽme dâingĂ©nieur chimiste Ă lâuniversitĂ© Politehnica de Bucarest, on lui confie la direction gĂ©nĂ©rale de lâInstitut de recherches chimiques roumain, et elle devient Ă©galement membre de lâAcadĂ©mie des sciences[2] - [3]. Son niveau dâinstruction limitĂ© ne lâempĂȘche pas dâaccaparer de nombreux prix scientifiques internationaux en chimie, notamment en matiĂšre de polymĂšres, durant la pĂ©riode oĂč son mari est Ă la tĂȘte du pays : il fallait Ă tout prix que lâex-assistante de laboratoire devenue lâĂ©pouse du no 1 roumain apparaisse comme le fruit dâune rĂ©ussite sociale exemplaire et aucun scientifique nâĂ©tait assez tĂ©mĂ©raire pour refuser dâĂ©crire les articles quâelle signait. Certains tel Ion Ursu sâen firent une spĂ©cialitĂ©, ce qui leur valut une fulgurante carriĂšre et de nombreux avantages rĂ©servĂ©s aux apparatchiks. Mais cela se savait tant dans la population[3] que dans la communautĂ© scientifique du pays, qui est trĂšs fermement invitĂ©e par la Securitate (police politique du rĂ©gime) Ă taire ses railleries, certains scientifiques ayant Ă©tĂ© emprisonnĂ©s[2].
Elena CeauÈescu devient ainsi docteur-ingĂ©nieur en chimie, bien que sa thĂšse ait Ă©tĂ© tout dâabord refusĂ©e par le professeur Cristofor I. Simionescu (ro), qui fut, pour cette outrecuidance, limogĂ© et son nom retirĂ© des encyclopĂ©dies. Un scientifique de moindre renom, le professeur Coriolan DrÄgulescu, valida les travaux de la camarade CeauÈescu et se vit ainsi propulsĂ© sur le podium scientifique du pays, voyant son nom entrer dans lâencyclopĂ©die et intĂ©grant lui aussi lâAcadĂ©mie des sciences. Cela permet Ă la premiĂšre dame roumaine de recevoir des diplĂŽmes honorifiques de prestigieuses universitĂ©s Ă©trangĂšres, elles-mĂȘmes sous la pression de leurs propres gouvernements (notamment celles dâAthĂšnes, Buenos Aires, Lima, Manille, Mexico, Nice, New York, Quito et TĂ©hĂ©ran) qui soignaient leurs bonnes relations avec le Bloc de l'Est. LâencyclopĂ©die roumaine de lâĂ©poque consacre plus dâune demi-page Ă la seule Ă©numĂ©ration de ses titres et rĂ©compenses, qui lui furent retirĂ©s Ă titre posthume aprĂšs la chute du rĂ©gime.
Elena CeauÈescu Ă©tait docteur honoris causa de plusieurs universitĂ©s et membre de certaines sociĂ©tĂ©s universitaires aux Ătats-Unis et dans des pays d'Asie, d'Europe et d'Afrique[5].
- Membre de l'AcadĂ©mie des sciences de New York (Ătats-Unis, 1973)
- Membre correspondant de l'Académie d'AthÚnes (GrÚce, 1976).
- Docteur honoris causa de l'université de Buenos Aires (Argentine, 1974),
- Docteur honoris causa de l'Universidad Nacional del Sur (Bahia Blanca, Argentine, 1974),
- Doctorat honoris causa - Université des femmes des Philippines (1975)
- Docteur honoris causa de l'Universidad AutĂłnoma de YucatĂĄn (Mexique, 1975),
- Docteur honoris causa de l'université de Téhéran (Iran, 1975).
- Membre honoraire de la Société internationale de chimie industrielle (1970),
- Professeur honoraire à l'université nationale d'ingénierie (Lima, Pérou, 1973).
- Membre honoraire de l'American Institute of Chemists (Washington, D.C., 1973),
- Membre honoraire du CollÚge des chimistes et ingénieurs chimistes du Costa Rica (San José, 1973).
- Membre honoraire du Conseil de l'universitĂ© centrale de l'Ăquateur et de l'Institut des sciences naturelles de l'universitĂ© centrale de l'Ăquateur (Quito, 1973),
- Membre honoraire de la Société mexicaine de chimie (1975),
- Membre honoraire de l'Académie des arts et des sciences du Ghana (1977).
- Professeur honoraire - Polytechnic of Central London (1978)
En 2021, Chris Isloi, chercheur en neurosciences et psychologie Ă Londres, et Andrei DumbravÄ, mĂ©decin et maĂźtre de confĂ©rences Ă l'universitĂ© Alexandru Ioan Cuza de Iasi, demandent aux maisons d'Ă©dition universitaires de retirer le nom d'Elena CeauÈescu des travaux scientifiques qu'elles publient[6] - [7].
Ascension et domination politique
Elena CeauÈescu commence Ă avoir un rĂŽle politique dĂšs lâĂ©tĂ© 1972, et celui-ci ne cessera dâaugmenter[3]. Cette annĂ©e-lĂ , elle est ainsi Ă©lue membre titulaire du ComitĂ© central (l'organe officiel de direction du Parti communiste roumain), et, en 1973, nommĂ©e membre titulaire du ComitĂ© exĂ©cutif. La propagande du rĂ©gime, notamment concernant le culte de la personnalitĂ©, la place petit Ă petit davantage en avant, notamment lors de la fĂȘte nationale du 23 aoĂ»t 1973 ; par la suite, elle suit de plus en plus prĂšs son Ă©poux dans lâordre protocolaire, lors des reprĂ©sentations officielles. Ă partir de 1975, elle en occupe la deuxiĂšme place, devant les membres du gouvernement et le Premier ministre. Elle devient membre du Bureau permanent en [3]. Elle est alors le deuxiĂšme personnage de lâĂtat et du Parti et, au mĂȘme titre que Nicu (1951-1996), benjamin du couple prĂ©sidentiel, elle fait figure de successeur Ă©ventuel de son mari[3]. Son influence politique est alors considĂ©rable et induit une rotation accĂ©lĂ©rĂ©e des postes au sein du pouvoir communiste jusquâen 1989, car Elena CeauÈescu et son mari pensent ainsi empĂȘcher la constitution de toute « opposition » interne au sein du parti unique. En 1974, elle parvient ainsi Ă faire limoger le Premier ministre Ion Gheorghe Maurer[3]. Elle devient, en juin 1987, vice-PremiĂšre ministre de Roumanie, mais son influence politique dĂ©passe largement ses prĂ©rogatives officielles.
Elena CeauÈescu applaudit comme tout le Parti communiste roumain lorsquâ est promulguĂ© le dĂ©cret sur lâinterdiction de lâinterruption volontaire de grossesse, disposition qui provoque dans les annĂ©es 1970 et 1980 une augmentation importante de naissances dâenfants non dĂ©sirĂ©s, placĂ©s dans des orphelinats dispersĂ©s dans tout le pays, mais manquant de ressources matĂ©rielles et humaines (comme tout le pays Ă lâĂ©poque), et dont le niveau dâhygiĂšne et les soins sont en consĂ©quence dĂ©plorables. NommĂ©e Ă la tĂȘte de la Commission dâĂtat chargĂ©e de la santĂ©, Elena CeauÈescu nie lâexistence du Sida en Roumanie, provoquant la plus grave Ă©pidĂ©mie pĂ©diatrique dâEurope[8].
Chute du régime
La RĂ©volution roumaine de 1989 permet aux conjurĂ©s, membres de la nomenklatura effarĂ©s par la gouvernance du couple CeauÈescu, de prendre le pouvoir. Elena et Nicolae sâenfuient en hĂ©licoptĂšre mais, Ă court de carburant ou sur ordre, ce dernier les abandonne dans une base militaire prĂšs de TĂąrgoviÈte, Ă 50 kilomĂštres de Bucarest, oĂč ils sont mis aux arrĂȘts. Le , durant la procĂ©dure expĂ©ditive dâune durĂ©e de 55 minutes que le rĂ©gime rĂ©servait aux dissidents et aux rĂ©sistants, Elena refuse de rĂ©pondre aux questions posĂ©es par les juges venus de Bucarest et conteste la lĂ©gitimitĂ© de leurs accusations, adoptant Ă leur Ă©gard un ton arrogant, voire maternaliste (« vous me devez tout, je suis comme votre mĂšre »). Les juges dĂ©clarent Nicolae CeauÈescu et Elena Petrescu coupables de gĂ©nocide et les condamnent Ă ĂȘtre immĂ©diatement fusillĂ©s : trois soldats dont un parachutiste, Ionel Boeru, mitraillent Ă la Kalachnikov les condamnĂ©s qui s'effondrent[9] - [10]. La procĂ©dure et la fin de l'exĂ©cution sont filmĂ©es[11]. Les dĂ©pouilles sont ensuite chargĂ©es dans un vĂ©hicule blindĂ© et ramenĂ©es Ă Bucarest oĂč elles sont enterrĂ©es Ă la hĂąte et en secret (vite Ă©ventĂ©) au cimetiĂšre de Ghencea[12].
Les membres de leur famille, dont leurs enfants, ne sont pas inquiétés, mais protégés par les forces de l'ordre jusqu'à la stabilisation du nouveau régime, dirigé par Ion Iliescu[13].
Notes et références
- (ro) Stelian Neagoe, Istoria guvernelor RomĂąniei : de la Ăźnceputuri--1859 pĂąnÄ Ăźn zilele noastre--1999, Editura Machiavelli, , 316 p. (ISBN 978-973-96599-7-0).
- Elena Ceausescu, savante⊠d'exception
- Pierre Bouillon, « Elena : lâĂ©minence grise », in « Ceausescu, le dictateur courtisĂ© », L'Histoire no 370, dĂ©cembre 2011, page 72.
- Ă propos de Valentin, des rumeurs affirmaient qu'il aurait Ă©tĂ© adoptĂ© par le couple CeauÈescu alors que les analyses ADN sur leurs restes, rĂ©alisĂ©es Ă des fins d'identification en novembre 2010 Ă la demande de Valentin lui-mĂȘme, ont prouvĂ© qu'il est bien leur fils biologique : « Des tests ADN confirment l'identitĂ© du dictateur roumain Ceausescu », dĂ©pĂȘche AFP, 3 novembre 2010 et Article de MĂ©tro-MontrĂ©al du 3/11/2010
- (ro) Daniel LÄcÄtuÈ, « Biografia Elenei CeauÈescu, Ăźn âMic dicÈionar enciclopedicâ, 1972 », sur Info Cultural, (consultĂ© le ).
- (ro) Daniel LÄcÄtuÈ, « Doi cercetÄtori din IaÈi Èi Londra cer Ètergerea Elenei CeauÈescu din bazele de date ÈtiinÈifice », sur Info Cultural, (consultĂ© le )
- (en) « âA moral issue to correctâ: the long tail of Elena CeauÈescuâs fraudulent scientific work », sur the Guardian, (consultĂ© le ).
- Assemblée parlementaire Compte rendu des débats Session de 2001, t. 1, Council of Europe, (ISBN 978-92-871-4671-7, lire en ligne), p. 225.
- The Guardian, « "Iâm still nervous", says soldier who shot Nicolae Ceausescu », Emma Graham-Harrison, 7 dĂ©cembre 2014, .
- Grégor Brandy, « L'homme qui a exécuté le couple Ceausescu se souvient », sur Slate, .
- Journal tĂ©lĂ©visĂ© d'Antenne 2 du 26 dĂ©cembre 1989 qui relate l'exĂ©cution des CeauÈescu Sur le site ina.fr.
- « Nicolae Ceausescu, ingropat in cimitirul Ghencea. Dubii in cazul Elenei »
- Radu PortocalÄ, Autopsie du coup d'Ătat roumain : au pays du mensonge triomphant, Calmann-LĂ©vy, Paris 1990, 195p., (ISBN 9782702174296).