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Cupule (archéologie)

En archéologie, une cupule est un pétroglyphe constitué d'une dépression circulaire ou ovale creusée par l'homme à la surface d'un rocher naturel, d'une dalle mégalithique ou d'une paroi de grotte. Une telle roche anthropisée comportant ces cavités hémisphériques est désignée comme « pierre à cupules » ou « pierre à écuelles ».

Photographie d'une pierre Ă  cupules
L'archéologue O. G. S. Crawford interprète les cercles concentriques autour des cupules comme les yeux d'une déesse mère. Selon une autre interprétation, ces anneaux pourraient être des symboles solaires ou lunaires représentant des halos atmosphériques[1].
Certaines cupules sont reliées entre elles par des rigoles, ce qui les transforme en « haltères ».

L'interprétation de l'usage et des significations des cupules reste difficile, de même que leur datation qui pourrait s'échelonner depuis le Magdalénien jusqu'à l'Âge du bronze.

Description

Une cupule est une forme de pĂ©troglyphe rĂ©alisĂ© Ă  la surface de rochers ou d'affleurements rocheux (dalles, mĂ©galithes). Il s'agit d'une dĂ©pression concave, de forme circulaire ou ovale et d'une profondeur de quelques millimètres. Les cupules sont gĂ©nĂ©ralement de taille modeste, de quelques centimètres ou dizaines de centimètres de diamètre, et ont des parois incurvĂ©es et rĂ©gulières. En deçà de cm, les archĂ©ologues parlent plutĂ´t de point ; au-delĂ  de 20 cm on parle plutĂ´t de cuvettes, bassins ou vasques, qui rĂ©sultent le plus souvent d'une Ă©rosion diffĂ©rentielle[2] - [3].

Une suite de cupules isolées mais alignées forme une ligne de cupules. Si les cupules sont regroupées sur une surface limitée, elles constituent une plage de cupules, lorsqu'elles sont juxtaposées et chevauchantes, ou un nuage de cupules lorsqu'elles sont éparses[4].

Certaines cupules sont entourées par des anneaux concentriques symétriques, également tracés dans la pierre. Parfois, plusieurs cupules sont reliées par une rigole. Leur disposition est en général horizontale mais aussi parfois verticale (mégalithe de la pierre femme, à Vénérieu, dans l'Isère).

Fonctions

Deux types de cupules sont distinguées : les cupules à fonction figurative et les cupules à fonction utilitaire[5].

Les premières interprétations au XIXe siècle proviennent des études sur les surfaces des monuments mégalithiques de l'ouest de l'Europe. Les grandes tendances interprétatives fantaisistes[6] dégagées au contact de ces monuments étaient alors : récolte et évacuation du sang sacrificiel (celtomanie), projection d’un zodiaque ou des constellations visibles (archéoastronomie), forme d’écriture, cadastres préhistoriques, etc. « Et, tout comme ces fameux supports en pierre, dont la compréhension passait inévitablement par une diffusion de l’idée « mégalithique », certains archéologues n’hésiteront pas à envisager une progression est-ouest du phénomène en constatant que des cupules sur affleurements rocheux se retrouvent jusqu’au Caucase (Blavatsky 1880[7])[8] ». Les tendances interprétatives actuelles inventoriées par Bednarik (en) sont[9] :

  • des cuvettes rĂ©sultant du concassage, broyage (graines, noix ou colorants), affĂ»tage ou polissage de matières, employĂ©es comme petit mortier ;
  • des jeux par lesquels d’autres objets (graviers, cĂ©rĂ©ales…) passent d’une cupule Ă  l’autre ;
  • des lithophones, par percussion rĂ©pĂ©tĂ©e sur certains points particulier d’un rocher ;
  • des « reprĂ©sentations » dans le cadre de programmes iconographiques portĂ©s par un rĂ©cit mythique ou une cosmogonie particulière (la cupule peut reprĂ©senter une tĂŞte avec ses yeux, les seins ou le sexe fĂ©minin d'une reprĂ©sentation anthropomorphe, telle une dĂ©esse mère ou une « idole Â» ; un bouclier ; servir de dĂ©part Ă  des figurations solĂ©iformes[Note 1], etc.).

De plus, ces cupules ont pu être réemployées par des populations qui ne les ont pas produites mais qui les utilisent dans le cadre de libations reliées à des rites de fertilité (dépôts de graines, de matières grasses, de liquides — lait, d'hydromel — ou combustion de matières…) comme le suggèrent les rigoles qui relient parfois ces creux entre eux sur des surfaces plus ou moins horizontales[10]. Elles ont pu être utilisées aussi comme récipients à teinture (godets servant au tatouage)[11], comme trou d'emmanchement, comme puits sacrés[Note 2].

Aire géographique

La présence de cupules est attestée partout dans le monde. Elles se rencontrent fréquemment en Europe continentale. Près d'un millier de blocs ou de dalles à cupules sont répertoriés en Suisse et en Savoie, qui recèlent de nombreux blocs erratiques[14]. On en trouve également le long de la façade atlantique (nord de l'Angleterre, Écosse[15] - [16], Irlande, Bretagne, île d'Yeu[17], île de Noirmoutier, Galice et Portugal), sur la façade atlantique du Maroc du nord (région de Tanger)[18], le long des côtes méditerranéennes (nord-ouest de l'Italie, Thessalie).

On trouve des formes similaires dans le reste du monde, comme au Mexique, au Brésil, en Inde et en Guadeloupe (à Trois-Rivières). Elles sont très présentes sur les reliefs, particulièrement en montagne[19].

Galerie

  • Nuages de cupules associĂ©s Ă  des reprĂ©sentations de bateaux et des figurines animales (Stockholm, Suède).
    Nuages de cupules associés à des représentations de bateaux et des figurines animales (Stockholm, Suède).
  • VidĂ©o montrant comment un liquide s'Ă©coule sur une pierre Ă  cupules (la Pierre aux Ă©cuelles, en Suisse).
  • Cupules ou bassins munis de rigoles et de dĂ©versoirs.
    Cupules ou bassins munis de rigoles et de déversoirs.
  • Pierre Ă  cupules Ă  Mours-Saint-Eusèbe, France.
    Pierre à cupules à Mours-Saint-Eusèbe, France.
  • Le caractère anthropique de ces dĂ©pressions les distingue des cupules et taffoni, fruits de l'Ă©rosion.
    Le caractère anthropique de ces dépressions les distingue des cupules et taffoni, fruits de l'érosion.

Notes et références

Notes

  1. Signes solaires avec ou sans rayons. Ces signes peuvent être réduits à de simples points en peinture ou à des cupules en gravure. Exemples : cupules avec rayons, cupule au centre d'un cercle de cupulettes…
  2. Selon Bernard Rio, certaines pierres à cupules en Bretagne peuvent être interprétées comme de petits puits sacrés. L'eau de pluie conservée dans les cupules aurait eu des vertus guérisseuses pour les yeux et ces cupules pourraient aussi être associées à un rite de fécondité, représentant la cavité utérine. Jusqu'au milieu du XXe siècle, dans les fontaines Ar Vir de Plouescat et Saint-Guénaël de Lanester, les pèlerins puisaient l'eau pour la verser sur une pierre à cupules dans lesquelles ils trempaient leurs mouchoirs avant de s'humecter les yeux[12].
  3. Également appelĂ© « Fesses de Sorcière », ce monument mĂ©galithique de la Loire-Atlantique doit son nom Ă  la forme des cavitĂ©s ovalaires (deux grandes cupules de 25 cm de large et 40 cm de long) qui seraient les empreintes laissĂ©es par ces personnages assis sur ce bloc de grès. En rĂ©alitĂ©, les archĂ©ologues considèrent que ces cavitĂ©s polies sont des pierres Ă  bassins (ici jumelĂ©es) servant de meules dormantes nĂ©olithiques sur lesquelles on Ă©crasait des cĂ©rĂ©ales ou des baies avec des molettes-pilon[13].
  4. Cette pierre des redevances comporte plusieurs cupules selon l'importance de leur contenance, avec une ouverture inférieure de vidange.

Références

  1. (en) Walter Tape, Atmospheric Halos, Wiley, , p. 230
  2. Hubert de Pardieu, Émile Buisson, « Les rochers à bassins de la montagne bourbonnaise », Bulletin de la Société préhistorique de France, t. 27, no 12,‎ , p. 563.
  3. Michel Martzluff, Roches ornées, roches dressées: aux sources des arts et des mythes, Presses universitaires de Perpignan, , p. 307
  4. Henry de Lumley et al., « Cupule isolée, groupe de cupules isolées, plage de cupules juxtaposées et chevauchantes, nuage de cupules éparses sur les roches gravées de la région du mont Bego. Représentation de l'amas stellaire des pléiades », L'anthropologie, vol. 123, no 3,‎ , p. 485-667 (DOI 10.1016/j.anthro.2019.102724)
  5. Jean Abélanet, Signes sans paroles. Cent siècles d'art rupestre en Europe occidentale, Hachette, , p. 152
  6. Jean Abelanet, Itinéraires mégalithiques, Editions Trabucaire, , p. 41
  7. (en) H. P. Blavatsky, « Cup-Mark Inscriptions », The Theosophist, vol. 1, no 6,‎ , p. 346-349 (lire en ligne).
  8. Serge Cassen, Valentin Grimaud, « La clef de la mer. Une étude des représentations gravées sur la Pierre de Saint-Samson (Côtes-d’Armor). Laboratoire de recherche archéologie et architectures », Lithogénies, vol. 1,‎ , p. 98 (lire en ligne).
  9. (en) R.G. Bednarik, « Cupules. Rock Art Research, 25, 1, p. 61-100. », Rock Art Research, vol. 25, no 1,‎ , p. 61-100 (lire en ligne).
  10. Michel Martzluff, Roches ornées, roches dressées, Presses universitaires de Perpignan, , p. 236
  11. (en) Ralph Linton, Archaeology of the Marquesas Islands, vol. 23, The Museum, , p. 96.
  12. Bernard Rio, Le cul bénit. Amour sacré et passions profanes, éditions Coop Breizh, , p. 47.
  13. Emile Boutin, Pays de Retz, Noirmoutier, île d'Yeu, France-Empire, , p. 29.
  14. Léonard Kramer et Michel Mauvilly, « Blocs à cupules, des pierres énigmatiques », Cahiers d'archéologie fribourgeoise = Freiburger Hefte für Archäologie, vol. 21,‎ , p. 20-21 (ISSN 1423-8756, lire en ligne, consulté le )
  15. « Cup and Ring carvings ......... What are they ?? », Yorkshire Rock Art
  16. « Drumtroddan », The Whithorn Trust
  17. Marcel Baudouin, « La Roche aux Fras, Pierre à 95 cupules et 6 cavités pédiformes, à l'île d'Yeu (Vendée) », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 11, no 10,‎ , p. 484-513 (lire en ligne)
  18. (es) Cravioto, E. G., & García, H. G., « Un santurario de Cazoletas (Cupules) en Tánger (Douar Ziaten) », Akros: Revista de Patrimonio, (14),‎ , p. 7-14
  19. « pierres a cupule - alpes » (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • LĂ©onard Kramer et Michel Mauvilly, « Blocs Ă  cupules, des pierres Ă©nigmatiques », Cahiers d'archĂ©ologie fribourgeoise (Freiburger Hefte fĂĽr Archäologie), vol. 21,‎ , p. 20-21 (ISSN 1423-8756, lire en ligne, consultĂ© le )
  • Jean-Mary Couderc, GĂ©ographie et archĂ©ologie des cupules, La Simarre, , 402 p. (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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