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Culture de Cishan

La culture de Cishan-Beifudi (chinois çŁć±±æ–‡ćŒ–) (vers 6500-5000 avant l'Ăšre commune [1]) est une culture archĂ©ologique qui correspond Ă  l'une des premiĂšres cultures nĂ©olithiques de la Chine[2]. DĂ©couverte en 1976, dans le district de Wu'an, au Hebei en Chine[3]. Avec la chasse et la cueillette on y a commencĂ© Ă  pratiquer la culture du millet des oiseaux[4]. C'est, avec la culture de Peiligang (qui sont associĂ©es souvent en une unique culture de « Cishan-Peiligang ») l'une des cultures qui a prĂ©cĂ©dĂ© la culture de Yangshao (4500 Ă  3000), dans la Plaine centrale de Chine.

Elles ont été précédées par une longue période de néolithisation dispersée et sans continuité, sans « progression constante », avec d'éventuels retours à la chasse et à la cueillette sans aucun essai de culture.

Historique des découvertes, localisation, périodisation

Néolithisation et premiÚres cultures néolithiques en Chine [5]
L'origine et la diffusion des langues sino-tibétaines. L'ovale rouge représente la fin des cultures Cishan et les premiÚres cultures de Yangshao. Les flÚches noires représentent les voies présumées de l'expansion non sinitique. AprÚs avoir appliqué la méthode comparative linguistique à la base de données de données linguistiques comparatives développée par Laurent Sagart en 2019 pour identifier des correspondances sonores et établir des apparentés, des méthodes phylogénétiques sont utilisées pour déduire des relations entre ces langues et estimer l'ùge de leur origine et de leur patrie[6].

La culture de Cishan a été ainsi nommée aprÚs la découverte du site de Cishan, dans le district de Wu'an, au Hebei, en 1976.

Cette culture se situe dans la Grande Plaine du Nord de la Chine, Ă  l'Est des monts Taihang. Les autres sites importants incluent Beifudi et Shangpo [7]. Cette culture est associĂ©e Ă  un ensemble beaucoup plus vaste par les archĂ©ologues chinois actuels [8] : l'ensemble du Nord et du Nord-Est, qui comprend, outre Cishan-Beifudi et Peiligang (ce groupe prĂ©cĂšde les cultures de Yangshao de l'Est), la culture de Xinglongwa (vers le cours du fleuve Liao, et qui prĂ©cĂšde la culture de Zhaobaogou-Hongshan), la culture de Houli (au Nord des monts Taiyi, et qui prĂ©cĂšde la culture de Dawenkou), et enfin le groupe Baijia-Dadiwan I (Laoguantai), dans le cours des riviĂšres Wei et Han, qui prĂ©cĂšde les cultures de Yangshao de l'Ouest. Les sites de ce vaste ensemble se situent dans les bassins de rĂ©gions montagneuses, ou sur les pentes de ces montagnes, mais aussi trĂšs souvent dans des plaines inondables. Ces localisations ont Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©es, Ă  cette Ă©poque de rĂ©chauffement et d'humidification de zones qui Ă©taient arides, par la proximitĂ© de ressources naturelles: les zones montagneuses Ă©taient couvertes de chĂȘnes. Le gland aurait Ă©tĂ© l'aliment dominant Ă  cette Ă©poque de ce groupe de cultures, avec haricots, tubercules et millet.

Elle appartient Ă  la pĂ©riode qui suit les toutes premiĂšres apparitions de poterie en Chine, une pĂ©riode oĂč la subsistance est assurĂ© par la chasse et la cueillette avec parfois l'apport du chien et du porc, mais avec des habitats semi permanents; une pĂ©riode de nĂ©olithisation trĂšs lente et non continue.

La culture de Cishan-Beifudi est datée vers 6500-5000 avant l'Úre commune. Elle est plus ou moins contemporaine des cultures de Peiligang et Laoguantai (laquelle est souvent appelée Culture de Dadiwan I en raison d'un site plus riche du point de vue archéologique [N 1]). Comme les cultures de Cishan et de Peiligang ont de nombreuses caractÚres communs elles sont souvent prises dans un ensemble commun « Peiligang-Cishan »: on y a pratiqué épisodiquement des petites cultures du millet des oiseaux.

Elle est contemporaine, dans la Grande plaine du Nord de la Chine, de celle de Houli (6500-500), au Shandong, et de Baijia-Dadiwan I (vers 6000-5000), sur les bords de la riviÚre Wei et dans le cours supérieur de la riviÚre Han.

Cadre environnemental et subsistance

Cishan

Les quelque douze sites[9] dĂ©couverts sur des terrasses sur le piedmont Est des monts Taihang portent l'appellation de culture de Cishan-Befudi. Le site actuel de Cishan est situĂ© Ă  une vingtaine de mĂštres au-dessus du niveau de la riviĂšre mais celle-ci passait bien plus haut Ă  cette Ă©poque. L’étendue du site n’a pas Ă©tĂ© dĂ©celĂ©e sur sa totalitĂ©., mais sur les 2500 m de la fouille actuelle (en 2012) on a dĂ©couvert 474 fosses, deux fondations d’habitation et 2000 objets.

Les objets utilisés partagent de fortes relations avec les traditions culturelles de début de l'HolocÚne: microlithes, mortiers de pierre et vaisselle à fond plat. Les objets que l'on y a trouvés ont été datés de 6500-5000 avant l'Úre commune grùce à des datations par le carbone 14. Les céramiques de la culture Cishan comptent donc parmi les plus anciennes des cultures néolithiques au monde, avec celles de la culture de Peiligang (7000-5000) et quelques autres, en Chine et celles de Hassuna (6500-6000) et Samarra, en Mésopotamie. Mais des sites bien plus anciens tant en Chine du Sud qu'au Japon ont démontré que des cultures de chasseurs-cueilleurs pratiquant la chasse avec des outils de pierre taillée (paléolithiques) ont aussi réalisé des terres cuites, bien sûr à basse température, mais néanmoins bien plus anciennes que celles de Cishan-Peiligang, vers 17000 - 16000 avant l'Úre commune[N 2].

Les cĂ©ramiques Ă  fond plat qui dominent comportent des jarres, des coupes, des assiettes et des plats tripodes. Les outils de pierre, d’os et de coquillage que l’on a retrouvĂ© conviennent pour le travail du bois (haches, herminettes, ciseaux Ă  bois), pour creuser (bĂȘches), chasser et pĂ©cher (pointes de lances, harpons
) et peut-ĂȘtre pour rĂ©colter des cĂ©rĂ©ales (ou d’autres plantes) : faucilles. On a trouvĂ© aussi 120 meules plates, sur quatre pieds, et leurs rouleaux broyeurs, c'est-Ă -dire 12,5 % du total des outils de pierre.

Si l’on a longtemps pensĂ© que ce site Ă©tait exemplaire d’une production intensive de millet comme semblait l’indiquer la prĂ©sence de 80 fosses de stockage contenant des Ă©pais dĂ©pĂŽts de millet. Les rĂ©sultats actuels sont contestables et on attend de plus amples Ă©tudes sur cette question. En fait, l’extrĂȘme raretĂ© des faucilles, soit 0,6 % du total, met en question l’idĂ©e d’une production « intensive ». Par ailleurs comme on a retrouvĂ© de nombreux restes de noix, noisettes et micocouliers, les meules plates semblent avoir plutĂŽt Ă©tĂ© destinĂ©es Ă  la consommation de ces noix. Les meules et leurs rouleaux ont Ă©tĂ© souvent associĂ©s avec des cĂ©ramiques Ă  fond plat et leurs supports de cuisson et d’autres articles de cuisine. Ces ensembles ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s en comparaison avec les cultures des AborigĂšnes d’Australie et on y a reconnu le nĂ©cessaire pour la prĂ©paration des plantes sauvages, avec dalles et molettes que les femmes habituellement dans un cadre de travail en commun. Dans le cas de Cishan il pourrait s’agir d’un tel usage, avec l’apport complĂ©mentaire de noix et de cĂ©rĂ©ales[10].

Par contre les instruments liĂ©s Ă  la chasse et Ă  la pĂȘche sont considĂ©rables et correspondent au nombre important des restes d’animaux consommĂ©s : 36 espĂšces, dont 6 espĂšces de daims, des carnivores, des porcs, des chiens, des poulets, des poissons et fruits de mer.

Le grand nombre de fosses de stockage, les pierres Ă  broyer, la prĂ©sence de porcs et de chiens, tout ceci laisse supposer une vie sĂ©dentaire importante. Les tripodes, peu nombreux, reflĂštent l’émergence d’un style artistique qui convient Ă  un mode de vie qui se sĂ©dentarise. Par contre l’ensemble pot-supports peut ĂȘtre aisĂ©ment transportable compatible avec une Ă©conomie de prĂ©dation qui aurait largement complĂ©tĂ© les dĂ©buts d’une Ă©conomie de production, dans ce village de sĂ©dentaires mais oĂč la chasse et la cueillette, de ces chasseurs-cueilleurs en voie de sĂ©dentarisation, nĂ©cessitaient une mobilitĂ© possible et simple.

Beifudi

Le site[11] se trouve sur les terrasses d'une petite vallĂ©e. Seulement une partie des rĂ©sultats a Ă©tĂ© publiĂ©e. Mais dĂ©jĂ  on peut distinguer un espace consacrĂ© aux habitations Ă  demi enterrĂ©es (14 actuellement publiĂ©es, entre 15 et 6,5 m2), et un autre consacrĂ© Ă  une petite place (90 m2) qui comporte des petites fosses de stockage (9) et une grande. Les petites contenaient des objets manifestement d'usage courant mais qui Ă©taient cachĂ©s: meules, haches, piques, vaisselle de cĂ©ramique et ornements. Le sol des habitations Ă©tait couvert de galets et d'Ă©pais dĂ©pĂŽt dus au travail de la pierre, sur place. Ces deux facteurs ont laissĂ© penser aux archĂ©ologues que ce site Ă©tait utilisĂ© Ă  la fois lors de sĂ©jours de longue durĂ©e et Ă  la fois en tant que campement de chasseurs-cueilleurs itinĂ©rants.

Des masques plats aux dimensions d'un visage et munis d'orifices pour les yeux, ont été découverts dans plusieurs habitations, mais brisés. On en a déduit que ceux-ci intervenaient dans des rituels liés à l'habitation.

Une Ă©tude dĂ©taillĂ©e des dĂ©pĂŽts a permis d'Ă©tayer l'image d'une population de chasseurs-cueilleurs semi sĂ©dentaires faisant une abondante consommation de noix et de glands lors de ses sĂ©jours passagers dans ce site. Les caches d'objets en Ă©tat d'ĂȘtre rĂ©utilisĂ©s (dans des fosses peu profondes et situĂ©es sur la place) vont aussi dans ce sens, pour un usage limitĂ©, saisonnier, lors des pĂ©riodes de cueillette des noix (les dĂ©bris de noix se trouvent exclusivement dans les habitations d'environ 15 m2[12]) et des glands. Aucun ossement signalĂ©, ce qui laisse entrevoir une zone peu propice Ă  la chasse [13].

Conclusion

Ces deux modes d'habitat, l'un saisonnier l'autre permanent permettent de penser que ces populations avaient diffĂ©rentes stratĂ©gies de subsistance : tandis qu'une partie de la population faisait usage de camps saisonniers, le reste de la communautĂ© restait dans les camps permanents. La nature de l'environnement influait sur ces choix qui sont des pratiques communes tout au long de cette phase finale de la nĂ©olithisation de cette population ou si l'on prĂ©fĂšre : la premiĂšre phase nĂ©olithique[14], en Chine.

Les formes : outils, céramiques...

  • Quelques cĂ©ramiques de la culture de Cishan que l'on peut comparer avec leurs quasi-contemporaines dans la rĂ©gion de la Plaine centrale Ă  l'article : Cultures prĂ©-Yangshao (vers 5500-4500) : Peiligang, Baoji...
  • Bol tripode. Terre cuite lissĂ©e et lustrĂ©e. Culture de Cishan. Hebei. MusĂ©e national de Chine
    Bol tripode. Terre cuite lissée et lustrée. Culture de Cishan. Hebei. Musée national de Chine
  • Chaudron sur ses supports. Terre cuite Ă  dĂ©cor gĂ©omĂ©trique. Culture de Cishan. Site de Cishan, Wu'an, Hebei 1977. MusĂ©e national de Chine
    Chaudron sur ses supports. Terre cuite à décor géométrique. Culture de Cishan. Site de Cishan, Wu'an, Hebei 1977. Musée national de Chine

Notes

  1. ZHU Yanping in : Anne P. Underhill 2013, p. 172. Ce site ayant été ultérieurement occupé pendant la période Yangshao, est distingué à l'époque de Cishan comme Dadiwan I.
  2. Alain Testart, Avant l'histoire : L'Ă©volution des sociĂ©tĂ©s de Lascaux Ă  Carnac, NRF-Gallimard 2012, p. 134, signale l'antĂ©rioritĂ© de la cĂ©ramique du PalĂ©olithique de DolnĂ­ Věstonice (24000 avant l'Ăšre commune) et de leurs voisins (site de Pavlov, et ailleurs), sous la forme de statuettes de terre cuite reprĂ©sentant des femmes et des animaux, mais ces populations n'avaient manifestement pas la nĂ©cessitĂ© ni l'usage de pots de terre cuite et on n'en a, actuellement (en 2012), retrouvĂ©e aucune.

Références

  1. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 133, qui présente une carte des principaux sites en question, p. 124.
  2. LI Liu in Jean Paul Demoule 2009
  3. Li, He, La CĂ©ramique chinoise, 2006, p. 19.
  4. (en) Earliest domestication of common millet (Panicum miliaceum) in East Asia extended to 10,000 years ago, Proc Natl Acad Sci U S A. 2009 May 5; 106(18): 7367–7372.
  5. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 123-168.
  6. (en) Laurent Sagart, Guillaume Jacques, Yunfan Lai et Robin J. Ryder, « Dated language phylogenies shed light on the ancestry of Sino-Tibetan », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 116, no 21,‎ , p. 10317–10322 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 31061123, DOI 10.1073/pnas.1817972116, lire en ligne, consultĂ© le ).
  7. ZHU Yanping in : Anne P. Underhill 2013, p. 173
  8. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 127
  9. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 133
  10. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 134
  11. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 134-138
  12. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 137
  13. ZHU Yanping in : Anne P. Underhill 2013, p. 137-138
  14. Li Liu and Xingcan Chen 2012, p. 138

Bibliographie

  • Jean Paul Demoule (dir.), La rĂ©volution nĂ©olithique dans le monde : SĂ©minaire du CollĂšge de France, Paris, CNRS Ă©ditions, , 488 p. (ISBN 978-2-271-06914-6). Avec la participation de LI Liu: L'Ă©mergence de l'agriculture et de la domestication en Chine p.
  • Jeannette Werning et Corinne Debaine-Francfort, Au long du fleuve Jaune : premiers villages, premiers vases du Henan : MusĂ©e dĂ©partemental de prĂ©histoire de SolutrĂ©, 21 juin - 15 octobre 1991, SolutrĂ©, MusĂ©e dĂ©partemental de prĂ©histoire, , 152 p.. Nombreuses ill. noir et blanc.
  • Jean Guilaine (dir.), Premiers paysans dans le monde : naissances des agricultures : SĂ©minaire du CollĂšge de France, Paris, Errance, , 319 p. (ISBN 2-87772-187-6). Avec la participation de Corinne Debaine-Francfort : La nĂ©olithisation de la Chine : OĂč, quand, comment? p. 171-187
  • Olivier Aurenche (dir.) et Jacques Cauvin, NĂ©olithisations : Proche et Moyen Orient, MĂ©diterranĂ©e orientale, Nord de l'Afrique, Europe mĂ©ridionale, Chine, AmĂ©rique du Sud : SĂ©minaire organisĂ© Ă  la Maison de l'Orient de 1984 Ă  1989, Oxford (England), B.A.R., , 332 p. (ISBN 0-86054-657-8). Avec la participation de Corinne Debaine-Francfort : Les grandes Ă©tapes de la nĂ©olithisation en Chine, de ca. 9000 Ă  2000 av J.-C. p. 171-187
  • (en) Anne P. Underhill (dir.), A companion to Chinese archaeology, Chichester, West Sussex ; Malden (Mass.), Wiley-Blackwell, , 640 p. (ISBN 978-1-4443-3529-3) 26 cm, noir et blanc.
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  • (en) Li Liu, The Chinese Neolithic : Trajectories to Early States, Cambridge et New York, Cambridge University Press, , 498 p. (ISBN 978-0-521-64432-7) 24 cm, noir et blanc. Madame Li Liu est professeur d'archĂ©ologie chinoise Ă  l'UniversitĂ© Stanford, Californie. (Stanford Daily 22/01/2014 : Sa recherche l'a amenĂ©e aux origines de l'agriculture chinoise, il y a -12000 ans).
  • (en) Li Liu et Xingcan Chen, The Archaeology of China : From the Late Paleolithic to the Early Bronze Age, Cambridge et New York, Cambridge University Press, , 330 p. (ISBN 978-0-521-81184-2) 24 cm, noir et blanc.
  • (en) Li Zhiyan, Virginia L. Bower, and He Li (dir.), Chinese Ceramics : From the Paleolithic Period to the Qing Dynasty, Cambridge et New York, Yale University and Foreign Langage Press, , 687 p. (ISBN 978-0-300-11278-8) 31 cm.

Articles connexes

Généralités :
Époque prĂ©cĂ©dente : chasseurs-cueilleurs du PlĂ©istocĂšne
Époque concernĂ©e : Premier nĂ©olithique durant l'HolocĂšne moyen (vers 7000-5000 AEC)


Époque nĂ©olithique suivante :


Époque ultĂ©rieure du nĂ©olithique Ă  l'Ăąge du bronze: vers 2200-1400


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