Compact de Banach-Mazur
Dans le domaine mathématique de l'analyse fonctionnelle, la distance de Banach-Mazur – nommée d'après Stefan Banach et Stanisław Mazur – est une distance δ définie sur l'ensemble Q(n) des espaces vectoriels normés de dimension finie n (pris à isomorphisme isométrique près). L'espace métrique associé (Q(n), δ), compact, est appelé le compact de Banach-Mazur ou le compact de Minkowski – d'après Hermann Minkowski.
Si X et Y sont deux espaces normés de dimension n non nulle,
où ║ ║ désigne la norme d'opérateur.
Détails sur la définition
Peu importe le logarithme choisi. On peut par exemple prendre le logarithme népérien.
L'ensemble dont on prend ci-dessus la borne inférieure est non vide car deux espaces vectoriels normés de même dimension finie sont toujours isomorphes en tant qu'espaces vectoriels topologiques (voir Norme équivalente).
Une application linéaire entre deux tels espaces X et Y est automatiquement continue, donc un isomorphisme d'espaces vectoriels T de X dans Y est toujours bicontinu et le conditionnement satisfait ║T║−1 ║T║ ≥ ║T −1 T║ = ║idX║ = 1, si bien que δ(X, Y) ≥ 0.
La distance dépend du choix du corps de base, ℝ ou ℂ[1]. En général, on choisit implicitement ℝ.
Beaucoup d'auteurs préfèrent travailler avec la « distance » de Banach-Mazur multiplicative
qui vérifie d(X, Z) ≤ d(X, Y) d(Y, Z) et d(X, X) = 1.
Propriétés
Le réel δ(X, Y) ne dépend que des classes d'isomorphisme isométrique de X et Y.
Sur Q(n), l'application induite par δ est une distance. Le fait que les espaces soient de dimension finie est crucial pour que δ(X, Y) = 0 ⇒ X et Y isométriques[2].
L'espace métrique (Q(n), δ) est compact et connexe par arcs[3].
On a des estimations de la « distance » multiplicative d(X, Y) lorsque l'un des deux espaces est un ℓp(n)[4], c'est-à-dire ℝn muni de la norme p pour un certain p ∈ [1, ∞] (on le note ainsi parce que c'est l'espace Lp de la mesure de comptage sur un ensemble à n éléments) :
- On démontre facilement que d(ℓ1(n), Y) ≤ n pour tout Y ∈ Q(n), grâce au lemme d'Auerbach. En effet, soit (e1, … , en) une base d'Auerbach normée de Y, c'est-à-dire que les ek sont unitaires et les ek de la base duale (e1, … , en) aussi. En définissant T : ℓ1(n) → Y par T((tk)k) = ∑ tkek, on a ║T║ = 1 et, puisque T −1(y) = (ek(y))k, ║T −1║ ≤ n.
- Plus généralement, d(X, Y) ≤ n pour tous X, Y ∈ Q(n), d'après un théorème (en) démontré en 1948 par Fritz John, sur l'ellipsoïde maximal contenu dans un corps convexe (en), qui fournit la majoration[5] :
- Si p, q ≤ 2 ou p, q ≥ 2,
[6]. - Pour p < 2 < q, on connaît un encadrement :
[7]
E. Gluskin a démontré par une méthode probabiliste[8] que le « diamètre » (multiplicatif) de Q(n) – majoré par n d'après ce qui précède – est minoré par cn, pour une certaine constante universelle c > 0. Gluskin introduit pour cela une famille de polytopes symétriques aléatoires P(ω) de ℝn et les espaces normés dont P(ω) est la boule unité (l'espace vectoriel est ℝn et la norme est la jauge de P(ω)), puis montre que l'estimation annoncée est vraie avec une grande probabilité pour deux espaces normés indépendants dans cette famille.
L'espace topologique Q(n) est un extenseur absolu[9], c'est-à-dire que toute application continue, à valeurs dans Q(n), définie sur un fermé d'un espace métrisable, s'étend continûment à l'espace entier. Comme Q(n) est métrisable, cela revient à dire que c'est rétract absolu, comme le cube de Hilbert. Mais Q(2) n'est pas homéomorphe au cube de Hilbert[10] - [11].
Notes et références
- (en) Stanislaw J. Szarek, « On the Existence and Uniqueness of Complex Structure and Spaces With "Few" Operators », Trans. Amer. Math. Soc., vol. 293, no 1, , p. 339-353 (lire en ligne)
- En dimension infinie, un contre-exemple dû à Aleksander Pełczyński et Czesław Bessaga est présenté dans (en) Jan Rozendaal, A space of spaces : Bachelor thesis, Univ. Leiden, (lire en ligne), p. 5.
- (en) Robert A. McGuigan, « On the connectedness of isomorphism classes », manuscripta mathematica, vol. 3, no 1, , p. 1–5 (ISSN 0025-2611 et 1432-1785, DOI 10.1007/BF01168459, lire en ligne, consulté le )
- (en) V. E. Gurarii, M. I. Kadec et V. E. Macaev, « On the distance between isomorphic spaces of finite dimension », Math. Sb., vol. 70, , p. 481-489
- (en) A. A. Giannopoulos, « A note on the Banach-Mazur distance to the cube », dans Geometric Aspects of Functional Analysis, coll. « Operator Theory: Advances and Applications » (no 77), , ps (lire en ligne), p. 67-73
- Ceci prouve que pour p ≠ 2, ℓp(ℕ) n'est pas topologiquement isomorphe à ℓ2(ℕ).
- Remarquons que d(ℓ1(2), ℓ∞(2)) = 1.
- (en) Efim D. Gluskin, « Diameter of the Minkowski compactum is roughly equal to n », Functional Anal. Appl., vol. 15, no 1, , p. 57-58 (traduit du russe, Funktsional. Anal. i Prilozhen, vol. 15, n° 1, 1981, p. 72-73)
- (en) S. Antonyan, « An Open Letter to the Mathematical Community Concerning the Result on Banach-Mazur Compactum », Topological Commentari, vol. 2, no 3, (lire en ligne)
- (en) Sergey A. Antonyan, « The topology of the Banach-Mazur compactum », Fundam. Math., vol. 166, , p. 209-232 (lire en ligne)
- (en) Sergei M. Ageev, Semeon A. Bogatyi et Dušan Repovš, « The Banach-Mazur compactum is the Alexandroff compactification of a Hilbert cube manifold », Topology Atlas Preprint, no 521, (arXiv math/0209361)
Bibliographie
- (en) A. A. Giannopoulos, « Banach-Mazur compactum », dans Michiel Hazewinkel, Encyclopædia of Mathematics, Springer, (ISBN 978-1556080104, lire en ligne)
- (en) Albrecht Pietsch (de), History of Banach Spaces and Linear Operators, Boston, Mass./London, Birkhäuser, , 855 p. (ISBN 978-0-8176-4596-0, lire en ligne)
- (en) Nicole Tomczak-Jaegermann, Banach-Mazur Distances and Finite-Dimensional Operator Ideals, Longman Scientific & Technical et John Wiley & Sons, coll. « Pitman Monographs and Surveys in Pure and Applied Mathematics » (no 38), , 395 p. (ISBN 978-0-582-01374-2)
Voir aussi
Articles connexes
- Dimension équilatérale (en)
- Représentabilité finie (espace de Banach)
- Théorème de Dvoretzky
- Théorème du quotient de sous-espace (en)
Liens externes
« ENSAE MP 2003 (sujet et corrigé) », sur mathom.fr + Pascal Lefèvre, « sujet » et « corrigé »