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Chavouot

Chavouot (en hĂ©breu : Ś©Ś‘Ś•ŚąŚ•ŚȘ, Shavouot « semaines » ; en grec : πΔΜτηÎșόστη áŒĄÎŒÎ­ÏÎ± / PentĂȘkostề hĂȘmĂ©ra, « cinquantiĂšme jour »), appelĂ©e parfois en français « PentecĂŽte », est l’une des trois fĂȘtes de pĂšlerinage du judaĂŻsme, prescrites par la Bible, au cours de laquelle on cĂ©lĂšbre le dĂ©but de la saison de la moisson du blĂ© et, dans la tradition rabbinique, le don de la Torah sur le mont SinaĂŻ.

Chavouot
Tu apporteras les prĂ©mices nouvelles de ta terre dans la maison de YHWH ton Dieu (Exode 34:26)On n’apporte de prĂ©mices que parmi les sept espĂšces (Mishna Bikkourim 1:3)
Tu apporteras les prémices nouvelles de ta terre dans la maison de YHWH ton Dieu (Exode 34:26)
On n’apporte de prĂ©mices que parmi les sept espĂšces (Mishna Bikkourim 1:3)

Nom officiel Hag HaShavouot (hĂ©breu : Ś—Ö·Ś’ Ś”Ö·Ś©ÖžÖŒŚŚ‘Ö»ŚąŚ•ÖčŚȘ « FĂȘte des Semaines »)
Autre(s) nom(s) FĂȘte de la moisson (Ś—Ś’ Ś”Ś§ŚŠŚ™Śš)
Jour des prĂ©mices (Ś™Ś•Ś Ś”Ś‘Ś™Ś›Ś•ŚšŚ™Ś)
Atzeret (ŚąŚŠŚšŚȘ)
Le temps du don de notre Torah (Ś–ŚžŚŸ ŚžŚȘŚŸ ŚȘŚ•ŚšŚȘŚ Ś•)
CinquantiĂšme jour (Ś™Ś•Ś Ś”Ś—ŚžŚ™Ś©Ś™Ś, πΔΜτηÎșόστη)
Jour du rassemblement (Ś™Ś•Ś Ś”Ś§Ś”Śœ)
Observé par Le judaïsme, le karaïsme et le samaritanisme
Type Biblique (agricole puis historique)
Signification FĂȘte de la rĂ©colte du blĂ© et, selon le judaĂŻsme rabbinique, commĂ©moration du don de la Torah sur le mont SinaĂŻ.
Commence Le 6 sivan
Finit Le 7 sivan (le 6 en terre d’IsraĂ«l et dans le judaĂŻsme rĂ©formĂ©)
Date 2023 du soir du 25 mai au soir du 27 mai (26 mai en terre d’IsraĂ«l)
Observances Nuit d’étude, poĂšmes liturgiques (Akdamout, azharot, etc.), lecture du Livre de Ruth, dĂ©coration de la synagogue avec des plantes odorantes, consommation de laitages
Lié à Pessa'h

Elle a lieu au terme du dĂ©compte de l’omer, le 6e jour du mois juif de sivan (correspondant, selon les annĂ©es, au mois de mai ou juin dans le calendrier grĂ©gorien). Elle dure deux jours en diaspora mais un seul en terre d’IsraĂ«l (et dans le judaĂŻsme rĂ©formĂ©).

Chavouot dans les sources juives

Dans les livres de la période biblique

Chavouot est mentionnĂ©e pour la premiĂšre fois comme la « fĂȘte de la moisson » faisant suite Ă  la fĂȘte des azymes et prĂ©cĂ©dant la fĂȘte de la rĂ©colte dans le cycle agricole annuel[1]. Il est prescrit aux hommes de prĂ©senter en ce jour les prĂ©mices de la terre devant la maison de Dieu[2]. Elle est, pour cette raison, Ă©galement connue comme « jour des prĂ©mices »[3]

Découpage de papier coloré dans une technique mixte représentant des symboles liés au judaïsme et à la nature. L'inscription se lit: "Jom Chag Ha Schawuot ha se". Dans la collection du Musée juif de Suisse.

De ces trois fĂȘtes, la « fĂȘte des semaines[4] » est la seule Ă  ne pas ĂȘtre dĂ©finie par une date prĂ©cise du calendrier[5] mais par sa relation Ă  la fĂȘte des azymes : au « lendemain du chabbat », un omer doit ĂȘtre prĂ©levĂ© sur les prĂ©mices de la nouvelle rĂ©colte d’orge et ĂȘtre offerte au prĂȘtre ; Ă  dater du jour de cette offrande, sept semaines entiĂšres doivent ĂȘtre comptĂ©es, au terme desquelles une « oblation nouvelle », consistant en deux miches provenant de la nouvelle rĂ©colte de blĂ© et cuites Ă  pĂąte levĂ©e, est offerte sur l’autel pour y ĂȘtre balancĂ©e. Cette offrande nouvelle s’accompagne d’offrandes animales, oblations et libations supplĂ©mentaires, et le jour oĂč elle est effectuĂ©e est saint ; les « Ɠuvres serviles » y sont proscrites[6].

Le jour doit en outre donner lieu, aprĂšs que les enfants d’IsraĂ«l ont pris possession du pays, Ă  une rĂ©jouissance collective, au cours de laquelle les « prĂ©mices de ton labeur que tu as cultivĂ© dans ton champ » sont remis au prĂȘtre. Cette offrande n’incombe pas Ă  la communautĂ©, c’est « un tribut d’une offrande de ta main en toute libertĂ© » grĂące Ă  laquelle « tu te rĂ©jouiras devant H' ton Dieu, toi, ton fils, ta fille, 
 le LĂ©vite qui rĂ©side dans tes portes, l’étranger, l’orphelin et la veuve »[7].

La fĂȘte est assez peu Ă©voquĂ©e dans la littĂ©rature prophĂ©tique[8]. Le chroniqueur assure cependant que Salomon rĂ©alisait des offrandes « en se conformant au rite de chaque jour, il les offrait, selon les prescriptions de MoĂŻse, les jours du chabbat et des nĂ©omĂ©nies et aux fĂȘtes qui se suivent trois fois par an, Ă  la fĂȘte des Azymes, Ă  la fĂȘte des Semaines et Ă  la fĂȘte des Tabernacles »[9].

Elle apparaĂźt Ă©galement dans la littĂ©rature deutĂ©rocanonique, comme un jour de joie devenu jour de peine pour Tobie[10] et les MaccabĂ©es interrompent provisoirement leur lutte pour l’observer[11].

Le rituel de Chavouot à l’ùre du Second Temple

Bien que tombant pendant la saison de labour (et ne durant pour cette raison qu’un jour, contrairement Ă  Pessa'h ou Souccot[12]), la cĂ©lĂ©bration de Chavouot Ă©tait fidĂšlement observĂ©e Ă  l’époque du Second Temple. Outre le pĂšlerinage, commun aux trois fĂȘtes et dĂ©crit dans le traitĂ© Haguiga, elle donnait lieu Ă  la cĂ©rĂ©monie des bikkourim, dont les rites font l’objet du traitĂ© Bikkourim, onziĂšme et dernier traitĂ© de l’ordre ZeraĂŻm. L’un des articles de ce traitĂ© rapporte le faste de cette cĂ©rĂ©monie :

« Le matin, le préposé disait (Jérémie 31:6) : « Allons, montons à Sion, vers H' notre Dieu ! »
Les plus proches (de JĂ©rusalem) apportaient des figues et des raisins, les plus Ă©loignĂ©s des figues sĂšches et des raisins secs. Un bƓuf marchait devant eux, les cornes plaquĂ©es d’or, couronnĂ© d’olivier ; le chant de la flĂ»te les prĂ©cĂ©dait jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus aux portes de JĂ©rusalem. Ils envoyaient alors des messagers et embellissaient leurs prĂ©mices. Les petites gens, les dĂ©lĂ©guĂ©s et les notables sortaient Ă  leur rencontre, selon le rang des arrivants. Tous les artisans de JĂ©rusalem arrivaient Ă©galement Ă  eux et leur souhaitaient la bienvenue.
Le chant de la flĂ»te les prĂ©cĂ©dait jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus au mont du Temple. LĂ , le roi Agrippa lui-mĂȘme hissait son panier sur ses Ă©paules et pĂ©nĂ©trait jusqu’au parvis du Temple, cependant que les LĂ©vites chantaient (Psaumes 30:2) : « Je t’exalterai, H', car tu m’as relevĂ©; tu n’as pas rĂ©joui mes ennemis Ă  mes dĂ©pens ».
Les pigeons s’envolaient de dessus les corbeilles (de fruits) et chacun remettait aux prĂȘtres ce qu’il apportait de ses mains 
 Les riches apportaient leurs prĂ©mices dans des vases d’argent, les pauvres dans des paniers d’osier Ă©corcĂ© ; rĂ©cipients et prĂ©mices Ă©taient donnĂ©s aux prĂȘtres[13]. »

Le jour suivant Chavouot, appelĂ© yom tavoua'h (hĂ©breu : Ś™Ś•Ś Ś˜Ś‘Ś•Ś— « jour de l’abattage »), a Ă©galement un caractĂšre quelque peu festif au cours duquel le deuil est interdit car c’est en ce jour que les offrandes de pĂšlerinage sont rĂ©alisĂ©es lorsque la fĂȘte a lieu Ă  chabbat (les offrandes collectives ont prioritĂ© sur le chabbat mais non les offrandes des particuliers)[14] ; par ailleurs, Chavouot ne durant qu’un jour, les pĂšlerins disposent d’un dĂ©lai d’une semaine pour s’acquitter de ces offrandes[15].

La controverse des dates

Chavouot tombait, selon les pharisiens, entre le 5 et le 7 sivan, en fonction de la conjonction lunaire des mois d’iyar et sivan. Cependant, si le judaĂŻsme actuel (qui cĂ©lĂšbre Chavouot le 6 sivan depuis la fixation du calendrier par Hillel II) se fonde sur cette tradition[16], elle Ă©tait loin d’ĂȘtre universellement acceptĂ©e pendant la pĂ©riode du Second Temple.

Le Livre des JubilĂ©s prescrivait par exemple de l’observer le 15 sivan[17]. Les boĂ©thusiens arguaient quant Ă  eux que Chavouot devait toujours avoir lieu un dimanche, cinquante jours aprĂšs le premier chabbat qui suivait la PĂąque car « MoĂŻse, aimant les enfants d’IsraĂ«l, a[vait] voulu leur donner un jour saint Ă©tendu en annexant la fĂȘte de Chavouot (qui a lieu sept semaines aprĂšs le jour de l’offrande) au chabbat »[18].

La Septante, Flavius JosĂšphe et Philon d’Alexandrie partageaient l’interprĂ©tation pharisienne. Cependant, certains pensent que c’est en raison de cette controverse que la Mishna et les Talmuds ne se rĂ©fĂšrent Ă  Chavouot que par le terme d’Atzeret[19] ou son Ă©quivalent aramĂ©en Atzarta (hĂ©breu : ŚąŚŠŚšŚȘ « assemblĂ©e solennelle », « fĂȘte de clĂŽture » ou « cessation »)[20], en prĂ©cisant qu’il s’agit de l’Atzeret shel Pessa'h afin de la diffĂ©rencier de Chemini Atzeret et du septiĂšme jour de la fĂȘte des azymes (Atzeret shevi'i)[21].

Chavouot et le don de la Torah

La lecture du Livre de Ruth Ă  Chavouot a Ă©tĂ© instituĂ©e dans le haut Moyen Âge parce qu’elle correspondait aux deux thĂšmes de la fĂȘte, la moisson et le don de la Torah[21].
Il est de coutume, dans l’ensemble des communautĂ©s juives (Ă  l’exception des yĂ©mĂ©nites[22]), de consommer Ă  Chavouot laitages et fromages. Parmi les raisons avancĂ©es : la Torah est comparĂ©e au lait ; l’appellation du mont SinaĂŻ dans le 68e psaume (Gavnounim) Ă©voque le fromage (gvina) ; les enfants d’IsraĂ«l, aprĂšs avoir reçu les lois de la cacherout sur le SinaĂŻ, ne consommĂšrent plus que des plats lactĂ©s jusqu’à ce qu’ils aient fini de cachĂ©riser leurs ustensiles par Ă©bouillantage[23].

Alors que Chavouot ne possĂšde pas, contrairement Ă  Pessa'h et Souccot, de dimension historique dans la Bible hĂ©braĂŻque, les rabbins assurent que c’est en ce jour qu’eut lieu le don de la Torah, cinquante jours aprĂšs l’Exode hors d’Égypte[24].

Cette tradition apparaĂźt dĂ©jĂ  en filigrane dans le Livre des JubilĂ©s (c’est en ce jour que l’alliance sur le sang aurait Ă©tĂ© contractĂ©e avec NoĂ©, renouvelĂ©e avec Abraham et renouvelĂ©e derechef avec MoĂŻse), bien qu’à une date diffĂ©rente[25]. Les rabbins pensent qu’elle a Ă©tĂ© donnĂ©e le 6 tandis que Rabbi Yosse penche pour le 7. La controverse a Ă©tĂ© tranchĂ©e en sa faveur et la Torah aurait Ă©tĂ© donnĂ©e le 7 sivan de cette annĂ©e. Toutefois, tous s’accordent sur le fait que la Torah a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă  Chavouot et comme la date de cette fĂȘte a Ă©tĂ© fixĂ©e dans le calendrier de Hillel II au 6 sivan, c’est en ce jour que le don de la Torah est commĂ©morĂ©[24].

L’association de Chavouot Ă  la thĂ©ophanie du SinaĂŻ prend toute son importance aprĂšs la destruction du second Temple et continue Ă  lui assurer un caractĂšre distinctif, alors que les pĂšlerinages et la cĂ©rĂ©monie des prĂ©mices ne peuvent plus avoir lieu[26].
Le Midrash enseigne qu’il ne faut pas lire Hag hashavouot (« la fĂȘte des semaines ») mais Hag hashevouot (« la fĂȘte des serments ») car en ce jour, IsraĂ«l a fait le serment irrĂ©vocable d’ĂȘtre fidĂšle Ă  Dieu et Dieu a fait le serment irrĂ©vocable d’ĂȘtre fidĂšle Ă  IsraĂ«l[27]. En ce jour, la dĂ©livrance matĂ©rielle, cĂ©lĂ©brĂ©e Ă  Pessa'h, s’est achevĂ©e sur le plan spirituel[16] - [28]. En ce jour, selon le Zohar (Ɠuvre majeure de la Kabbale) la parade nuptiale du fiancĂ© IsraĂ«l envers sa fiancĂ©e la Torah a pris fin et « au mois des jumeaux (des GĂ©meaux), la Loi jumelle (Ă©crite et orale) fut donnĂ©e aux enfants du jumeau IsraĂ«l (Jacob qui Ă©tait le jumeau d’EsaĂŒ) » ou, selon un autre enseignement, oĂč « au troisiĂšme mois (sivan), la triple Loi (Torah, Neviim, Ketouvim) fut donnĂ© au troisiĂšme peuple »[29]. Les sept semaines qui sĂ©parent Pessa'h de Chavouot auraient dĂ» ĂȘtre une pĂ©riode mi-fĂ©riĂ©e, Ă  l’image de celle qui sĂ©pare le premier jour de Souccot de Chemini Atzeret[30], si des Ă©vĂ©nements tragiques ne les avaient pas ultĂ©rieurement assombries[31].

La prĂ©pondĂ©rance du don de la Torah s’est Ă©galement marquĂ©e dans les coutumes de la fĂȘte : aux ablutions vespĂ©rales habituellement rĂ©alisĂ©es avant les fĂȘtes, d’aucuns ajoutent une purification matinale, en souvenir de celle que les enfants d’IsraĂ«l avaient effectuĂ©e lors des trois jours de restriction afin de recevoir la Torah en Ă©tat de puretĂ©[32].
Les plats lactĂ©s qui trĂŽnent sur la table de fĂȘte – keeskikhn, blintzes, kreplach au fromage pour les ashkĂ©nazes, riz au lait, sieta cielos (pĂąte feuilletĂ©e Ă  sept Ă©tages fourrĂ©e au fromage), borekas, samoussas pour les sĂ©farades et les orientaux[22] – y trouvent Ă©galement leur origine[23], ainsi que les pĂątisseries au miel (en particulier celles que l’on confectionnait autrefois en forme de lettres pour les enfants commençant leur apprentissage de la Torah) car, d’aprĂšs l’exĂ©gĂšse rabbinique du Cantique des cantiques, la Torah a Ă©tĂ© comparĂ©e « au lait et au miel sous ta langue »[33]. D’aucuns font cuire des pains spĂ©ciaux, rappelant l’offrande des deux miches mais dont la forme Ă©voque symboliquement la Torah[34] et certains, prenant les enseignements du Midrash et de la Kabbale Ă  la lettre, mangent des pains azymes afin de souligner la continuitĂ© entre Pessa'h et Chavouot[35].
La Torah ayant aussi Ă©tĂ© comparĂ©e Ă  l’eau, les Juifs d’Afrique du Nord (de Libye en particulier) avaient coutume de se jeter de l’eau et les enfants Ă©claboussaient les passants dans la rue (cette coutume a Ă©tĂ© fortement dĂ©conseillĂ©e depuis en raison des dĂ©sagrĂ©ments qu’elle entraĂźne[36])[37]. Une coutume voisine voulait que l’on asperge les orants d’eau de rose car nombre d’IsraĂ©lites devant le SinaĂŻ auraient manquĂ© de s’évanouir lors de la rĂ©vĂ©lation[38].
Beaucoup passent la nuit Ă  Ă©tudier selon le rite du tikkoun leil Shavouot, instituĂ© par les kabbalistes de Safed et au cours de laquelle les textes fondamentaux du judaĂŻsme rabbinique (Bible hĂ©braĂŻque, Mishna, Zohar, etc.) sont lus dans une version condensĂ©e[39]. Pendant la journĂ©e, la piĂšce liturgique intitulĂ©e Akdamout (« PrĂ©face ») a pour sujet la grandeur infinie de la Torah tandis que les azharot Ă©numĂšrent poĂ©tiquement les 613 commandements et que la Ketouba d’IsraĂ«l Najjara rappelle les termes du contrat nuptial entre Dieu et IsraĂ«l[40].

Les bikkourim sont encore, mais Ă  peine, Ă©voquĂ©s, en dĂ©corant l’habitation et la synagogue avec des fleurs et des plantes odorantes[41] - [37] (le Gaon de Vilna s’est Ă©levĂ© contre cette pratique qui finissait par trop ressembler aux coutumes chrĂ©tiennes)[42]. La lecture du Livre de Ruth, mentionnĂ©e pour la premiĂšre fois dans le traitĂ© Soferim 14:16[43], y fait aussi vaguement allusion[44] mais selon la croyance populaire, elle Ă©voque surtout le destin des IsraĂ©lites, « convertis » en masse lors du don de la Torah sur le mont SinaĂŻ[45] (une explication tardive veut que l’on rende hommage, par le biais de Ruth, Ă  son descendant, le roi David, mort, selon la tradition rabbinique, Ă  Chavouot[46] – c’est pourquoi certains lisent en ce jour le Livre des Psaumes dans son entiĂšretĂ©[47]).

Observance de Chavouot dans le judaĂŻsme rabbinique

Fragment d'un mahzor, contenant un yotzer utilisé pour célébrer Shavuot et portant le nom de Shim'on dans l'acrostiche, ce qui conduit des chercheurs à supposer qu'il a été composé par le poÚte (de) Shim'on bar Yitshaq de Mayence au Xe siÚcle.

La fĂȘte de Chavouot est cĂ©lĂ©brĂ©e le 6 sivan et le lendemain en diaspora, du fait de la coutume d’ajouter un second jour aux fĂȘtes bibliques.
Elle ne se distingue, contrairement Ă  Pessa'h et Souccot, par aucun rite particulier en dehors de sa liturgie.

Comme ces deux fĂȘtes, Chavouot Ă©tait, Ă  l’époque des Premier et Second Temples de JĂ©rusalem, une fĂȘte de pĂšlerinage, au cours de laquelle les Juifs Ă©taient tenus de se rendre Ă  JĂ©rusalem et d’y faire des offrandes Ă  Dieu selon les ordonnances bibliques. Elle ne durait cependant qu’un jour et les offrandes pouvaient donc ĂȘtre rĂ©alisĂ©es dans le courant de la semaine plutĂŽt que le jour mĂȘme[15].
Bien que de nombreux Juifs se rendent de nos jours en pĂšlerinage au Mur occidental (et que ce pĂšlerinage peut lui aussi s’effectuer endĂ©ans la semaine)[48], en absence de Temple reconstruit, la liturgie se concentre principalement, comme Ă  Pessa'h et Souccot, sur le souvenir des anciens rites et offrandes.

Le rituel liturgique de Chavouot partage avec ces deux festivals :

  • une Êżamida (priĂšre) de sept bĂ©nĂ©dictions, rĂ©citĂ©e lors des offices du matin, de l’aprĂšs-midi et du soir, pendant deux jours en dehors de la terre d’IsraĂ«l ; la fĂȘte de Chavouot y est appelĂ©e zman matan toratenou (« le temps du don de notre Torah »),
  • une bĂ©nĂ©diction supplĂ©mentaire, yaalĂš veyavo, intercalĂ©e dans le birkat hamazon (action de grĂąces rĂ©citĂ©e aprĂšs les repas),
  • la lecture complĂšte du Hallel (du psaume 113 au psaume 118) aprĂšs la Êżamida de l’office du matin,
  • une lecture de la Torah spĂ©ciale,
  • et un office de priĂšre supplĂ©mentaire (moussaf).

Il s’en dĂ©marque par son caractĂšre de solennitĂ© (Chavouot est la seule fĂȘte au cours de laquelle il est interdit de jeĂ»ner Ă  la suite d'un mauvais rĂȘve[49]), et d’autres particularitĂ©s, dont certaines ont pu ĂȘtre conservĂ©es ou adaptĂ©es aux offices synagogaux.

Soir de la fĂȘte

Les femmes allument les bougies en l’honneur de yom tov (de prĂ©fĂ©rence avant la tombĂ©e de la nuit ; si ce n’est pas le cas, elles peuvent cependant le faire aprĂšs, contrairement au chabbat, Ă  condition d’allumer la bougie Ă  partir d’une flamme existante et non d’une flamme nouvellement allumĂ©e) et rĂ©citent la bĂ©nĂ©diction appropriĂ©e. Elles peuvent rĂ©citer la bĂ©nĂ©diction shehehiyanou Ă  ce moment ou attendre que leur mari la fasse lors du kiddoush et rĂ©pondre amen mais en tous les cas, elle ne peut le faire qu’une fois[50].

Il est de coutume de retarder le moment de la priĂšre du soir aprĂšs la sortie des Ă©toiles, afin de se conformer Ă  la prescription de compter sept semaines « pleines »[51]. Certains disent qu’il en est de mĂȘme pour le kiddoush mais ce n’est en rien obligatoire, surtout dans les pays d’Europe, oĂč la nuit tombe tard Ă  cette pĂ©riode de l’annĂ©e. Il est toutefois prĂ©fĂ©rable d’attendre au moins, sinon la sortie des Ă©toiles, le coucher du soleil[52] (de 13 Ă  25 minutes avant la sortie des Ă©toiles, selon les rites[53]).

Les repas de fĂȘte doivent ĂȘtre pris sur du pain, en souvenir des deux miches, la table familiale occupant la fonction dans le foyer de l’autel dans le Temple[54]. Le birkat hamazon doit ensuite ĂȘtre rĂ©citĂ© avec la bĂ©nĂ©diction yaalĂš veyavo[55]. Il est de coutume de prendre un repas lactĂ© le soir et de reprendre, aprĂšs s’ĂȘtre rincĂ© la bouche, un repas carnĂ© (ou au moins Ă  base de volaille et avec du vin car il n’y a pas de joie sans viande ni vin[56]), avec une miche pour chaque repas[57]. Il n’est toutefois pas obligatoire, bien que prĂ©fĂ©rable, de prendre un repas lactĂ© complet (une crĂšme glacĂ©e suffit pour s’en acquitter) ni de le prendre le soir[58].

Nuit(s) de la fĂȘte

La premiĂšre nuit est idĂ©alement consacrĂ©e Ă  l’étude[59], de prĂ©fĂ©rence Ă  partir du programme Ă©tabli par Isaac Louria et la seconde devrait comporter l’étude de quelques versets et passages de la Torah et du Zohar[60].

La veillĂ©e d’étude a Ă©tĂ© conçue comme une rĂ©paration (tikkoun) de l’attitude des IsraĂ©lites que Dieu dut rĂ©veiller au jour du don de la Torah[61]. Bien que fort louable et confĂ©rant une rĂ©compense Ă  la mesure de l’effort, elle n’est donc destinĂ©e qu’à ceux qui se sentent assez sĂ»rs de leur constitution pour passer une nuit blanche sans s’interrompre (et sans se laisser aller Ă  des conversations futiles), sachant qu’ils ne pourront pas somnoler le lendemain avant la fin de l’office supplĂ©mentaire (vers la mi-journĂ©e)[62].

Les rapports sexuels pendant la ou les nuits de Chavouot, bien que non formellement interdits, sont, pour cette raison, mal perçus par les kabbalistes[63].

JournĂ©e de la fĂȘte

La priĂšre du matin dĂ©bute Ă  l’aube dans les communautĂ©s ashkĂ©nazes ayant rĂ©alisĂ© le tikkoun[37]. Certains rĂ©alisent une seconde ablution, environ une heure avant le lever du soleil ; les sĂ©farades prennent soin de ne pas se laver dans une eau Ă  plus de 37 °C, mĂȘme si elle a Ă©tĂ© chauffĂ©e avant la fĂȘte, tandis que les ashkĂ©nazes se le permettent dans ce dernier cas[64]. À la synagogue, ceux qui ont veillĂ© se lavent les mains mais ne rĂ©citent pas la bĂ©nĂ©diction ni certaines bĂ©nĂ©dictions du matin ; ceux qui ont dormi les en acquittent[65].

L’atmosphĂšre est joyeuse et il est permis de danser en l’honneur de la Torah[66] (la fĂȘte donne lieu Ă  un rĂ©pertoire Ă©tendu de chants de circonstance, en particulier les hassidim[67]). Le don d’un nouveau rouleau de la Torah Ă  la synagogue en ce jour est considĂ©rĂ© comme un acte particuliĂšrement mĂ©ritoire chez les sĂ©farades, Ă©quivalent Ă  la « nouvelle offrande » prescrite par la Bible[68].

Exode 20:1-5 dans un codex massorĂ©tique indiquant les signes de cantillation supĂ©rieurs et infĂ©rieurs. À Chavouot, les Dix commandements sont lus d’aprĂšs les signes de cantillation au-dessus et non en dessous des lettres.

Lectures du premier jour

On sort le premier jour, aprĂšs la rĂ©pĂ©tition de la Êżamida du matin et la lecture du Hallel, deux rouleaux de la Torah. De nombreuses communautĂ©s sĂ©farades lisent la Ketouba Ă  ce moment. Les ashkĂ©nazes, eux, lisent l’Akdamout avant que le premier appelĂ© Ă  la Torah (c’est-Ă -dire, en gĂ©nĂ©ral, un cohen) ne rĂ©cite la bĂ©nĂ©diction de la lecture (autrefois, cela se faisait aprĂšs qu’il eut lu le premier verset mais les dĂ©cisionnaires rĂ©cents s’y sont opposĂ©s)[69].

Cinq hommes lisent dans le premier le passage Exode 19:1-20:22 (la rĂ©vĂ©lation des dix commandements)[70]. Cette lecture est rĂ©alisĂ©e selon le taÊżam elyon, c’est-Ă -dire en ne tenant compte que des signes de cantillation supĂ©rieurs. Il en rĂ©sulte un allongement de certains versets (la dĂ©fense du polythĂ©isme et le respect du chabbat forment un seul verset) et un raccourcissement d’autres (l’interdiction de tuer, de l’adultĂšre, du vol d’hommes et du faux tĂ©moignage constituent un verset chacun)[71]. L’usage ashkĂ©naze et chez une partie des sĂ©farades veut qu’on se lĂšve lors de la lecture des dix commandements[72] mais MaĂŻmonide et d’autres critiquent cette coutume, qui laisse Ă  penser que certains passages de la Bible seraient plus importants que d’autres[73] ; chaque communautĂ© agit selon ses habitudes[74].

Le rabbin ou un autre Ă©rudit[75] lit Nombres 28:26-31 (les offrandes supplĂ©mentaires du jour des prĂ©mices) en guise de maftir et la haftara dans ÉzĂ©chiel 1:1-28 et 3:12[70] car les visions d’ÉzĂ©chiel s’apparentent Ă  celles qu’expĂ©rimentĂšrent les IsraĂ©lites en ce jour[76].

Lors de l’office de moussaf, les communautĂ©s orientales omettent de lire les passages relatifs aux offrandes supplĂ©mentaires et se contentent de les Ă©voquer par un « ainsi qu’il est Ă©crit dans ta Torah », afin d’éviter les erreurs lors de la lecture ou de la rĂ©citation[77]. Des azharot sont lues dans les communautĂ©s sĂ©farades, yĂ©mĂ©nites et certaines communautĂ©s ashkĂ©nazes[37] aprĂšs la fin de l’office[69].

Lectures du second jour

Le second jour, s’il y a lieu, on lit la section kol bekhor (DeutĂ©ronome 15:19-16:17) ou esser ta'asser (DeutĂ©ronome 14:22-16:17) si le deuxiĂšme jour a lieu chabbat, suivis de Nombres 28:26-31 et Habacuc 2:20–3:19[78].

Le yizkor (priĂšre en souvenir des morts) est lu en diaspora lorsqu’on remet les rouleaux de la Torah dans l’arche aprĂšs cette rĂ©citation, car elle Ă©voque les dons volontaires, considĂ©rĂ©s comme propices au repos des disparus[79]. En terre d’IsraĂ«l, il est lu aprĂšs la lecture du premier jour, bien qu’elle ne comprenne pas le passage kol bekhor[80].

AprĂšs la lecture du premier verset de la haftara, certaines communautĂ©s ashkĂ©nazes chantent le Yetsiv pitgam[81] (« notre louange est inĂ©branlable »), un poĂšme aramĂ©en en 15 vers, attribuĂ© par certains Ă  Rabbenou Tam (le poĂšte signe en acrostiche Jacob ben MeĂŻr Halevi) et souvent considĂ©rĂ© comme le substitut de l’Akdamout[82].

Lecture du Livre de Ruth

Un rouleau du Livre de Ruth.

La lecture du Livre de Ruth est universellement réalisée mais diverses coutumes se rencontrent selon les communautés.

Dans les communautĂ©s ashkĂ©nazes, le Livre de Ruth est traditionnellement lu Ă  la synagogue, avant la sortie de la Torah (du second jour, en diaspora)[83] - [37]. Les dĂ©cisionnaires ashkĂ©nazes recommandent de lire dans un rouleau manuscrit dont les lettres sont toutes lisibles et le Gaon de Vilna prescrit pour cette raison de rĂ©citer les bĂ©nĂ©dictions al mikra meguila (sur la lecture du rouleau) et shehehiyanou avant la lecture[84]. Cet usage n’est cependant pas universel parmi les ashkĂ©nazes[85].
Les communautĂ©s yĂ©mĂ©nites le lisent Ă©galement l’aprĂšs-midi, avec son Targoum[37].

Les sĂ©farades le lisent aprĂšs les azharot dans une version imprimĂ©e et sans bĂ©nĂ©diction[86] ; ceux qui l’ont lu au cours du tikkoun de la veille en sont dispensĂ©s pendant la journĂ©e[87]. Certains, dont les hassidim de Loubavitch, ne rĂ©alisent d’ailleurs aucune lecture publique[88].

Dans les communautĂ©s libyennes, la lecture du livre de Ruth donne lieu Ă  une session d’études rĂ©alisĂ©e Ă  la synagogue ou chez des particuliers : elle est prĂ©cĂ©dĂ©e de la lecture du Livre des Proverbes et est suivie des azharot d’Isaac ben Reouven Albargeloni, dont chacun lit un vers. La personne qui a lu la strophe bessimana tava oubemazala yehe est arrosĂ©e d’eau de la tĂȘte jusqu’aux pieds. On conclut l’étude par la lecture des dix commandements dans la traduction de Saadia Gaon Ă  laquelle des notables musulmans venaient assister autrefois[37].
Les Juifs de Djerba observent des coutumes similaires mais ils rĂ©partissent ces lectures (y compris celle du Livre de Ruth) sur les deux jours de la fĂȘte[37].

Célébration de Chavouot par le rabbin Herschel Shaechter à Buchenwald, peu aprÚs la libération du camp, 18 mai 1945

Chavouot et le deuil

Le don de la Torah associĂ© Ă  Chavouot est un Ă©vĂ©nement si important dans la thĂ©ologie juive que le deuil est interdit en ce jour. MĂȘme l’affligĂ© (la personne qui a perdu ses parents mais ne les a pas encore enterrĂ©s) est conviĂ© Ă  Ă©tudier la Torah lors du tikkoun[89]. L’interdiction de jeĂ»ner Ă  Chavouot est Ă©galement en vigueur le lendemain de la fĂȘte[90], mĂȘme pour un jeune mariĂ© (qui devrait, selon la tradition ashkĂ©naze, jeĂ»ner le jour de son mariage)[91].

Fin de la fĂȘte

La havdala (cĂ©rĂ©monie de sĂ©paration) est rĂ©alisĂ©e au soir de la fĂȘte en terre d’IsraĂ«l, au soir du deuxiĂšme jour en diaspora.
Les ashkĂ©nazes autorisent, contrairement aux sĂ©farades, un dĂ©lai de rĂ©citation jusqu’au lendemain soir[92].

Observance de Chavouot dans les traditions non-rabbiniques

Dans le karaĂŻsme

Le karaĂŻsme, un mouvement scripturaliste du judaĂŻsme devenu significatif au IXe siĂšcle, met un point d’honneur Ă  dĂ©compter l’omer Ă  partir du dimanche suivant Pessa'h et donc Ă  cĂ©lĂ©brer Chavouot Ă  un moment diffĂ©rent des Juifs rabbanites, ce qui peut entraĂźner des problĂšmes pour la communautĂ© karaĂŻte vivant en IsraĂ«l[93].

Selon leur tradition, neuf « arguments de lion » auraient Ă©tĂ© avancĂ©s au temps d’Anan ben David, leur fondateur prĂ©sumĂ©, qui aurait « consacrĂ© sa vie » Ă  cela. Leur position a Ă©tĂ© dĂ©battue par Abraham ibn Ezra qui avance que puisque tous les autres jours saints ont lieu Ă  date fixĂ©e dans le calendrier hĂ©braĂŻque, il serait dĂ©raisonnable de supposer Ă  la fĂȘte de Chavouot une date fixĂ©e dans la semaine[94]. Juda Halevi la conteste Ă©galement, arguant qu’en admettant mĂȘme la justesse de l’interprĂ©tation littĂ©raliste des KaraĂŻtes, il aurait Ă©tĂ© Ă©vident Ă  l’assemblĂ©e des Sages d’IsraĂ«l que le « lendemain du sabbath » n’est mentionnĂ© qu’afin d’enseigner que si l’offrande de l’omer avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e un dimanche, Chavouot devrait tomber un dimanche, que s’il avait lieu lundi, Chavouot devrait avoir lieu lundi et ainsi de suite[95].

La communautĂ© karaĂŻte du Caire observait la fĂȘte par un pĂšlerinage Ă  JĂ©rusalem ; des offices spĂ©ciaux avaient lieu Ă  la kenessa en ce jour, les gens mangeaient des produits de la nouvelle rĂ©colte ainsi que des plats Ă  base de lait et de miel. Une coutume typique, d’origine inconnue, voulait que les maris offrent une oie Ă  leurs Ă©pouses, afin d’éviter tout malentendu Ă  l’avenir[96].

Samaritains en pĂšlerinage Ă  Chavouot, en 2006.

Dans le samaritanisme

Les Samaritains, adeptes d’un mosaĂŻsme non-juif, cĂ©lĂšbrent Ă©galement Chavouot (Chavout) le dimanche et l’observent par le second de leurs trois pĂšlerinages sur le mont Garizim. Les festivitĂ©s commencent Ă  la sortie du chabbat, par une dĂ©gustation de plats froids Ă  base de fromages et de salades. Le pĂšlerinage a lieu le lendemain vers quatre heures du matin et suit le mĂȘme parcours que ceux de Massot et Souccot[97] - [98] - [99].

Selon la tradition samaritaine, le don de la Torah a lieu le quatriùme jour (mercredi) de la sixiùme semaine de l’omer, trois jours avant Chavouot, et donne lieu à un long office de priùre, depuis mardi minuit jusque mercredi vers six heures du soir, au cours duquel les Dix commandements sont solennellement lus[100].

Dans la tradition des Beta Israël

Les Beta IsraĂ«l d’Ethiopie sont les dĂ©positaires d’un judaĂŻsme prĂ©-rabbinique principalement fondĂ© sur la Bible, en voie de disparition depuis leur Ă©migration massive en IsraĂ«l et leur adoption du judaĂŻsme orthodoxe.

Ils commençaient, probablement sous l’influence du Livre des JubilĂ©s[101], le dĂ©compte de l’omer au septiĂšme jour de Pessa'h mais leur calendrier n’étant pas celui de JubilĂ©s, ils cĂ©lĂ©braient la fĂȘte de la rĂ©colte (Ba'al Ma'rar), le 12 sivan[21]. Les prĂ©paratifs commençaient trois jours auparavant par des ablutions dans le fleuve ; au jour de la fĂȘte, des prĂ©mices Ă©taient apportĂ©es au masggid oĂč elles Ă©taient bĂ©nies par le prĂȘtre. On s’invitait ensuite mutuellement Ă  partager le repas de fĂȘte[102].

Une autre fĂȘte de la rĂ©colte, Ă©galement appelĂ©e Ba'al Ma'rar ou Ba'al bikkourot, avait lieu cinquante jour aprĂšs Souccot, du fait d’une saison des pluies typique des plateaux d’Éthiopie. Elle donnait lieu au mĂȘme rite ; l’injera (une maniĂšre de grande crĂȘpe) Ă©tait typiquement consommĂ©e avec du lait et du beurre[103].

FĂȘte des bikkourim Ă  Gan-Shmuel en 1959.

Chavouot en Israël

La « danse des tracteurs », une procession des bikkourim remise au goût du jour, dans le moshav Nahalal, en 2006.

Comme Pessa'h et l’offrande de l’omer, Chavouot devient, dans le mouvement pionnier du kibboutz, un festival champĂȘtre oĂč sa dimension agricole donne lieu Ă  la glorification du lien de l’homme avec la terre, bien plus qu’à celle de la providence divine[104].

Au milieu des annĂ©es 1930, Zashka (Ceska) Rosenthal, Ă©migrĂ©e polonaise et membre fondatrice du kibboutz Gan-Shmuel, institue la procession des bikkourim, aprĂšs s’ĂȘtre fait expliquer le sens de cette fĂȘte qu’elle ignore. Comprenant qu’elle prĂ©sente de nombreux points communs avec les rĂ©jouissances de la moisson en Pologne, elle conçoit un projet similaire. Un autre membre, Binyamin Bolek, lui confĂšre une tonalitĂ© plus juive en s’inspirant du rite des bikkourim dĂ©crit dans la Mishna. Le destinataire des prĂ©mices n’est toutefois plus le prĂȘtre de Dieu mais le reprĂ©sentant du Fonds national juif[105].

L’aspect graphique et esthĂ©tique de ces processions est particuliĂšrement recherchĂ©. Elles inspirent de nouveaux chants comme Salenou al ktafenou (« Nos paniers Ă  l’épaule ») de Levin Kipnis et Yedidia Admon ou Shibbolet bassadĂš (« L’épi dans le champ ») de Matityahou Shelem. Comme nombre de chants sionistes d’alors, ils citent parfois la Bible, avec Eretz zavat halav oudvash (« Terre qui ruisselle de lait et de miel » - Exode 3:8, mis en musique par Eliyahou Gamliel) ou Ve'hag Shavouot taasse lekha (« Et tu feras la fĂȘte de Chavouot » - Exode 34:22, mis en musique par Yedidia Admon) mais ils Ă©voquent rarement Dieu[104].

Ces cĂ©lĂ©brations connaissent un dĂ©clin dans les gĂ©nĂ©rations suivantes, moins idĂ©alistes et romantiques que leurs aĂźnĂ©s[104]. Elles n’ont cependant pas disparu[106] et ont contribuĂ© Ă  une plus grande conscience de Chavouot parmi les Juifs laĂŻcs d’IsraĂ«l que parmi ceux de la diaspora[107].

Le jour de la confirmation

NĂ© d’une version juive du mouvement des LumiĂšres, visant Ă  adapter le judaĂŻsme au monde moderne et imprĂ©gnĂ© d’hĂ©gĂ©lianisme, le judaĂŻsme rĂ©formĂ© a fait du don de la Torah une rĂ©vĂ©lation continue, s’adaptant Ă  son Ă©poque et dont le caractĂšre contraignant ou non est laissĂ© au choix de chacun[108].

ConsidĂ©rant que l’ñge de treize ans n’était pas assez avancĂ© pour signifier la maturitĂ©, les premiers rĂ©formĂ©s dĂ©cidĂšrent d’abolir la bar mitzva, instituant en lieu et place un rite de confirmation, inspirĂ© de l’église protestante, Ă  l’ñge de seize ans. La date de Chavouot fut choisie parce qu’elle marque « l’anniversaire du judaĂŻsme » et le rĂ©cit de Ruth, qui reconnaĂźt le judaĂŻsme, s’accorde parfaitement Ă  l’atmosphĂšre du jour[21] - [109]. Au vu de la doctrine Ă©galitaire du mouvement rĂ©formĂ©, filles et garçons furent confirmĂ©es collectivement vers 1816 ; cette cĂ©rĂ©monie fut adaptĂ©e par les milieux orthodoxes en 1860, prĂ©figurant la cĂ©rĂ©monie de la bat mitsva[110].

La bar mitzva a depuis Ă©tĂ© rĂ©introduite dans les rites de passage rĂ©formĂ©s aux États-Unis. La confirmation continue cependant Ă  se tenir Ă  Chavouot : des classes d’élĂšves ĂągĂ©s de seize Ă  dix-huit ans, se rendent dans les temples rĂ©formĂ©s et se tiennent devant l’Arche, Ă©voquant les IsraĂ©lites devant le mont SinaĂŻ lors du don de la Torah[111].

Échos de Chavouot dans le christianisme

La PentecĂŽte chrĂ©tienne constitue une rĂ©interprĂ©tation chrĂ©tienne de la perception pharisienne de Chavouot, l’Esprit saint descendant sur les apĂŽtres comme MoĂŻse descend du SinaĂŻ avec les Tables de la Loi[21]. L'Ă©vangĂ©liste Luc, dans Actes des ApĂŽtres, indique : « Or, il y avait, sĂ©journant Ă  JĂ©rusalem, des Juifs, des hommes pieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel... », Ă  l'occasion du pĂšlerinage pour la fĂȘte de Chavouot (PentecĂŽte)[112].Le thĂšme principal de la PentecĂŽte est celui du « don des langues », des « langues de feu » qui descendent sur les apĂŽtres. En d’autres termes, il s’agit de l’universalitĂ© du message Ă©vangĂ©lique, inspirĂ© par le Paraclet.

Le dĂ©lai de sept semaines est repris dans le christianisme, la PentecĂŽte Ă©tant cĂ©lĂ©brĂ©e cinquante jours aprĂšs PĂąques. Cette fĂȘte religieuse s’est constituĂ©e peu Ă  peu, probablement entre les IIe et IVe siĂšcles[113].

Notes et références

  1. Exode 23:16-17.
  2. Exode 23:17 & 34:26.
  3. Nombres 28:26.
  4. Exode 34:22 ; Deutéronome 16:10.
  5. Gugenheim 1992, p. 165.
  6. LĂ©vitique 23:9-22 ; Nombres 28:26-31.
  7. Deutéronome 16:1-12 ; cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Isaacs 1999.
  8. 2 Rois 4:42, Isaïe 9:2 & Jérémie 5:24 cf. Jewish Encyclopedia 1906.
  9. 2 Chroniques 8:12-13.
  10. Tobie 2:1-6, cf. Isaacs 1999.
  11. 2 Macchabées 12:29-32, cf. Isaacs 1999.
  12. cf. Sifrei Devarim, RÚÚ, piska 140, cité in Kitov 2008, p. 504.
  13. Mishna Bikkourim 3:2-5 & 8, d’aprùs Gugenheim 1992, p. 165.
  14. T.B. Haguiga 18a ; voir aussi Michna Beroura 494:6.
  15. cf. T.B. Haguiga 9a.
  16. Gugenheim 1992, p. 164.
  17. Jubilés 16:1 & 46:4, cités in Jewish Encyclopedia 1906 mais selon « Jubilés » 1:1, Moïse est monté sur la montagne le 16.
  18. T.B. Menahot 65a-b.
  19. Cf. Mishna Shevi'it 1:1, Roch Hachana 1:2, T.B. Haguiga 9a, 18a, etc. cf. Encyclopedia Judaica, « Azeret », sur Jewish Virtual Library, .
  20. T.B. Pessahim 42b & 68b ; voir aussi Flavius JosÚphe, Antiquités judaïques vol. iii. chap. 10, § 6.
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  25. Jubilés 6:15-21 & 22:1, cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Isaacs 1999.
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  30. Rabbenou Behaye s.v. LĂ©vitique 23:16.
  31. Aroukh Hashoulhan Orah Hayim 493:1 ; cf. Weill 1948, CLXXIX, §15.
  32. Kitov 2008, p. 505 & Houta 2010, 494:3.
  33. cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Kitov 2008, p. 513-514.
  34. Kol bo, chapitre 52 ; Hid"a, Lev David, chapitre 31.
  35. Cf. Eliezer Waldenberg, Tzitz Eliezer, tome 14, chapitre 64:5.
  36. Nitei Gavriel, Shavouot, p. 207, cité in Houta 2010, 494:66.
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  39. cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Kitov 2008, p. 505.
  40. Kitov 2008, p. 506-509.
  41. Sefer Maharil, Hilkhot Shavouot, §2, cité in Maguen Avraham 494:5 mais voir Mishna Beroura 494:10 qui lie cette coutume au don de la Torah, cf. Houta 2010, 494:65.
  42. cf. Mishna Beroura 494:10.
  43. (en) Ronald H. Isaacs, « The Book of Ruth », sur My Jewish Learning (consulté le ).
  44. cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Kitov 2008, p. 530.
  45. Sefer Aboudraham, Tefillot Hapessa'h, cf. Kitov 2008, p. 530.
  46. Shaarei Teshouva sur Choulhan Aroukh Orah Hayim 494.
  47. Houta 2010, 494:63.
  48. cf. Houta 2010, 494:67.
  49. Houta 2010, 494:70.
  50. Houta 2010, 494:5-7.
  51. Tourei Zahav sur Choulhan Aroukh Orah Hayim 494 & Shnei Louhot Habrit 179b ; Weill 1948, CLXXXI, §3 & Ganzfried 2009, 120:11.
  52. Or Letzion, tome 3, chapitre 18, no 4 & Hazon Ovadia, yom tov, p. 305, cités in Houta 2010, 494:9-10.
  53. Houta 2010, 494:11.
  54. Rem"a sur Choulhan Aroukh 494:3 ; voir Gugenheim 1992, p. 59.
  55. Houta 2010, 494:13-16.
  56. Mishné Torah, sefer zmanim, hilkhot yom tov 6:20 & Hazon Ovadia, yom tov, p. 319, cités in Houta 2010, 494:60.
  57. Rem"a sur Choulhan Aroukh 494:3.
  58. Darke teshouva 89:19 ; Houta 2010, 494:57-58.
  59. Weill 1948, CLXXXI, §4.
  60. Houta 2010, 494:29 & 40.
  61. Maguen Avraham 494 ; voir Kitov 2008, p. 514 qui explique qu’ils ne dormirent pas par paresse mais par crainte de n’ĂȘtre pas assez dispos et que leur sommeil Ă©tait surnaturel donc voulu par Dieu.
  62. Kitov 2008, p. 505 & 515, Houta 2010, 494:25-28.
  63. Houta 2010, 494:64.
  64. Houta 2010, 494:52-53.
  65. Kitov 2008, p. 505.
  66. Halikhot Shlomo, p. 388, cité in Houta 2010, 494:68.
  67. cf. (en) « Chabad song for Shavuot » (consulté le ) & (en) « Shavuot-Yearning for Closeness » (consulté le ).
  68. Houta 2010, 494:61-62.
  69. Kitov 2008, p. 507-508.
  70. Choulhan Aroukh Orah Hayim 494:1, cité in Houta 2010, 494:17.
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  75. Mishna Beroura 494:4, cf. Houta 2010, 494:19.
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Annexes

Liens externes

Bibliographie

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