ChĂąteau de la Houssaye (Malay-le-Grand)
Le chùteau de la Houssaye est situé sur la commune de Malay-le-Grand, dans le département de l'Yonne.
ChĂąteau de la Houssaye | |
DĂ©but construction | fin XVe siĂšcle |
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Propriétaire initial | famille de Vielzchastel |
Propriétaire actuel | Propriété privée |
CoordonnĂ©es | 48° 08âČ 28âł nord, 3° 22âČ 34âł est |
Pays | France |
Région historique | Bourgogne-Franche-Comté |
DĂ©partement | Yonne |
Commune | Malay-le-Grand |
Description
Le chĂąteau de la Houssaye XVeâââXVIIIe siĂšcle
- un bĂątiment principal avec 2 tours dites du NoroĂźt et du SurĂŽit,
- une cave voûtée en plein cintre,
- une tour dite du Colombier,
- une tour dite de la Chapelle,
- une courtine avec une demi tour, surmontĂ©e dâune tour de guet et d'un hourd,
- une cloche en bronze dans la chapelle, inscription « IHS MARIA Msr FRANCOIS DE BERBIZY CHEVALIER SEIGR DE LA HOUSSAIS MA FAICT FONDRE 1654 », classement au titre d'objet MH [1].
- un bĂątiment secondaire dit des Communs,
- une remise Ă voiture avec son Ă©curie (du XVIIIe siĂšcle, bĂątie sur une ancienne construction)
- fossés, cour intérieure, latrines, murs d'enceinte, puits (comblé à 30 m), citerne...
- privé et restauré (non visitable).
Historique
Les Barbisy ou Berbizey sont rĂ©putĂ©s dĂšs le XVIe siĂšcle, seigneurs de la Houssaye, mais nous ne savons pas quand les « Bois de la Houssaye », ainsi dĂ©signeâtâon la terre acquise en 1426 par Dreux de Vielzchastel[2], ont constituĂ© la seigneurie de la Houssaye et furent Ă©rigĂ©s en fief relevant de lâArchevĂȘque de Sens. La famille de Vielzchastel (ou Viezchastel) Ă©tait l'une des plus considĂ©rables de Sens, connue dĂšs 1207. Dreux de Vielzchastel occupe la charge de receveur de Sens et Auxerre en 1414, receveur du Roi de 1428 Ă 1437, receveur du domaine de Sens relevant de la Recette d'entre les riviĂšres Seine et Yonne en 1437, receveur du domaine du Roi en mai et juin 1436[3]. Il dĂ©cĂšde avant 1437. Son fils, Pierre de Vielzchastel, nĂ© en 1413, est la souche des seigneurs de Vertilly ; il fut MaĂźtre d'hĂŽtel des dames d'Ecosse en 1447, MaĂźtre d'hĂŽtel du Roi (1462-1469). Il aurait Ă©pousĂ© une bretonne. Sa charge a la cour et son alliance bretonne expliquerait sa discrĂ©tion sĂ©nonaise (il est distinct du Pierre de Viezchastel, receveur des Aides de Sens, et du Pierre de Viezchastel, Ă©cuyer et garde du scel de la prĂ©vĂŽtĂ© de Sens). Il dĂ©cĂšde avant 1482[3].
On ne peut que conjecturer lâĂ©poque de la construction du chĂąteau : sans doute aprĂšs le partage du 18 janvier 1485[2] entre les descendants de Pierre de Viezchastel et de son Ă©pouse Marguerite de La Roche, oĂč noble Jean de Brisemur ou Brisemmes dit de Paris, Ă©cuyer, valet de chambre de la reine, et son Ă©pouse Jacqueline de Vielzchastel (mariĂ©s avant 1489)[3], avaient entrepris de bĂątir en ces lieux. Jean de Brisemur dĂ©cĂšde avant 1492. Leur fille CĂ©cile de Brisemur, Dame de Villeneufve[4], Ă©pouse BĂ©nigne de Barbisy, et le 19 septembre 1516, ils sont conjointement engagĂ©s dans une transaction avec les habitants de Maslay.
Lâallure du chĂąteau, ses murs et ses courtines, ses tours, l'appareillage de grĂšs (un grĂšs dit cliquart, plus rustique et plus dur que le grĂšs de Fontainebleau), la trace dâun pont levis, les meurtriĂšres qui percent le mur horizontalement, tĂ©moignent des ultimes constructions mĂ©diĂ©vales. Les maisons du pays ont des murs en silex liĂ©s par un enduit de chaux, les silex sont arrachĂ©s Ă lâargile dans les champs et amassĂ©s pour ĂȘtre Ă©difiĂ©s ; les grĂšs sont rĂ©servĂ©s pour constituer les piles de soutĂšnement et assurer les poutres de la charpente. La façade du chĂąteau de la Houssaye ainsi que les tours au suroĂźt et au noroĂźt, la demi tour de la courtine septentrionale, les penets dans les douves et la porte dite de Sens sont pourvus et parĂ©s de grĂšs, cela manifeste une intention dĂ©libĂ©rĂ©e de fortification.
Câest Ă quelque cinq cents mĂštres du chĂąteau, que lâon dĂ©couvre des carriĂšres de grĂšs dont les veines affleurent au lieu-dit les Roches.
Les tuiles et les briques ont Ă©tĂ© façonnĂ©es et cuites dans la tuilerie de la Houssaye, situĂ©e au hameau de La Mattre ; celleâci connut une grande prospĂ©ritĂ© au XVIIe siĂšcle, et constitua sans doute une source apprĂ©ciable de revenus au seigneur de la Houssaye. « Le marchĂ© de la brique et la tuile semble avoir Ă©tĂ© avant tout local. Le coĂ»t Ă©levĂ© du charroyage (E.Meunier donne des exemples allant de 24 Ă 40% de la valeur de la marchandise) et les risques quâils comportaient, devaient freiner le nĂ©goce interrĂ©gional. Assez exceptionnel et certainement marginal est donc le cas de la tuilerie de la Houssaye (Ă la limite de Malay le grand et de VĂ©ron) qui en 1655, achemine Ă la demande de lâarchitecte des bĂątiments du roi, Charles Chamois, 50 milliers de tuiles de 6 grands pouces de large et un pied de long (16x32 cm) livrĂ©es au port de Rosoy moyennant 10 livres le mille ainsi que 60 milliers de briques de 8 pouces de long ;4 de large et 2 dâĂ©paisseur (21,6 x 10,8 x 5,4 cm) moyennant aussi 10 livres le mille; en 1657, de nouveau, 20 milliers de tuiles de la Houssaye sont livrĂ©es Ă Rosoy pour un couvreur de Milly en GĂątinais. Ce sont pour cette pĂ©riode, les deux seuls exemples aujourdâhui connus dâune clientĂšle « extra rĂ©gionale »[5].
La chapelle est installĂ©e dans la plus grosse tour, au sudâest. De rĂ©centes excavations en 2009 ont rĂ©vĂ©lĂ© Ă environ 1 mĂštre sous le sol actuel les traces de fondations dâun autre bĂątiment. Les registres du Chapitre de Sens portent cette mention : « Domino de Bellenave, qui his diebus erexit capellam in loco de la Houssaye sant le consentement du chapitre et lâagrĂ©ment de Monseigneur l âArchevĂȘque quoyque situĂ©e dans la paroisse de MĂąlay du patronage du chapitre, 13Xbre 1534 ». Le seigneur de Bellenave nâest autre que BĂ©nigne de Barbisy, lequel, lors des guerres dâItalie â il fut Ă©cuyer dâĂ©curie du roi Louis XII et gratifiĂ© en cette qualitĂ© de 300 livres par lui donnĂ©es Ă Milan â sollicita une bulle du Pape LĂ©on X qui lui est accordĂ©e en 1515 afin dâ « establir dans la ville de Sens une chapelle Ă ses frais sous lâinvocation du Saint SĂ©pulcre »[6]. Dâun cĂŽtĂ© le mĂȘme BĂ©nigne de Barbisy requiert de la plus haute autoritĂ© de lâEglise le privilĂšge dâĂ©riger une chapelle « Ă Sens » et de lâautre il tĂ©moigne dâune grande incurie Ă lâĂ©gard de son suzerain lâArchevĂȘque de Sens pour la chapelle de son chĂąteau.
La cloche de la chapelle, outre une croix ouvragée, est ceinte par la gravure en relief qui énonce le nom de son parrain: IHS MARIA MSR FRANSCOIS DE BERBIZY CHEVALLIER SEIGR DE LA HOUSSAIS MA FAICT FONDRE 1654. La cloche a été classée monument historique en 1966 et la chapelle à nouveau consacrée à Saint Louis le 5 septembre 1971.
En 1674, à l'occasion d'un acte d'aveu et dénombrement en date du 14 août, la seigneurie de la Houssaye consiste en « une maison seigneuriale, cour, jardin, grange, étable, écuries, colombier, clos et verger avec droits et justice haute moienne et basse et institution officiers et autre ce la quantité de trois cents arpents scavoir cent arpents de terre labourable ou environ deux cents arpents de bois taillés plus ou moins en une piÚce le tout assis sur la paroisse de Maslay le Vicomte tenant la totalité de lad. maison et dépendances et bois comme étant le tout joint ensemble d'un long au finage de Noé, d'autre long au finage de Dimont et Véron, d'un bout au bois dudit Noé, d'autre bout à plusieurs particuliers de la paroisse de Maslay le Vicomte. Item vingt quatre arpents ou environ de terres labourables et les héritages sur lesquels il y a neuf maisons et les bastiments qui sont assis au hameau appelé les Fleuris dépendant de ladite seigneurie de la Houssaye...»[7].
Les Barbisy rĂ©sidĂšrent pendant plus de deux siĂšcles jusqu'en 1710, oĂč « le 30 mars 1710, Marguerite du Gaigneau de ChĂąteaumorand, veuve de François de Barbisy le jeune, vend le domaine Ă Gaillot du Val d'Epizy. Louis du Val de La Houssaye lĂšgue le manoir Ă son cousin germain, qui le transmet Ă Pierre du Val, son petit-fils »[8].
Quelques amĂ©nagements furent rĂ©alisĂ©s, des grandes fenĂȘtres ont Ă©tĂ© percĂ©es, lâescalier Ă balustres du XVIIe siĂšcle qui monte aux Ă©tages tĂ©moigne de ces modifications. Mais Ă partir du XVIIIe siĂšcle et aprĂšs le meurtre en 1736 perpĂ©trĂ© sur le seigneur des lieux, Gaillot Duval dâEpisy fils, le chĂąteau nâest plus quâune villĂ©giature. Ce qui explique quâil nâa pas subi le goĂ»t des Ă©poques ultĂ©rieures et quâau contraire il s'est dĂ©gradĂ© par morceaux dans un lent abandonnement dĂ©lĂ©tĂšre et inexorable.
Câest aprĂšs lâincendie des communs en 1964 qui en parachevait la ruine, que la famille des propriĂ©taires actuels, laquelle lâavait elleâmĂȘme acquise en 1925 des descendants de Bourienne, entreprit en 1965, la restauration du chĂąteau.
Lâaffaire des moulins banaux de MĂąlay
Bien que ressortissant Ă la paroisse de MĂąlay le Vicomte, les seigneurs de la Houssaye estimaient que leur terre ne pouvait ĂȘtre soumise au chefâlieu. Ainsi en tĂ©moigne lâaffaire des Moulins banaux, Ă la conclusion de laquelle, selon la sentence du 8 aoĂ»t 1634, Philippe de Barbisy, le seigneur de la Houssaye, sera dĂ©boutĂ© contre Antoine du Roux, seigneur de Sigy, dĂ©positaire du droit de banalitĂ©. Philippe de Barbisy, dans le factum[2], qui est une compilation des arguments contradictoires des parties en prĂ©sence, met en avant « quâencore que la Houssaye soit dans la paroisse de Maslay, nĂ©anmoins Ă©tant un fief sĂ©parĂ© Ă©gal Ă celui de Maslay, il ne peut ĂȘtre assujetti Ă cette banalitĂ© ». On lui rĂ©torque quâ « il nây a point de banalitĂ© coutumiĂšre attachĂ©e au fief. Le droit nâest pas rĂ©glĂ© par la qualitĂ© du fief, mais par le titre particulier. C'est pourquoi le titre du sieur de Sigy comprenant pour Moulans ommnes monentes in Parrochia de Maleyo comprend aussi ceux qui demeurent au lieu de la Houssaye, pource qu'ils sont Paroissiens de Maslay ».
Lâaffaire nâest pas close. Au XVIIIĂš siĂšcle, la contestation est rĂ©itĂ©rĂ©e par Gaillot Duval dâEpisy, chevalier seigneur de la Houssaye, lequel a acquis le 30 mars 1710 de « Dame Marguerite de Gaigneau de ChĂąteaumorant, veuve de Messire François de Barbisy, ci-devant seigneur de la Houssaye, tant en fief que rotures, situĂ© au bailliage de Sens, consistant en chĂąteau et ses dĂ©pendances, un pressoir, Haute Justice, Moyenne et Basse, Gens, Rentes, Droits seigneuriaux & Redevances, Droit dâĂ©change, le tout selon la coutume de Sens, ainsi que le feu sieur de Barbisy avait droit dâen jouir »[9]. En effet, au mois dâaoĂ»t 1713, Claude Doz, fermier des moulins banaux de Malay a fait assigner devant le prĂ©vĂŽt de Sens : Pierre Rousseau, fermier du sieur Duval, demeurant dans la basseâcour du chĂąteau de la Houssaye, chez lequel il a fait perquisition des pains et farines qui y Ă©taient ainsi que les nommĂ©s Linard et BrulĂ©, censitaires et justiciables du sieur Duval, demeurant au hameau de la Houssaye, pour ĂȘtre condamnĂ©s « Ă porter moudre leurs grains au moulin de Maslay, Ă lâindemniser du droit de mouture pour le temps quâils avaient cessĂ© dây moudre »[9].
Lâaffaire risquait de mal tourner pour la veuve de François de Barbisy, car le sieur Duval qui avait pris fait et cause de son fermier et des censitaires assigne la venderesse de la Houssaye au bailliage de Sens et la somme de sâacquitter de dommages et intĂ©rĂȘts pour avoir omis dâavoir prĂ©cisĂ© toute autre charge que les « seuls droits seigneuriaux et fĂ©odaux ».
Une fois encore, le seigneur de la Houssaye est dĂ©boutĂ©, parce quâen effet « câest une maxime certaine dans la coutume de Paris, aussi bien que dans les autres coutumes qui nâont point de disposition contraire, telle que celle de Sens, que le droit de banalitĂ© de Moulins, de Fours ou de Pressoir, nâest ni seigneurial, ni fĂ©odal, quâil nâest point attachĂ© ni annexĂ© Ă la voirie, Haute Justice, et Ă la fĂ©odalitĂ© comme un droit ordinaire »[9].
En outre le factum imprimĂ© en 1635 nous apprend que le seigneur de Sigy, Antoine du Roux, et le seigneur de la Houssaye, Philippe de Barbisy sont cousins dans la mesure oĂč ils sont les descendants de Dreux de Vielzchastel, lequel acquit les bois de la Houssaye en 1426, dâune Dame dont on tait le nom dans le document[2]. Lâaffaire des Moulins banaux nouait obscurĂ©ment les diffĂ©rents familiaux, les privilĂšges seigneuriaux et fĂ©odaux, et les droits coutumiers. Lors du partage de 1485, Ă Jacqueline et Charlotte, les deux filles de Pierre de Vielzchastel, Ă©choient respectivement la terre de la Houssaye, et les « Moulins en question avec expression prĂ©cise de banalitĂ©, c'est Ă dire, avec tous les moulans & l' Ă©tendue toute telle, qu'un an aprĂšs elle fut soutenue et jugĂ©e par la-dite Sentence & ArrĂȘt des 30 Juin 1486 & 7 Septembre 1487 Ă la poursuite de Marguerite de la Roche & de tous les susdits co-partageants, entre lesquels Ă©taient Jean de Brisemur & Jacqueline de Vielzchastel sa femme ayeuls du sieur de Barbisy, qui par consĂ©quent est obligĂ© de garantir au sieur de Sigy le droit de bannalitĂ©, ainsi qu'il a Ă©tĂ© donnĂ© Ă ses utheurs en partage par ses prĂ©dĂ©cesseurs »[2]. Ces deux parts dâhĂ©ritage semblent avoir constituĂ© deux seigneuries indĂ©pendantes, mais le droit de banalitĂ© de lâune sâest imposĂ© Ă lâautre. Le seigneur de la Houssaye proclamait son indĂ©pendance, et le droit de banalitĂ© de son cousin, le sieur de Sigy dont lâĂ©pouse Charlotte de Piedefer descendait de Pierre de Vielzchastel, le contraignait de se soumettre comme simple paroissien de MĂąlay le Vicomte.
MalgrĂ© toutes les arguties et subtilitĂ©s de la controverse, la querelle procĂšde de la situation du fief de la Houssaye par rapport Ă la « paroisse » de MĂąlay le Vicomte, Ă lâextrĂ©mitĂ© de son finage, Ă la fois proche et lointain, dedans et dehors.
On apprend cependant de maniĂšre avĂ©rĂ©e, par le mĂ©moire de 1713 que la terre du petit chĂąteau de la Houssaye Ă©tait Ă la fois un fief, une seigneurie et une prĂ©vĂŽtĂ©[9]. Le fief relevait de lâArchevĂȘque de Sens, suzerain des seigneurs de la Houssaye, ses vassaux. Marie de Malhortie, lâĂ©pouse de BĂ©nigne de Barbisy rendit « aveu » Ă lâArchevĂȘque de Sens le 25 aoĂ»t 1548[10]. Le 14 aoĂ»t 1674, « Foy et Hommage » sont rendus par François (dit le jeune) de Barbisy, devant maĂźtre Bollogne, notaire Ă Sens, ainsi quâ« aveu et dĂ©nombrement par le mesme »[7].
Si le seigneur de la Houssaye avait droit de Haute, Basse et Moyenne Justice, la prĂ©vĂŽtĂ© de la Houssaye, petite cour de justice composĂ©e dâun prĂ©vĂŽt et dâun procureur fiscal relevait du bailliage de Sens. Aucune affaire dâimportance, sinon des querelles de voisinage ne semble y avoir Ă©tĂ© jugĂ©e. Mais on peut noter que certains procureurs fiscaux nâĂ©taient parfois que des fils lettrĂ©s de paysans aisĂ©s, qui avaient Ă©tĂ© sans doute simples tabellions dans des Ă©tudes de notaires.
De lâhistoire locale Ă la Grande Histoire
Le chĂąteau de la Houssaye, Ă l'Ă©cart au milieu des bois, a pu ĂȘtre un asile pour ceux qui fuyaient les violences et les exactions. Cet asile lâa dĂ©signĂ© parfois comme un repaire : ainsi au XVIe siĂšcle dans la tourmente des guerres de religion, on parlait dâun repaire de huguenots. Sans doute parce que Jehan de Barbisy, le seigneur de la Houssaye, avait pris parti contre la Ligue Ă laquelle la ville de Sens trĂšs hostile Ă la RĂ©forme sâĂ©tait plutĂŽt ralliĂ©e. Toute la contrĂ©e connut alors des rĂšglements de compte. Une femme fut incarcĂ©rĂ©e Ă la Houssaye, le droit de justice en autorisait le seigneur. Mais une lettre de François duc dâAlençon, frĂšre dâHenri III datĂ©e du 11 mai 1569 somme le capitaine Bellenave, c'est-Ă -dire le seigneur de la Houssaye, de « rompre et casser vos gens»[11] et « quant Ă la femme de Chaulmot et autres que vous tenez prisonniers pour leur faire payer rançon, d'aultant que ce n'est pas la forme que le Roy entend estre observĂ©e en tels cas, vous ne fauldrez de la mettre - et pareillement ledict Chaulmot - entre les mains de la justice Ă Sens, pour delĂ estre admenez en ceste ville et en estre faict justice »[11]. Jehan de Barbisy meurt le 20 mai 1574 mais trois de ses fils trĂ©passĂšrent de mort valeureuse dans le Poitou guerroyant aux cĂŽtĂ©s dâHenri de Navarre, futur Henri IV.
A l'Ă©poque de la Fronde, dans la nuit du 9 au 10 janvier 1652, François de Barbisy offrit lâhospitalitĂ© Ă Jacques de GĂ©niers, Ă©missaire du Parlement de Paris. Celui-ci fuyait devant les menaces contre lui, du MarĂ©chal dâHocquincourt, dont les troupes Ă©taient campĂ©es aux portes de Sens pour assurer le retour Ă Paris de Mazarin. Reçu Ă Sens, on le pressa de sâen aller, et en pleine nuit, travesti, accompagnĂ© d'un autre gentilhomme, il partit du cĂŽtĂ© de la ForĂȘt dâOthe. Les deux hommes parvinrent « Ă la Houssaye oĂč le seigneur François de Barbisy les accueillit fort bien, et leur offrit des chevaux pour continuer leur route. Ils se reposĂšrent deux heures dans le petit manoir et y firent la rencontre dâun gentilhomme nommĂ© Alexandre de Piedefer qui les engagea vivement Ă se rĂ©fugier dans la maison de son frĂšre situĂ©e Ă neuf lieues de lĂ , prĂšs de Dilot »[12].
Un autre Ă©pisode, tragique celui-lĂ , au XVIIIe siĂšcle, Ă©voque le bouleversement des mĆurs et des mentalitĂ©s, prĂ©curseur de la RĂ©volution : lâassassinat du seigneur de la Houssaye, Gaillot Duval dâEpisy (fils) par le fils dâun riche bourgeois Louis Dalençon qui, comme tanneur Ă Sens tenait le haut du pavĂ©. Leurs rapports Ă©taient pĂ©tris de mĂ©pris et de haine ; sâapercevant, ils se querellaient. Ainsi un tĂ©moin rapportera au procĂšs une altercation entre M. dâEpisy et Dalençon quâil interpellait : « Pourquoi chassez-vous avec cinq ou six canailles, comme ceux qui sont avec vous ? », ce Ă quoi Dalençon pĂšre rĂ©pondit : « ce sont dâhonnĂȘtes gens ; et vous monsieur, vous ĂȘtes un gentilhomme de fromage mou (sic) et je ne reconnais pas dâautre seigneur que le Roy »[13].
DâoĂč procĂ©dait leur inimitiĂ©, voire cette animositĂ© qui les portĂšrent jusquâĂ la violence dâun meurtre ? Dalençon possĂ©dait la ferme du Crot Ă lâOgre qui avait jadis appartenu aux Barbisy, Ă la lisiĂšre des bois de la Houssaye. Pouvaitâil sâagir des privilĂšges de la chasse disputĂ©s Ă un noble, ou de litiges Ă propos des Ă©corces de chĂȘne nĂ©cessaire Ă la tannerie ?
AprĂšs avoir perpĂ©trĂ© son forfait dans lâaprĂšs midi du 23 novembre 1736, dans le bois du Crot Ă lâOgre, oĂč se promenait Gaillot Duval dâEpisy, le fils Dalençon traversa le guĂ© de lâYonne Ă Rosoy et Ă©chappa ainsi Ă la juridiction du bailliage de Sens. DĂ©clarĂ© contumace, il fut jugĂ© et condamnĂ© Ă ĂȘtre pendu et Ă©tranglĂ© jusquâĂ ce que mort sâen suive, Ă une potence qui serait Ă cet effet dressĂ©e en la place Saint Etienne. Il fut ordonnĂ© que « la prĂ©sente sentence serait exĂ©cutĂ©e par effigie en un tableau qui serait Ă cet effet attachĂ© Ă la dite potence par lâexĂ©cuteur de la Haute Justice ». Le roi Louis XV, ayant accordĂ© des lettres de grĂące en faveur de Dalençon, celuiâci aprĂšs interrogatoire pour lequel il sâĂ©tait constituĂ© prisonnier, fut acquittĂ© en 1739[13].
A la RĂ©volution, le chĂąteau de la Houssaye ne fut pas vendu comme bien national, Pierre de la Houssaye et son Ă©pouse Marie Madeleine Charlotte dâEpisy furent radiĂ©s de la liste des Ă©migrĂ©s, la marĂ©chaussĂ©e sâĂ©tant prĂ©sentĂ©e Ă leur domicile de la rue des trois croissants Ă Sens a pu constater quâils rĂ©sidaient bien en France. Cependant le cahier de dolĂ©ances pour les Etats GĂ©nĂ©raux peu amĂšne Ă lâendroit du seigneur de la Houssaye mentionnait « les propos contre Pierre Duval de la Houssaye, accusĂ© calomnieusement dâavoir dit quâil mettrait le feu Ă la rĂ©colte et ferait manger le pain Ă six sols la livre, quâil devait conjurer les nuĂ©es, la grĂȘle, le tonnerre pour dĂ©vaster et saccager les emblavures avant la rĂ©colte ».
Au XIXe siĂšcle, la Houssaye sâinscrit dans le rĂ©cit dâune amitiĂ© trĂšs cĂ©lĂšbre : NapolĂ©on et Bourrienne[14]. Bourrienne qui par sa naissance Ă©tait sĂ©nonais, fut lâami et le secrĂ©taire de NapolĂ©on quâil connut alors quâils Ă©taient enfants, Ă lâĂ©cole de Brienne. Chacun fit le serment Ă lâautre que si lâun rĂ©ussissait, il appellerait son ami ; ils tinrent parole et dĂšs que NapolĂ©on fut nommĂ© gĂ©nĂ©ral en chef de lâarmĂ©e dâItalie, Bourrienne fut convoquĂ© officiellement pour devenir son secrĂ©taire. Bourrienne acquit le chĂąteau et le domaine de la Houssaye en 1809, alors quâil Ă©tait ministre plĂ©nipotentiaire Ă Hambourg.
Il les constitua en dot Ă sa fille Emilie pour ses noces avec Samuel Massieu de Clerval ; et le 15 mars 1815, pendant la premiĂšre Restauration, il requit les notaires qui rĂ©digĂšrent le contrat, afin quâils reçoivent au chĂąteau des Tuileries, les signatures et parafes du roi Louis XVIII et de toute la famille royale. Bourienne en fut trĂšs fier. Cinq jours aprĂšs, le 20 mars 1815, NapolĂ©on de retour de lâIle dâElbe entrait Ă Paris ; Madame de Beaulieu Ă©crit : « les cent jours arrivĂšrent, NapolĂ©on toujours fidĂšle Ă son ami de Brienne, dĂšs quâil eut dĂ©barquĂ© Ă FrĂ©jus, envoya Savary Ă Bourrienne pour lui dire quâil allait ĂȘtre Ă Paris et de faire disparaĂźtre tout ce quâil avait de compromettant, car il Ă©tait obligĂ© de faire saisir chez lui comme chez les autres »[15]. Bourrienne aprĂšs la seconde restauration devint ministre dâEtat de Louis XVIII. Cependant il voua toujours une grande amitiĂ© et une grande admiration Ă lâ « homme extraordinaire » que fut NapolĂ©on ; mais il ne consentit jamais Ă ce carnaval que fut le sacre de lâEmpereur, et prĂ©cisĂ©ment Ă lâasservissement impĂ©rialiste de lâEurope. « Quand il mourut et quâon lâensevelit, on trouva dans la main crispĂ©e de Bourrienne un petit portrait froissĂ© : câĂ©tait celui de lâEmpereur quâil aimait toujours » Ă©crit Madame de Beaulieu[15].
« Cherche un petit bien dans ta belle vallĂ©e de lâYonne,je lâachĂšterai dĂšs que jâaurai de lâargent, mais surtout veille Ă ce que ce ne soit pas un bien national »[14] avait Ă©crit NapolĂ©on Ă Bourrienne, alors quâil nâĂ©tait que sousâlieutenant et battait la semelle sur les pavĂ©s de Paris. Lorsque Bourrienne acquit le domaine et le petit chĂąteau de la Houssaye, on peut aller Ă penser quâil sâen est peut ĂȘtre souvenu.
Au XXe siĂšcle, des Ă©vĂšnements tragiques se produisirent[16]. La tuilerie de la Houssaye Ă la Mattre Ă©tait devenue les bĂątiments dâune exploitation agricole ; le fermier du propriĂ©taire de la Houssaye, Ă©tait Joseph, un polonais. Au mois de juillet 1944, il recueillit des dĂ©serteurs de lâarmĂ©e allemande, un polonais et un ukrainien et les cacha dans la ferme. Mais on le dĂ©nonça ; et, au petit matin du 13 juillet, un commando allemand encercla les lieux, sommant les dĂ©serteurs de se rendre ; mais, du grenier oĂč ceuxâci Ă©taient rĂ©fugiĂ©s partirent des coups de feu, blessant certains hommes. Les allemands entrĂšrent en fureur et maĂźtrisĂšrent bientĂŽt les deux dĂ©serteurs. Le fermier qui travaillait dĂ©jĂ aux champs, attirĂ© par les bruits revint hĂ©las Ă la ferme. Les allemands sâemparĂšrent de lui et on ne le revit jamais. La ferme fut incendiĂ©e. Son Ă©pouse et ses deux enfants purent s'enfuir et arrivĂšrent au chĂąteau de la Houssaye ; câest lĂ que les rĂ©sistants les prirent en charge et sâoccupĂšrent dâeux.
Galerie
- Le chĂąteau, Ă la fin du XIXĂš siĂšcle
- Le chĂąteau, carte postale avant 1912
- Le chùteau, au début du XXÚ siÚcle
- Le chĂąteau, en 1945
- Le chĂąteau, vers 1960
- Le chĂąteau, de nos jours
- Le chùteau, vue de la façade
- Le chùteau, vue de l'extérieur
- La porte dite de Sens
- Le chĂąteau, vue d'avion
- La Houssaye en 2021
Notes et références
- Notice no PM89000758, base Palissy, ministÚre français de la Culture
- Archives DĂ©partementales de l'Yonne, G1313, Factum, 12 mai 1635
- Etienne Meunier, « La famille de VIEZCHASTEL de VETERI CASTRO », Cahiers gĂ©nĂ©alogiques de l'Yonne, Ahuy (21-France), SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©alogique de l'Yonne, vol. Tome XVI « Recueil de trente-deux monographies de familles apparues au sein du patriciat de Sens entre 1146 et 1389 »,â , p. 35-54 (ISSN 0762-5197, BNF 34392744)
- M. G. Julliot, SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sens, « Philippe Hodoard. Fondation du collĂšge de Sens, 1537. Etat de l'instruction publique Ă Sens avant cette. Ă©poque », Bulletin de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sens, Impr. Duchemin (Sens), vol. Tome XI,â , p. 150 (lire en ligne)
- Jean-Luc Dauphin et Jean-Paul Delor, De tuile et de brique : contribution Ă l'Ă©tude de l'artisanat tuilier et de l'habitat traditionnel dans le nord de l'Yonne, Villeneuve-sur-Yonne, les Amis du vieux Villeneuve, , 32 p.
- Inventaire sommaire des Archives du dĂ©partement de lâYonne antĂ©rieures Ă 1790, tome III (Archives ecclĂ©siastiques, sĂ©rie H), Auxerre, 1882-1888, p125, cf. Cordeliers de Sens H. 567 (1515)
- Archives DĂ©partementales de l'Yonne, G234, folio 145 et suiv. Fiefs de l'ArchevĂȘchĂ© - Fief de la Houssaye - article douziĂšme
- Yann Christ et Françoise Vignier, Le guide des chùteaux de France. 89, Yonne, Paris, Hermé, (ISBN 978-2-86665-028-5), p. 77
- Archives DĂ©partementales de l'Yonne, 1J423, MĂ©moire, 1713
- Archives DĂ©partementales de l'Yonne, G234 registre-folio 133, Fiefs de l'ArchevĂȘchĂ© - Fief de la Houssaye - article douziĂšme
- Archives Nationale, Folio 41V° - 40B1, 11 mai 1569
- Maurice Roy, « un Ă©pisode de la Fronde au Chesnay en 1652 », Bulletin de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sens, Sens, Impr. Duchemin, vol. XVI,â (BNF 34429662, lire en ligne)
- Charles Sepot, « un drame Ă la Houssaye », Bulletin de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sens, Sens, Impr. Duchemin, vol. XXIII,â (lire en ligne)
- Jean Didelot et Fernand Beaucour (dir.) (préf. Jean Tulard), Bourrienne et Napoléon, Levallois, Centre d'études napoléoniennes, coll. « Mémoire de la Société de sauvegarde du chùteau impérial de Pont-de-Briques », , 374 p. (ISBN 978-2902930074, BNF https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/ark:/06871/00110508228, SUDOC http://www.sudoc.fr/045286272)
- Quelques souvenirs sur Bourrienne et la famille, Blanche de Beaulieu (arriĂšre petite niĂšce de Bourrienne), MĂ©moires
- Didier Perrugot, « Le drame du 13 juillet 1944 Ă MĂąlay-le-Grand (sĂ©nonais) », Yonne MĂ©moire, Le bulletin de l'Arory, no 32,â , p. 3-9 (ISSN 1620-1299, lire en ligne)