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Black feminism

Le Black feminism (en français « fĂ©minisme noir ») est un mouvement fĂ©ministe nĂ© aux États-Unis dans les annĂ©es 1960-1970, lors du mouvement des droits civiques. Il se caractĂ©rise par la volontĂ© d'associer ensemble les critiques du sexisme et du racisme, et d'Ă©laborer un point de vue spĂ©cifique tant Ă  l'intĂ©rieur du mouvement fĂ©ministe que du mouvement du Black Nationalism.

Angela Davis au théùtre Myer Horowitz de l'université d'Alberta.

L'expression « Black feminism » et problÚmes de traduction

Selon Elsa Dorlin, professeure de philosophie politique et sociale à l'université Paris-VIII et auteure de « Black feminism Revolution! La Révolution du féminisme Noir ! », une introduction à Black Feminism -Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000 (L'Harmattan, 2007), la premiÚre anthologie, en français, de textes de ce mouvement :

« L’expression Black feminism, traduite dans les textes par "fĂ©minisme Noir", recouvre la pensĂ©e et le mouvement fĂ©ministes afro-amĂ©ricains en tant qu’ils diffĂšrent du fĂ©minisme amĂ©ricain "en gĂ©nĂ©ral", prĂ©cisĂ©ment critiquĂ© et reconnu pour son "solipsisme blanc", hĂ©ritier malgrĂ© lui de la fameuse "ligne de couleur" produite par les systĂšmes esclavagiste, puis sĂ©grĂ©gationniste ou discriminatoire, encore Ă  l’Ɠuvre dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine contemporaine. Au contraire des textes, si le titre de ce volume a gardĂ© l’expression Black feminism en l’état, comme provisoirement intraduisible, c’est qu’il nous a semblĂ© important de prĂ©senter d’abord le fĂ©minisme afro-amĂ©ricain dans la spĂ©cificitĂ© de l’histoire politique d’oĂč il a Ă©mergĂ©, de maintenir dans sa langue sa force d’interpellation, face Ă  une sociĂ©tĂ© anglo-saxonne clivĂ©e par le racisme : "White woman, listen!" – "Femme blanche, Ă©coute !". Le fĂ©minisme Noir a reprĂ©sentĂ© une vĂ©ritable rĂ©volution politique et thĂ©orique pour l’ensemble des fĂ©minismes nord-amĂ©ricains et, dans une moindre mesure, europĂ©ens[1]. »

Histoire du mouvement

Le Black feminism trouve ses origines dans un malaise au sein du mouvement des droits civiques et du mouvement féministe nord-américain lors des années 1970. En effet, il revendique un point de vue particulier des femmes afro-américaines à la fois sur le féminisme en général, et sur les luttes contre la ségrégation raciale. En tant que tel, le Black feminism n'est pas limité aux femmes afro-américaines: dÚs ses origines, il inclut des femmes chicanas, orientales, etc. Il est plutÎt caractérisé par la volonté de lier ensemble les problématiques du sexisme, du racisme et de l'oppression de classe[1].

Les femmes porto-ricaines des Young Lords, parmi elles Denise Oliver-Velez[2] et Iris Morales[3], mettent en place dÚs 1969 une commission non mixte pour exiger de l'organisation une position et des pratiques non sexistes. Elles expérimentent et commencent à théoriser ce qui deviendra l'intersectionnalité des luttes des femmes latinas et afro-américaines[4] - [5].

L'un des textes pionniers du mouvement est publiĂ© en 1969 par Mary Ann Weathers (en) : An argument for Black women’s liberation as a revolutionnary force[6] - [7] (« Un argument pour la libĂ©ration des femmes noires comme force rĂ©volutionnaire ») critique l'oppression commune de toutes les femmes, qu'elles soient blanches, noires, porto-ricaines, mexicaines, riches ou pauvres, etc.

L'année d'aprÚs, la Third World Women's Alliance (en) (Alliance des Femmes du Tiers-Monde) publie le Black Women's Manifesto[8] (Manifeste des Femmes noires), dans lesquelles elles affirment l'existence d'une spécificité de l'oppression dirigée contre les femmes noires. Cosigné par Gayle Linch, Eleanor Holmes Norton, Maxine Williams, Frances M. Beal (en) et Linda La Rue, le manifeste, qui s'oppose tant bien au racisme qu'au capitalisme, affirme :

« La femme noire demande une nouvelle gamme de dĂ©finitions de la femme, elle demande Ă  ĂȘtre reconnue comme une citoyenne, une compagne, une confidente et non comme une vilaine matriarche ou une auxiliaire pour fabriquer des bĂ©bĂ©s[9]. »

Le Black feminism dĂ©veloppe le concept d'intersectionnalitĂ©[10], appelĂ© Ă  un avenir prometteur dans la TroisiĂšme vague fĂ©ministe. Il souligne l'existence d'enjeux spĂ©cifiques aux femmes noires, ignorĂ©es par le mouvement fĂ©ministe dominĂ© par les Blancs. Ainsi, Angela Davis, proche du Black Panther Party, montre qu'alors que les Afro-AmĂ©ricaines Ă©taient victimes d'un programme de stĂ©rilisations contraintes[11], les femmes blanches Ă©taient contraintes aux avortements clandestins[12]. La Brigade des femmes du Weather Underground[13], un groupe radical blanc proche du Black Power, organise des attentats[14] - [15] comme celui du , contre les locaux du HEW (DĂ©partement de la SantĂ© et des Services sociaux) Ă  San Francisco, exigeant que les femmes gĂšrent elles-mĂȘmes l'organisation et dĂ©nonçant les stĂ©rilisations contraintes des femmes de couleur pratiquĂ©es par le HEW. Si la position du Weather Underground Ă  l'Ă©gard du fĂ©minisme et du Black feminism a pu faire dĂ©bat, il n'en demeure pas moins que le numĂ©ro 2 de son journal clandestin, Osawatomie, y prĂȘtait une certaine attention.

En 1973, Margaret Sloan-Hunter et d'autres femmes fondent la National Black Feminist Organization[16] - [17] Ă  New York. Deux ans plus tard, d'autres militantes liĂ©es au mouvement des droits civiques, au Black Nationalism ou au Black Panther Party, telles que Barbara Smith[18] - [19], Cheryl L. Clarke[20] et Akasha Gloria Hull[21] crĂ©ent le Combahee River Collective Ă  partir d'une section locale de la National Black Feminist Organization. Ce groupe fĂ©ministe lesbien et radical mentionne, dans son manifeste crĂ©ateur, d'importantes figures fĂ©minines du mouvement abolitionnisme, telles que Sojourner Truth, Harriet Tubman, Frances Harper, Ida B. Wells et Mary Church Terrell, prĂ©sidente de la National Association of Colored Women fondĂ©e en 1896[22] - [23]. Le Combahee River Collective s'oppose au sĂ©paratisme lesbien, considĂ©rant que ces derniĂšres ne s'intĂ©ressent qu'Ă  l'oppression sexiste Ă  l'exclusion d'autres formes de domination, fondĂ©e sur la « race », la classe, etc. Le Combahee River Collective rejetait ainsi toute essentialisation de la femme, qui en ferait une figure Ă©ternelle et universelle, toute biologisation du genre, s'intĂ©ressant de prĂšs aux analyses Ă©conomiques et politiques des diverses formes de domination. Sous l'impulsion principale de Barbara Smith, le collectif publiera de nombreux essais sur le fĂ©minisme, ajoutant une nouvelle perspective aux Women's studies, qui Ă©taient alors principalement l'Ɠuvre critique de femmes blanches. L'hĂ©ritage de ce groupe pour le Black feminism a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© par la militante afro-amĂ©ricaine fĂ©ministe et antiraciste Keeanga-Yamahtta Taylor, dans un ouvrage Ă©ditĂ© pour le quarantiĂšme anniversaire de la dĂ©claration du Combahee River Collective[24].

Impact

Le Black feminism est considéré comme un des courants importants qui ont permis le renouvellement des recherches féministes et la remise en question de l'occidentalocentrisme qui y dominait antérieurement. Il est ainsi une des sources d'inspiration du féminisme postcolonial[25].

Notes et références

  1. (fr) Elsa Dorlin, « Black feminism Revolution! La Révolution du féminisme Noir ! », introduction à Black Feminism Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000 (L'Harmattan, 2007)
  2. (en-US) Heather Gilligan, « Women took on the male leadership of the radical 1960s Puerto Rican movement and (mostly) won », sur Medium, (consulté le )
  3. (en-US) « Iris Morales », sur Red Sugarcane Press (consulté le )
  4. (en) JUDY KLEMESRUD, « Young Women Find a Place in High Command of Young Lords », New-York Time,‎ (lire en ligne)
  5. « Young Lords : La révolution dans la révolution », sur radiorageuses.net,
  6. (en-US) « An Argument For Black Women's Liberation As a Revolutionary Force - Documents from the Women's Liberation Movement », sur library.duke.edu (consulté le )
  7. (en) sydneybrown, « Review of An Argument For Black Women’s Liberation As A Revolutionary Force by Mary Ann Weathers », sur Sydney Brown's Blog, (consultĂ© le )
  8. (en-US) « Black Women's Manifesto / Women’s Liberation Movement Print Culture / Duke Digital Repository », sur Duke Digital Collections (consultĂ© le )
  9. (en) Black Woman's Manifesto.
  10. (en-US) Sharon Smith, « Black feminism and intersectionality | International Socialist Review », sur isreview.org (consulté le )
  11. (en) Émilie Jacob, The coverage of the reproductive freedom movement from 1980 to 1993 in American feminist newspapers : Sojourner, Big Mama Rag, off our backs and New Directions for Women (MĂ©moire de master en Lettres, langues, cultures Ă©trangĂšres et rĂ©gionales (LLCER) - Aires anglophones), , 158 p. (lire en ligne [PDF]), p. 64-67
  12. Angela Davis, Women, Race and Class (1981) (ISBN 0-394-71351-6).
  13. (en) « Weather Underground | History & Militant Actions », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  14. (en-US) « Weather Underground Bombings », sur Federal Bureau of Investigation (consulté le )
  15. (en-US) « How the Weather Underground Failed at Revolution and Still Changed the World », sur Time (consulté le )
  16. (en-US) Kayomi Wada, « National Black Feminist Organization (1973-1976) ‱ », (consultĂ© le )
  17. (en-US) Jone Johnson Lewis Jone Johnson Lewis has a Master of Divinity et Is a Humanist Clergy Member, « Profile and History: National Black Feminist Organization (NBFO) », sur ThoughtCo (consulté le )
  18. (en-US) Dianca London Potts, « Barbara Smith Is Still One of Feminism's Most Essential Voices », sur Shondaland, (consulté le )
  19. (en-US) Barbara Smith, « Barbara Smith: Why I Left the Mainstream Queer Rights Movement », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le )
  20. (en-US) « ★ Cheryl Clarke, poet, essayist, educator and Black feminist community activist », sur AALBC.com, the African American Literature Book Club (consultĂ© le )
  21. (en-US) « New York State Writers Institute - Akasha Gloria Hull », sur www.albany.edu (consulté le )
  22. (en-US) « National Association of Colored Women's Clubs | NACWC | Washington, DC », sur NACWC (consulté le )
  23. (en-US) « The Combahee River Collective Statement », sur American Studies , Yale University
  24. (en) Keeanga-Yamahtta TAYLOR (Ă©d.), How We Get Free: Black Feminism and the Combahee River Collective, Chicago, Haymarket Books, 2017.
  25. Ochy Curiel, « Critique postcoloniale et pratiques politiques du féminisme antiraciste », Mouvements, 2007/3 (no 51), p. 119-129. DOI : 10.3917/mouv.051.0119, lire en ligne

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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