Elsa Dorlin
Elsa Dorlin, née en 1974, est une philosophe française.
Naissance | |
---|---|
Nationalité | |
Formation |
Université Paris-Sorbonne (doctorat) (jusqu'en ) |
Activités |
A travaillé pour | |
---|---|
Directeur de thèse | |
Distinction |
Biographie
En 2004, Elsa Dorlin soutient sa thèse de philosophie « Au chevet de la Nation : sexe, race et médecine : XVIIe – XVIIe siècles » à l'université Paris-Sorbonne[1]. De 2005 à 2011, elle est maîtresse de conférences en histoire de la philosophie, histoire des sciences, à l'UFR de philosophie de l'université Panthéon-Sorbonne.
Elle est élue professeure des universités en 2011 et enseigne la philosophie politique et sociale à l'université Paris-VIII. Depuis 2021, elle a été élue professeure de philosophie politique contemporaine au département de philosophie de l'Université Toulouse Jean Jaurès et co-dirige l'équipe de recherche ERRAPHIS[2].
En 2009, elle reçoit la médaille de bronze du CNRS (section 35) pour l'ensemble de ses travaux sur la philosophie et le genre et l'épistémologie féministe[3].
En 2010-2011, elle est Visiting Associate Professor dans le Critical Theory Program à l'université de Californie à Berkeley. En 2018-2019, elle est Abigail R. Cohen Senior Fellow du Columbia Institute for Ideas & Imagination et, la même année, elle reçoit pour son livre Se Défendre. Une philosophie de la violence, le prix Frantz Fanon de la Caribbean Philosophical Association[4].
En 2020-2021, elle est résidente à la Fondation Camargo (Core Program) à Cassis[5].
Philosophie
En 2006, elle publie La Matrice de la race, ouvrage issu de sa thèse d'histoire de la philosophie. Selon la journaliste Catherine Halpern,
« c’est un tour de force que réalise Elsa Dorlin dans cet ouvrage d’histoire et de philosophie des sciences en montrant comment, à partir de l’Âge classique, le discours médical a pu fonder à la fois le rapport de domination sexiste, mais aussi racial. S’appuyant sur une abondante littérature médicale et adoptant une démarche foucaldienne, elle montre d’abord comment, de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle, le corps des femmes est le modèle du corps malade. Cette conception pathologique du corps féminin justifie la domination masculine. Les choses changent au XVIIIe siècle avec la mise en place d’une politique nataliste qui va favoriser l’émergence d’une figure féminine incarnant la santé, la mère allaitante et aimante, laquelle renvoie au corps de la nation. Dans un second temps, l’analyse de la pensée raciale l’amène à montrer comment le discours médical justifiera la domination coloniale. Selon un mécanisme similaire, qu’E. Dorlin nomme "nosopolitique", la médecine coloniale pense le corps des peuples dominés comme foncièrement malade, donc inférieur. On comprend alors le titre de son livre. S’il y a "matrice de la race", c’est dans un double sens : un sens génétique, "la conceptualisation de la différence sexuelle étant le moule théorique de la différence raciale", et un sens plus précis encore parce que "sexe et race ont une même matrice", en l’occurrence, dans le discours médical de l’époque, le concept de tempérament et une certaine classification des pathologies[6]. »
En 2008, la philosophe publie Sexe, genre et sexualité[7] dans lequel elle détaille de multiples théories féministes, déconstruisant l’historicité du sexe ancrée dans un système d’hétérosexualité reproductive et de bipolarisation du genre structurés par des processus à la fois médical, social et politique d’assignation au sexe biologique. Elsa Dorlin interroge ces lectures sur la question coloniale, et l’enjeu d’effémination comme technologie d’asservissement des populations colonisées ou esclaves au cours du XIXe siècle. Ce tour d’horizon l'amène à critiquer les catégories de sexe et de genre, insérées dans des rapports de domination plus vastes. Son étude permet d’esquisser les contours de différentes théories en France : l’épistémologie féministe, le féminisme « post-moderne » et la théorie queer.
2008 est également l'année de publication du recueil qu'elle dirige, Black Feminism. Anthologie du féminisme africain américain 1975-2000, chez L'Harmattan qui rassemble les textes majeurs du Black feminism contemporain accessibles en français.
En 2017, Elsa Dorlin publie Se défendre. Une philosophie de la violence[8], récompensé par le prix Fanon 2018 et le prix de l’Écrit social 2019. Dans son étude, elle analyse les mécanismes de désarmement de certains corps relatifs à une historicité des rapports de domination raciaux et de genre. Philosophe foucaldienne, elle s’intéresse à la politisation des corps organisée par l’enseignement de techniques martiales d’autodéfense telles que le ju-jitsu ou le krav-maga, et aux minorités physiquement opprimées.
Concepts
Dorlin avance divers concepts. Le concept de « dirty care » ou « care » négatif[9] : suites à des violences psychologiques ou physiques, l'individu peut développer une hyper attention à l'autre, afin d'anticiper et désamorcer les attaques. Ceci crée une charge cognitive épuisante et un défaut d'attention à ses propres besoins et à son développement personnel[10].
Voir aussi
Ouvrages
- L'évidence de l’égalité des sexes : une philosophie oubliée au 17e siècle, Paris, L’Harmattan, 160 p., coll. « Bibliothèque du féminisme », 2001.
- La matrice de la race : généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui / Genre et sexualité », 2006, 308 p.
- Sexe, genre et sexualités : introduction à la théorie féministe, Paris, PUF, coll. « Philosophies », , 153 p. Nouvelle édition revue en 2021.
- Se défendre : une philosophie de la violence, Paris, La Découverte, 2017, 252 pages[11] - [12]
Direction et participation Ă des ouvrages collectifs
- Elsa Dorlin, Hélène Rouch et Dominique Fougeyrollas (dir.), Le corps, entre sexe et genre, Paris, L’Harmattan, coll. « Bibliothèque du féminisme », 2005, 168 p.
- Marie-Blanche Tahon, « compte rendu: Hélène Rouch, Elsa Dorlin et Dominique Fougeyrollas-Schwebel (dir.) Le corps, entre sexe et genre. Paris, L’Harmattan, Collection « Bibliothèque du féminisme », 2005, 170 p. », in Recherches féministes, vol. 20, no 2, 2007, p. 200-205 (consultable en ligne)
- Elsa Dorlin et Éric Fassin (dir.), Genres et sexualités, Paris, BPI, 2009, 235 p.
- Black Feminism, recueil de textes, Paris, L’Harmattan, coll. « Bibliothèque du féminisme », 2007.
- Sexe, race, classe : pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, coll. « Actuel Marx/Confrontations », 2009.
- Elsa Dorlin et Éric Fassin (dir.), Reproduire le genre, Paris, BPI, 2010, 192 p.
- Isabelle Clair et Elsa Dorlin (dir.), Eleni Varikas : pour une théorie féministe du politique, Paris, Éditions Ixe, 272 pages. Introduction générale La République vue par une étrangère
- Elsa Dorlin et Eva Rodriguez (dir.), Penser avec Donna Haraway, Paris, PUF, coll. « Actuel Marx/Confrontations », 2012, 248 pages.
- Feu ! Abécédaire des féminismes présents, Montreuil, Libertalia, 2021, 736 p.[13] (ISBN 9782377292226)
- Isabelle Clair et Elsa Dorlin (dir.), Photo de famille. Penser les vies intellectuelles d'un point de vue féministe, Paris, Editions de l'EHESS, 2022, 464 p. https://www.ehess.fr/fr/ouvrage/photo-famille
- Elsa Dorlin (dir.) avec Jean-Pierre Sainton et Mathieu Rigouste, Guadeloupe 67, Massacrer et laisser mourir, Paris, Libertalia, 2023, 160p.
Articles
- Elvan Zabunyan, « La conscience féministe noire, ou la radicalité d’une pensée contemporaine », La Revue internationale des livres et des idées,‎ .
- Mathilde Gérard, « Le sexe est avant tout une question politique », Le Monde,‎ (lire en ligne).
- Sonia Faure et Cécile Daumas, « Interview. Elsa Dorlin : "Le ju-jitsu est utile contre la police, contre les maris, les pères, les patrons" », Libération,‎ (lire en ligne)
- Jean Birnbaum, « Elsa Dorlin, philosopher à mains nues », Le Monde,‎ (lire en ligne )
- Elsa Dorlin, "What a body can do ?" Radical Philosophy, 2019 https://www.radicalphilosophy.com/author/elsa-dorlin
- « Se défendre, une philosophie de la violence », sur lundimatin (consulté le )
- Nawal El Yadari, Elsa Dorlin, Se défendre. Une philosophie de la violence, Astérion, 2018, https://journals.openedition.org/asterion/3091
Notes et références
- « Au chevet de la Nation : sexe, race et médecine : XVIIe – XVIIe siècles », theses.fr, Paris 4,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Voir sur erraphis.univ-tlse2.fr.
- « Biographie de Elsa Dorlin », sur philomag.com, (consulté le ).
- Voir sur caribbeanphilosophicalassociation.org.
- « Elsa Dorlin », sur camargofoundation.org (consulté le ).
- 2007-03-01 - Catherine Halpern - Sciences Humaines.
- Elsa Dorlin, Sexe, genre et sexualités. Introduction à la théorie féministe, Presses universitaires de France, 2008.
Cet essai a fait l'objet d'une seconde édition remaniée en 2021. - Elsa Dorlin, Se défendre. Une philosophie de la violence, Paris, 2017.
- « Binge.audio », sur binge.audio (consulté le ).
- Dorlin 2017
- « Se défendre », sur editions-zones.fr (consulté le ).
- Jean Birnbaum, Elsa Dorlin, philosopher à mains nues, lemonde.fr, 6 décembre 2017
- « « Feu ! », coordonné par Elsa Dorlin : un dictionnaire des féminismes pluriels », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )