Bavares
Les Bavares, ou Babares (en libyque Babar), sont une confédération berbÚre située en Maurétanie Césarienne[1].
Deux confĂ©dĂ©rations portant le mĂȘme nom, existaient : les Bavares occidentaux, qui se maintenaient dans lâouest de la MaurĂ©tanie CĂ©sarienne, et les Bavares orientaux, confĂ©dĂ©ration de courte durĂ©e centrĂ©e sur la Petite Kabylie. Il existe Ă©galement d'autres communautĂ©s qui portent le nom des Bavares dans l'Atlas saharien.
Ethnonyme
Babar est le nom libyque des Bavares, il est romanisĂ© sous la forme Bavares (Babares), cet ethnonyme est souvent dĂ©formĂ© dans les sources Ă©crites en Barbares, une forme qui nâa rien Ă voir avec Barbari (les Barbares)[2]. Le nom de « Barbares » a Ă©tĂ© identifiĂ© comme Ă©tant celui des Bavares, les chercheurs, historiens et archĂ©ologues, ont favorisĂ© cette approche[3]. Gabriel Camps a retenu les formes Bavares / Babares / Barbares[2].
Lâorigine libyque de ce nom transcrit de diverses maniĂšres est confirmĂ©e par lâĂ©pigraphie : dans une inscription libyque trouvĂ©e en AlgĂ©rie, le dĂ©funt sâappelle BBR. Le mĂȘme nom est attestĂ© par une Ă©pigraphe latino-punique de Tripolitaine oĂč le dĂ©funt est qualifiĂ© de lul Babar (« de la tribu Babar »)[2]. Des Ă©pitaphes latines trouvĂ©es en AlgĂ©rie permettent de recenser les cognomina suivants : Baberius (Baverius) attestĂ© Ă Theveste et Thubursicum Bure et Barbarus bien attestĂ© comme cognomen en divers endroits de la province de Numidie[2].
De nos jours, une commune de la wilaya de Khenchela se nomme Babar et se trouve non loin de Ras Babar et aux sources de lâoued Bedger appelĂ© aussi lâoued des Beni Barbar[2]. On retrouve le nom libyque Babar dans lâethnonyme arabisĂ© Beni Babar/ Beni Barbar. DocumentĂ© par des sources dâĂ©poque moderne, cet ethnonyme a connu une dispersion dans trois aires de peuplement situĂ©es dans lâantique Numidie : lâAurĂšs oriental (massif du Chechar essentiellement), le Tafrent situĂ© au nord-est de Mascula (Khenchela) et une rĂ©gion au nord de Madouros (M'daourouch)[2]. Le terme Bavare peut provenir Ă©galement de Houaras[4]
Localisation
Deux confĂ©dĂ©rations portant le mĂȘme nom, existaient en MaurĂ©tanie CĂ©sarienne : les Bavares occidentaux, qui se maintinrent dans lâouest de la MaurĂ©tanie CĂ©sarienne pendant des siĂšcles, et les Bavares orientaux, confĂ©dĂ©ration de courte durĂ©e centrĂ©e sur les Babors et le Guergour[1]. Il sâagissait de deux groupes homonymes, avec peut-ĂȘtre une lointaine origine commune, mais sans doute sĂ©parĂ©s depuis au moins la Protohistoire et Ă©voluant dĂšs lors de maniĂšre indĂ©pendante lâun de lâautre[5].
La documentation Ă©pigraphique signalant les Bavares tantĂŽt dans la partie occidentale de MaurĂ©tanie CĂ©sarienne, tantĂŽt en Numidie, suggĂšre un territoire et un champ dâaction trĂšs vaste[3]. Les Bavares orientaux occupent une zone principalement en MaurĂ©tanie sĂ©tifienne, tandis que les limites territoriales des Bavares occidentaux Ă©taient situĂ©es entre les monts de Trara, et le Dahra et de lâOuarsenis. Les deux confĂ©dĂ©rations regroupent plusieurs gentes[3].
Les Bavares Ă©taient Ă lâintĂ©rieur des limes romains, les divers conflits et insurrections dĂ©coulent de lâoccupation de lâespace et de la maĂźtrise des dĂ©fĂ©rentes aires gĂ©ographiques[3]. Les Bauares Transtagnenses (qualificatif latin qui signifie « au-delĂ des marais »), sont situĂ©s au-delĂ du Chott ech Chergui dans le Djebel Amour[5].
Il existe une autre communautĂ©, les Babari (Beni Babar/ Beni Barbar) dans les AurĂšs qui a traversĂ© les siĂšcles, de lâAntiquitĂ© Ă nos jours, en conservant son territoire-refuge dans le Djebel Chechar. Ce sont des montagnards transhumants dont la romanisation et la christianisation sont relativement tardives[2]. Ils se disent « ZĂ©nĂštes » selon une tradition recueillie chez eux par Masqueray et AllĂ©gro[2].
Histoire
Les Bavares sont principalement connus par des documents épigraphiques et littéraires romains des IIIe, IVe et Ve siÚcles. Les documents les désignent soit comme des populations montagnardes semi-nomades, soit comme des populations sédentaires[1]. Les Bavares occidentaux formaient, dans l'Ouarsenis et l'Oranais, une grande confédération, attestée du début du IIIe siÚcle à la fin du IVe siÚcle[6].
La premiĂšre trace qui peut ĂȘtre datĂ©e du rĂšgne de SĂ©vĂšre Alexandre est une inscription relatant un colloquium entre un lĂ©gat romain et un prince baquate aprĂšs une victoire romaine[1]. La dissolution de la Legio III Augusta en 238, avait laissĂ© assez de champ libre pour les tribus rĂ©fractaires Ă lâhĂ©gĂ©monie romaine. Les rĂ©voltĂ©s poussĂšrent jusqu'aux confins numido-maurĂ©taniens, oĂč des combats sont signalĂ©s[3] et oĂč des trĂ©sors furent enfouis.
Le danger Bavare Ă©tait particuliĂšrement grand en MaurĂ©tanie CĂ©sarienne[1]. Les Bavares orientaux animent les grands soulĂšvements maurĂ©taniens entre 253 et 298[6], mais ils restent cantonnĂ©s par la puissance romaine dans leurs montagnes et coupĂ©s de la plaine. Ils dĂ©cident alors de former une coalition avec d'autres peuples. Les Romains gagnent plusieurs batailles mais n'arrivent pas Ă venir complĂštement Ă bout de la menace bavare, tant en MaurĂ©tanie qu'en Numidie. Les rĂ©voltes sâĂ©tendent chez les Bavares du sud de lâOranie, mentionnĂ©es par des inscriptions inĂ©dites dĂ©couvertes dans la rĂ©gion d'El Bayadh[3]. On trouve aussi des Bavares derriĂšre Firmus lors du soulĂšvement du IIIe siĂšcle.
Un exemple nous permet de saisir la situation des Bavares au IVe siĂšcle : la ville dâAltava, qui Ă©tait composĂ©e de populations bavares sĂ©dentaires, aux noms romains mais aux institutions pĂ©rĂ©grines Ă une Ă©poque oĂč la romanisation semble s'estomper dans la rĂ©gion. Les Bavares occidentaux font une partie de la population du royaume de Djeddar. Certains des sujets de Masuna devaient certainement ĂȘtre Ă©galement des Bavares[6].
Au cours du IIIe, une des gentes de la confĂ©dĂ©ration orientale supplante momentanĂ©ment la gens principale, celle des Ucutamani (Kotama) qui exerça la primautĂ© sur lâensemble de la fĂ©dĂ©ration. La gens Bavare qui donna son nom Ă la fĂ©dĂ©ration dut sâĂ©puiser dans les insurrections et aprĂšs la guerre de Firmus, les Ucutamani reprennent leur prĂ©pondĂ©rance au IVe siĂšcle. Sous le nom de Kotama, ils jouent le principal rĂŽle dans lâĂ©popĂ©e fatimide[1].
En Oranie et dans la rĂ©gion de Tlemcen appelĂ©e au Moyen Ăge « bilÄd ZanÄta », les Houaras et les ZĂ©nĂštes sont les hĂ©ritiers des antiques Bavares occidentaux[2]. En effet, le nom collectif ou « fĂ©dĂ©ratif » des Babari aurait Ă©tĂ© Ă©clipsĂ© dâabord par celui des Avares (attestĂ©s au Ve siĂšcle), ensuite par celui des Zanenses (ZĂ©nĂštes) au VIIe siĂšcle[2].
Références
- G. Camps, « Bavares », EncyclopĂ©die berbĂšre, no 9,â , p. 1394â1399 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.2552, lire en ligne, consultĂ© le )
- Ahmed M'Charek, « Babari de l'AurĂšs et Babari Transtagnenses », dans Mathilde Simon et Ătienne Wolff (dir.), Operae pretium facimus - mĂ©langes en l'honneur de Charles Guittard, (lire en ligne), p. 475-499
- Salim Drici, « Inscription inĂ©dite des Bavares dâEl Bayadh et les troubles au Maghreb ancien », Ikosim, Association algĂ©rienne pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine archĂ©ologique, no 4,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Brahim Zerouki, L'Imamat de Tahart: Histoire politico-socio-religieuse, L'Harmattan, (ISBN 978-2-85802-828-3, lire en ligne), p. 58
- NacĂ©ra Benseddik et Jean-Pierre Laporte, « Les Bavares transtagnenses, peuple de MaurĂ©tanie cĂ©sarienne », dans Catherine Wolff et Patrice Faure (dir.), Les auxiliaires de lâarmĂ©e romaine Des alliĂ©s aux fĂ©dĂ©rĂ©s. Actes du sixiĂšme congrĂšs de Lyon (23-25 octobre 2014), Lyon, (lire en ligne), p. 409-419
- Véronique Gazeau, Pierre Bauduin et Yves Modéran, Identité et ethnicité: concepts, débats historiographiques, exemples (IIIe-XIIe siÚcle), Publications du CRAHM, (ISBN 978-2-902685-36-3, lire en ligne), p. 98, 104
Annexes
Bibliographie
- Marcel BĂ©nabou, La RĂ©sistance africaine Ă la romanisation, La DĂ©couverte, Paris, 2005.
- Gabriel Camps, « Les Bavares, peuples de Maurétanie Césarienne », Revue Africaine, 99, 1955, p. 241-288.
- Claude Lepelley (dir.), Rome et lâintĂ©gration de lâEmpire, 44 av. J.-C. â 260 ap., Tome 2, Approches rĂ©gionales du Haut-Empire romain, Nouvelles Clio, 1998.
- Pierre Salama, « Nouveaux tĂ©moignages de l'Ćuvre des SĂ©vĂšres dans la MaurĂ©tanie CĂ©sarienne », Libyca ArchĂ©ologie, Ăpigraphie, t. 1, 1953, p. 231 - 261.