Banquet des maires de 1900
Le banquet des maires de 1900 est un gigantesque banquet qui se tint Ă Paris le et oĂč furent conviĂ©s l'ensemble des maires de France.
OrganisĂ© Ă l'initiative du prĂ©sident de la RĂ©publique, Ămile Loubet, et de son prĂ©sident du Conseil, Pierre Waldeck-Rousseau, Ă l'occasion de l'exposition universelle de 1900 qui eut lieu Ă Paris du au , il rĂ©unit 22 965 convives[1] qui rĂ©pondirent Ă l'invitation.
Date choisie
La date du fut choisie comme Ă©tant le jour anniversaire de la proclamation de la RĂ©publique en 1792, soit 108 ans auparavant, et le prĂ©sident ne manqua pas de le rappeler, en parlant des ancĂȘtres de la RĂ©volution : « Lorsqu'ils proclamĂšrent la RĂ©publique, ils voulaient organiser la dĂ©fense nationale en mĂȘme temps que la dĂ©mocratie, de sorte qu'ils nous ont donnĂ© l'exemple du courage sous ses deux plus belles formes, et que cet anniversaire est la fĂȘte du patriotisme autant que la fĂȘte de la libertĂ©. »[2]. Cette festivitĂ© fut reportĂ©e comme conviviale et amicale dans la presse de masse, alors qu'elle fait Ă l'Ă©poque un possible usage de la caricature[3].
Contexte des banquets
L'organisation de banquets de grande taille était une pratique qui remontait surtout à l'époque de la DeuxiÚme République (alors organisés par les opposants à la monarchie de Juillet mécontents de la politique de Guizot).
Elle s'Ă©tait transformĂ©e en coutume moins hostile au cours de la TroisiĂšme RĂ©publique Ă l'instar du banquet du oĂč le prĂ©sident Sadi Carnot, nouvellement Ă©lu, offrit un banquet Ă tous les maires des chefs-lieux dâarrondissement et de cantons et oĂč environ 4 000 invitĂ©s rĂ©pondirent Ă lâinvitation[4]. On trouve celui du donnĂ© aux maires des principales villes de France en l'honneur du centenaire de l'historien Michelet[5]. On trouve prĂ©cĂ©demment aussi Ă celui-ci le banquet du , dit banquet du Centenaire, prodiguĂ© par la municipalitĂ© de Paris Ă l'occasion du centenaire de la RĂ©volution française et qui vit 11 182 maires rĂ©unis au palais de l'Industrie pendant l'exposition universelle de Paris de 1889[6].
Organisation
Dans le jardin des Tuileries, furent dressées deux immenses tentes reliées entre elles par des tentes perpendiculaires. 700 tables de 10 mÚtres de long chacune pouvant recevoir de 32 à 36 couverts, soit sept kilomÚtres, furent installées[7].
à droite du président de la République, est assis le président du Sénat, Armand FalliÚres ; à sa gauche, se trouve Paul Deschanel, président de la Chambre des députés. Le président du Conseil, Waldeck-Rousseau, les ministres, les députés, les sénateurs, la magistrature, l'armée, les personnages éminents de la nation sont à la table présidentielle[8].
Les convives venant de France, d'Algérie et d'Outre-mer[3] furent classés par département[9] et par ordre alphabétique, ce qui provoqua des querelles de préséance (par exemple le doyen en ùge et le doyen en exercice de la fonction de maire).
Selon le vĆu du prĂ©sident de la RĂ©publique, le repas ne dura pas plus de 90 minutes.
Les quantités de matériel nécessaire furent fort importantes, à l'image de la manifestation[7]:
- 10 km de nappes molletonnées,
- 7 km de molletons,
- 7 km de nappes,
- 125 000 assiettes avec reproduction en fac-simile de la tapisserie « Armes de la République » exposée[3],
- 55 000 fourchettes,
- 55 000 cuillĂšres,
- 60 000 couteaux,
- 126 000 verres
Six bicyclettes furent prĂ©vues pour transmettre rapidement les ordres de service. De mĂȘme, une automobile (De Dion-Bouton de 4 CV) permettait au gĂ©nĂ©ral de brigade de circuler entre les tables.
Environ 3 000 personnes furent employées pour la cuisine et le service[7] et furent organisées par un seul traiteur [3] :
- 11 chefs « gros bonnets »
- 220 chefs de partie
- 400 cuisiniers
- 2 150 maĂźtres d'hĂŽtel
- 50 préposés aux vestiaires
De la mĂȘme façon, les fournitures pour le repas sont encore impressionnantes[10] :
- 2 000 kg de saumon
- 1 430 faisans
- 2 500 poulardes
- 1 200 litres de mayonnaise
- 10 000 pĂȘches
- 1 000 kg de raisin
- 3 000 litres de café
Carte
La carte est marquĂ©e du blason tricolore RF avec armoiries (mĂ©daillons) encadrantes, et avec en entĂȘte l'inscription « EXPOSITION UNIVERSELLE ». Sur la partie gauche se trouve le menu du repas, et sur la partie droite le programme des festivitĂ©s qui se dĂ©roulĂšrent en parallĂšle, Ă la salle des fĂȘtes[3].
Menu
- Hors-d'Ćuvre
- Darnes de saumon glacées parisienne
- Filet de bĆuf en Bellevue[11]
- Pains de canetons de Rouen
- Poulardes de Bresse rĂŽties
- Ballotines de faisans Saint-Hubert
- Salade Potel[12]
- Glaces SuccÚs - Condés
- Dessert
Pour les vins, 39 000 bouteilles dont 1 500 de Fine Champagne furent utilisées :
- Preignac servi en carafe ;
- Saint-julien servi en carafe ;
- Haut Sauternes ;
- Beaune Margaux[13] Jean Calvet 1887 ;
- Champagne Montebello.
Le personnel ne fut pas en reste puisquâil eut droit Ă 3 000 litres de « gros rouge ».
Festivités
Le programme des festivités est le suivant :
PROGRAMME
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SALLE DES FĂTES
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La Marseillaise
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DANSES
DE JADIS ET DE NAGUĂRE
I â Danses Barbares
II â Danses Grecques
III â Danses Françaises
IV â Danses Modernes
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LE CHANT DU DĂPART
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Avec le concours de la Comédie-Française et de l'Académie Nationale de Musique et de Danse (Orchestre de l'Opéra)
Plaquette
Une plaquette en bronze fut éditée à cette occasion, d'aprÚs Frédéric de Vernon (1858-1912).
De format rectangulaire (4,5 Ă 6,2 cm), elle est signĂ©e F. Vernon sur le revers oĂč deux allĂ©gories fĂ©minines dont l'une reprĂ©sente Marianne portant des libations au banquet. Sur l'avers, inscription « Banquet des Tuileries offert aux maires de France sous la prĂ©sidence de M. E.Loubet prest [prĂ©sident] de la RĂ©publique et de Waldeck Rousseau Prest [prĂ©sident] du Conseil Paris ». En dessous de l'inscription, dans un cartouche se dĂ©tachant sur ramures de chĂȘne et de laurier, Ă©taient gravĂ©s l'initiale du prĂ©nom et le nom du maire. Ces plaquettes bifaces se retrouvent encore dans les collections privĂ©es ou dans des mairies.
Sources
- Adolphe DĂ©my, Essai historique sur les expositions universelles de Paris, Paris, A. Picard et fils, , 1097 p. (lire en ligne).
- Menu et programme distribué aux convives.
Notes et références
- Le chiffre est assez controversé. Certaines sources donnent jusqu'à plus de 29 000 convives. Le nombre de convives est à distinguer du nombre de maires présents. Démy 1907, p. 645 : « Il y avait 22 278 invités, dont 20 777 maires ».
- DĂ©my 1907, p. 646.
- (en) Jane Hanks, « 23,000 for lunch? This was the banquet of the century », The Connexion (en), no 183,â , p. 22â23 (lire en ligne) : « ...Potel et Chabot, le traiteur choisi Ă©tait dĂ©jĂ renommĂ©...Son succĂšs lors de cette fĂȘte de l'unitĂ© nationale...en pĂ©riode de coup d'Ă©tat et d'affaire Dreyfus...pour ce repas froid au nombre de convives encore non battu de nos jours fut tel qu'il acquit une dimension mondiale. » « ...La dĂ©coration sous les tentes fut simple mais impressionnante...La tapisserie reproduite sur les assiettes porte les boucliers symboliques de la VĂ©ritĂ© et la Justice, un lion reprĂ©sentant la force y est figurĂ© avec deux enfants sous sa protection, le coq national tient un autre enfant et chante âLibertĂ©, ĂgalitĂ©, FraternitĂ©â » « ...Il y eut une large couverture de cet Ă©vĂšnement par les journaux...La Croix rapporta qu'il y avait âla plus franche cordialitĂ©â...La Revue municipale de Paris parle de âsplendide soleil...depuis 9 h le matin la foule s'est amassĂ©e derriĂšre les barriĂšres pour ĂȘtre tĂ©moin des festivitĂ©s...ils voulaient voir les couteaux et les fourchettes dans leur arrangement parfait sur les nappes parfaitement blanches...ils voulaient aussi accueillir les maires [qui dĂ©ambulaient dans le jardin]â... »
- Le Président reçoit sur le site Sénat - 14 juillet.
- Lucien Lambeau, L'HÎtel de Ville de Paris, Renouard et H. Laurens, coll. « Les Richesses d'art de la ville de Paris », , 224 p., p. 205 [lire en ligne].
- (en) Annegret Fauser, Musical encounters at the 1889 Paris World's Fair, Rochester (New York), University of Rochester Press, , 391 p. (ISBN 1-58046-185-9), p. 108 [lire en ligne].
- Jean Vitaux, Les petits plats de l'histoire, Paris, Presses universitaires de France, , 188 p. (ISBN 978-2-13-058774-3).
- Souvenir de l'exposition d'aprĂšs l'almanach Vermot, 1901.
- Cent ans de vie dans la région, t. 1 : 1900-1914, La Voix du Nord éditions, , p. 37 : 524 maires du Nord et 688 du Pas-de-Calais participent au banquet
- Les chiffres pour le bĆuf et les canetons ne sont pas fournis.
- La cuisson « en Bellevue » consiste en un lustrage à la gelée des viandes, surtout pour les poissons (aprÚs cuisson au court-bouillon) et les volailles.
- Potel, histoire du plus grand banquet de tous les temps.
- A priori, ce cru n'a pas de rapport avec le vignoble de Margaux.