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Axiome du choix

En mathĂ©matiques, l'axiome du choix, abrĂ©gĂ© en « AC », est un axiome de la thĂ©orie des ensembles qui « affirme la possibilitĂ© de construire des ensembles en rĂ©pĂ©tant une infinitĂ© de fois une action de choix, mĂȘme non spĂ©cifiĂ©e explicitement[1]. »

Pour tout ensemble d'ensembles non vides (les jarres), il existe une fonction qui associe à chacun de ces ensembles (ces jarres) un élément contenu dans cet ensemble (cette jarre).

Il a Ă©tĂ© formulĂ© pour la premiĂšre fois par Ernest Zermelo en 1904 pour la dĂ©monstration du thĂ©orĂšme de Zermelo[2]. L'axiome du choix peut ĂȘtre acceptĂ© ou rejetĂ©, selon la thĂ©orie axiomatique des ensembles choisie.

ÉnoncĂ©

L'axiome du choix peut s'Ă©noncer comme suit :

(0) « Pour tout ensemble X d'ensembles non vides, il existe une fonction définie sur X, appelée fonction de choix, qui à chaque ensemble A appartenant à X associe un élément de cet ensemble A. »

ce qui s'Ă©crit formellement : [3].

L'appel à cet axiome n'est pas nécessaire si X est un ensemble fini car c'est une conséquence de la définition d'ensemble non vide (c'est-à-dire qu'il existe un élément appartenant à cet ensemble). Dans ce cas, le résultat se montre par récurrence sur le nombre d'éléments de X.

Il y a d'autres cas oĂč une fonction de choix f peut ĂȘtre dĂ©finie sans l'axiome du choix. Par exemple, pour un ensemble X d'ensembles non vides d'entiers naturels, on peut dĂ©finir une fonction de choix en posant, pour A un Ă©lĂ©ment de X, f(A) Ă©gal au plus petit Ă©lĂ©ment de A (on s'est servi de la propriĂ©tĂ© de bon ordre sur les entiers naturels, et non de l'axiome du choix). Cependant dans le cas gĂ©nĂ©ral, l'existence d'une fonction de choix repose sur l'axiome ci-dessus, par exemple pour dĂ©montrer le thĂ©orĂšme de König.

Autres formulations

On trouve d'autres formulations de l'axiome du choix, trÚs proches de la précédente, dont les suivantes :

ÉnoncĂ©s Ă©quivalents

L'axiome du choix est souvent utilisé par l'intermédiaire de l'un des deux énoncés suivants qui lui sont équivalents :

Le théorÚme de Zermelo implique immédiatement l'axiome du choix : comme pour les entiers naturels (voir supra), si E est muni d'un bon ordre, le minimum pour celui-ci fournit une fonction de choix sur l'ensemble des parties non vides de E (énoncé (0')).

On montre assez facilement que le lemme de Zorn implique le thĂ©orĂšme de Zermelo (et donc l'axiome du choix, d'aprĂšs ce qui prĂ©cĂšde) et, directement mais par la mĂȘme mĂ©thode, que le lemme de Zorn implique l'axiome du choix.

Il est un peu plus délicat de démontrer que l'axiome du choix implique le lemme de Zorn (et donc le théorÚme de Zermelo). On peut utiliser dans les deux cas assez naturellement la théorie des ordinaux, mais il est possible de démontrer le lemme de Zorn en travaillant directement sur la structure d'ordre de l'inclusion sur un ensemble de parties (c'est un ensemble inductif).

Indépendance de l'axiome du choix relativement à ZF

L'axiome du choix ne fait pas partie du jeu d'axiomes de la théorie des ensembles ZF. On appelle théorie ZFC, la théorie ZF munie en plus de l'axiome du choix.

En 1938, Kurt Gödel démontre que ZF+AC est une théorie cohérente si ZF l'est[6] - [7].

En 1963, Paul Cohen dĂ©montre que ZF+(non)AC est aussi une thĂ©orie cohĂ©rente si ZF l'est. Ce qui achĂšve la dĂ©monstration de l’indĂ©pendance de l'axiome du choix vis-Ă -vis des autres axiomes de ZF.

Cet axiome fait partie des axiomes optionnels et controversĂ©s de la thĂ©orie des ensembles. En effet, l'existence d'un objet dĂ©fini Ă  partir de l'axiome du choix n'est pas une existence constructive, c’est-Ă -dire que l'axiome ne dĂ©crit aucunement comment construire l'objet dont on affirme l'existence[8]. Ainsi, dire qu'il existe une base de l'espace vectoriel des fonctions continues de ℝ dans ℝ ne permet en aucune façon de dĂ©crire une telle base. De ce point de vue, l'axiome du choix peut paraĂźtre d'un intĂ©rĂȘt limitĂ© et c'est pourquoi certains mathĂ©maticiens se montrent plus satisfaits d'une dĂ©monstration s'ils peuvent Ă©viter d'avoir recours Ă  cet axiome du choix. Mais la plupart des mathĂ©maticiens l'utilisent sans rĂ©ticence particuliĂšre.

Une illustration due Ă  Bertrand Russell

Bertrand Russell disait à propos de l'axiome du choix : « Pour choisir une chaussette plutÎt que l'autre pour chaque paire d'une collection infinie, on a besoin de l'axiome du choix. Mais pour les chaussures, ce n'est pas la peine[9]. »

Explication :

  • Les deux chaussettes d'une mĂȘme paire sont indistinguables. MĂȘme si chaque matin on arrive Ă  choisir celle qu'on va mettre en premier, il n'y a pas de procĂ©dĂ© gĂ©nĂ©ral qui permette de dĂ©cider Ă  l'avance cette infinitĂ© de choix ;
  • Pour les chaussures, on distingue la chaussure gauche de la chaussure droite. Ainsi, il existe une fonction de choix naturelle : par exemple, toujours choisir la chaussure gauche[10].

Exemples de théorÚmes nécessitant l'axiome du choix

Formes faibles de l'axiome du choix

Il existe des formes faibles de l'axiome du choix que le mathĂ©maticien utilise couramment, la plupart du temps sans s'en apercevoir[14] Ă  moins d'ĂȘtre logicien ou « constructiviste », et qui servent Ă  « construire » des suites. Elles sont absolument indispensables pour l'exposĂ© usuel des fondements de l'analyse.

Axiome du choix dénombrable

Cet axiome, abrĂ©gĂ© en « ACω », est la restriction de l'axiome du choix aux familles dĂ©nombrables :

« Étant donnĂ©e une famille dĂ©nombrable d'ensembles non vides, il existe une fonction qui Ă  chacun d'entre eux associe un de ses Ă©lĂ©ments. »

Il est par exemple utilisé pour démontrer :

Attention à une confusion courante : c'est la famille d'ensembles qui est dénombrable, aucune hypothÚse n'étant faite sur les ensembles composant cette famille. L'axiome du choix dénombrable ne concerne pas la question du choix d'un élément dans un ensemble dénombrable mais la possibilité de faire une infinité dénombrable de choix simultanément.

Axiome du choix dépendant

Cet axiome, abrégé en « DC », assure que, si R est une relation sur un ensemble non vide E vérifiant

alors il existe une suite (xn) d'éléments de E telle que

Une forme plus forte de l'axiome du choix : l'epsilon de Hilbert

David Hilbert a introduit l'opĂ©rateur Δ, qui Ă  toute propriĂ©tĂ© P associe un objet Δx.P(x) tel que, si P est vĂ©rifiĂ©e par au moins un Ă©lĂ©ment, alors P est vĂ©rifiĂ©e par Δx.P(x). Cette construction permet de dĂ©finir les quantificateurs et elle est utilisĂ©e par Nicolas Bourbaki pour dĂ©velopper sa thĂ©orie des ensembles, avec une variante notationnelle utilisant la lettre τ (tau)[16].

Il est alors assez simple de montrer que l'axiome du choix devient un thĂ©orĂšme, c'est-Ă -dire une consĂ©quence des autres axiomes, et des rĂšgles logiques gouvernant l'emploi du tau[17]. L'opĂ©rateur tau fournit en effet une « fonction » de choix universelle, une construction (qui n'est pas une fonction au sens ensembliste) associant Ă  tout ensemble non vide un Ă©lĂ©ment de celui-ci. Tout Ă©noncĂ© de la thĂ©orie des ensembles de Bourbaki se traduit facilement dans une thĂ©orie des ensembles de type ZF Ă  laquelle on a ajoutĂ© un nouveau symbole de relation, et un axiome utilisant celui-ci qui exprime que cette relation est une relation de bon ordre sur tout l'univers : le principe du choix. Le tau peut alors s'interprĂ©ter par « le plus petit x vĂ©rifiant une propriĂ©tĂ© P s’il existe ». Si cette relation n’est vĂ©rifiĂ©e par aucun objet, alors ce tau est un objet « dont on ne peut rien dire[17] ».

On associe de cette façon à tout énoncé clos démontrable dans la théorie de Bourbaki un énoncé traduit utilisant ce nouveau symbole qui est démontrable dans la théorie des ensembles ZF dont les schémas d'axiomes (on peut se restreindre au schéma d'axiomes de remplacement) ont été étendus aux énoncés contenant le nouveau symbole, et avec le principe du choix. En ajoutant l'axiome de fondation, la nouvelle théorie est conservative au-dessus de la théorie ZFC (avec axiome de fondation)[18], c'est-à-dire qu'elle ne démontre pas de nouvel énoncé du langage initial.

Notes et références

  1. Patrick Dehornoy, chap. 4 « L'axiome du choix », dans Logique et théorie des ensembles, Notes de cours, FIMFA ENS, (lire en ligne), p. 104.
  2. (de) E. Zermelo, « Beweis, daß jede Menge wohlgeordnet werden kann », Mathematische Annalen, vol. 59,‎ , p. 514–516 (DOI 10.1007/BF01445300, lire en ligne, consultĂ© le ).
  3. Dehornoy 2006, p. 106.
  4. Dehornoy 2006, p. 109.
  5. (en) H. Rubin et J. E. Rubin, Equivalents of the Axiom of Choice, vol. II, North-Holland Publishing Company, (lire en ligne), p. 8.
  6. (en) Kurt Gödel, « The Consistency of the Axiom of Choice and of the Generalized Continuum-Hypothesis », PNAS, vol. 24, no 12,‎ , p. 556–557 (DOI 10.1073/pnas.24.12.556).
  7. (en) Kurt Gödel, The Consistency of the Axiom of Choice and of the Generalized Continuum-Hypothesis with the Axioms of Set Theory, Princeton University Press, 1940, 72 pages, (ISBN 978-0-69107927-1) [lire en ligne].
  8. Une telle construction est d'ailleurs démontrée impossible (en n'utilisant que les axiomes de ZF), car sinon, elle donnerait une preuve de l'axiome du choix dans ZF, contredisant le résultat de Paul Cohen.
  9. La métaphore des chaussettes et des chaussures se trouve dans Introduction to Mathematical Philosophy de Bertrand Russell, (1993) [1919], Dover, New York (ISBN 978-0-486-27724-0), p. 125-127.
  10. En 1963, Paul Cohen a construit un modĂšle (relatif) de ZF dans lequel une certaine famille dĂ©nombrable de paires n'a pas de fonction de choix, confirmant l'intuition de Russell. La rĂ©union d'une telle famille ne peut pas ĂȘtre dĂ©nombrable. La mĂȘme annĂ©e, Solomon Feferman et Azriel LĂ©vy ont construit un modĂšle (relatif) de ZF dans lequel R lui-mĂȘme est rĂ©union dĂ©nombrable d'ensembles dĂ©nombrables ((en) P. Cohen, « The Independence of the Continuum Hypothesis », PNAS, vol. 50, no 6,‎ , p. 1143-1148 (JSTOR 71858) et (en) Paul J. Cohen, « The Independence of the Continuum Hypothesis, II », PNAS, vol. 51, no 1,‎ , p. 105-110 (JSTOR 72252) ; (en) S. Feferman et A. LĂ©vy, « Independence results in set theory by Cohen's method II (abstract) », Notices Amer. Math. Soc., vol. 10,‎ , p. 593).
  11. (en) Jon Barwise, Handbook of Mathematical Logic, Amsterdam/New York, Elsevier, , 8e éd., 1165 p. (ISBN 978-0-444-86388-1, lire en ligne), p. 347, citant (en) Abraham Adolf Fraenkel, Yehoshua Bar-Hillel et Azriel Lévy, Foundation of Set Theory, Amsterdam, Elsevier, coll. « Studies in Logic » (no 67), , 2e éd. (ISBN 978-0-7204-2270-2).
  12. (en) John J. O'Connor et Edmund F. Robertson, « A history of set theory », sur MacTutor, université de St Andrews.
  13. (en) Andreas Blass, « Existence of bases implies the axiom of choice » [PDF], Contemporary Mathematics, 31 (1984), 31-33.
  14. (en) Horst Herrlich, Axiom of Choice, Springer, (lire en ligne), « Hidden Choice », p. 21-26.
  15. Plus précisément, l'axiome du choix dénombrable est une condition suffisante (mais non nécessaire) pour que tout ensemble fini au sens de Dedekind soit fini au sens usuel : voir par exemple Herrlich 2006, chap. 4, p. 48. Par contre, dans une théorie sans axiome du choix, on montre que l'on ne peut exclure l'existence d'ensembles qui sont à la fois finis au sens de Dedekind et infinis au sens usuel.
  16. Nicolas Bourbaki, ÉlĂ©ments d'histoire des mathĂ©matiques [dĂ©tail des Ă©ditions], section « Fondements des mathĂ©matiques ; logique ; thĂ©orie des ensembles », sous-section « La formalisation de la logique », p. 21, Ă©crit : « [
] la plus intĂ©ressante [des modifications ingĂ©nieuses des langages formalisĂ©s actuels] est sans doute l'introduction par Hilbert du symbole : τ, qui permet de considĂ©rer comme des signes abrĂ©viateurs les quantificateurs ∃ et ∀, d'Ă©viter l'introduction du symbole fonctionnel « universel » Îč de Peano et Russell (qui ne s'applique qu'Ă  des relations fonctionnelles), et enfin dispense de formuler l'axiome du choix dans la thĂ©orie des ensembles ([163 a], t.III, p. 183.) », la note ([163 a], t.III, p. 183.) renvoyant Ă  : (de) D. Hilbert, Gesammelte Abhandlungen, 3 vol., Berlin (Springer), 1932-35.
  17. N. Bourbaki, ÉlĂ©ments de mathĂ©matique, vol. I : ThĂ©orie des ensembles [dĂ©tail des Ă©ditions], partie 1, chap. 3 (« ThĂ©ories quantifiĂ©es »).
  18. Ceci se démontre en utilisant une variante simple de la méthode de forcing, qui n'utilise pas de générique, voir Jean-Louis Krivine, Théorie des ensembles [détail des éditions], chap. 10.

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

Ouvrages

  • (en) Paul Howard et Jean Rubin, Consequences of the Axiom of Choice, AMS, coll. « Mathematical Surveys and Monographs (en) » (no 59), (lire en ligne)
  • (en) Thomas J. Jech, The Axiom of Choice, Dover, (1re Ă©d. 1973) (lire en ligne)
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