Surjection
En mathématiques, une surjection ou application surjective est une application pour laquelle tout élément de l'ensemble d'arrivée a au moins un antécédent, c'est-à -dire est image d'au moins un élément de l'ensemble de départ. Il est équivalent de dire que l'ensemble image est égal à l'ensemble d'arrivée.
Il est possible d'appliquer l'adjectif « surjectif » à une fonction (voire à une correspondance) dont le domaine de définition n'est pas tout l'ensemble de départ, mais en général le terme « surjection » est réservé aux applications (qui sont définies sur tout leur ensemble de départ), auxquelles nous nous limiterons dans cet article (pour plus de détails, voir le paragraphe « Fonction et application » de l'article « Application »).
Pour désigner les ensembles de départ et d'arrivée d'une surjection, il est usuel de dire « de A sur B » au lieu de « de A dans B » comme pour une application en général.
Dans le cas d'une fonction réelle d'une variable réelle, sa surjectivité est équivalente au fait que son graphe intersecte toute droite parallÚle à l'axe des abscisses.
Une application qui est Ă la fois surjective et injective est une bijection.
DĂ©finition formelle
Une application f de X dans Y est dite surjective si pour tout élément y de Y, il existe au moins un élément x de X tel que f(x) = y, ce qui s'écrit formellement :
- .
Exemples
Exemple concret
On considĂšre le cas d'une station de vacances oĂč un groupe de touristes doit ĂȘtre logĂ© dans un hĂŽtel. Chaque façon de rĂ©partir ces touristes dans les chambres de l'hĂŽtel peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par une application de l'ensemble X des touristes vers l'ensemble Y des chambres (Ă chaque touriste est associĂ©e une chambre).
- L'hĂŽtelier souhaite que l'application soit surjective, c'est-Ă -dire que chaque chambre soit occupĂ©e. Cela n'est possible que s'il y a au moins autant de touristes que de chambres (dans ce cas, plusieurs touristes peuvent occuper la mĂȘme chambre).
- Les touristes souhaitent que l'application soit injective, c'est-à -dire que chacun d'entre eux ait une chambre individuelle. Cela n'est possible que si le nombre de touristes ne dépasse pas le nombre de chambres.
- Ces souhaits ne sont compatibles que si le nombre de touristes est égal au nombre de chambres. Dans ce cas, il sera possible de répartir les touristes de telle sorte qu'il y en ait un seul par chambre, et que toutes les chambres soient occupées : l'application sera alors à la fois injective et surjective ; on dira qu'elle est bijective.
Exemples et contre-exemples dans les fonctions réelles
La fonction définie par
n'est pas surjective car certains rĂ©els ne possĂšdent pas d'antĂ©cĂ©dent. Par exemple, il n'y a pas de rĂ©el x tel que f(x) = â4. Mais si on change la dĂ©finition de f en donnant comme ensemble d'arrivĂ©e â+,
alors elle le devient car chaque réel positif possÚde au moins un antécédent : 0 possÚde exactement un antécédent, 0, et tous les réels y strictement positifs en possÚdent deux, la racine carrée de y et son opposé.
La fonction définie par
est surjective puisque, pour tout rĂ©el arbitraire y, il existe des solutions Ă l'Ă©quation y = 2x + 1 d'inconnue x ; une solution est x = (y â 1) / 2.
La fonction définie par
n'est pas surjective car les rĂ©els strictement plus grands que 1 ou strictement plus petits que â1 n'ont pas d'antĂ©cĂ©dent. Mais la fonction dĂ©finie par
qui possĂšde la mĂȘme expression que g, mais avec un ensemble d'arrivĂ©e qui a Ă©tĂ© restreint Ă l'ensemble des rĂ©els compris entre â1 et 1, est surjective. En effet, pour tout rĂ©el arbitraire y de l'intervalle [â1, 1], il existe des solutions Ă l'Ă©quation y = cos(x) d'inconnue x : ce sont les rĂ©els x = ±arccos(y) + 2kÏ pour tout entier relatif k.
Sur ces quelques exemples, on voit qu'il est toujours possible de transformer une application non surjective en une surjection à condition de restreindre son ensemble d'arrivée.
Propriétés
Réduction de l'ensemble d'arrivée
Si f est une application de X dans Y et Im(f) = f(X) son ensemble image (c'est-à -dire l'ensemble des images par f des éléments de X), alors l'application
est une surjection.
En d'autres termes, si f est corestreinte à Im(f), c'est-à -dire si on remplace son ensemble d'arrivée par son ensemble image, elle devient surjective.
DĂ©composition canonique
Toute application f peut ĂȘtre dĂ©composĂ©e comme f = iâs oĂč s est une surjection et i une injection. Cette dĂ©composition est unique Ă un isomorphisme prĂšs. Une dĂ©composition est fournie dans le paragraphe dĂ©taillĂ©. Une autre (Ă©quivalente) est de choisir pour s la surjection dĂ©finie ci-dessus, et pour i l'injection canonique de l'image de f dans son ensemble d'arrivĂ©e.
Images directes et réciproques
Pour toute application f : X â Y, les quatre propriĂ©tĂ©s suivantes sont Ă©quivalentes[1] :
- f est surjective ;
- tout sous-ensemble B de Y est l'image directe de son image rĂ©ciproque, c.-Ă -d. f(f â1(B)) = B ;
- f(f â1(Y)) = Y ;
- pour toute partie A de X, le complĂ©mentaire de l'image directe de A est inclus dans l'image directe du complĂ©mentaire de A, c.-Ă -d. Y\f(A) â f(X\A).
Surjectivité et composée
Soit f une application de X dans Y.
- Pour toute application g de Y dans Z[1] :
- si gâf est surjective alors g est surjective ;
- si f et g sont surjectives alors gâf est surjective ;
- si g est injective et si gâf est surjective alors f est surjective.
- f est surjective si et seulement si, pour tout Z et pour toutes applications g et h de Y dans Z, gâf = hâf entraĂźne g = h[1]. En d'autres termes, les surjections sont prĂ©cisĂ©ment les Ă©pimorphismes dans la catĂ©gorie des ensembles.
Section et axiome du choix
Soit f une application de X dans Y. Si f est « inversible Ă droite », c'est-Ă -dire[2] s'il existe une application g de Y dans X telle que la fonction composĂ©e fâg soit Ă©gale Ă l'application identitĂ© sur Y, alors f est surjective (d'aprĂšs une propriĂ©tĂ© vue plus haut).
Une telle application g est appelée une section, ou inverse à droite[3] de f. Elle est nécessairement injective.
Réciproquement, si f est surjective alors elle admet une section. Cette propriété s'appuie sur le fait que l'on peut toujours « remonter les flÚches » de Y vers X . Elle est toujours vraie si Y est fini. L'affirmation[4] qu'elle est vraie pour tout ensemble Y est équivalente à l'axiome du choix[5].
Construction d'une fonction g. |
fâg = IdentitĂ© dans Y. |
Cardinaux
- S'il existe une surjection de X dans Y, alors (d'aprÚs ce qui précÚde, donc en admettant l'axiome du choix) il existe une injection de Y dans X, autrement dit l'ensemble X a au moins autant d'éléments que l'ensemble Y, au sens des cardinaux.
- ThéorÚme de Cantor (sans axiome du choix) : pour tout ensemble X, il n'existe aucune surjection de X dans l'ensemble de ses parties.
DĂ©nombrement des surjections dans le cas fini
Le nombre de surjections d'un ensemble à n éléments sur un ensemble à p éléments est égal à :
oĂč est le nombre de Stirling de seconde espĂšce.
Ceci peut se démontrer par la formule d'inversion de Pascal, ou le principe d'inclusion-exclusion.
Notes et références
- Voir par exemple .
- Lucien Chambadal et Jean-Louis Ovaert, Cours de mathématiques, vol. 1 : Notions fondamentales d'algÚbre et d'analyse, Gauthier-Villars, , p. 27.
- N. Bourbaki, ĂlĂ©ments de mathĂ©matique : ThĂ©orie des ensembles [dĂ©tail des Ă©ditions], p. II-19 sur Google Livres.
- Bourbaki, p. II-18, la démontre en utilisant une forme plus forte que l'axiome du choix.
- Saunders Mac Lane, Garrett Birkhoff et Jean Weil, AlgÚbre et solutions développées des exercices : structures fondamentales, les grands théorÚmes, théorie de Galois, J. Gabay, (ISBN 2-87647-138-8 et 978-2-87647-138-2, OCLC 490130463), p. 11