Théorème de Hahn-Banach

Quitte à faire préalablement une translation, on supposera que l'origine est dans C. Dès lors, puisque L ne rencontre pas C, c'est donc un sous-espace affine évitant l'origine.

Notons p la jauge du convexe C. Elle est sous-linéaire et donc convexe ; par définition même d'une jauge, il est évident que pour tout x dans C, ${\displaystyle p(x)\leq 1}$. Comme on a supposé C ouvert, on peut aller un peu plus loin : d'une part C est un voisinage de 0 et toute demi-droite ouverte issue de 0 contient donc des points de C, ce dont on déduit que p ne prend pas la valeur ${\displaystyle +\infty }$ ; d'autre part, on peut améliorer l'inégalité large ${\displaystyle p(x)\leq 1}$ et préciser sans peine que les points de C sont caractérisés par l'inéquation stricte p(x) < 1. Voilà pour la fonction sous-linéaire.

Notons G le sous-espace vectoriel engendré par L. Puisque ${\displaystyle 0\not \in L}$, la sous-variété affine L est de codimension 1 dans G et il existe une (et une seule) forme linéaire f sur G telle que L soit la partie de G d'équation f(x)=1. Voilà pour la forme linéaire à prolonger.

Enfin, pour x dans L, ${\displaystyle 1\leq p(x)}$ (puisque ${\displaystyle x\not \in C}$) tandis que f(x)=1. La condition ${\displaystyle f(x)\leq p(x)}$ est donc vérifiée sur L. En jouant sur l'homogénéité positive de f et de p, on étend son domaine de validité à un demi-espace strict de G ; sur l'autre demi-espace f prend des valeurs négatives ou nulles tandis que, comme partout, p est à valeurs positives ou nulles. L'inégalité ${\displaystyle f(x)\leq p(x)}$ est donc vraie partout dans G.

Toutes les hypothèses de la version dite « analytique » du théorème sont en place. Appliquons-la donc. Elle nous offre une nouvelle forme linéaire encore notée f, cette fois définie sur E tout entier. Notons H l'hyperplan affine d'équation f(x)=1 : par construction, c'est bien un hyperplan contenant L.

Soit maintenant un point x de C : pour ce point, ${\displaystyle f(x)\leq p(x)}$ (puisque f a été produite par la forme analytique de Hahn-Banach) et p(x)<1 (puisqu'on est dans l'ouvert convexe C). Donc ${\displaystyle f(x)\neq 1}$, et x n'est pas dans H. On a bien vérifié que C et H ne se rencontrent pas.

Enfin les hyperplans d'un espace vectoriel topologique sont nécessairement fermés ou denses. Or H n'est pas dense puisqu'il ne rencontre pas le voisinage C de 0. C'est donc qu'il est fermé.

Première partie : gagner une dimension

Dans un premier temps, on va prolonger la forme linéaire f à un espace plus grand que G en gagnant une dimension. Fixons un élément v de V \ G (s'il n'y en a pas, G = V et on a terminé avant même d'avoir commencé).

Un prolongement linéaire de f au sous-espace vectoriel ${\displaystyle G\oplus \mathbb {R} v}$ est une application de la forme :

${\displaystyle \forall x\in G\quad \forall \lambda \in \mathbb {R} \quad f(x+\lambda v):=f(x)+\lambda \alpha }$

où α est un réel arbitraire.

Un tel prolongement f est majoré par p non seulement sur G mais sur ${\displaystyle G\oplus \mathbb {R} v}$ si et seulement si ce réel α est choisi de telle façon que :

${\displaystyle \forall x\in G\quad \forall \lambda \neq 0\quad f(x)+\lambda \alpha \leq p(x+\lambda v).}$

En posant s = λ si λ > 0 et s = –λ si λ < 0, la condition sur α s'écrit donc :

${\displaystyle \forall x\in G\quad \forall s>0\quad f(x)+s\alpha \leq p(x+sv){\text{ et }}f(x)-s\alpha \leq p(x-sv),}$

ce qui équivaut à :

${\displaystyle \forall x\in G\quad \forall s>0\quad a_{x,s}\leq \alpha \leq b_{x,s}{\text{ avec }}a_{x,s}:={f(x)-p(x-sv) \over s}{\text{ et }}b_{x,s}:={p(x+sv)-f(x) \over s}\cdot }$

La condition d'existence d'un tel α est donc :

${\displaystyle \sup _{x\in G,s>0}a_{x,s}\leq \inf _{x\in G,s>0}b_{x,s}}$

ou encore :

${\displaystyle \forall x,y\in G\quad \forall s,t>0\quad a_{x,s}\leq b_{y,t}.}$

Cette condition est bien réalisée, d'après la convexité de p, la majoration de f sur G et sa linéarité :

${\displaystyle {f(x)-p(x-sv) \over s}\leq {p(y+tv)-f(y) \over t}}$

car

${\displaystyle tf(x)+sf(y)\leq tp(x-sv)+sp(y+tv)}$

car

${\displaystyle {\frac {tp(x-sv)+sp(y+tv)}{s+t}}\geq p\left({\frac {t(x-sv)+s(y+tv)}{s+t}}\right)=p\left({\frac {tx+sy}{s+t}}\right)\geq f\left({\frac {tx+sy}{s+t}}\right)={\frac {tf(x)+sf(y)}{s+t}}\cdot }$

Deuxième partie : utilisation du lemme de Zorn

En raisonnant de proche en proche, on voit que l'on peut prolonger f à des espaces de plus en plus grands. Si G est de codimension finie dans V, alors le procédé ainsi défini s'arrête. Sinon, on utilise l'axiome du choix.

Pour cela, on considère l'ensemble des couples (M,g) dans lesquels M est un sous-espace vectoriel de V contenant G et g est une forme linéaire sur M prolongeant f (en respectant la contrainte de majoration par p), et on l'ordonne partiellement par :

${\displaystyle (M_{1},g_{1})\leq (M_{2},g_{2})\Longleftrightarrow M_{1}\subset M_{2}}$ et ${\displaystyle \forall x\in M_{1},g_{1}(x)=g_{2}(x).}$

L'ensemble des couples est inductif. En effet, il est non vide (le couple (G, f) est son plus petit élément) et si ${\displaystyle (M_{i},g_{i})_{i\in I}}$ est une chaîne non vide, on pose :

${\displaystyle M=\bigcup _{i\in I}M_{i}.}$

M est un sous-espace vectoriel. (En général, une union d'espaces vectoriels n'est pas un espace vectoriel, en revanche, ici, c'est le cas car la famille des ${\displaystyle M_{i}}$ est non vide et totalement ordonnée).

On définit la forme linéaire g sur l'espace M par :

${\displaystyle g(x)=g_{i}(x)}$ si ${\displaystyle x\in M_{i}.}$

On vérifie aisément que cette définition de g est correcte. (M,g) est alors un majorant de la chaîne ${\displaystyle (M_{i},g_{i})_{i\in I}}$. Le lemme de Zorn s'applique, et l'on peut alors trouver un sous-espace N maximal sur lequel f se prolonge.

Maintenant si N n'est pas égal à V, alors la première partie de la démonstration montre que l'on peut prolonger f (définie sur N) à un espace strictement plus grand que N, ce qui est en contradiction avec la maximalité de N.