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Asile départemental de Loir-et-Cher

L’asile départemental de Loir-et-Cher (ou maison de Santé départementale de Blois) était une importante institution psychiatrique située à Blois, dans le quartier du Bourg-neuf, entre 1846 et 1943. Étendu sur plus de 70 hectares à son apogée, l'asile forme une véritable « cité des fous » en périphérie de la ville jusqu'à sa désaffectation par les Allemands durant l'Occupation.

Asile départemental
de Loir-et-Cher
Image illustrative de l’article Asile départemental de Loir-et-Cher
Vue de l'entrée de l'asile par S.K. Nemils (2015).
Présentation
Pays Drapeau de la France France
Ville Blois
Adresse Croisement de l'avenue de Paris (actuelle avenue Maunoury) et de l'avenue Paul-Reneaulme
Fondation 1846
Fermeture 1943
Services
Spécialité(s) Hôpital psychiatrique

Histoire

Antécédents

Sous l'Ancien Régime, aucune institution destinée à accueillir spécifiquement les malades mentaux n'existe à Blois et les « fous » sont généralement envoyés en prison, comme dans le reste de la France. Les choses commencent à changer à partir de la Révolution : les déséquilibrés les plus chanceux sont alors placés dans d'anciens couvents de la ville mais les autres sont encore incarcérés[1].

En 1827, un premier « asile d'aliénés » est finalement créé dans les jardins du bureau de bienfaisance, sur le site actuel du parking Monsabré, derrière la poste du château. Composée de 21 cellules inconfortables, cette institution peut recevoir jusqu'à 50 pensionnaires, ce qui se révèle rapidement insuffisant[1].

Incapable d'accueillir l'ensemble de ses malades, le conseil général de Loir-et-Cher passe, en 1839, un accord avec les autorités du Loiret pour que ces dernières prennent en charge les déséquilibrés du département. Cependant, les dépenses supplémentaires occasionnées par ces transferts de malades poussent le conseil général à fonder son propre asile départemental[1].

Naissance de l'asile départemental

Les locaux de l'asile départemental abritent aujourd'hui la cité administrative (2015).

Un asile départemental est donc finalement installé avenue de Paris (actuelle avenue Maunoury), à Blois, en . Placée sous la direction du docteur Ernest Billod (1819-1886[2]), l'institution connaît un développement extrêmement rapide, passant de 77 internés en 1849 à 413 en 1852. Soucieux de réaliser un maximum de profits grâce à ses pensionnaires, le Dr Billod cherche en effet à multiplier leur nombre[3], ce qui lui vaut bientôt d'être révoqué pour mauvais traitements[2].

Entre-temps, l'asile se voit doté de différents bâtiments, tous conçus par l'architecte départemental Alexandre Pinault. Situé au niveau du croisement entre l'avenue de Paris (actuelle avenue Maunoury) et l'avenue Paul-Reneaulme, le porche de l'hospice donne ainsi accès à une cour flanquée de la maison du directeur (à gauche) et d'un bâtiment administratif (à droite). Un second porche donne ensuite accès à la cour de l'asile proprement dit. Face à elle, apparaît une chapelle, desservie par un aumônier affecté directement à l'institution. À droite et à gauche de la cour, les quartiers des femmes et des hommes se divisent en différentes sections destinées aux malades tranquilles, gâteux et épileptiques, agités et pensionnaires aisés[4].

Au sein de l'établissement, différents ateliers (tissage, menuiserie, vannerie, saboterie, cordonnerie, taille et couture) fournissent des occupations aux patients en même temps qu'ils leur permettent de fabriquer les objets dont ils ont besoin dans leur quotidien. Des promenades, des activités de gymnastique, du chant et des séances de théâtre ou de lanterne magique s'ajoutent au programme des malades[4].

  • Actuel porche de la citĂ© administrative (avenue Maunoury).
    Actuel porche de la cité administrative (avenue Maunoury).
  • La citĂ© administrative abritait auparavant l'asile dĂ©partemental.
    La cité administrative abritait auparavant l'asile départemental.
  • EntrĂ©e sud de la cour d'honneur de l'ancien asile.
    Entrée sud de la cour d'honneur de l'ancien asile.
  • Cour d'honneur de l'ancien asile. L'aile nord abritait la chapelle de l'institution.
    Cour d'honneur de l'ancien asile. L'aile nord abritait la chapelle de l'institution.
  • Cour d'honneur de l'ancien asile (façade sud).
    Cour d'honneur de l'ancien asile (façade sud).

Entre agrandissement et incendie

En 1852, l'asile départemental s'agrandit d'un vaste domaine agricole, qui s'étend de l'avenue de Paris (actuelle avenue Maunoury) jusqu'au chemin des Lions (actuelle rue Honoré-de-Balzac). Composée d'une étable, d'une porcherie, d'une bergerie, d'un poulailler, d'une écurie et de zones de cultures, la ferme fournit à la fois du travail et « un élément puissant de santé et de bonheur pour les malades » (d'après le Dr Billod). De l'aveu même du directeur, elle permet en outre de faire des économies substantielles sur l'approvisionnement des pensionnaires et du personnel[5].

La croissance de l'institution est cependant perturbĂ©e par un incendie qui Ă©clate, le , dans un grenier du quartier des hommes. MaĂ®trisĂ© au bout de deux heures, le feu cause 18 500 francs de dĂ©gâts mais ne fait aucune victime. Bien assurĂ©, l'asile est totalement restaurĂ© dès le suivant[6].

Acquisition de la villa Saint-Lazare

L'hospice Lunier à la fin du XIXe siècle. Gravure de L. Doutrebente.

En 1861, l'asile départemental s'étend à nouveau grâce à l'acquisition, par le Loir-et-Cher, de la villa Saint-Lazare et de son vaste parc de 11 hectares (qui appartiennent aujourd'hui à la cité scolaire Augustin-Thierry). Nouveau directeur de l'institution, le docteur Jules Lunier (1822-1884) y aménage une clinique psychiatrique destinée à l'hébergement de malades aisés atteints de troubles nerveux[7].

Sous la direction de l'architecte Stanislas Beau, la villa Saint-Lazare est largement transformĂ©e Ă  partir de 1872. Ă€ l'est de l'Ă©difice originel (qui correspond aujourd'hui au bâtiment Hugo de la citĂ© scolaire) est ainsi construit un second sur le mĂŞme modèle : il s'agit de l'actuel bâtiment Lunier de la citĂ© scolaire[7]. Identique Ă  la villa Saint-Lazare pour ce qui est de son plan et de son Ă©lĂ©vation, la villa Lunier en diffère par ses matĂ©riaux et sa modĂ©nature. Alors que le bâtiment le plus ancien est fait de calcaire de Beauce et de tuffeau, le nouveau utilise la pierre de Chauvigny. SituĂ© en retrait par rapport Ă  la villa Saint-Lazare et Ă  la villa Lunier, un troisième Ă©difice, de plus faible largeur, vient relier les deux prĂ©cĂ©dents pour former une composition symĂ©trique, typique de l'architecture hospitalière du XIXe siècle. DĂ©truit vers 1970, ce dernier a laissĂ© place au « bâtiment J Â» de la citĂ© scolaire et Ă  son actuel internat[8].

Par la suite, des constructions annexes sont ajoutĂ©es Ă  l'ensemble principal. On peut ainsi citer un Ă©tablissement thermal situĂ© Ă  l'arrière du bâtiment central de l'asile et une sĂ©rie de pavillons cossus dispersĂ©s Ă  travers le parc. DestinĂ©s Ă  l'isolement des malades les plus fortunĂ©s, ces pavillons de brique et de pierre couverts d'une toiture avec auvent de bois sont, pour la plupart, dĂ©truits dans les annĂ©es 1970. Il n'en reste plus, aujourd'hui, que trois : « Les Tilleuls » (oĂą se tiennent certains cours), « Les GlaĂŻeuls Â» (aujourd'hui intĂ©grĂ©e Ă  la Maison des LycĂ©ens) et « Les Acacias Â» (qui sert de logement de fonction)[8].

Malgré l'importance des travaux réalisés pour intégrer la villa Saint-Lazare à l'asile départemental, son parc ne subit que des modifications mineures. Il est ainsi complété d'un verger et ponctué d'allées pour favoriser les promenades des patients du Dr Lunier[8].

  • La villa Saint-Lazare est aujourd'hui le bâtiment Hugo de la citĂ© scolaire Augustin-Thierry.
    La villa Saint-Lazare est aujourd'hui le bâtiment Hugo de la cité scolaire Augustin-Thierry.
  • La villa Lunier abrite aujourd'hui l'administration de la citĂ© scolaire.
    La villa Lunier abrite aujourd'hui l'administration de la cité scolaire.
  • Buste du Dr Jules Lunier par Louis SchrĹ“der.
    Buste du Dr Jules Lunier par Louis Schrœder.
  • Initialement destinĂ©e Ă  de riches dĂ©ments, la villa « Les Acacias Â» est aujourd'hui la rĂ©sidence de l'Intendant de la citĂ© scolaire.
    Initialement destinĂ©e Ă  de riches dĂ©ments, la villa « Les Acacias Â» est aujourd'hui la rĂ©sidence de l'Intendant de la citĂ© scolaire.
  • La villa « Les GlaĂŻeuls Â» est aujourd'hui intĂ©grĂ©e Ă  la Maison des LycĂ©ens.
    La villa « Les GlaĂŻeuls Â» est aujourd'hui intĂ©grĂ©e Ă  la Maison des LycĂ©ens.

Nouveaux agrandissements

L'hospice Dessaignes a laissé place au lycée du même nom (2015).

Au début du XXe siècle, un important legs du député et philanthrope François-Philibert Dessaignes permet au nouveau directeur, le docteur Gabriel Doutrebente (1844-1911), d'agrandir encore l'asile départemental de Loir-et-Cher. Il lui adjoint alors trois nouveaux bâtiments, destinés à « recueillir, soigner et rééduquer dans la mesure du possible les épileptiques, les idiots et les incurables ». Inauguré en 1907, l'hospice Dessaignes, qui abrite aujourd'hui les locaux du lycée du même nom, accueille nombre de vieillards gâteux et indigents[9].

Au début du XXe siècle, l'asile départemental jouit d'une excellente réputation. D'après La Revue médicale de l'Est, il obtient ainsi un taux de rémission de plus de 50%, quand la moyenne nationale atteint à peine les 5,2%[10].

Vers 1910, le docteur Joseph Ramadier acquiert de nouveaux domaines agricoles destinĂ©s Ă  agrandir la « ferme dĂ©partementale » et, du mĂŞme coup, Ă  fournir une occupation aux malades mentaux habitant l'institution. Fort de cette nouvelle acquisition, l'asile dĂ©partemental occupe plus de 70 hectares de terrains, ce qui en fait une vĂ©ritable « citĂ© des fous » situĂ©e au nord-est de Blois. Ă€ la veille de la Seconde Guerre mondiale, l'institution hĂ©berge ainsi 1 100 malades et emploie pas moins de 400 personnes (infirmiers mais aussi ouvriers agricoles)[9] - [11].

DĂ©saffectation et reconversion

En 1940, au moment de l'invasion allemande, les autorités françaises donnent l'ordre d'évacuer l'asile départemental[12] - [13]. Cependant, l'établissement reprend son fonctionnement un mois après la signature de l'armistice avec le Troisième Reich[13]. Sous l'Occupation, le Dr Pierre Schützenberger (1938-1943) dissimule du matériel médical aux Allemands, ce qui lui vaut d'être incarcéré plusieurs semaines dans une prison militaire entre et [14]. Finalement, l'asile départemental est désaffecté sur ordre des autorités d'occupation, et avec l'accord tacite de la ville de Blois, durement touchée par les bombardements de 1940[15]. Les 561 malades qui y étaient encore internés sont alors transférés dans des institutions du centre et du sud-ouest de la France tandis que le personnel est définitivement licencié le [9].

Après la Seconde Guerre mondiale, l'immense domaine de l'asile départemental est profondément remanié. La « ferme départementale » laisse bientôt place à une nouvelle zone résidentielle, le quartier des Provinces, tandis que certaines allées du parc sont transformées en rues (l'avenue du maréchal-Leclerc et la rue d'Auvergne). L'hospice Lunier et ses jardins accueillent le lycée Augustin-Thierry (alors réservé aux garçons) et l'hospice Dessaignes devient le lycée du même nom (alors réservé aux filles). L'asile proprement dit est, quant à lui, transformé en centre administratif départemental. La buanderie de l'institution (située dans l'actuelle rue d'Auvergne) est transformée en restaurant administratif, la cuisine centrale (située rue Louis-Bodin) abrite le laboratoire départemental et les bâtiments de la ferme (situés le long de la rue du Limousin) accueillent divers services sociaux du département[16] - [17].

  • L'actuel laboratoire dĂ©partemental abritait la cuisine centrale de l'asile.
    L'actuel laboratoire départemental abritait la cuisine centrale de l'asile.
  • L'actuel restaurant administratif abritait la buanderie de l'asile.
    L'actuel restaurant administratif abritait la buanderie de l'asile.
  • Ancien bâtiment liĂ© Ă  la ferme dĂ©partementale.
    Ancien bâtiment lié à la ferme départementale.

Personnalités liées à l'institution

Directeurs de l'asile départemental

Autre membre du personnel hospitalier

  • Dr Paul-Max Simon (1837-1889)[18].

Patients célèbres

Bibliographie

Thèse sur l'asile psychiatrique

  • Michel Preel, Histoire de la psychiatrie publique Ă  Blois jusqu'en 1943 [thèse de mĂ©decine], Paris XII CrĂ©teil, .

Histoire et architecture de l'hospice

  • Annie Cosperec, « L'Actuel LycĂ©e Augustin-Thierry : le prieurĂ© et la villa Saint-Lazare, l'hospice Lunier », MĂ©langes offerts Ă  Claude Leymarios, C.D.P.A. 41,‎ , p. 71-77.
  • Bruno Guignard, « AliĂ©nĂ©s », Blois de A Ă  Z, Éditions Alan Sutton,‎ , p. 7-12 (ISBN 2849106216). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Bruno Guignard, « Le centre administratif », dans Christian Nicolas et Bruno Guignard, Blois, la ville en ses quartiers, t. 1, Éditions des Amis du Vieux Blois, (ISBN 978-2-9540052-0-1), p. 106.

Personnels et patients célèbres de l'hospice

  • Pascal Audoux, « « La recluse de Poitiers Â», une vie enfermĂ©e Ă  Blois », dans Les Mystères du Loir-et-Cher, Editions de BorĂ©e, (ISBN 281291095X), p. 318-337. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Raymond Dreulle, « Un pittoresque personnage du VendĂ´mois : Champalu », Bulletin de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique, scientifique et littĂ©raire du VendĂ´mois,‎ , p. 102-103 (lire en ligne). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Pierre Duchemin, « Une famille d'aliĂ©nistes tourangeaux au XIXe siècle : les docteurs Baillarger, Lunier et Doutrebente », Bulletin de la SociĂ©tĂ© ArchĂ©ologique de Touraine, vol. XLV,‎ , p. 229-238 (lire en ligne). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Denis Tiberghien, « Pierre SchĂĽtzenberger (1888-1973) : un aliĂ©niste, expert dans l’affaire des sĹ“urs Papin (Partie II) », Annales mĂ©dico-psychologiques, vol. 176, no 3,‎ , p. 310-323 (lire en ligne, consultĂ© le ). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Sur Blois et le Loir-et-Cher

  • Annie Cosperec, Blois, la forme d'une ville, Paris, L'Inventaire-Cahiers du patrimoine / Imprimerie nationale, , 406 p. (ISBN 978-2-11-081322-0, BNF 35696146). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Yves Denis, Histoire de Blois et de sa rĂ©gion, Privat, . (ASIN B007X19URS) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Pascal Nourrisson, Blois : Le dictionnaire des noms de rues, Chambray-lès-Tours, C.L.D. Ă©ditions, , 239 p. (ISBN 978-2-85443-433-0, BNF 39074365).

Documentaire

  • Victor Auger, ThĂ©rĂ©sa Bahonda, Audrey Jeverdan, Louise PrĂ©vot, Émilie Ruiz, Leslie Thiercelin, Claire Vieville, CĂ©ment Vriet et Brigitte GĂ©nard-Kalvarisky, Rencontres silencieuses, Centre images, 2010-2011.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Le Dr Joseph Ramadier est le père du président du Conseil Paul Ramadier (1888-1961).
  2. Le Dr Maurice Olivier est Ă©galement maire de Blois de 1925 Ă  1940.
  3. Le Dr Pierre Schützenberger est le père du mathématicien Marcel-Paul Schützenberger (1920-1996).

Références

  1. Guignard 2007, p. 7.
  2. Pierre Morel, Dictionnaire biographique de la psychiatrie, Paris, Synthélabo, , p. 34-35.
  3. Guignard 2007, p. 7-8.
  4. Guignard 2007, p. 8.
  5. Guignard 2007, p. 8-9.
  6. « Variétés », Annales médico-psychologiques, no 1,‎ , p. 714-715 (lire en ligne).
  7. Guignard 2007, p. 9
  8. Cosperec 1997, p. 75
  9. Guignard 2007, p. 9.
  10. Audoux 2015, p. 334.
  11. Denis 1988, p. 266.
  12. Denis 1988, p. 291.
  13. Tiberghien 2018, p. 315.
  14. Tiberghien 2018, p. 316.
  15. Tiberghien 2018, p. 315-316.
  16. Guignard 2007, p. 12.
  17. Guignard 2011, p. 106.
  18. « Les Utopistes », sur Histoire de la folie (consulté le )
  19. Audoux 2015, p. 318-337.
  20. E. V., « Champalu pas tout à fait disparu », La Nouvelle République,‎ (lire en ligne).
  21. Dreulle 1986, p. 102-103.
  22. « Le presbytère sanglant », dans Pascal Nourrisson, Les grandes affaires criminelles de Touraine, De Borée, , p. 102.
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