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Armée beylicale tunisienne

L'armée beylicale tunisienne est l'ensemble des forces armées régulières de la régence de Tunis, administré par le représentant du pouvoir ottoman, le bey de Tunis, des réformes de 1830 à l'instauration du protectorat français de Tunisie en 1881.

Origine et structure

Officiers d'infanterie vers 1840.
Officiers de marine vers 1850.

Les premiers bataillons de l'armée régulière tunisienne moderne sont créés en même temps que la réforme de l'armée ottomane et au lendemain de la conquête française de l'Algérie en 1830. À l'initiative du ministre de Hussein II Bey, le mamelouk Chakir Saheb Ettabaâ, un bataillon de fils d'Ottomans et de quelques fils du pays est créé à Tunis dès janvier 1831. L'année suivante, un autre bataillon est composé principalement de Sahéliens et basé à Sousse. Les soldats et officiers sont entraînés, habillés et équipés à l'européenne, à l'image des premiers régiments de l'armée ottomane issue des réformes du sultan Mahmoud II, au lendemain de la suppression du corps des janissaires. Ahmed Ier Bey reprend les timides réformes du règne de son oncle Hussein II et engage le pays dans une profonde modification de son armée et de son État avec la création de l'École militaire du Bardo, première institution d'enseignement moderne dans la région.

En 1855, l'armĂ©e tunisienne se divise en sept brigades d'infanterie rĂ©parties sur le territoire, avec Ă  leurs tĂŞtes un amir liwa (gĂ©nĂ©ral de brigade) puis, Ă  partir de 1864, un amir oumara (gĂ©nĂ©ral de division). Les effectifs de chaque brigade d'infanterie varie de 2 000 Ă  5 000 hommes selon les pĂ©riodes :

  • 1re brigade stationnĂ©e en permanence Ă  Tunis Ă  partir de 1831 ;
  • 2e brigade basĂ©e Ă  Sousse Ă  partir de 1832 ;
  • 3e brigade basĂ©e Ă  Monastir ;
  • 4e brigade basĂ©e Ă  Kairouan ;
  • 5e brigade mouvante avec la mhalla, colonne armĂ©e bisannuelle qui parcourt l'arrière-pays ;
  • 6e brigade mouvante avec la mhalla ;
  • 7e brigade basĂ©e Ă  Ghar El Melh (Porto Farina).

De mĂŞme existent de 1835 Ă  1860 quatre brigades d'artillerie (topjiya), de 1 000 hommes chacune, rĂ©parties de la manière suivante :

  • 1re brigade Ă  Tunis et au Bardo Ă  partir de 1831 ;
  • 2e brigade Ă  La Goulette ;
  • 3e brigade rĂ©partie dans les forts du pays (principalement Bizerte, Monastir, Sfax, Sousse et Tabarka) ;
  • 4e brigade rĂ©partie dans les forts du pays.

L'armĂ©e de terre tunisienne compte Ă©galement plusieurs rĂ©giments irrĂ©guliers de cavalerie berbère ou tribale (zouaoua ou mkhaznia) rĂ©partis un peu partout dans le pays et dont les effectifs peuvent aller jusqu'Ă  40 000 fantassins et cavaliers ; ils sont basĂ©s principalement dans les casernes du Kef, de Nefza et de Tunis. Ils sont catĂ©gorisĂ©s en lanciers (mzarkiya) ou en cavalerie lourde (sbayhiya). On dĂ©signe nĂ©anmoins Ă  leur tĂŞte des officiers d'origine turque ou mamelouk pour les contrĂ´ler. Alors que le besoin d'un rĂ©giment de cavalerie rĂ©gulière (spahis) se fait sentir, Ahmed Ier Bey en crĂ©e un vers 1850 ; il est basĂ© Ă  La Manouba.

Fortifications

Fort commandant l'entrée du port de Bizerte.
Artillerie beylicale vers 1900.

Le pays est ceinturé de 110 forts et fortins dont les effectifs peuvent compter de 50 à 200 hommes (infanterie et quelques artilleurs). Ils sont chargés d'assurer la sécurité des villes, des frontières et des côtes, ces derniers dépendant du ministère de la Marine. Ils peuvent aussi faire office de lieu de résidence des caïds-gouverneurs, de prison ou même de greniers et de dépôts de fournitures pour l'armée (poudre, munitions, etc.). Chaque ville et grand village en est pourvu.

  • Tunis (14 parmi les plus grands du pays) dont les borjs Flifel, El Rabta, Gorjani, Bab Saadoun et Sidi Abdesselam
  • Le Bardo (8) dont les borjs El Kebir et de La Manouba
  • La Goulette avec les borjs Chikly, Sidi Bou SaĂŻd et Halk El Oued
  • Ghar El Melh (3)
  • Bizerte (4) dont la kasbah
  • Le Kef (16) dont les borjs El Jdid et Asker El Nidhami
  • Sousse (13) dont le borj Sidi Mahjoub
  • Mahdia (2)
  • Monastir (10) dont le borj Sidi Ammar
  • Kairouan (7) dont le borj Dahmani
  • Sfax (12) dont les borjs El Tabenna et El Rassas
  • Djerba (6) dont le borj El Kebir
  • Tabarka (2) dont le borj El Jazira
  • El Hamma
  • Gabès
  • Zarzis
  • BĂ©ja
  • KĂ©libia
  • Hammamet
  • Gafsa
  • Sidi Daoud
  • El Haouaria

La kasbah de Tunis, vĂ©ritable forteresse et ancien lieu de rĂ©sidence du dey de Tunis, possède un statut particulier. HĂ©ritage de l'Ă©poque hafside, rĂ©amĂ©nagĂ©e et agrandie par les Ottomans, elle devient le centre du pouvoir. Elle peut loger jusqu'Ă  4 000 hommes de troupe ottomans avec tout leur matĂ©riel. Elle abrite aussi les appartements du dey et des hauts officiers de la milice turque de Tunis ainsi que certains services de la chancellerie. Elle est transformĂ©e en caserne pour les troupes françaises avec l'avènement du protectorat et rasĂ©e au lendemain de l'indĂ©pendance.

Industrie militaire

Hammouda Pacha est le premier bey à doter le pays d'une industrie militaire avec la création d'une fonderie moderne de canons à la Hafsia, vers 1810, en plein centre de la médina de Tunis. Celle-ci est de petite taille mais fournit les forts et la marine du pays en petits canons jugés assez efficaces d'après les commentateurs de l'époque. Toutefois, pour assurer la fourniture de la nouvelle armée, Ahmed Ier Bey dote le pays de plusieurs manufactures modernes sur le modèle européen autour de 1840 :

  • une draperie Ă  Tebourba placĂ©e sous l'autoritĂ© du caĂŻd Mahmoud Ben Ayed, comprenant 400 ouvriers dont 48 qualifiĂ©s et quatre ingĂ©nieurs français, utilisant des machines importĂ©es d'Angleterre ;
  • deux tanneries Ă  Mohamedia et dans l'enceinte de la kasbah dont les ouvriers proviennent de l'artisanat tunisien ;
  • une deuxième fonderie de canons construite sur la route du Bardo, en complĂ©ment de celle de la Hafsia, Ă©quipĂ©e de machinerie europĂ©enne pour Ă©quiper totalement les rĂ©giments d'artillerie sans qu'il soit plus nĂ©cessaire d'importer des canons ;
  • une fabrique d'armes lĂ©gères, dans la caserne de Sidi IsmaĂŻl Ă  Tunis, oĂą travaillent des artisans des corporations tunisiennes mĂŞme si les quantitĂ©s produites et la qualitĂ© des fusils sont mĂ©diocres ;
  • plusieurs mines exploitant le salpĂŞtre Ă  Gafsa et le plomb Ă  TĂ©boursouk et BĂ©ja[1] ;
  • deux poudreries Ă  la kasbah de Tunis et Ă  El Jem ;
  • une importante minoterie moderne est installĂ©e Ă  Djedeida afin d'assurer les besoins en vivres alors que la manutention de la Dabdaba, près de la kasbah de Tunis, comprend une boulangerie industrielle et une huilerie Ă  presses hydrauliques.

Vers 1865, plusieurs de ces usines sont démontées ou laissées à l'abandon lors de la crise financière qu'elles contribuent à engendrer.

Missions et fait d'armes

Départ de la mhalla, colonne armée, commandée par Ali, prince héritier, durant le règne de Sadok Bey.
Défilé du contingent de la guerre de Crimée (1856) commandé par les généraux Rachid, Mohamed Chaouch et Osman, devant Mohammed Bey au palais de La Marsa.

La mhalla est une colonne armée bisannuelle destinée à la levée des impôts et à la pacification de l'arrière-pays. Cette institution de l'État beylical, héritage de la période hafside, sert à rappeler l'allégeance et le rattachement à la régence de Tunis de territoires lointains et de populations bédouines et non sédentaires. En effet, mise à part les grandes villes et villages du Nord fertile et du Sahel, la majorité de la population dépendante du bey de Tunis n'est pas sédentarisée, causant des difficultés pour rendre la justice, appliquer la loi et prélever les impôts.

Durant la guerre de CrimĂ©e, un contingent tunisien de 12 000 soldats combat de 1854 Ă  1856 sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Rachid, du gĂ©nĂ©ral Osman et du gĂ©nĂ©ral Chaouch.

L'insurrection menée par Ali Ben Ghedhahem, dite aussi révolte de la mejba, a lieu d'avril à octobre 1864. La répression s'organise dès août 1864, avec le départ de trois colonnes armées : la première vers Le Kef, dirigée par le général Rustum, la seconde vers Kairouan, dirigé par Ali Bey, prince héritier, et une troisième, la plus importante, vers le Sahel et commandée par le général Ahmed Zarrouk.

Fin de la première armée tunisienne

La conquĂŞte de la Tunisie et l'Ă©tablissement du protectorat français en 1881 amoindrit considĂ©rablement l'armĂ©e qui manque de moyens et d'hommes. Dans le cadre des conventions de La Marsa, signĂ©es le , Ali III Bey est forcĂ© de nommer le gĂ©nĂ©ral Forgemol, commandant du corps expĂ©ditionnaire français, comme ministre de la Guerre. Celui-ci dissout officiellement l'armĂ©e tunisienne le . Le mĂŞme jour, par dĂ©cret, il crĂ©e une garde beylicale de 2 000 hommes chargĂ©e de la protection des palais beylicaux et du souverain. En dĂ©cembre 1884, l'inactivitĂ© dangereuse des anciens soldats et vĂ©tĂ©rans de l'armĂ©e tunisienne pousse le gĂ©nĂ©ral Forgemol Ă  les intĂ©grer dans l'armĂ©e française : le 4e rĂ©giment de tirailleurs tunisiens est alors crĂ©Ă©.

Notes et références

  1. Alors que la première n'est jamais entrée en service, la seconde ne parvient qu'avec peine à subvenir au besoin de l'armée.
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