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Araire

L’araire (de l'occitan, issu du latin aratrum) est un instrument aratoire attelĂ©, Ă  bĂąti symĂ©trique sans versoir et muni d'un soc pointu (ou conique) qui fend la terre sans la retourner. Il est employĂ© en MĂ©sopotamie depuis le IVe millĂ©naire av. J.-C.. L'araire reprĂ©sente une vĂ©ritable rĂ©volution dans le domaine de l'agriculture [1]. TractĂ© par un animal, il scarifie la couche supĂ©rieure du sol et la rejette de part et d’autre de la raie (ou sillon). L’arairage qu'il effectue est donc superficiel. On continue de l'utiliser en ExtrĂȘme-Orient, en AmĂ©rique du Sud et en Afrique du Nord[2].

Araire utilisé dans le Roussillon au XXe siÚcle

L’araire au dĂ©part Ă©tait constituĂ© d’une seule piĂšce de bois, il Ă©volua et finit par avoir jusqu'Ă  cinq piĂšces.

Le plus souvent en bois, l'araire se compose de trois parties essentielles :

  • le mancheron, tenu par la main du laboureur, permet de guider l'araire.
  • le sep (souvent appelĂ© dental), piĂšce centrale dont la pointe est coiffĂ©e du soc qui entre en contact avec la terre.
  • l'age (haie ou flĂšche selon les rĂ©gions), piĂšce gĂ©nĂ©ralement courbe, prolongĂ© en avant par le timon et fixĂ© en arriĂšre au talon du sep, qui relie l'araire au brancard ou au joug auquel sont attelĂ©es les bĂȘtes de trait.

Arairage

Au lieu de trancher et de retourner la terre, comme le fait le vĂ©ritable labour avec l'apparition de la charrue lourde Ă  versoir, au XIe siĂšcle, l'araire fend des raies de section triangulaire peu profondes (labour en raies) entre lesquelles la terre rejetĂ©e forme des billons. Techniquement, ce sillonnage lĂ©ger tracĂ© par l'araire est en rĂ©alitĂ© ce qu’on appelle aujourd’hui un pseudo-labour qui ne permet pas d'assurer le mĂ©lange avec les dĂ©bris vĂ©gĂ©taux jonchant les champs. Il a cependant l'avantage d'Ă©viter une dĂ©stabilisation de la faune pĂ©dologique entre vie anaĂ©robie et aĂ©robie et d'Ă©viter de faire remonter les graines des adventices Ă  la surface, ce qui leur offriraient la possibilitĂ© de germination. Peu convenable au dĂ©frichement ou Ă  l'Ă©pierrement, cet outil est dans certain types d'agricultures prĂ©cĂ©dĂ© par la houe ou le piochon pour dĂ©foncer la couverture herbeuse. D'ailleurs, une main-d'Ɠuvre Ă  l'arriĂšre de l'araire de mĂȘme qu'un arairage croisĂ© sont obligatoires si l'on dĂ©sire briser les mottes et mĂ©langer les terres. L'arairage croisĂ© se rĂ©alise par fendre et refendre perpendiculairement, ce qui rĂ©duit les billons en donnant des parcelles carrĂ©es ou en forme de losange ; ce mode de labour est efficace Ă  enlever les adventices annuelles.

Il semble bien qu’à l’origine l’araire ait Ă©tĂ© moins un instrument de labour que de semis. Les raies lĂ©gĂšres tracĂ©es par l’araire sont idĂ©ales pour la majoritĂ© des cĂ©rĂ©ales, et quand elles sont ensemencĂ©es Ă  la volĂ©e, les semences sont traditionnellement enfouies par un labour Ă  l’araire. Ce labour porte le nom de « couvraille(s) », et il existe dans quelques rĂ©gions des araires Ă  couvrir spĂ©cialisĂ©s, diffĂ©rents des instruments utilisĂ©s pour les labours de prĂ©paration[3]. L’araire est adaptĂ© le mieux aux sols lĂ©gers, tels le sable et le loam, ou aux champs en pente oĂč le sol est mince, ou lĂ  oĂč le labour profond mĂšnera au tassement, Ă  la salinisation ou Ă  l'Ă©rosion.

L'araire est tractĂ© par une bĂȘte de trait peu puissante, le plus souvent un Ăąne, une buffle d'eau, voire un chameau.

Typologie

Plusieurs typologies ont été proposées pour les araires.

Typologie des bĂątis

Celle la plus couramment utilisée dans les ouvrages de vulgarisation actuelle, dérive de celle de Haudricourt et Jean-Brunhes Delamarre (voir images ci-contre), qui permet un classement des araires en quatre principaux types.

Les trois grands types d'araire Ă  mancheron unique :
1 - araire chambige
2 - araire manche-sep
3 - araire dental
selon Haudricourt et Brunhes-Delamarre[4]

Araire manche-sep

Left

Dans ce type d'araire, le sep (partie portant le soc de l'araire) et le(s) mancheron(s) sont une seule piÚce (monobloc, ou constitué de plusieurs parties assemblées).

L'age (partie servant Ă  la traction) vient directement se raccorder au manche-sep.

Sur ces araires, le manche-sep se recourbe avant d'entrer en contact avec le sol. Cette forme permet de faciliter le maniement de l'araire en lui donnant un certain Ă©quilibre, qu'il n'aurait pas si l'araire ne reposait que sur le soc (ce qui se passerait si le manche-sep Ă©tait droit).

Araire chambige

Left

Ce type d'araire est constitué d'un sep, sur lequel un age chambige (tordu, cambré) est fixé. Le(s) mancheron(s) vien(nen)t se fixer au niveau du raccord sep-age. Lorsqu'un seul mancheron est présent, il vient souvent s'encastrer dans une fente pratiquée dans l'age. Une simple cale suffit généralement à le bloquer. Cette cale bloque généralement le mancheron et la reille (soc à soie sur un araire).

Araire dentale

Left

Pour ces araires, l'age et le(s) mancheron(s) viennent se ficher dans le sep.

Ce type d'araire semble avoir Ă©tĂ© peu utilisĂ© en France, si ce n'est en Corse. Des araires de ce type ont Ă©tĂ© commercialisĂ©s pour le travail de la vigne durant la fin du XIXe siĂšcle et le dĂ©but du XXe siĂšcle. FabriquĂ©s de maniĂšre industrielle, ils Ă©taient parfois entiĂšrement mĂ©talliques. Leur introduction peut ĂȘtre due Ă  l'influence française en Afrique du Nord, territoire oĂč ils Ă©taient d'un usage courant.

Araire quadrangulaire

Left

Les araires de ce type ont une structure constituĂ©e de quatre piĂšces principales, se raccordant en formant, plus ou moins, un parallĂ©lĂ©pipĂšde. L’écartement du sep et de l'age est maintenu par un Ă©tançon ou une paire de tendilles, rĂ©glables Ă  l’aide de coins.

Comparativement aux autres types, les araires quadrangulaires nécessitent un travail d'assemblage plus poussé. De ce fait, ils ont surtout été connus en France à partir de la fin du XIXe siÚcle et durant le XXe siÚcle.

Typologie des socs

Il existe de nombreux types de soc d'araires. Il faut déjà préciser que les premiers araires n'étaient sans doute pas pourvus de soc. Dans ce cas, la pointe du sep sert de soc.

Lorsqu'ils existent, il est possible de classer les socs de plusieurs maniĂšres.

Forme

DĂ©tail de soc « sabot ». fixation par Ɠil ouvert
  • Sans aile (simple renfort du bout du sep). Ce sont en gĂ©nĂ©ral de simples renforts du sep fixĂ©s par un Ɠil ou une douille. Ce systĂšme semble le plus ancien et n'apporte rien, en termes de labourage, par rapport Ă  une araire sans soc. (le bout du sep sert de soc dans ce cas.) En termes de durabilitĂ© c'est cependant un progrĂšs majeur par rapport aux araire sans soc (usure du sep).
  • Avec aile. Le soc peut ĂȘtre plus large que le sep. Dans ce cas il affecte souvent la forme d'un triangle allongĂ©, dont la pointe est dirigĂ©e vers l'avant de l'araire. Lorsque le soc est fixĂ© par soie (reille), cela lui donne un faux air de pointe de lance, trĂšs reconnaissable. Cette partie plus large permet d'Ă©largir le sillon et, en penchant l'araire durant le labour, de retourner une partie de la terre du sillon. Cette maniĂšre de labourer Ă  l'araire se rapproche du labour Ă  la charrue. Cependant, le sillon reste toujours superficiel (la charrue est un dispositif labourant en profondeur) et seule une petite partie de la terre est retournĂ©e. Le rĂ©sultat reste toujours trĂšs diffĂ©rent du rĂ©sultat obtenu avec une charrue.
Araire avec reille
  • dissymĂ©trique. Ce sont des socs « Ă  aile » dont les ailes sont dissymĂ©triques. Une des ailes est beaucoup plus grande que l'autre, qui peut mĂȘme ĂȘtre inexistante. L'usage de tels socs Ă©tant perdu aux pĂ©riodes modernes son usage exact reste non expliquĂ©. Une thĂ©orie est que cette forme aiderait Ă  produire un labour asymĂ©trique avec retournement partiel de la terre. Cette thĂ©orie ne convainc cependant pas la majoritĂ© des spĂ©cialistes.

Fixation

Il existe deux principaux types de fixations. Les systĂšmes par Ɠil / douille ou par soie (les reilles). Ces modes de fixation, dans leurs nombreuses variantes, reprĂ©sentent la trĂšs grande majoritĂ© des fixations des socs d'araires. La forme et la fixation des socs dĂ©pendent des habitudes et moyens locaux. Ces variables conditionnent le travail que l'araire est capable de faire (profondeur de labour, travail en terrain dur).

  • par Ɠil ou par douille : Les socs Ă  Ɠil / douille sont constituĂ©s d'une plaque mĂ©tallique, dont les bords sont pliĂ©s pour former l’Ɠil fixant le soc sur l'araire.

Le repli peut se refermer complĂštement et former une douille.Par douille

Le repli peut se refermer tout en restant ouvert Ă  l'extrĂ©mitĂ©, formant ainsi un Ɠil.

Plus surprenant, mais non moins courant, le repli peut ne pas se refermer. Dans ce cas, il forme une sorte de pince venant enserrer l'extrĂ©mitĂ© du sep. Ce dispositif est souvent nommĂ© « Ɠil ouvert ». Des renforts (clous, rivets, bracelet mĂ©talliques etc.) peuvent renforcer la liaison soc-sep.

  • par soie

Les socs des araires sont souvent fixĂ©s par une soie (tige prolongeant la lame). Ce type de soc s'appelle une reille. Parmi les maniĂšres de fixer une reille sur un araire, deux systĂšmes prĂ©dominent. Ce sont les reilles fixĂ©es par des bracelets et celles enfoncĂ©es dans l'une des piĂšces de l'araire et bloquĂ©es par un coin. Les araires chambiges se prĂȘtent particuliĂšrement bien Ă  ce second type de fixation.

  • Araire Ă  reille fixĂ©e par bracelet
    Araire à reille fixée par bracelet
  • Un des types d'araires chambiges Ă  reille. L'age et le sep (A) sont formĂ©s d'au moins deux piĂšces de bois formant bloc. La reille (C) et le mancheron (B) se logent dans un Ă©videment de l'age. Ils sont bloquĂ©s par un coin de bois (D).
    Un des types d'araires chambiges à reille. L'age et le sep (A) sont formés d'au moins deux piÚces de bois formant bloc. La reille (C) et le mancheron (B) se logent dans un évidement de l'age. Ils sont bloqués par un coin de bois (D).
  • autres
Labour à l'araire tiré par des chevaux, illustration de la parabole des oiseaux du ciel par Jemima Blackburn, 1886.

Distinction de la charrue

Enfant conduisant un araire tiré par un buffle, Laos, 2009.

L'araire est considĂ©rĂ© Ă  tort comme l'ancĂȘtre de la charrue. En fait, ces deux instruments aratoires ont coexistĂ© au fil des siĂšcles, chacun ayant ses propres spĂ©cificitĂ©s. Dans l'araire, tous les Ă©lĂ©ments sont symĂ©triques par rapport Ă  l'axe de l'age et Ă  la ligne de travail. L'araire effectue un travail en surface, rejetant sur les deux cĂŽtĂ©s la terre Ă©miettĂ©e et dĂ©placĂ©e par le soc. La charrue est pour sa part un instrument aux Ă©lĂ©ments dissymĂ©triques : les piĂšces travaillantes sont situĂ©es sur le mĂȘme cĂŽtĂ© de l'age. Avec la charrue, la terre est travaillĂ©e en profondeur, mais rejetĂ©e d'un seul cĂŽtĂ©. L'araire est l'instrument typique de l'assolement biennal, adaptĂ© aux sols lĂ©gers et en pente du bassin mĂ©diterranĂ©en, et ne nĂ©cessite qu’une bĂȘte de trait peu puissante (un Ăąne). La charrue est plus adaptĂ©e aux terres lourdes des plaines du Nord, mais demande un attelage plus puissant pour ĂȘtre pleinement efficace (bƓufs ou chevaux).

Autrement dit, l'araire permet un labour lĂ©ger mĂȘme superficiel, tandis que la charrue est utilisĂ©e pour les labours profonds. Dans certaines rĂ©gions d'Europe aux sols caillouteux l'araire a Ă©tĂ© utilisĂ© jusqu'au milieu du XXe siĂšcle. Il reste courant dans plusieurs pays d'Afrique et d'Asie.

Histoire

Au dĂ©but de l'agriculture, la houe Ă  lame de pierre servait Ă  prĂ©parer les sols (retourner et Ă©galiser la terre, creuser des sillons), et pour l'ensemencement, il y avait le bĂąton Ă  fouir, simple bĂąton pointu, Ă  l'origine de la bĂȘche, puis, par traction du soc, de l'araire.

À la domestication du bƓuf en Mesopotamie correspond le passage d'une culture Ă  la houe Ă  celle Ă  l'araire. L'araire primitif Ă©tait monobloc (dit aussi monoxyle), tout en bois, dĂ©pourvu de soc et avait un bĂąti manche-sep imitant celui des instruments Ă  main (houe, bĂąton Ă  fouir). Les premiers araires Ă©taient donc mal Ă©quilibrĂ©s Ă  cause du bĂąti trop Ă©troit avec une seule pointe en contact avec le sol. Une telle structure limitait l'airaire aux terrains peu accidentĂ©s, sans obstacles, en particulier les sols sablonneux, loameux des plaines d'inondation basses et fertiles du delta nilien et du Croissant fertile. La rĂ©sistance entre le sep et l'age a Ă©tĂ© neutralisĂ©e par l'ajout d'un Ă©tançon en fibres ou en cuir, plus tard en bois, entre les deux piĂšces.

Travaux des champs en Égypte ancienne : en bas, semailles et labour à l'araire, tombe de Ramsùs III, 1154 av. J.-C.

Les premiĂšres mentions de l’araire remontent Ă  la seconde moitiĂ© du IVe millĂ©naire av. J.-C. au Sumer, oĂč il semble qu’il faille situer son invention. À part l’araire simple (sum. apin, akk. áž«arbu), un autre type (utilisĂ© encore dans tout le nord-ouest de l’Inde et çà et lĂ  au Proche-Orient) Ă©tait muni d’un tube vertical pour laisser tomber les graines dans la raie : ce type d’araire-semoir (sum. numun-gar, akk. epinnu) est attestĂ© en MĂ©sopotamie depuis v. 2000 av. J.-C. L’Égypte passe Ă  la culture Ă  l'araire dĂšs l'Ă©poque Naqada II (3700-3200 av. J.-C.), mais ne connaĂźt que l’araire manche-sep ordinaire (Ă©gypt. hb.w), qui, au fil du temps, s’accompagnera d’une variante Ă  double mancheron et Ă  double soc. DĂšs 3000 av. J.-C. le soc de bronze a coiffĂ© l’araire mĂ©sopotamien, et depuis 2300 l’Assyrie et l’Égypte connaissent le soc de fer.

L’arairage est passĂ© de MĂ©sopotamie en Inde avant 3300 av. J.-C. comme prouvent les traces d’un champ labourĂ© Ă  Kalibanghan (Rajasthan du Nord)[5]. L’araire indusien (skr. lāáč…gala, tamil ñaáč…kil, mots d’origine harappĂ©enne) comporte un sep Ă©pais et distinct. C’est de l’Inde qu’il gagne la plupart des pays de l’Asie du Sud-est. Vers l’est, l’araire chambige arrive en Chine v. 3000 av. J.-C. en mĂȘme temps que le blĂ©, l’orge et le chanvre Ă  l’époque lungshanoĂŻde. De Chine, il gagne la Mandchourie et la CorĂ©e, puis, assez tard, le Japon.

En Europe continentale, son introduction remonte probablement Ă  l’époque nĂ©olithique, mais l’araire ne se propage pas vraiment avant le dĂ©but de l’Âge du bronze, entre 2000 et 1500 av. J.-C. Vers le sud, la diffusion de l’araire s’arrĂȘte au Sahara et Ă  l’Éthiopie, oĂč il a Ă©tĂ© apportĂ© au dĂ©but de notre Ăšre par des populations venues de YĂ©men.

L'araire en égyptien hiéroglyphique

O4D58U13

Le dernier idéogramme représente un araire schématisé avec deux mancherons.

Galerie

Notes et références

  1. Strange n° 210, juin 1987 (éditions Lug) , page 62 "Voyage dans l'histoire : la préhistoire; aprÚs l'age de la pierre... l'Úre du métal."
  2. Aubineau, « Araire », Larousse Agricole, 2002.
  3. Grand Dictionnaire encyclopédique Larousse, t. I, art. « Araire », p. 614.
  4. André-G. Haudricourt et Jean Brunhes-Delamarre, L'homme et la charrue à travers le monde, Paris : Gallimard, 1955.
  5. Romila Thapar, Cultural Past, p.329.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean RenĂ© Trochet, Catalogue des Collections agricoles, Araires, M.N.A.T.P., Paris, 1987.
  • AndrĂ© Marbach, Les instruments aratoires des Gaules et de Germanie SupĂ©rieure, Catalogue des piĂšces mĂ©talliques, British Archaeological Reports, International SĂ©ries 1236, 2004.
  • AndrĂ© Marbach, Recherche sur les instruments aratoires et le travail du sol en Gaule Belgique, British Archaeological Reports, International Series 1235, 2004.

Articles connexes

Liens externes

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