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Delta du Nil

Le delta du Nil (arabe : دلتا النيل) dĂ©signe la rĂ©gion d'Égypte oĂą le Nil se jette dans la mer MĂ©diterranĂ©e. C'est une rĂ©gion marĂ©cageuse qui depuis l'AntiquitĂ© a toujours Ă©tĂ© riche en faune et flore. Depuis près de 5 000 ans, le delta est une zone d'agriculture intensive. Le papyrus Ă©gyptien vient en grande partie de cette rĂ©gion.

Delta du Nil
Image illustrative de l’article Delta du Nil
Le delta du Nil vu de l'espace

Pays Drapeau de l'Égypte Égypte
Villes principales Le Caire
CoordonnĂ©es 30° 54′ nord, 31° 07′ est
Superficie approximative 24 000 km2
Population totale 55 000 000 hab. ()

Il se situe au nord de l'Égypte et commence au nord de la ville du Caire, Ă  quelque 150 km de la cĂ´te mĂ©diterranĂ©enne, en un lieu que les Égyptiens nomment « Le Ventre de la vache » (Batn el-Baqara). Le Nil, après un parcours de près de 6 600 km, s'y divise en plusieurs branches. Sa superficie est de l'ordre de 24 000 km2, faisant par sa surface le premier delta en MĂ©diterranĂ©e devant celui du RhĂ´ne.

C'est une zone stratégique pour l'agriculture, qui depuis l'antiquité fait l'objet d'une gestion de l'eau visant à prévenir les crues trop importantes et à limiter les risques de salinisation[1] via des bassins de réception des eaux que les anciens égyptiens nommaient Hod[1].

Les branches du Nil

La principale source d'informations concernant les branches du delta sous le Nouvel Empire a été mise au jour dans le Ramesséum à Thèbes. Là, dans les vastes entrepôts où s'entassaient tous les biens nécessaires au fonctionnement du temple de Ramsès II, on a découvert une quantité astronomique de jarres ayant contenu du vin produit dans le delta. Le col de ces jarres, jouant le même rôle que les étiquettes des bouteilles modernes, indiquait, par le jeu d'écritures hiératiques, le lieu de production exact de la précieuse boisson et notamment la branche du Nil au bord de laquelle elle était fabriquée.

On sait ainsi qu'à l'est se développait « l'eau de Rê », qui baignait Pi-Ramsès, la capitale de l'époque. Son pendant occidental était « l'eau de l'Ouest », dont le tracé suivait à peu près celui de l'actuelle branche canopique. L'épine dorsale du delta était le « Grand Fleuve », dont le nom indique qu'il devait être à l'époque soit le plus important pour la navigation, soit le plus long. À ces trois branches principales s'ajoutaient « l'eau de Ptah », qui se détachait de « l'eau de l'Ouest », et « l'eau d'Amon », qui s'individualisait par rapport au « Grand Fleuve » au cœur même du delta.

Les branches du delta figurent évidemment dans les descriptions de l'Égypte qu'ont laissées les géographes grecs de l'Antiquité. Hérodote[2] comptait cinq branches, d'ouest en est[3] :

  • la branche canopique, du nom de la ville de Canope ;
  • la branche saĂŻtique, du nom du 5e nome de SaĂŻs ;
  • la branche sĂ©bennytique, du nom du 12e nome de Sebennytos ;
  • la branche mendĂ©sienne, du nom du golfe de Mendès ;
  • la branche pĂ©lusiaque ou pĂ©lusienne, du nom de la ville de PĂ©luse.
Les différentes branches du Nil.

Les auteurs classiques plus récents nous rapportent qu'il en existait sept. En effet, les pharaons des Ve siècle et IVe siècle ont réalisé dans le delta d'intenses travaux d'ingénierie qui modifièrent le réseau hydrographique. On a donc dans le « canon classique », d'ouest en est[4] :

  • la branche canopique ou hĂ©raklĂ©otique, Ă  l'est de la pointe d'Aboukir ;
  • la branche bolbitine (de Bolbitinè, ville situĂ©e près de l'actuelle Rosette), correspondant Ă  la bouche de Rosette actuelle[5] ;
  • la branche sĂ©bennytique, vers l'extrĂ©mitĂ© nord du delta, au Borgh el-Borollos ;
  • la branche phatnitique ou phatmĂ©tique (de l'Ă©gyptien patmeti « celui du milieu »), correspondant Ă  la bouche de Damiette actuelle[6] ;
  • la branche mendĂ©sienne, dans la partie ouest du lac Menzaleh ;
  • la branche tanitique (de Tanis), aux environs de Port-SaĂŻd ;
  • la branche pĂ©lusiaque, au fond du golfe de PĂ©luse.

Il ne reste de nos jours principalement que les branches de Rosette et de Damiette.

Une frontière de l’Égypte antique

Les textes égyptiens de l'époque saïte rapportent l'existence de « préposés aux portes des pays étrangers », véritables douaniers postés aux trois points-clés du pays : Éléphantine, dans l'extrême sud, l'angle oriental du delta et la bouche canopique à l'ouest, considérés comme de véritables portes. À l'est, le « préposé à la porte des pays septentrionaux » surveillait les flux commerciaux empruntant les deux voies qui menaient au Proche-Orient : le ouadi Toumilat et la branche pélusiaque du Nil. À l'ouest, un « préposé à la porte des pays étrangers du Grand Vert » (la Méditerranée) contrôlait le trafic au niveau de l'embouchure canopique. L'importance de cette dernière a été récemment confirmée par les fouilles sous-marines dans la baie d'Aboukir, à l'emplacement de l'ancienne Thônis-Héracléion, aujourd'hui sous les eaux ; une stèle a été sortie de la mer, portant un décret, connu depuis la fin du XIXe siècle par une copie retrouvée à Naucratis, qui rapporte que Nectanébo Ier réservait « le dixième de l'or, de l'argent, du bois brut et du bois travaillé, de tout ce qui vient de la mer des Grecs » au temple de la déesse Neith à Saïs.

Villes antiques du delta

Les fluctuations du Nil ont exercĂ© une forte influence sur les implantations. Sous les pharaons, sept branches du Nil innervaient la Basse-Égypte. Pour Ă©chapper Ă  la crue et aux variations de dĂ©bit, les villes de Basse-Égypte se sont installĂ©es sur des buttes de sable (« dos de tortue » pour les Ă©gyptologues), qui sont les vestiges gĂ©ologiques laissĂ©s par le prĂ©-Nil il y a environ 15 000 ans. Mais, lorsque le dĂ©bit d'un bras devenait insuffisant pour une navigation sĂ»re, le pouvoir politique n'hĂ©sitait pas Ă  changer de capitale. Ce fut probablement le cas quand elle fut transfĂ©rĂ©e de Pi-Ramsès Ă  Tanis, après que la branche pĂ©lusiaque qui baignait Pi-Ramsès, eut dĂ©pĂ©ri au profit du bras tanitique, alors seule voie navigable dans l'est du Delta.

Vestiges archéologiques de la présence militaire dans le delta

Cinq forteresses ont été découvertes sur les sites de Tukh el-Qaramous, Kom el-Dahab, sur l’île Nelson, à Tell el-Herr et Silé.

Tukh el-Qaramous

Le site de Tukh a été fouillé par E. Naville en 1887 pour l’Egypt Exploration Fund[7]. Situé en Sharqiyah, à quinze kilomètres au nord de Boubastis et à six kilomètres au sud de Pharbaethos, le site était probablement le long de la branche pélusiaque.

Kom el-Dahab

La fortiication de Kom el-Dahab a été fouillée par une mission anglaise de l’Egypt Exploration Fund en 1968, à quelques centaines de mètres au nord-est de la grande ville pharaonique de Bouto. Construite au début du IIe siècle avant notre ère, cette structure est abandonnée ou plutôt transformée sous le règne de Ptolémée VI. Ses épais murs de briques crues (près d’un mètre cinquante) sont renforcés par des contreforts réguliers. Le long du mur d’enceinte, l’espace est divisé en deux rangées de pièces dans lesquelles ont été retrouvées des pointes de flèches et de lances et des balles de fronde en calcaire. L’intérieur ménagé par cette enceinte est apparemment vide de toute construction.

ĂŽle de Nelson

Plus récemment, une position militaire a été mise au jour sur ce qui est actuellement l’île de Nelson. Les archéologues ont dégagé, dans la partie orientale du site, une construction de calcaire, quadrangulaire et massive, construite sur une plateforme solidement fondée, aux murs de cinq mètres d’épaisseur et conservés sur une longueur de quarante mètres. Par ailleurs, un habitat assez strictement agencé, peut-être destiné à abriter les soldats campés près de la forteresse, a été mis au jour dans divers secteurs de l’île. Dans ces deux contextes — forteresse et habitat —, la découverte de balles de fronde et de balistes renforcent l’hypothèse du caractère militaire de l’implantation.

Tell el-Herr

Dans le delta oriental, les Lagides ont repris le système défensif mis en place, en installant des garnisons dans d’anciennes forteresses.

Silé

Silé est à trois kilomètres à l’est d’El Qantara, a connu l’installation d’une garnison à l’époque hellénistique dans un camp d’époque perse ou plus probablement ptolémaïque.

Notes et références

  1. Ruf T (1995) Histoire hydraulique et agricole et lutte contre la salinisation dans le delta du Nil. Science et changements planétaires/Sécheresse, 6(4), 307-317 (Fiche IRD)
  2. Hérodote, Histoires, II, 10. Hérodote mentionne encore les bouches bolbitine et bucolique, en précisant expressément qu'elles ne sont pas naturelles, mais artificielles. Jean-Yves Carrez-Maratray pose l'hypothèse qu'il s'agit de canaux transversaux.
  3. Jean-Yves Carrez-Maratray, Les branches du Nil d'Hérodote et le désastre athénien de l'île Prosopitis, in Comptes-rendus des séances de l'année... - Académie des inscriptions et belles-lettres, Année 2003, Volume 147, Numéro 2, p. 939 - 954.
  4. Cette liste apparaît pour la première fois dans le Périple du Pseudo-Scylax. On connaît également d'autres branches de moindre importance, qui paraissent relier les branches principales les unes aux autres, ou être des canaux artificiels. On a ainsi la branche athribitique (de Athribis, prise quelquefois pour la phatnitique), la branche agathodémon (canal établi par Alexandre le Grand pour relier Alexandrie nouvellement créée à la branche canopique, et souvent prise pour la canopique elle-même), ou encore la branche thermutiaque ou phermouthiaque (de Terenuthis (en)) citée par Ptolémée.
  5. D'après Jean-Yves Carrez-Maratray, op. cit., elle correspond à la saïtique d'Hérodote.
  6. D'après Jean-Yves Carrez-Maratray, op. cit., elle correspond à la mendésienne d'Hérodote.
  7. E. Naville, Mound of the Jew and the city of Onias, Belbeis, Samanood, Abusir, Tukh el Karmus, Londres, , p. 28-30.
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