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Bijection réciproque

Application inverse d'une bijection pour la composition

Pour les articles homonymes, voir RĂ©ciproque (homonymie).

En mathĂ©matiques, la bijection rĂ©ciproque (ou fonction rĂ©ciproque ou rĂ©ciproque) d'une bijection ƒ est l'application qui associe Ă  chaque Ă©lĂ©ment de l'ensemble d'arrivĂ©e son unique antĂ©cĂ©dent par ƒ. Elle se note .

Exemple

On considĂšre[1] l'application ƒ de R vers R dĂ©finie par :

ƒ(x) = x3.

Pour chaque réel y, il y a un et un seul réel x tel que

y = x3 = ƒ(x),

ainsi pour y = 8, le seul x convenable est 2, en revanche, pour y = –27 c'est –3. En termes mathĂ©matiques, on dit que x est l'unique antĂ©cĂ©dent de y et que ƒ est une bijection.

On peut alors considĂ©rer l'application qui envoie y sur son antĂ©cĂ©dent, qu'on appelle dans cet exemple la racine cubique de y : c'est elle qu'on nomme la « rĂ©ciproque » de la bijection ƒ.

Si on tente d'effectuer la mĂȘme construction pour la racine carrĂ©e et qu'on considĂšre l'application g de R vers R dĂ©finie par :

g(x) = x2,

les choses ne se passent pas si simplement. En effet, pour certaines valeurs de y, il y a deux valeurs de x tels que g(x) = y ; ainsi, pour y = 4, on peut choisir x = 2 mais aussi x = –2, puisque 22 = 4 mais aussi (–2)2 = 4. À l'inverse, pour d'autres choix de y, aucun x ne convient ; ainsi pour y = –1, l'Ă©quation x2 = –1 n'a aucune solution rĂ©elle. En termes mathĂ©matiques, on dit que g n'est ni injective ni surjective. Dans cet exemple, les dĂ©finitions qui suivent ne permettent pas de parler de « bijection rĂ©ciproque » (ni mĂȘme d'« application rĂ©ciproque ») de g.

Résultats généraux

DĂ©finition

La rĂ©ciproque de la bijection ƒ de X vers Y est la fonction ƒ−1 qui de Y retourne vers X.

Si ƒ est une bijection d'un ensemble X vers un ensemble Y, cela veut dire (par dĂ©finition des bijections) que tout Ă©lĂ©ment y de Y possĂšde un antĂ©cĂ©dent et un seul par ƒ. On peut donc dĂ©finir une application g allant de Y vers X, qui Ă  y associe son unique antĂ©cĂ©dent, c'est-Ă -dire que

ƒ(g(y)) = y.

L'application g est une bijection, appelĂ©e bijection rĂ©ciproque de ƒ.

De façon plus gĂ©nĂ©rale, et en utilisant les notations fonctionnelles, si ƒ est une application d'un ensemble X vers un ensemble Y et s'il existe une application g de Y vers X telle que :

et ,

alors ƒ et g sont des bijections, et g est la bijection rĂ©ciproque de ƒ.

La bijection rĂ©ciproque de ƒ est souvent notĂ©e[2] ƒ−1, en prenant garde Ă  la confusion possible avec la notation des exposants nĂ©gatifs, pour laquelle on a x−1 = 1/x.

Propriétés

Réciproque de la réciproque

La double propriété :

et

montre que ƒ est aussi la bijection rĂ©ciproque de ƒ−1, c'est-Ă -dire que

Réciproque d'une composée

La rĂ©ciproque de g ∘ ƒ est ƒ−1 ∘ g−1.

La réciproque de la composée de deux bijections est donnée par la formule

On peut remarquer que l'ordre de ƒ et g a Ă©tĂ© inversé ; pour « dĂ©faire » ƒ suivi de g, il faut d'abord « dĂ©faire » g puis « dĂ©faire » ƒ.

Involution

Certaines bijections de E vers E sont leur propre réciproque, c'est le cas par exemple de l'application inverse

ou de toute symétrie orthogonale dans le plan.

De telles applications sont dites involutives.

Réciproque d'une fonction numérique

Existence

Le thĂ©orĂšme des valeurs intermĂ©diaires et son corollaire, le thĂ©orĂšme de la bijection, assurent que toute application continue strictement monotone sur un intervalle I dĂ©termine une bijection de I sur ƒ(I) = J et que J est aussi un intervalle. Cela signifie qu'une telle fonction possĂšde une application rĂ©ciproque dĂ©finie sur J Ă  valeurs dans I.

Cette propriété permet la création de nouvelles fonctions définies comme application réciproque de fonctions usuelles.

Exemples

Fonction ƒ(x) DĂ©part et arrivĂ©e Fonction rĂ©ciproque DĂ©part et arrivĂ©e Notes
entier naturel non nul
réel strictement positif
réel non nul

À l'aide de ces fonctions, la recherche de l'application rĂ©ciproque consiste Ă  rĂ©soudre l'Ă©quation ƒ(x) = y, d'inconnue x :

La fonction est une bijection de ]–∞, 0] sur [3, +∞[ et possĂšde une application rĂ©ciproque que l'on cherche Ă  dĂ©terminer en rĂ©solvant, pour y dans [3, +∞[, l'Ă©quation x2 + 3 = y, ou encore x2 = y – 3. Puisque y ≄ 3, cette Ă©quation possĂšde deux solutions dont une seule appartenant Ă  l'intervalle ]–∞, 0] : x = –√y – 3. Donc la rĂ©ciproque de ƒ est ƒ−1 dĂ©finie par ƒ−1(y) = –√y – 3.

Cette recherche peut se rĂ©vĂ©ler infructueuse et nĂ©cessiter la crĂ©ation d'une fonction nouvelle. Ainsi, la fonction est une bijection de [0, +∞[ vers [0, +∞[ ; l'Ă©quation correspondante n'a pas de solution exprimable Ă  l'aide des fonctions usuelles, ce qui oblige, pour exprimer x = ƒ−1(y), Ă  dĂ©finir une nouvelle fonction, la fonction W de Lambert.

Graphe

Courbes d'Ă©quations y = ƒ(x) et y = ƒ−1(x). la droite en pointillĂ©s a pour Ă©quation y = x.

Lorsque deux fonctions sont réciproques l'une de l'autre, alors leurs représentations graphiques dans un plan muni d'un repÚre orthonormal sont symétriques l'une de l'autre par rapport à la droite (D) d'équation y = x (appelée aussi premiÚre bissectrice).

En effet, si M(x, y) est un point du graphe de ƒ, alors y = ƒ(x) donc x = ƒ−1(y) donc M'(y, x) est un point du graphe de ƒ−1. Or le point M'(y, x) est le symĂ©trique du point M(x, y) par rapport Ă  la droite (D), pour les deux raisons suivantes :

Le milieu du segment [M, M'] est sur la droite (D), et d'autre part, le vecteur est orthogonal au vecteur de coordonnées (1, 1), qui est un vecteur directeur de la droite (D) (leur produit scalaire canonique est nul).

On sait donc que s(M) est un point du graphe de ƒ−1. Un raisonnement analogue prouve que si M est un point du graphe de ƒ−1, alors s(M) est un point du graphe de ƒ.

Continuité

En général, la réciproque d'une fonction continue n'est pas continue mais la réciproque d'une fonction continue sur un intervalle I à valeurs dans un intervalle J est une fonction continue sur J, selon le théorÚme de la bijection.

Dérivabilité

Si est une fonction continue sur un intervalle à valeurs dans un intervalle et si est sa réciproque, la fonction est dérivable en tout point tant que admet en une dérivée non nulle.

La dérivée en de est alors

.

Un moyen simple de comprendre, mais non de démontrer, ce phénomÚne est d'utiliser les notations différentielles et de remarquer que :

On trouve une démonstration dans l'article sur Wikiversité.

Recherche graphique ou numérique d'une réciproque

Il n'est pas toujours possible de déterminer la réciproque de maniÚre analytique : on sait calculer , mais on ne sait pas calculer . Il faut alors utiliser une méthode graphique ou numérique.

La méthode graphique consiste à tracer la courbe représentative . On trace la droite d'ordonnée concernée, on recherche l'intersection de cette droite avec la courbe, et l'on trace la droite parallÚle à l'axe des ordonnées passant par cette intersection. Le point d'intersection de cette droite avec l'axe des abscisses donne la valeur recherchée. C'est le principe d'un grand nombre d'abaques.

Numériquement, rechercher revient à rechercher les racines de la fonction

Articles détaillés : Algorithme de Newton et Méthode de dichotomie.

Si l'on sait que le domaine de recherche — intervalle des x possibles — est « restreint » et que la fonction est dĂ©rivable sur cet intervalle, on peut linĂ©ariser la fonction, c'est-Ă -dire la remplacer par une fonction affine obtenue par un dĂ©veloppement limitĂ©

On a ainsi une approximation de la solution, si  :

C'est la démarche de l'algorithme de Newton, mais avec une seule itération.

On peut également utiliser une fonction d'approximation plus complexe mais néanmoins inversible.

Article détaillé : Théorie de l'approximation.

Exemple de réciproque de transformation du plan

Les transformations du plan sont les applications bijectives du plan ; il est donc intéressant d'en connaßtre les réciproques, du moins pour les transformations de référence.

Transformation Transformation réciproque
Translation de vecteur Translation de vecteur
Symétrie de centre O ou d'axe (D) Symétrie de centre O ou d'axe (D)
Homothétie de centre C et de rapport k Homothétie de centre C et de rapport 1/k
Rotation de centre C et d'angle ξ Rotation de centre C et d'angle –ξ
Similitude directe de centre C, de rapport k et d'angle ξ Similitude directe de centre C, de rapport 1/k et d'angle –ξ
Similitude indirecte de centre C, de rapport k et d'axe (D) Similitude indirecte de centre C, de rapport 1/k et d'axe (D)
Symétrie glissée d'axe (D) et de vecteur Symétrie glissée d'axe (D) et de vecteur
Affinité d'axe (D) de direction (D') et de rapport k Affinité d'axe (D) de direction (D') et de rapport 1/k

RĂ©ciproques en algĂšbre

En algĂšbre, un morphisme bijectif de groupes, d'anneaux, de corps, d'espaces vectoriels admet une application rĂ©ciproque qui est aussi un morphisme de mĂȘme type. L'application et sa rĂ©ciproque sont appelĂ©s des isomorphismes.

Dans le cas d'une application ƒ linĂ©aire d'un espace vectoriel E vers un espace vectoriel F, tous deux de dimension finie et munis de bases, ƒ est bijective si et seulement si sa matrice M dans les bases fixĂ©es est une matrice carrĂ©e inversible. La matrice dans ces bases de la rĂ©ciproque de ƒ est alors la matrice inverse de M, notĂ©e M−1.

Quelques concepts apparentés

Soit ƒ : X → Y une application.

  • MĂȘme lorsque ƒ n'est pas bijective, il est possible de dĂ©finir une relation binaire rĂ©ciproque, de Y dans X, qui Ă  tout Ă©lĂ©ment de Y associe ses antĂ©cĂ©dents par ƒ (donc rien si cet Ă©lĂ©ment n'a pas d'antĂ©cĂ©dents). On parle alors de rĂ©ciproque multiforme. L'application ƒ est bijective si et seulement si cette relation rĂ©ciproque est une application, et dans ce cas, cette application est bien l'application rĂ©ciproque de ƒ.
    On dĂ©finit plus gĂ©nĂ©ralement la rĂ©ciproque d'une multifonction quelconque ou, ce qui revient au mĂȘme, la rĂ©ciproque d'une relation binaire.
  • Pour qu'il existe des inverses Ă  gauche de ƒ, c.-Ă -d. des applications g telles que , il faut et il suffit que ƒ soit injective.
    Pour qu'il existe des inverses Ă  droite de ƒ, c.-Ă -d. des applications g telles que , il faut et (en admettant l'axiome du choix) il suffit que ƒ soit surjective.

La fonction rĂ©ciproque d'une fonction ƒ ne doit pas ĂȘtre confondue avec la fonction inverse de ƒ. Cette confusion est frĂ©quente du fait de la notation[2] commune ƒ−1, et parce que le terme anglais reciprocal se traduit souvent par inverse en français, tandis que l'adjectif anglais inverse se traduit parfois par rĂ©ciproque en français.

ThéorÚme d'inversion locale

Le thĂ©orĂšme d'inversion locale prĂ©cise les conditions d'existence locale d'une application rĂ©ciproque pour une fonction ƒ. C'est une gĂ©nĂ©ralisation d'un thĂ©orĂšme simple sur les fonctions de la variable rĂ©elle.

Si ƒ est dĂ©finie sur un intervalle I et si a est un Ă©lĂ©ment de I, si ƒ possĂšde en a une dĂ©rivĂ©e continue non nulle
alors il existe un intervalle Ia autour de a, un intervalle Jƒ(a) autour de ƒ(a) et une fonction ƒ−1 dĂ©finie sur Jƒ(a) qui soit l'application rĂ©ciproque de la restriction de ƒ Ă  Ia.
Cette application rĂ©ciproque est aussi dĂ©rivable en ƒ(a).

Le thĂ©orĂšme d'inversion locale gĂ©nĂ©ralise cette propriĂ©tĂ© Ă  des fonctions dĂ©finies sur des espaces vectoriels rĂ©els de dimension finie. La condition « ƒ'(a) non nulle » est alors remplacĂ©e par « le jacobien de ƒ en a est non nul ». De plus, si ƒ est de classe Ck, l'application rĂ©ciproque l'est aussi.


Notes et références

  1. L'exemple de la racine cubique est celui choisi par Jacques Dixmier dans son Cours de mathématiques du 1er cycle, Gauthier-Villars, 1967, p. 9.
  2. Ce choix de notation s'explique par le fait que la loi de composition , restreinte aux permutations d'un ensemble, est une loi de groupe, et que ce groupe est notĂ© multiplicativement. C'est cependant une ambiguĂŻtĂ© de notation assez gĂȘnante pour que les logiciels de calcul formel sĂ©parent ces deux notions ; ainsi, Maple note l'inverse f^(-1) et la bijection rĂ©ciproque f@@(–1).