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Apollo 13

Apollo 13 ( - ) est la troisième mission du programme spatial américain Apollo ayant pour objectif de faire atterrir des hommes sur la Lune. Elle est connue pour avoir été le théâtre, durant le transit entre la Terre et la Lune, d'un accident grave, qui aurait pu être fatal pour l'équipage et qui imposa l'abandon de la mission et le retour vers la Terre.

Apollo 13
Mission spatiale avec Ă©quipage
Insigne de la mission.
Insigne de la mission.
Données de la mission
Vaisseau • CSM Apollo (CSM-109)
• LM Apollo (LM-7)
Type vaisseau Modules habités
Objectif Atterrissage sur le cratère de Fra Mauro
Équipage • Jim Lovell
• Jack Swigert
• Fred Haise
Indicatif radio • CM : Odyssey
• LM : Aquarius
Lanceur Fusée Saturn V (SA-508)
Date de lancement 19 h 13 UTC
Site de lancement Drapeau des États-Unis LC-39, Centre spatial Kennedy
Date d'atterrissage 18 h 7 min 41 s UTC
Site d'atterrissage Océan Pacifique Sud
21° 38′ 24″ S, 165° 21′ 42″ O
DurĂ©e 5 jours 22 h 54 min 41 s
Photo de l'Ă©quipage
Jim Lovell, Jack Swigert et Fred Haise.
Jim Lovell, Jack Swigert et Fred Haise.
Navigation

La mission a pour objet de conduire un équipage jusque sur la Lune : les astronautes Jim Lovell et Fred Haise doivent se poser près de la formation géologique Fra Mauro, site d'un des impacts d'astéroïde les plus importants à la surface de la Lune, tandis que Ken Mattingly doit rester en orbite. Mais la NASA pense que ce dernier risque d'attraper la rougeole du fait de la maladie d'un autre astronaute, et Jack Swigert est envoyé à sa place.

Pendant le trajet vers la Lune, l'explosion d'un réservoir d'oxygène met hors d'usage le module de service Apollo qui, dans un contexte normal, fournit à la fois l'énergie, l'eau, l'oxygène et le système propulsif durant la majeure partie de la mission. Pour survivre, l'équipage se réfugie dans le module lunaire Aquarius, dont il utilise les ressources relativement limitées. Le vaisseau ne peut pas faire demi-tour et doit contourner la Lune avant de revenir sur Terre, qu'il ne peut atteindre au mieux qu'au bout de plusieurs jours. Des procédures sont mises au point par les équipes au sol pour faire fonctionner le vaisseau dans ces conditions très dégradées et conserver suffisamment de consommables (en particulier l'énergie et l'eau) pour permettre la survie de l'équipage et la réalisation des manœuvres indispensables jusqu'au retour sur Terre.

L'enquête menée après le dénouement heureux de la mission démontre que l'accident résulte d'une erreur de manipulation et de plusieurs anomalies dans la conception et la fabrication du réservoir d'oxygène. Des mesures sont prises pour les corriger lors des missions suivantes.

Contexte

Le programme Apollo, lancé par le président John F. Kennedy le , a pour objectif d'envoyer pour la première fois des hommes sur la Lune avant la fin de la décennie. Il s'agit de démontrer la supériorité des États-Unis sur l'Union soviétique dans le domaine spatial, devenu un enjeu politique dans le contexte de la guerre froide[1]. Le , l'objectif fixé à l'agence spatiale américaine, la NASA, est atteint lorsque les astronautes de la mission Apollo 11 parviennent à se poser sur la Lune[2]. La mission Apollo 12, qui lui succède quatre mois plus tard, confirme ce succès et valide la procédure permettant l'alunissage de précision[3].

Apollo 13 est la troisième mission ayant pour objectif de permettre à des hommes de se poser sur la Lune. Sept autres missions sont programmées, dont six missions « J », qui disposent d'un module lunaire plus lourd emportant un jeep lunaire[4] et permettant un séjour prolongé avec trois sorties extravéhiculaires. Mais les restrictions budgétaires, motivées par une conjoncture économique plus difficile et l'atteinte de l'objectif fixé par Kennedy, commencent à toucher sévèrement le programme Apollo : la dernière mission planifiée, Apollo 20, est annulée et l'arrêt de la production des fusées géantes Saturn V est programmé, ce qui ne laisse aucun espoir que le programme se poursuive[5].

SĂ©lection du site d'alunissage

Le cratère Fra Mauro se situe au centre de cette photo.

La mission Apollo 12 a permis de mettre au point une technique d'alunissage plus Ă©conome en carburant et plus prĂ©cise. Les responsables du programme ont dĂ©cidĂ© en consĂ©quence de rĂ©duire la quantitĂ© minimale d'ergols que le module lunaire Apollo doit conserver, ce qui permet de choisir un site Ă  une latitude plus Ă©loignĂ©e de l'Ă©quateur lunaire[Note 1]. La nĂ©cessitĂ© de disposer d'un site d'atterrissage de rechange pour pallier le glissement de la date de lancement est Ă©galement levĂ©e, ce qui permet d'inclure des coordonnĂ©es situĂ©es plus Ă  l'ouest[Note 2]. La prĂ©cision de l'atterrissage dĂ©montrĂ©e au cours de la mission prĂ©cĂ©dente permet Ă©galement de choisir des rĂ©gions caractĂ©risĂ©es par un relief plus tourmentĂ©, car les astronautes n'ont plus besoin que d'une zone dĂ©gagĂ©e de relativement petite taille (ellipse de 1,5 km)[6].

Le site de l'atterrissage du module lunaire retenu par les gĂ©ologues associĂ©s au programme spatial est situĂ© au nord du cratère Fra Mauro, Ă  180 kilomètres Ă  l'est du site d'atterrissage d'Apollo 12. Cette rĂ©gion de collines est recouverte par les Ă©jectas et dĂ©bris de l'impact gĂ©ant qui a crĂ©Ă©, quelques centaines de millions d'annĂ©es après la formation des planètes, la mer des Pluies (Mare Imbrium) situĂ©e Ă  l'est. L'analyse de ces roches prĂ©sente un intĂ©rĂŞt majeur, car elles proviennent sans doute des profondeurs et donc de la croĂ»te d'origine : Ă  ce titre, elles constituent des reliques de matĂ©riaux qui, sur Terre, ont complètement disparu de la surface, du fait de la tectonique des plaques. Les scientifiques espèrent Ă©galement pouvoir dĂ©terminer la date de l'impact Ă  partir des Ă©chantillons de roches ramenĂ©s par les astronautes et ainsi Ă©tablir les relations avec les formations gĂ©ologiques voisines[7].

Objectifs scientifiques

Les principaux objectifs scientifiques de la mission Apollo 13 sont[8] :

  • Étudier la surface et la gĂ©ologie du site de Fra Mauro et collecter une quarantaine de kilogrammes d'Ă©chantillons de roches, composĂ©s de roches individuelles, de fragments de roches et poussière en fournissant le contexte (photos) ;
  • DĂ©ployer et mettre en marche l'ensemble instrumental ALSEP, qui doit contribuer Ă  dĂ©terminer la structure interne de la Lune, la composition et la structure de sa surface, les processus qui modifient celle-ci et enfin la sĂ©quence d'Ă©vĂ©nements ayant abouti aux caractĂ©ristiques actuelles de la Lune. Les instruments scientifiques de l'ALSEP comprennent un sismomètre passif PSE, un sismomètre actif ASE, un dĂ©tecteur d'ions supra-thermiques SIDE, un instrument de mesure des particules chargĂ©es CPLEE, une jauge cathodique froide CCGE, un dĂ©tecteur de poussières et un rĂ©flecteur laser LRRR[9] ;
  • Poursuivre la mise au point des techniques de travail Ă  la surface de la Lune ;
  • RĂ©aliser des photographies des sites d'atterrissage potentiels ;
  • Collecter des informations sur la structure interne de la Lune en faisant s'Ă©craser sur un site prĂ©cis Ă  la surface de la Lune le troisième Ă©tage de la fusĂ©e Saturn V et en analysant les ondes sismiques mesurĂ©es par les sismomètres dĂ©posĂ©s par la mission Apollo 12.


Déroulement prévisionnel de la mission Apollo 13

Déroulement prévu de la deuxième sortie extravéhiculaire à la surface de la Lune.

La mission Apollo 13 reprend le déroulement de la mission précédente Apollo 12[10] :

  • L'ensemble formĂ© par le module de commande et de service Apollo (CSM) et le module lunaire (LM) est placĂ© sur une orbite terrestre basse par une fusĂ©e Saturn V ;
  • Deux heures trente (T+2 h 30 min) après le dĂ©collage, le troisième Ă©tage du lanceur est rallumĂ© pour injecter les vaisseaux sur une trajectoire de transfert vers la Lune, puis cet Ă©tage est larguĂ© et le CSM manĹ“uvre pour s'amarrer au LM ;
  • Quatre corrections de trajectoire sont programmĂ©es durant le transit entre la Terre et la Lune ;
  • 77 heures après le dĂ©collage (T+77 h), le moteur du module de service du CSM est mis Ă  feu pour insĂ©rer l'ensemble sur une orbite basse autour de la Lune ;
  • Ă€ T+99 h, le module lunaire, avec deux astronautes Ă  bord, se dĂ©tache du CSM pour descendre sur le sol lunaire ;
  • Au cours de leur sĂ©jour Ă  la surface de la Lune, d'une durĂ©e de 33 heures et demie, les astronautes effectuent deux sorties extravĂ©hiculaires de quatre Ă  cinq heures. Ils dĂ©ploient sur le sol lunaire les diffĂ©rents instruments scientifiques composant l'ALSEP et collectent des roches, en parcourant respectivement environ 1,5 et 2,6 km ;
  • Ă€ T+137 h, l'Ă©tage de remontĂ©e du module lunaire dĂ©colle avec son Ă©quipage et les roches collectĂ©es et s'insère sur une orbite lunaire. Les astronautes effectuent plusieurs manĹ“uvres pour rĂ©aliser un rendez-vous orbital avec le CSM. Le module lunaire s'amarre Ă  celui-ci 3 h 30 min après avoir dĂ©collĂ©. Quelques heures plus tard, le module lunaire est larguĂ© ;
  • Ă€ T+167 h 30 min, le moteur du module de service est allumĂ© pour injecter le CSM sur une trajectoire de retour vers la Terre ;
  • Plusieurs manĹ“uvres de correction de trajectoire sont prĂ©vues durant le transit entre la Lune et la Terre ;
  • Ă€ T+240 h 34 min, le module de service est larguĂ© et le module de commande entame sa rentrĂ©e dans l'atmosphère terrestre. Trente minutes plus tard, il amerrit dans l'OcĂ©an Pacifique, Ă  environ 300 kilomètres au sud de l'ĂŽle Christmas.

Équipage

Haise et Lovell s'entrainent au maniement des outils qu'ils devront utiliser Ă  la surface de la Lune.
De gauche Ă  droite : Haise, Lovell et Swigert prennent leur dernier repas avant le lancement.

L'équipage d'Apollo 13, nommé par la NASA le [11], est composé de trois anciens pilotes militaires[12] :

  • Jim Lovell (40 ans) est le commandant de la mission. RecrutĂ© par la NASA en 1962, c'est un vĂ©tĂ©ran du programme spatial, avec trois vols. Il a participĂ© Ă  deux missions du programme Gemini. Une première fois en tant que pilote du vol Gemini 7, puis en tant que commandant de la mission Gemini 12. Il a Ă©galement fait partie, en tant que pilote du module de commande, de la mission Apollo 8, premier vol Ă  quitter l'orbite de la Terre pour faire le tour de la Lune.
  • Jack Swigert (38 ans) est le pilote du module de commande. Il remplace, une semaine avant le lancement, Ken Mattingly, (33 ans) prĂ©alablement dĂ©signĂ©, mais soupçonnĂ© d'avoir peut-ĂŞtre Ă©tĂ© contaminĂ© par le virus de la rougeole. C'est sa première mission spatiale.
  • Fred Haise (35 ans) est le pilote du module lunaire. C'est aussi sa première mission spatiale.

L'équipage de réserve, mobilisable en cas de défaillance d'un ou plusieurs membres titulaires, est constitué de l’équipage du futur Apollo 16[12] :

  • John W. Young : commandant.
  • Ken Mattingly : pilote du module de commande. Il devait Ă  l'origine faire partie du vol Apollo 13, mais ayant Ă©tĂ© exposĂ© Ă  la rougeole par l'un des membres d'Ă©quipe de rĂ©serve (Charles Duke) , cela l'oblige Ă  prendre le poste de rĂ©serve, attribuĂ© Ă  l'origine Ă  Jack Swigert. Toutefois, il n'a pas contractĂ© la maladie redoutĂ©e.
  • Charles Duke : pilote du module lunaire.

Vaisseau Apollo

L'équipage d'Apollo 13 embarque à bord d'un vaisseau formé d'un ensemble de quatre modules distincts (cf. Schéma 1).

D'une part, le module de commande et de service d'Apollo (le CSM, acronyme de Command and Service Module). De plus de 30 tonnes, il transporte les astronautes Ă  l'aller et au retour et il est lui-mĂŞme composĂ© du module de commande (le CM, pour Command module) et du module de service (le SM, Service Module). C'est Ă  l'intĂ©rieur du premier que les trois astronautes vivent durant la majeur partie de la mission et dans le second que sont regroupĂ©s presque tous les Ă©quipements nĂ©cessaires Ă  la survie de l'Ă©quipage : le moteur de propulsion principal, les sources d'Ă©nergie, d'oxygène, d'eau etc.

De facon plus détaillée:

  • Le module de commande pèse 6,5 tonnes et est de forme conique. Sa structure externe se compose d'une double paroi, une enceinte constituĂ©e de tĂ´les en nid d'abeilles Ă  base d'aluminium qui renferme la zone pressurisĂ©e et un Ă©pais bouclier thermique qui recouvre la première paroi et permet au module de protĂ©ger les occupants de la chaleur produite par la rentrĂ©e atmosphĂ©rique. C'est le seul des quatre modules qui revient sur Terre. L'espace pressurisĂ© dans lequel doivent vivre les astronautes est très exigu, son volume habitable n'excède pas 6,5 m3. Les astronautes sont installĂ©s sur trois couchettes cĂ´te Ă  cĂ´te parallèles au milieu du cĂ´ne et suspendues Ă  des poutrelles partant du plancher et du plafond (la pointe du cĂ´ne). En position allongĂ©e, les astronautes ont en face d'eux, suspendu au plafond, un panneau de commandes de deux metres par un prĂ©sentant les principales commandes et voyants de contrĂ´les. Les cadrans sont rĂ©partis en fonction du rĂ´le de chacun des membres de l'Ă©quipage. Sur les parois latĂ©rales se trouvent des baies rĂ©servĂ©es Ă  la navigation, d'autres panneaux de commande ainsi que des zones de stockage de nourriture et de dĂ©chets. Pour la navigation et le pilotage, les astronautes utilisent un tĂ©lescope et un ordinateur qui exploite les donnĂ©es fournies par une centrale inertielle. Le vaisseau dispose de deux Ă©coutilles. Une première, situĂ©e Ă  la pointe du cĂ´ne, comporte un tunnel d'accès au module lunaire lorsque celui-ci est amarrĂ© au vaisseau. Une seconde, sur la paroi latĂ©rale, sert sur Terre Ă  entrer dans le vaisseau et dans l'espace aux sorties extravĂ©hiculaires (le vide est alors fait dans la cabine dĂ©pourvue de sas). Les astronautes disposent de cinq hublots pour effectuer des observations et rĂ©aliser les manĹ“uvres de rendez-vous avec le module lunaire. Le module de commande dĂ©pend du module de service pour les principales manĹ“uvres, pour l'Ă©nergie et pour le support-vie[13] ;
  • Le module de service est un cylindre d'aluminium non pressurisĂ© de 5 mètres de long et 3,9 mètres de diamètre pesant 24 tonnes. Il est accouplĂ© Ă  la base du module de commande et la longue tuyère du moteur-fusĂ©e principal de 9 tonnes de poussĂ©e en dĂ©passe de 2,5 mètres. Il est organisĂ© autour d'un cylindre qui contient les rĂ©servoirs d'hĂ©lium servant Ă  pressuriser les rĂ©servoirs d'ergols principaux ainsi que la partie haute du moteur principal. Autour de celui-ci, l'espace est dĂ©coupĂ© en six secteurs en forme de parts de gâteau. Quatre de ces secteurs abritent des rĂ©servoirs d'ergols (18,5 tonnes). Un secteur contient trois piles Ă  combustible qui fournissent la puissance Ă©lectrique, et de l'eau en sous-produit, ainsi que deux rĂ©servoirs d'hydrogène et deux rĂ©servoirs d'oxygène. L'oxygène est Ă©galement utilisĂ© pour renouveler l'atmosphère de la cabine. Le module de service contient Ă©galement des radiateurs qui dissipent l'excĂ©dent de chaleur du système Ă©lectrique et rĂ©gulent la tempĂ©rature. Quatre grappes de petits moteurs de contrĂ´les d'attitude sont disposĂ©es sur le pourtour du cylindre. Une antenne grand gain comportant cinq petites paraboles assure les communications Ă  grande distance[13] ;


D'autre part, le module lunaire Apollo (le LM, acronyme pour Lunar Module), est utilisé par deux des astronautes pour descendre sur la lune, y séjourner et retourner en orbite pour rejoindre le module de commande et de service. Le module lunaire est lui-même composé de deux étages : un premier permet d'alunir et sert de plate-forme de lancement au second, qui retourne en orbite et ramène les astronautes au vaisseau en orbite. L'indicatif radio du CSM est Odyssey, tandis que celui du module lunaire est Aquarius.

De facon plus détaillée:

  • L'Ă©tage de descente du module lunaire, qui pèse plus de 10 tonnes, a la forme d'une boĂ®te octogonale d'un diamètre de 4,12 mètres et d'une hauteur de 1,65 mètre. La fonction principale de l'Ă©tage de descente est d'amener le LM sur la Lune. Ă€ cet effet, l'Ă©tage dispose d'un moteur fusĂ©e Ă  la fois orientable et Ă  poussĂ©e variable de 4,7 et 43,9 kN. Le comburant, du peroxyde d'azote (5 tonnes), et le carburant, de l'aĂ©rozine 50 (3 tonnes), sont stockĂ©s dans quatre rĂ©servoirs placĂ©s dans les compartiments carrĂ©s situĂ©s aux quatre coins de la structure. Le moteur se trouve dans le compartiment carrĂ© central. Le deuxième rĂ´le de l'Ă©tage de descente est de transporter tous les Ă©quipements et consommables qui peuvent ĂŞtre abandonnĂ©s sur la Lune Ă  la fin du sĂ©jour, ce qui permet de limiter le poids de l'Ă©tage de remontĂ©e[14] ;
  • L'Ă©tage de remontĂ©e du module lunaire pèse environ 4,5 tonnes. Sa forme complexe, qui rĂ©sulte d'une optimisation de l'espace occupĂ©, lui donne l'allure d'une tĂŞte d'insecte. Il est essentiellement composĂ© de la cabine pressurisĂ©e qui hĂ©berge les deux astronautes dans un volume de 4,5 m3 et du moteur de remontĂ©e avec ses rĂ©servoirs d'ergols. La partie avant de la cabine pressurisĂ©e occupe la plus grande partie d'un cylindre de 2,34 mètres de diamètre et de 1,07 mètre de profondeur. C'est lĂ  que se tient l'Ă©quipage lorsqu'il n'est pas en excursion sur la Lune. Sur la cloison avant, chaque astronaute a devant lui un petit hublot triangulaire (0,18 m2) ainsi que les principales commandes de vol et cadrans de contrĂ´le regroupĂ©s par panneaux gĂ©nĂ©ralement dĂ©diĂ©s Ă  un sous-système. Les commandes et contrĂ´les communs sont placĂ©s entre les deux astronautes (par exemple la console d'accès Ă  l'ordinateur de navigation), certaines commandes sont doublĂ©es (commandes pilotant l'orientation et la poussĂ©e des moteurs), les autres commandes sont rĂ©parties en fonction des tâches assignĂ©es Ă  chaque astronaute. Les panneaux de commandes et coupe-circuit se prolongent sur les parois latĂ©rales situĂ©es de part et d'autre des astronautes. L'arrière de la cabine pressurisĂ©e est beaucoup plus exigu (1,37 Ă— 1,42 m pour 1,52 m de haut) : son plancher est plus haut de 48 cm et, de plus, encombrĂ© par un capot recouvrant le sommet du moteur de remontĂ©e. Les parois latĂ©rales sont occupĂ©es par les rangements et Ă  gauche, par une partie du système de contrĂ´le environnemental. Au plafond se trouve l'Ă©coutille utilisĂ©e pour passer dans le module de Commande derrière laquelle se trouve un tunnel court (80 cm de diamètre pour 46 cm de long) comportant un système de verrouillage utilisĂ© pour solidariser les deux vaisseaux[14].
Schéma 1 - Les quatre modules formant le vaisseau spatial lancé vers la Lune . Étage de descente du module lunaire : 0 Jupe inférieure du module de descente - 1 Train d'atterrissage - 2 Échelle - 3 Plateforme. Étage de remontée du module lunaire : 4 Écoutille - 5 Propulseurs contrôle d'attitude - 6 Antenne bande S - 7 Antenne bande S orientable - 8 Antenne du radar de rendez-vous - 9 Hublot utilisé pour le rendez-vous orbital lunaire - 10 Antenne VHF - 11 Cible utilisée pour l'amarrage - 12 Écoutille supérieure. Module de commande : A Compartiment équipage - G Bouclier thermique - H Hublots de rendez-vous - I Tunnel de communication. Module de service : B Radiateurs des piles à combustible - C Propulseurs contrôle d'attitude - D Radiateurs du système de contrôle de l'environnement - E Antennes grand gain orientables - F Tuyère du moteur principal.

DĂ©roulement de la mission

Décollage de la fusée Saturn V emportant la mission Apollo 13.

Lancement ()

La fusée Saturn V qui emporte la mission Apollo 13 décolle le . Le lanceur, utilisé par la mission précédente Apollo 12, avait été frappé à deux reprises par un éclair au cours du décollage, occasionnant un arrêt momentané de plusieurs systèmes clés du vaisseau spatial. Le déclenchement du phénomène était dû à la création d'un sillage de particules ionisées par le lanceur, mettant en relation, via la colonne de gaz conductrice formée, le sol et la couche basse des nuages, caractérisés par des potentiels différents. Pour mesurer les perturbations du champ électrique créées par le lanceur au niveau du sol, plusieurs capteurs ont été répartis sur le site de lancement pour la mission Apollo 13 et recueillent des informations exploitables[15].

Le moteur central du deuxième Ă©tage du lanceur s'Ă©teint deux minutes trop tĂ´t mais les quatre autres moteurs fonctionnent plus longtemps, ce qui permet de compenser la perte de poussĂ©e. Ce système de gestion de la poussĂ©e des moteurs en cas de dĂ©faillance avait Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ© des les premiers vols des fusĂ©es Saturn I. Les investigations menĂ©es par la suite montreront que le moteur s'est Ă©teint Ă  cause d'un effet pogo (phĂ©nomène oscillatoire) particulièrement Ă©levĂ©, induisant des flĂ©chissements de la structure de poussĂ©e atteignant 7,6 cm. Des modifications seront introduites dans la conception des lanceurs suivants pour rĂ©duire ce phĂ©nomène. Le vaisseau Apollo et le troisième Ă©tage de la fusĂ©e se placent sur l'orbite de parking visĂ©e (orbite terrestre basse Ă  une altitude de 190 km). Deux heures plus tard, la propulsion du troisième Ă©tage est rallumĂ©e : le vaisseau Apollo quitte son orbite et se place sur une trajectoire devant le conduire jusqu'Ă  la Lune.

Le troisième Ă©tage de la fusĂ©e Saturn V est larguĂ©, tandis que l'ensemble formĂ© par le module de commande et de service Apollo et le module lunaire Apollo poursuit sa course vers la Lune. Au cours des missions prĂ©cĂ©dentes, cet Ă©tage de la fusĂ©e avait Ă©tĂ© placĂ© sur une orbite hĂ©liocentrique. Pour la mission Apollo 13, l'Ă©tage S-IVB est dirigĂ© vers la surface de la Lune. L'objectif est de mesurer les ondes sismiques gĂ©nĂ©rĂ©es par l'impact de l'Ă©tage Ă  l'aide du sismomètre passif dĂ©posĂ© sur le sol lunaire par l'Ă©quipage d'Apollo 12. L'Ă©tage de 14 tonnes s'Ă©crase Ă  une vitesse de 2,6 km/s (10 000 km/h) Ă  environ 140 kilomètres du sismomètre, produisant l'Ă©quivalent de l'explosion de 7,7 tonnes de TNT. Les ondes sismiques arrivent au sismomètre environ 28 secondes plus tard et continuent de se produire durant un temps très long, phĂ©nomène jamais observĂ© jusque-lĂ  sur Terre[16].

  • Position des piles Ă  combustibles et des rĂ©servoirs d'oxygène dans le module de service
  • SchĂ©ma 2 : Ă©corchĂ© du module de service montrant l'emplacement des 2 rĂ©servoirs d'oxygène (2), des trois piles Ă  combustibles (1) et des deux rĂ©servoirs d'hydrogène (3).
    Schéma 2 : écorché du module de service montrant l'emplacement des 2 réservoirs d'oxygène (2), des trois piles à combustibles (1) et des deux réservoirs d'hydrogène (3).
  • Le rĂ©servoir d'oxygène no 2, de forme sphĂ©rique, s'intercale entre les piles Ă  combustibles situĂ©es au-dessus et les rĂ©servoirs d'hydrogène situĂ©s en dessous.
    Le réservoir d'oxygène no 2, de forme sphérique, s'intercale entre les piles à combustibles situées au-dessus et les réservoirs d'hydrogène situés en dessous.
  • Deux des trois piles Ă  combustibles.
    Deux des trois piles Ă  combustibles.

Explosion du réservoir d'oxygène

Le centre de contrôle à Houston, durant la retransmission télévisée peu avant l'explosion du réservoir d'oxygène.
Fichier audio
Houston, nous avons eu un problème
La célèbre phrase prononcée par Jack Swigert lors de sa conversation radio avec Houston : Swigert : I believe we've had a problem here. (Je crois que nous avons eu un problème ici) - Lousma (centre de contrôle sur Terre à Houston) : This is Houston. Say again, please (Ici Houston, répétez s'il vous plait) - Lovell: Houston, we've had a problem. We've had a Main B Bus Undervolt (Houston, nous avons eu un problème. La tension du bus électrique principal B est tombée en sous-tension) - Lousma : Roger. Main B Undervolt (Bien reçu. Sous tension du bus principal B). - Lousma: Okay, stand by, 13. We're looking at it (Très bien, attendez, 13. Nous allons regarder ça.)[17].
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Le vers 3 h 7 UTC, soit presque 56 heures après le lancement et Ă  peu près Ă  mi-parcours de la destination du vaisseau (Ă  plus de 300 000 kilomètres de la Terre), Swigert dĂ©clenche, Ă  la demande du Centre de contrĂ´le de mission de Houston, le brassage, par un ventilateur, de l'oxygène contenu dans le rĂ©servoir no 2. Il s'agit d'un des deux rĂ©servoirs situĂ©s dans le module de service qui, d'une part, fournissent l'atmosphère respirable de la capsule Apollo et, d'autre part, alimentent les trois piles Ă  combustible qui produisent l'Ă©lectricitĂ© — et l'eau — du vaisseau. Ce brassage de routine sert Ă  homogĂ©nĂ©iser l'oxygène conservĂ© sous pression Ă  l'Ă©tat liquide, afin d'optimiser le fonctionnement du capteur qui mesure la quantitĂ© d'oxygène restante. 16 secondes plus tard, l'Ă©quipage entend une explosion sourde, tandis qu'une alarme se dĂ©clenche Ă  la suite d'une chute de tension sur le circuit Ă©lectrique B du module de commande[18].

Les astronautes l'ignorent, mais un court-circuit électrique, produit par le câble d'alimentation (en partie dénudé) du ventilateur à l'intérieur du réservoir d'oxygène no 2, a déclenché la combustion de la couche d'isolant entourant le câblage électrique, portant la température à plus de 500 °C. La pression résultante a fait exploser le réservoir. Le bruit provoqué fait immédiatement réagir les astronautes. C'est à ce moment que Swigert prononce ces mots devenus célèbres :

« Houston, on a eu un problème. (écouter fichier audio) »

Le Capcom, Jack Lousma, l'invite à répéter mais c'est Lovell qui prononce alors à nouveau la phrase. Ce dernier précise ensuite que la tension du circuit électrique B a chuté, tout en indiquant que la situation s'est rétablie quelques secondes plus tard.

Durant les premières minutes, l'équipage ne perçoit pas la gravité de la situation. Il se consacre à un problème apparemment plus important : l'ordinateur a redémarré et les valves de certains des petits propulseurs du système de contrôle d'attitude se sont fermées. Toutefois, au centre de contrôle de Houston, le responsable des systèmes électriques du vaisseau, Sy Liebergot, constate, avec son équipe, d'autres anomalies bien plus graves[Note 3]. L'antenne grand gain fixée sur le module de service a cessé de fonctionner et les communications passent désormais par l'antenne faible gain, omnidirectionnelle. D'autre part, des dizaines d'indicateurs indiquent que divers équipements du vaisseau spatial ne fonctionnent plus normalement. Selon eux, les piles à combustible nos 1 et 3 sont dépressurisées et ne fournissent plus de courant. Seule la pile à combustible no 2 en fournit encore. La pression dans le réservoir d'oxygène no 2 semble nulle, tandis que celle du réservoir no 1 chute rapidement. Le vaisseau a complètement perdu un des deux circuits de distribution électrique et tous les équipements qui s'y rattachent.

Le souffle de l'explosion a éjecté le panneau extérieur du module de service et partiellement coupé une conduite du réservoir d'oxygène no 1. Le panneau éjecté a également endommagé l'antenne grand gain fixée à proximité. Extérieurement, ces dégâts seraient facilement visibles, mais la forme même du module de commande et la position de ses hublots empêchent les astronautes situés à l'intérieur d'apercevoir cette partie du module de service.

Pour l'équipage, les conséquences de l'explosion sont potentiellement très graves. Le retour sur Terre, du fait des lois de la mécanique spatiale, n'est pas envisageable avant plusieurs jours. Durant ce laps de temps, l'équipage doit disposer de suffisamment d'énergie, d'eau, d'oxygène et d'ergols pour survivre. L'énergie est indispensable pour faire fonctionner l'électronique, dont dépend le fonctionnement de tout le vaisseau et en particulier les corrections de trajectoire (calcul des manœuvres, déclenchement des propulseurs), le maintien de l'orientation indispensable aux corrections de trajectoire et à la stabilité thermique, les résistances chauffantes qui maintiennent une température supportable dans l'habitacle et pour certains équipements. L'énergie d'Apollo est fournie par des piles à combustibles — qui consomment de l'hydrogène et de l'oxygène — et des batteries. Dans les deux cas, l'électricité stockée n'est pas renouvelable (pas de panneaux solaires). L'eau est évidemment vitale pour la survie des astronautes mais elle sert surtout à refroidir les éléments de l'électronique qui ne pourraient fonctionner sans régulation thermique. Dans le vide, la chaleur est difficile à dissiper. La solution retenue consiste à l'évacuer par sublimation, en rejetant de l'eau réchauffée dans l'espace. Or, cette méthode consomme en permanence d'importantes quantités d'eau (beaucoup plus que l'équipage lui-même). Enfin, l'oxygène présent dans l'atmosphère doit être régulièrement renouvelé et débarrassé du CO2 dégagé par la respiration des astronautes afin de permettre leur survie pendant la durée de la mission[Note 4].

Diagnostic

Dans la salle de contrôle, Liebergot pose dans un premier temps un diagnostic prudent : il pourrait s'agir d'un faux problème généré par les instruments de mesure. Mais au bout de quelques minutes consacrées à des contrôles plus poussés, les spécialistes au sol se rendent compte que le problème ne tient pas à des mesures anormales. Ils tentent avec l'équipage plusieurs manipulations pour tenter de remettre en marche le circuit électrique et les piles à combustible. Il s'est écoulé environ onze minutes depuis l'incident, lorsque Lovell aperçoit par le hublot situé au milieu de l'écoutille des particules qui s'échappent du vaisseau. Ce que voit l'astronaute, c'est l'oxygène liquide qui fuit des réservoirs éventrés. Sans connaître l'origine du problème, le centre de contrôle demande alors à l'équipage de commencer à éteindre les équipements non essentiels pour réduire la consommation électrique, en attendant de résoudre le problème. Il est également invité à fermer les valves des piles à combustible pour arrêter la fuite, mais cette action n'arrête pas la chute de la pression dans les réservoirs[19] - [20].

Le module lunaire vaisseau de sauvetage

Finalement, Liebergot prend conscience que l'Ă©quipage ne parviendra pas Ă  remettre en service les piles Ă  combustible et que les rĂ©servoirs Ă  oxygène du module de service sont perdus. L'objectif n'est plus dĂ©sormais d'accomplir la mission mais de sauver l'Ă©quipage. Il demande alors au directeur de vol, Gene Kranz, d'empĂŞcher la dernière pile Ă  combustible encore opĂ©rationnelle de puiser dans le rĂ©servoir d'oxygène de secours, situĂ© Ă  bord du module de commande, afin de prĂ©server celui-ci pour la phase finale du vol. Kranz, comprenant brutalement la gravitĂ© de la situation, se fait confirmer cette demande, puis accepte de relayer l'instruction Ă  l'Ă©quipage. Les contrĂ´leurs tentent pendant quelques minutes encore de sauver la dernière pile Ă  combustible, mais celle-ci dĂ©cline aussi Ă  mesure que l'oxygène s'Ă©puise. 45 minutes après le dĂ©but de l'incident, Liebergot annonce Ă  Kranz qu'il faut envisager d'utiliser le module lunaire (ou LEM, ou LM) comme vaisseau de secours[Note 5], car ses spĂ©cialistes indiquent que la dernière pile Ă  combustible ne fonctionnera pas plus de deux heures.

Dans des circonstances normales, le LM reste en sommeil jusqu'Ă  l'approche de la Lune, afin d'Ă©conomiser son Ă©nergie fournie par des batteries. Les seuls Ă©quipements allumĂ©s sont des rĂ©sistances chauffantes, alimentĂ©es par le module de commande et de service, qui maintiennent une tempĂ©rature minimale. Il faut donc rĂ©activer le LEM. Mais cette opĂ©ration complexe, normalement lancĂ©e depuis le module de commande, n'est plus possible, faute d'Ă©nergie. Les techniciens doivent donc mettre au point une sĂ©rie d'instructions pour aller puiser l'Ă©nergie nĂ©cessaire dans les batteries du module de descente. Heureusement, une simulation effectuĂ©e un an auparavant avait dĂ©jĂ  traitĂ© ce cas. Elle avait abouti Ă  la mort virtuelle de l'Ă©quipage, mais les techniciens avaient ensuite trouvĂ© une solution pour Ă©carter ce risque. Ă€ la demande du centre de contrĂ´le, l'Ă©quipage s'installe aux commandes du LM pour exĂ©cuter la sĂ©quence d'instructions dĂ©finie par les spĂ©cialistes du module lunaire. La tension est Ă  son comble car, selon les dernières estimations de l'Ă©quipe de Liebergot, la dernière pile Ă  combustible cessera de fonctionner dans 15 minutes. Finalement, ce dĂ©lai suffit Ă  rĂ©activer les Ă©quipements du module lunaire. Les astronautes initialisent manuellement la centrale Ă  inertie, en reprenant les valeurs fournies par celle du module de commande et en les transposant (les deux centrales sont tĂŞte-bĂŞche)[19]. Ă€ l'intĂ©rieur du module de commande, le pilote, Swigert, dĂ©sactive tous les Ă©quipements y compris le chauffage, pour prĂ©server les deux batteries qui seront utilisĂ©es pour les ultimes manĹ“uvres avant la rentrĂ©e atmosphĂ©rique et durant celle-ci. Il rejoint ensuite Lovell et Haise dans le module lunaire Aquarius, appelĂ© Ă  servir de canot de sauvetage jusqu'au retour Ă  proximitĂ© de la Terre. Aquarius n'est pas conçu pour accueillir trois hommes, mais ses Ă©quipements permettent Ă  l'Ă©quipage de disposer de suffisamment d'eau, d'Ă©lectricitĂ© et d'oxygène pour assurer sa survie jusqu'Ă  son retour sur Terre[19].

Schéma 3 : Trajectoire et manœuvres effectuées par la mission Apollo 13. 1 Orbite de parking - 2 Injection sur une orbite de transfert vers la Lune - 3 Largage du troisième étage - 4 1re correction de trajectoire - 5 Explosion du réservoir d'oxygène puis abandon de la mission - 6 2e correction de trajectoire - 7 Injection sur une orbite de transfert vers la Terre - 8 3e correction de trajectoire - 9 4e correction de trajectoire - 10 Largage du module lunaire - 11 Amerrissage - S Lieu d'impact du troisième étage sur la Lune - A Position de la Lune au lancement - B Position de la Lune à l'amerrissage.
Les distances ne sont pas à l'échelle de la Terre, la Lune est environ neuf fois plus éloignée.

SĂ©lection cruciale de la trajectoire de retour

Maintenant que la survie Ă  court terme de l'Ă©quipage n'est plus menacĂ©e, les spĂ©cialistes de la mĂ©canique spatiale du centre de contrĂ´le Ă©tudient comment ramener l'Ă©quipage sur Terre le plus rapidement possible, avant que soient Ă©puisĂ©es les ressources limitĂ©es en Ă©nergie et en oxygène. Parmi les options Ă©tudiĂ©es figure celle consistant Ă  faire demi tour immĂ©diatement. Les spĂ©cialistes ont calculĂ© qu'en utilisant tout le carburant disponible dans le module de service Odyssey, il est possible d'effectuer une telle manĹ“uvre, baptisĂ©e direct abort (abandon direct) par la NASA. Mais les rĂ©servoirs d'ergols et le moteur-fusĂ©e sont situĂ©s dans le mĂŞme module que le rĂ©servoir d'oxygène qui, on le sait dĂ©sormais, a subi une explosion dont l'Ă©tendue des dĂ©gâts est inconnue. La mise Ă  feu du moteur-fusĂ©e pourrait dĂ©clencher une explosion qui aggraverait la situation, voire tuerait immĂ©diatement l'Ă©quipage. L'autre scĂ©nario consiste Ă  laisser le vaisseau Apollo contourner la Lune et revenir sur Terre, ce qu'il doit faire naturellement sur la lancĂ©e de son mouvement actuel (trajectoire de retour libre). La seule manĹ“uvre nĂ©cessaire serait une lĂ©gère correction de trajectoire durant le trajet de retour, afin de ne pas manquer la Terre, manĹ“uvre pouvant ĂŞtre effectuĂ©e Ă  l'aide du moteur de l'Ă©tage de descente du module lunaire Aquarius. Mais ce scĂ©nario recule la date du retour sur Terre et impose Ă  l'Ă©quipage de trois personnes de sĂ©journer encore plus de 80 heures dans un module lunaire conçu normalement pour alimenter deux personnes en Ă©nergie, air et eau pendant 48 heures seulement. Au centre de contrĂ´le, les spĂ©cialistes sont divisĂ©s. Kranz, le responsable des opĂ©rations, dĂ©cide de choisir ce dernier scĂ©nario car il reste trop peu de temps pour planifier un retour direct et la moindre erreur enverrait le vaisseau s'Ă©craser sur la Lune[21] - [22].

La surface de la Lune, photographiée par l'équipage d'Apollo 13 depuis le module lunaire Apollo. Le module de commande et de service est visible à droite.

Les spécialistes du centre de contrôle ne disposent que de quelques heures pour mettre au point de nouvelles procédures afin d'effectuer les opérations indispensables à la survie de l'équipage dans une configuration qu'aucune simulation, aussi poussée soit-elle, n'a jamais prévue[21] :

  • le recours au moteur de l'Ă©tage de descente du module lunaire, pour effectuer les manĹ“uvres de correction de trajectoire dans une configuration incluant le module de commande et de service, n'avait pas Ă©tĂ© prĂ©vu (la position du centre de masse et de la masse, atypique pour une mission Apollo, influe sur le rĂ©sultat de la poussĂ©e du moteur). Les spĂ©cialistes mettent au point un programme de calcul des paramètres de manĹ“uvre en quelques heures Ă  peine ;
  • pour Ă©conomiser l'Ă©nergie rĂ©siduelle des petites batteries du module de commande en vue de la rentrĂ©e atmosphĂ©rique, les responsables du centre de contrĂ´le dĂ©cident d'Ă©teindre tous les instruments du module de commande et de les rĂ©activer seulement au moment d'entamer ces manĹ“uvres. Or, aucune procĂ©dure n'existe pour remettre en marche le module de commande en vol. Normalement, cette opĂ©ration dĂ©licate est effectuĂ©e deux jours avant le lancement. Les spĂ©cialistes mettent donc au point, Ă  chaud, une procĂ©dure adaptĂ©e, tenant compte en outre du peu de courant disponible. Toujours dans le dessein de minimiser la consommation d'Ă©lectricitĂ©, ils prennent Ă©galement le risque d'attendre la fin de la procĂ©dure de rĂ©veil du CSM pour rallumer les instruments de vĂ©rification de l'exactitude des instructions.

Survol de la Lune

Une première manĹ“uvre est effectuĂ©e environ six heures après l'accident, pour replacer le vaisseau sur une trajectoire qui le ramène de manière naturelle vers la Terre. Le moteur de l'Ă©tage de descente du module lunaire fonctionne durant 34 secondes[23]. Seize heures plus tard, le vaisseau contourne la Lune Ă  une distance de 254 km. Les communications sont interrompues durant 25 minutes car la Lune s'interpose entre la Terre et le vaisseau. L'Ă©quipage bat Ă  ce moment le record de distance Ă  la Terre (400 171 km), car l'orbite choisie est plus haute que pour les missions prĂ©cĂ©dentes et la Lune est Ă  l'apogĂ©e de son orbite[24].

Sans une nouvelle correction de trajectoire, le vaisseau doit amerrir dans l'ocĂ©an Indien 152 heures après son lancement. Or les consommables restants, en particulier l'eau et l'Ă©lectricitĂ©, sont insuffisants pour garantir la survie de l'Ă©quipage Ă  cette Ă©chĂ©ance. Après avoir envisagĂ© de rĂ©duire le temps de transit restant de 36 heures par une manĹ“uvre risquĂ©e (le largage immĂ©diat du module de service, exposant longuement le bouclier thermique au vide spatial, et l'utilisation de tous les ergols disponibles dans les rĂ©servoirs de l'Ă©tage de descente), les responsables du centre de contrĂ´le optent pour une solution moins extrĂŞme qui fait gagner seulement 12 heures. La manĹ“uvre intervient deux heures après le contournement de la Lune. Le moteur-fusĂ©e de l'Ă©tage de descente fonctionne durant 264 secondes, modifiant la vitesse du vaisseau de 262 m/s[21] - [25].

Synthèse utilisation des modules Apollo
Module Principales caractéristiques Principaux équipements Consommables
Quantité restante au moment de l'accident ⇒ en fin de mission[26]
Utilisation normale Utilisation après explosion
Module de commandeMasse 6,5 tonnes
Volume habitable de 6,5 m3
Ordinateurs de navigation et de pilotage de la propulsion
3 couchettes
Réservoir oxygène
Batteries (99 ⇒ 118 ⇒ 29 Ah)
SĂ©jour de l'Ă©quipage sauf durant excursion Ă  la surface de la Lune, ou il n'en accueille qu'un.
Seul module revenant sur Terre

Complètement désactivé
Réactivé et réoccupé par l'équipage pour la rentrée atmosphérique en fin de mission.
Module de serviceMasse 24 tonnes
Module non pressurisé
Propulsion principale
Antenne Ă  faible et grand gain
Propulseurs contrĂ´le d'attitude
3 piles Ă  combustible (Ă©nergie et eau)
Oxygène (225 kg)
Hydrogène
Ergols (18,5 ⇒ 18,4 t.)
Permet au module de commande de fonctionner durant toute la mission
Utilisé pour les principales manœuvres d'injection en orbite lunaire, puis de retour sur la Terre
Largué quelques heures avant le retour sur Terre
N'est pratiquement plus utilisé : équipements détruits (piles à combustibles, oxygène, antenne grand gain) ou fiabilité douteuse (propulsion). Largué quelques heures avant le retour sur Terre.
Étage de remontée
(module lunaire Apollo)
Masse 4,5 tonnes
Volume habitable de 4,5 m3
Ordinateurs de navigation et de pilotage de la propulsion
Emplacement pour 2 astronautes en apesanteur
Système de propulsion
Propulseurs contrĂ´le d'attitude
Oxygène (24 ⇒ 14 kg)
Batteries (voir infra)
Eau (153 ⇒ 23 kg)
Ergols du système de propulsion
Abrite les 2 astronautes durant l'excursion de 48 heures Ă  la surface de la Lune
Permet de piloter le module lunaire durant la descente sur la Lune et la remontée
Propulsion assurant la remontée de la surface de la Lune
Largué depuis l'orbite lunaire avant le retour vers la Terre
Abrite les trois astronautes
Fournit eau et oxygène durant la mission
Largué immédiatement avant la rentrée atmosphérique.
Étage de descente
(module lunaire Apollo)
Masse 10 tonnesSystème de propulsion
Équipements scientifiques
Batteries des deux Ă©tages (2 719 ⇒ 410 Ah)
Ergols (8,3 ⇒ 4,6 t.)
Étage propulsif utilisé pour descendre sur le sol lunaire
Transporte les équipements utilisés à la surface de la Lune
Laissé à la surface de la Lune
Propulsion utilisée pour toutes les manœuvres de modification de trajectoire
Principale source d'Ă©nergie
Largué immédiatement avant la rentrée atmosphérique.

Retour sur Terre

L'équipage, dont Swigert visible sur la photo, bricole un adaptateur pour éliminer le dioxyde de carbone de l'atmosphère du vaisseau.

Afin d'économiser de l'énergie pour la rentrée dans l'atmosphère, 80 % des équipements électriques sont coupés et seuls les systèmes de communication avec Houston sont maintenus en état de marche. Parmi les systèmes arrêtés figurent le système de guidage du vaisseau et le chauffage assuré par des résistances électriques, ce qui fait chuter la température à l'intérieur du module lunaire à 9 °C, et à 3 °C dans le module de commande. L'arrêt de l'ordinateur complique les corrections de trajectoire. À cause du rationnement de l'eau consécutif à l'explosion (l'eau est produite par les piles à combustible qui ne fonctionnent plus), Fred Haise contracte une infection urinaire et arrive sur Terre avec de la fièvre. Les trois hommes se trouvent confrontés à un autre problème : la teneur en CO2, dangereux à forte concentration, augmente dans Aquarius, car le système de soutien-vie n'a pas été conçu pour héberger l'équipage au complet durant plusieurs jours. Un des spécialistes de la salle de contrôle, Ed Smylie, met au point un dispositif pour éliminer le CO2 excédentaire[27] - [28]. Les astronautes confectionnent un adaptateur à l'aide de sacs en plastique, de carton et de ruban adhésif renforcé. Grâce à ce bricolage — surnommé « mailbox », « boîte aux lettres » en français —, ils peuvent utiliser les cartouches de rechange des filtres à air du module de commande pour remplacer le filtre à air du module lunaire, d'un format différent[29] - [30].

MalgrĂ© la dernière correction de trajectoire, le vaisseau Apollo s'Ă©carte de sa trajectoire (on dĂ©couvrira par la suite que l’évaporation de l'eau du système de refroidissement du module lunaire exerce une faible poussĂ©e permanente sur le vaisseau). Une correction s'impose pour que le vaisseau entame sa rentrĂ©e dans l'atmosphère sous l'angle exact souhaitĂ© (si l'angle est trop ouvert, le module de commande risque de freiner trop brutalement et de brĂ»ler ; s'il est trop fermĂ©, il ricochera sur l'atmosphère et se perdra dans l'espace). Mais le système de navigation du module lunaire ayant Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©, les astronautes ne disposent pas des mesures nĂ©cessaires pour effectuer cette manĹ“uvre. L'Ă©quipage effectue donc cette correction en utilisant une technique mise au point dans le cadre des programmes Gemini et Mercury et reposant sur un relevĂ© du terminateur Ă  la surface de la Terre. Une deuxième correction est effectuĂ©e un jour plus tard Ă  la demande de l'Atomic Energy Commission (AEC). En effet, le module lunaire transporte un gĂ©nĂ©rateur thermoĂ©lectrique Ă  radioisotope (RTG) SNAP-27, destinĂ© Ă  rester Ă  la surface de la Lune mais qui va dĂ©sormais s'Ă©craser sur Terre. La charge de Plutonium 238 utilisĂ©e comme source de chaleur par ce RTG est contenue dans un blindage qui, normalement, doit rĂ©sister Ă  la rentrĂ©e atmosphĂ©rique. Mais l'AEC demande que les restes du module lunaire s'Ă©crasent le plus loin possible de toutes terres habitĂ©es. La trajectoire est donc modifiĂ©e une deuxième fois, cette fois Ă  l'aide des moteurs du RCS du module lunaire (poussĂ©e d'une durĂ©e de 21,5 secondes), pour faire plonger les restes d'Aquarius dans la fosse des Tonga, profonde de 10 kilomètres[31].

  • Au centre de contrĂ´le de la mission Ă  Houston, Deke Slayton montre aux responsables du centre et de la mission le bricolage (surnommĂ© « mailbox ») proposĂ© pour Ă©liminer le dioxyde de carbone de l'atmosphère du vaisseau.
    Au centre de contrôle de la mission à Houston, Deke Slayton montre aux responsables du centre et de la mission le bricolage (surnommé « mailbox ») proposé pour éliminer le dioxyde de carbone de l'atmosphère du vaisseau.
  • Le module de service endommagĂ©, photographiĂ© peu après son largage, près de la Terre, alors que l'Ă©quipage est toujours Ă  bord du module lunaire (17 avril).
    Le module de service endommagé, photographié peu après son largage, près de la Terre, alors que l'équipage est toujours à bord du module lunaire ().
  • Le module lunaire, qui a servi de chaloupe de sauvetage Ă  l'Ă©quipage, photographiĂ© juste avant que celui-ci n'entame son retour sur terre Ă  bord du module de commande.
    Le module lunaire, qui a servi de chaloupe de sauvetage à l'équipage, photographié juste avant que celui-ci n'entame son retour sur terre à bord du module de commande.
  • CĂ©lĂ©bration au centre de contrĂ´le après le retour sur Terre de la mission Apollo 13. Trois des quatre directeurs de vol sont visibles au premier plan : de gauche Ă  droite Gerald D. Griffin, Eugene F. Kranz et Glynn S. Lunney.
    Célébration au centre de contrôle après le retour sur Terre de la mission Apollo 13. Trois des quatre directeurs de vol sont visibles au premier plan : de gauche à droite Gerald D. Griffin, Eugene F. Kranz et Glynn S. Lunney.
  • Haise, Lovell et Swigert dĂ©barquant sur le navire d’assaut amphibie, USS Iwo Jima (LPH-2).
    Haise, Lovell et Swigert débarquant sur le navire d’assaut amphibie, USS Iwo Jima (LPH-2).

Rentrée atmosphérique et amerrissage

Amerrissage du vaisseau Apollo 13 dans l'Océan Pacifique, le .

Avant la rentrĂ©e dans l'atmosphère, l'Ă©quipage se rĂ©installe dans Odyssey, seul capable de les ramener sur Terre grâce Ă  son bouclier thermique. Ils rĂ©activent, Ă©tape par Ă©tape, les systèmes du module. Ils commencent par larguer le module de service. Ils aperçoivent pour la première fois, Ă  leur grande surprise, que le panneau situĂ© au niveau du rĂ©servoir d'oxygène a Ă©tĂ© expulsĂ©. Le module lunaire Apollo est larguĂ© très peu de temps avant d'entamer la rentrĂ©e atmosphĂ©rique, pour minimiser la consommation des ressources limitĂ©es en oxygène et surtout en Ă©nergie du module de commande, qui ne fonctionne plus que grâce Ă  ses batteries de rentrĂ©e. Lorsque le module lunaire est larguĂ©, celui-ci peut encore fournir de l'oxygène pendant 124 heures mais de l'eau durant seulement cinq heures et demie et de l'Ă©lectricitĂ© durant quatre heures et demie[32].

Normalement la rentrĂ©e atmosphĂ©rique après une mission lunaire s'accompagne d'une perte de liaison radio d'environ quatre minutes, causĂ©e par l'apparition de plasma incandescent autour du bouclier thermique de la capsule, qui perturbe le passage des ondes radio autour du vaisseau. Le temps de silence (en anglais : blackout) lors de la rentrĂ©e du module de commande d'Apollo 13 durera cependant six minutes, soit 87 secondes de plus que prĂ©vu. Cette durĂ©e a plus tard Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  un angle de rentrĂ©e lĂ©gèrement plus plat que l'angle optimal, ce qui a fait durer la rentrĂ©e un peu plus longtemps que prĂ©vu. Les Ă©quipes au sol ont un dernier moment de frayeur Ă  cause de cette durĂ©e de silence trop importante, craignant alors que le bouclier thermique ait Ă©tĂ© endommagĂ© par l'explosion dans le module de service et que l'Ă©quipage ait pĂ©ri calcinĂ© lors de la rentrĂ©e atmosphĂ©rique.

Le vaisseau amerrit finalement dans l'Océan Pacifique entre la Nouvelle-Zélande et les Îles Fidji, à six kilomètres du navire d'assaut amphibie USS Iwo Jima (LPH-2), navire amiral de la flotte chargée de récupérer les astronautes. Après avoir été récupérés par l'Helicopter 66 — un hélicoptère Sikorsky SH-3 Sea King affecté à la récupération des astronautes —, les trois hommes sont hissés sains et saufs à bord du navire, de même que le module de commande[33].

RĂ©sultats de l'enquĂŞte sur l'accident

Schéma en coupe du réservoir d'oxygène no 2, montrant les différents composants dont le thermostat, les moteurs des hélices chargés de brasser l'ergol, la sonde de température et la jauge.
Graphique montrant l'évolution des paramètres du réservoir d'oxygène no 2 (pression, température, quantité d'oxygène) avant et pendant l'explosion, avec en insert un schéma de la valve de surpression.

Dès le retour de l'équipage, une commission est nommée pour enquêter sur l'accident. Ses membres sont des responsables d'établissement de la NASA (Goddard, Ames), des hauts responsables de la NASA ainsi que l'astronaute Neil Armstrong. L'enquête permet de démontrer que l’accident résulte bien de la surpression d'un des réservoirs d'oxygène et permet de remonter la chaîne d'événements y ayant conduit, en identifiant les erreurs commises[34] - [35] :

  • le rĂ©servoir d'oxygène no 2, Ă  l'origine de l'accident, avait Ă©tĂ© initialement installĂ© par North American Rockwell sur le module de service de la mission Apollo 10 (numĂ©ro sĂ©rie SM-106), mais dut ĂŞtre dĂ©montĂ© — ainsi que son « Ă©tagère » support — pour corriger un potentiel problème d'interfĂ©rences radio. Lors de sa manipulation Ă  l'aide d'une grue, un des quatre boulons de fixation ne fut pas desserrĂ©, ce qui dĂ©forma l'ensemble sur environ cm vers le bas et faussa l'une de ses conduites de remplissage/vidange. Après quelques tests supplĂ©mentaires — qui ne comportaient pas de remplissage du rĂ©servoir avec de l'oxygène liquide — en , la NASA dĂ©cida de rĂ©installer le rĂ©servoir et son support dans le module de service SM-109, prĂ©vu pour la mission Apollo 13 et livrĂ© au Centre spatial Kennedy en ;
  • pendant les tests liĂ©s Ă  la prĂ©paration du vol (Countdown Demonstration Test), qui dĂ©buta le , il Ă©tait prĂ©vu de remplir les rĂ©servoirs du module de service afin de les tester. Ces rĂ©servoirs Ă©taient ensuite vidangĂ©s, mais le rĂ©servoir no 2 refusa de se vider ;
  • la dĂ©viation de la conduite de vidange fut alors dĂ©celĂ©e mais le rĂ©servoir fut laissĂ© en place car il n'Ă©tait pas prĂ©vu que cette conduite d'Ă©vacuation soit utilisĂ©e en vol ;
  • un rapport sur l'incident fut rĂ©digĂ©. Après des discussions entre la NASA et les sous-traitants responsables de la fabrication du module de service et de ses rĂ©servoirs, il fut dĂ©cidĂ© de retenter de vider le rĂ©servoir no 2. Cette tentative fut rĂ©alisĂ©e le ;
  • face au refus du rĂ©servoir no 2 de se vider, il fut dĂ©cidĂ© de le surchauffer, afin de forcer l'oxygène Ă  sortir, par Ă©bullition. Pour cela, les rĂ©sistances chauffantes du rĂ©servoir no 2 furent soumises pendant 8 heures Ă  une tension de 65 volts, ce qui Ă©tait la norme Ă©lectrique pour les tests de matĂ©riel au sol ;
  • tous les modules Apollo avaient Ă©tĂ© modifiĂ©s afin de fonctionner Ă©lectriquement sous 65 volts pour les essais au sol, et sous 28 volts une fois en vol. Les rupteurs des thermostats des rĂ©servoirs d'oxygène furent oubliĂ©s : il s'agissait justement de deux contacteurs qui avaient pour fonction de couper l'alimentation Ă©lectrique des rĂ©sistances de chauffage lorsque la tempĂ©rature dĂ©passait 27 °C dans le rĂ©servoir d'oxygène ;
  • durant la vidange du rĂ©servoir no 2 d'Apollo 13, les deux rupteurs fondirent en se soudant et ne furent plus en mesure de remplir leur rĂ´le ;
  • le cadran indiquant la tempĂ©rature du rĂ©servoir n'Ă©tait graduĂ© que jusqu'Ă  29 °C car au-delĂ , les rupteurs thermostatiques Ă©taient en thĂ©orie censĂ©s avoir dĂ©jĂ  interrompu le chauffage. Le cadran n'indiquant a priori rien d'anormal, le technicien chargĂ© de vidanger le rĂ©servoir pensa que tout s'Ă©tait bien passĂ© lors de la procĂ©dure. Cette procĂ©dure avait d'ailleurs Ă©tĂ© approuvĂ©e par Lovell et Mattingly, du premier Ă©quipage de la mission, ainsi que par les dirigeants et les ingĂ©nieurs de la NASA ;
  • on a estimĂ© a posteriori que la tempĂ©rature Ă  l'intĂ©rieur du rĂ©servoir avait atteint plus de 530 °C pendant la vidange, ce qui provoqua la vaporisation des isolants en TĂ©flon des câblages Ă  l'intĂ©rieur du rĂ©servoir ;
  • lorsque Jack Swigert actionna le brassage du rĂ©servoir no 2, après 55 h 54 min 53 s de vol Ă  321 860 km de la Terre, un court-circuit entre les câbles dĂ©nudĂ©s produisit des Ă©tincelles Ă  l'intĂ©rieur du rĂ©servoir ;
  • le mĂ©lange de TĂ©flon et d'oxygène, hautement inflammable, fit exploser le rĂ©servoir no 2, ce qui endommagea au passage les conduites du rĂ©servoir no 1, bloqua les valves de propulseurs de contrĂ´le de position, souffla le panneau en aluminium du secteur no 4 du module de service, endommagea l'antenne Ă  grand gain et laissa l'Ă©quipage avec très peu d'Ă©lectricitĂ© et d'eau (fabriquĂ©es Ă  partir de piles Ă  combustibles alimentĂ©es par l'oxygène).

Conséquences de l'accident sur le programme Apollo

Pour éviter que se reproduise semblable anomalie, ou à tout le moins en limiter les conséquences, la commission émit des recommandations induisant principalement des modifications du module de service. On modifia la conception du réservoir : on supprima les ventilateurs afin d'éliminer les câbles électriques. On réduisit autant que possible la présence de matériaux susceptibles de s'enflammer, à l'instar de l'aluminium et du téflon. Un réservoir d'oxygène et une batterie indépendante des piles à combustible furent ajoutés afin, d'une part, de disposer d'une réserve supplémentaire d'oxygène et, d'autre part, de ne pas dépendre des piles à combustibles en cas de défaillance de celles-ci. Des capteurs supplémentaires furent installés au niveau des vannes des piles à combustibles afin de disposer de plus d'informations sur leur fonctionnement. La restitution et la hiérarchisation des alarmes fut revue pour mieux mettre en évidence les incidents graves et éviter que certaines alarmes passent inaperçues en cas d'alarmes simultanées[36].

Les conclusions de l'enquête menées à la suite de l'accident d'Apollo 13 entraînèrent le report de la mission suivante, Apollo 14, pour permettre d'en tirer les conséquences. Son lancement fut repoussé à début 1971. Selon les plans fixés en , la mission Apollo 14 devait se poser dans une région située près du cratère Littrow, qui avait peut-être été le siège d'un volcanisme récent. Mais la reconnaissance photographique nécessaire pour identifier le site d'atterrissage devait incomber à la mission Apollo 13 et ne put être effectuée, compte tenu des circonstances. Les responsables du programme modifièrent donc les plans : la mission Apollo 14 reprit les objectifs d'Apollo 13, c'est-à-dire l'étude de la formation géologique Fra Mauro. À la même époque, le programme Apollo subit de nouvelles coupes budgétaires et les deux dernières missions furent annulées. Apollo 14 devint la dernière mission de type « H », c'est-à-dire dotée d'une version allégée du module lunaire Apollo[37]

Le vaisseau de la mission Apollo 13 (module de commande) est exposé au Kansas Cosmosphere and Space Center. Sur le côté, une maquette décrivant les parties endommagées du module de service lors de l'explosion du réservoir d'oxygène no 2.

Dans les années 1980, le module de commande fut prêté au musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, mais il retourna ensuite aux États-Unis en 1995, pour les besoins de promotion du film Apollo 13. Depuis, la capsule est conservée au musée de l'espace Cosmosphere de Hutchinson (Kansas), États-Unis.

Dans la culture populaire

Le déroulement de la mission est le sujet du film Apollo 13, sorti en 1995, qui retrace assez fidèlement son histoire et constitue dans le domaine cinématographique le témoignage le plus réaliste sur le programme Apollo. Dans la version anglaise, la plupart des transmissions radio sont les bandes originales de la mission. Toutefois, afin d'accentuer le caractère dramatique, certains détails s'écartent de la réalité. Il s'agit notamment de l'explosion du réservoir d'oxygène, beaucoup moins spectaculaire dans la réalité que dans le film.

Plusieurs témoignages ont été publiés par les différents acteurs de la mission. Le commandant de la mission Lovell a rédigé avec un journaliste Lost Moon: The Perilous Voyage of Apollo 13, publié en 1994. Le responsable des systèmes électriques dans la salle de contrôle, Sy Liebergot, a livré son témoignage dans un livre intitulé Apollo EECOM, rédigé avec David M. Harland et publié en 2003. Le directeur des vols Gene Kranz décrit le déroulement de la mission dans le cadre de son autobiographie Failure Is Not an Option, publiée en 2000.

L'expression « Houston, we've had a problem » (en français, « Houston, on a eu un problème »), qui fut prononcée par Jack Swigert, est vite entrée dans la culture américaine, car le sauvetage de la mission Apollo 13 a été très suivi par les médias et le public. C'est l'euphémisme de la formulation qui a frappé les esprits, compte tenu de l'ampleur du « problème » en question (même si Swigert ne saisit pas la gravité de la situation au moment où il prononce cette phrase). La phrase a ensuite été légèrement déformée et est surtout connue de nos jours sous la forme « Houston, we have a problem » (« Houston, on a un problème »)[38].

Notes et références

Notes

  1. Pour les missions précédentes le site devait se situer à moins de 5° de l'équateur lunaire. Toutefois les marges ne sont pas suffisantes pour atteindre les latitudes les plus élevées.
  2. Pour conserver une élévation optimale du Soleil sur le plan de la visibilité durant la phase d'atterrissage sur le sol lunaire (5-14°), les sites de rechange devaient se situer plus à l'ouest que le site primaire ce qui imposait à celui-ci de se situer sur la partie est de la face visible.
  3. Des centaines de télémesures fournissant l'état des différentes équipements du vaisseau sont transmises en permanence et en temps réel au centre de contrôle. Elles sont affichées sur les pupitres de différentes équipes spécialisées (système électrique, propulsion, communications...) qui les surveillent en permanence et interviennent en cas d'anomalie.
  4. Le CO2 devient dangereux pour l'ĂŞtre humain Ă  partir d'une concentration de seulement 1 %, ce qui est rapidement atteint dans un milieu aussi Ă©troit qu'une capsule spatiale.
  5. Cette procédure a été prévue dès la conception du LEM et a été testée lors de la mission Apollo 9.

Références

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  2. (en) Apollo the definitive sourcebook 2010, p. 296.
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  4. « jeep lunaire », sur vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca (consulté le )
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Voir aussi

Bibliographie

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Documents techniques de la NASA
  • (en) NASA, Apollo 13 Press Kit, (lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Dossier de présentation à la presse de la mission Apollo 13.
  • (en) NASA - Centre spatial Johnson, Apollo 13 mission report, (lire en ligne [PDF]).
    Rapport officiel de la mission Apollo 13.
  • (en) NASA - Centre spatial Johnson, Mission operations reports Apollo 13, , 331 p. (lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Déroulement détaillé du vol Apollo 13.
  • (en) NASA - Centre spatial Johnson, Apollo 13 technical creww debriefing, (lire en ligne [PDF]).
    DĂ©briefing technique de l'Ă©quipage de la mission Apollo 13.
  • (en) NASA commission Cortright, Report of Apollo 13 review board, (lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Rapport sur l'accident effectué par la commission Cortright.
  • (en) MSC Apollo 13 Investigation Team, Spacecraft Incident Investigation – Volume 1 : Anomaly Investigation, (lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Rapport d'enquĂŞte de la NASA sur la mission Apollo 13.
Ouvrages de la NASA
  • (en) Eric M. Jones et Ken Glover, « Apollo 13 surface journal », sur Apollo Surface Journal, NASA. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Portail regroupant l'ensemble des documents officiels disponibles sur le déroulement de la mission Apollo 13 à la surface de la Lune ainsi que la transcription des échanges radios.
  • (en) David Woods, Lennox J. Waugh et Alexandr Turhanov, « The Apollo 13 Flight Journal », sur Apollo Flight Journal, NASA, .
    Déroulement de la mission Apollo 13 durant les phases de vol : transcription des échanges radios associée à des explications de spécialistes.
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    Déroulement détaillé d'une mission lunaire Apollo.
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    Déroulement détaillé des séjours lunaires des missions Apollo avec nombreuses illustrations, contexte géologique détaillé et quelques développements sur les missions robotiques de cette période.
  • (en) Richard W. Orloff (auteur) et David M. Harland (contributeur), Apollo : The Definitive Sourcebook, Springer-Verlag New York Inc., , 634 p. (ISBN 978-0-387-30043-6 et 978-0-387-30043-6, LCCN 2005936334). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Ouvrage de référence des principaux faits et dates des missions Apollo.
  • (en) Richard W. Orloff (NASA), Apollo by the numbers : A Statistical Reference, Washington, National Aeronautics and Space Administration, 2000-2004, 344 p. (ISBN 978-0-16-050631-4, OCLC 44775012, LCCN 00061677, lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Un grand nombre de statistiques sur le programme Apollo, mesures anglo-saxonnes (NASA SP-2000-4029)
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  • (en) Jim Lovell, Lost Moon : The Perilous Voyage of Apollo 13, Houghton Mifflin, , 378 p. (ISBN 978-3-445-32323-1 et 978-3-44532-323-1, ASIN 0395670292). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

Articles connexes

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