Anonyme de Londres
L'Anonyme de Londres (Anonymus Londiniensis)[1] est un papyrus médical grec du premier ou deuxième siècle découvert en Égypte. C'est l'une des sources les plus fameuses pour la médecine grecque antique.
Il est catalogué P.Lit.Lond. 165, inv. 137 = MP3 2339 et LDAB 3964. Il est actuellement conservé à la British Library (précédemment au British Museum) de Londres.
Contenu
C'est le plus long papyrus grec médical connu, mesurant 336 × 25 cm, soit vingt feuilles, contenant approximativement 1920 lignes de textes[2], répartis sur 39 colonnes, la qualité du papyrus est médiocre. Le British Museum le découpa dans 11 cadres[3]. 23 fragments furent reliés à l'Anonyme en 1901 mais seize furent ensuite perdus, Diels a pu néanmoins les retranscrire[4]. Une seule main a composé le papyrus au recto[5].
Il fut écrit au Ier ou IIe siècle de notre ère[6]. Le papyrus devait être probablement un brouillon, un autographe à caractère de compilation pour un livre, il est inachevé mais l'auteur n'a pas dû s'arrêter là [7]. Il se peut que ce soit un autographe, un entraînement en vue de la dialectique, d'une démonstration publique ou d'un exercice à un concours, si on se base que la lettre du verso est bien recopié par le même auteur[8]. L'auteur est anonyme, les études récentes suggèrent qu'il est dans la tradition platonico-académique, de culture dogmatique et de tradition hérophiléenne[9]. L'auteur modifie et choisit ses sources a sa guise, il a une position autonome[10]. Le lieu d'écriture n'est pas connu, il est supposé que ce soit Meir, Mallawi ou Hermopolis, capitale du nome car le papyrus référence l'Asie avec la lettre de Marc-Antoine[11].
Le papyrus est en trois parties, très portées sur la doxographie[12].
La première section (I 1 - IV 17) est introductive, l'auteur oppose les « anciens », les péripatéticiens, aux « modernes », les stoïciens, en définissant les affections de l'âme et du corps par les définitions doctrinales[13].
La seconde section (IV 18 - XXI 8) est intitulée « <Discussion> Étiologique. Maladies », surnommée « Doxographie de Ménon », confrontant les désaccords sur l'origine des maladies à travers 20 auteurs et médecins, parmi les parties identifiables du texte qui compte de nombreuses lacunes. Aucun n'est postérieur à Aristote parmi ceux que l'on connaît[14]. L'Anonyme divise les médecins en deux groupes principaux avec des sous-groupes.
D'abord, ceux qui pensent que les maladies sont causés par les causes alimentaires. Parmi les auteurs connus, il cite ainsi Euryphon de Cnide, fondateur de l'école cnidienne, peut-être l'auteur du traité hippocratique sur le régime[15] ; Hérodicos de Cnide, élève d'Euryphon (en), peut être le fondateur de la diététique[16] ; Hippocrate, bien que le corpus hippocratique lui attribue beaucoup de travaux inauthentiques, les opinions se fondent sur le traité des vents attribué à Aristote et des écrits hippocratiques écrits par Polybe[17] ; Hippon de Crotone, évoqué dans un fragment de Cratinos, son ethnique n'est pas certaine[18] ; Dexippe de Cos, élève d'Hippocrate[19] et Aigimios d'Élis, qui aurait écrit un traité sur les pouls avant Hérophile[20]. Alcamène d'Abydos, Timothée de Métaponte, Abas ou Aias, Héracléodore (nom incertain), Hérodicos[21], Niny l'Égyptien (nom incertain), Thrasymaque de Sardes, et Phasitas (ou Phasilas, Phasidas, Phaidas) de Ténédos sont inconnus en dehors de l'Anonyme[20].
Puis un second groupe qui considère que les maladies sont dues aux déséquilibres des éléments du corps :
- Platon, opinion la plus longue, se base sur le Timée[22].
- Philolaos de Crotone, mal connu, élève de Pythagore[23]
- Polybe de Cos, disciple d'Hippocrate
- Ménécrate « Zeus », plusieurs témoignages, l'épithète évoque le dieu que étymologiquement le verbe « Vivre », plutôt proche[24].
- Pétron ou Pétronas d'Égine, considéré comme un ancien voir un contemporain d'Hippocrate[25].
- Philistion de Locres, ou de Sicile, ami de Platon, grande réputation, auteur prolifique, médecin du tyran Denys[26].
Pour la section doxographique, sa principale source doit être issue du mouvement péripatéticien[27]. Il y eut de nombreuses hypothèses que l'on ne peut confirmer telle que la Collection Médicale de Ménon qui fut attribuée à son maître Aristote[28] ou l'ouvrage De la Médecine d'Aristote[29]. En revanche, Alexandre Philalèthe n'a pas été utilisé malgré des hypothèses formulées[30].
La troisième section est la partie physiologique avec un exercice dialectique, l'auteur confronte et juge les théories des écoles et élabore sa théorie après des expériences. Elle fut peu étudiée mais pourtant essentielle car excepté Aristote, les sources et écrits sont perdus[31]. L'auteur cite comme source Hérophile (le fameux médecin fondateur de l'anatomie scientifique et de la théorie du pouls[32]), Érasistrate (fonda l'école des éristratéens et médecin des souverains séleucides), Aristote (cite les Petits traités d'Histoire Naturelle[33]), Asclépiade de Bithynie (mal connu[34]) et Alexandre Philalèthe (l'auteur le plus récent du papyrus, maître de l'école hérophiléenne[35]). Il compare ensuite l'école empirique puis « les Anciens »[36].
Au verso du papyrus, trois contenus sont présents :
- Deux additions au texte du recto, par le mĂŞme auteur[37].
- Une recette médicinale pour un purgatif listant comme ingrédients la scammonée, l'agaric, le bdellium et la gomme arabique. Cette recette est proche de prescriptions données par Galien, Aétius d'Amide et Paul d'Egine[38].
- Une copie d'une lettre de Marc-Antoine, triumvir en visite à Éphèse, au koinon des grecs d'Asie où il explique leurs privilèges aux vainqueurs à l'occasion des Jeux sacrés. La présence de cette lettre dans ce papyrus à longtemps divisé, entre le voyage du papyrus ou une liaison entre l'Égypte et Éphèse mais la circulation de copies de lettres officielles est attestée en Égypte[39]. L'hypothèse la plus récente serait que les jeux concernés seraient les Grands Asclépieia en hommage à Asclépios, et qui incluraient des concours médicaux, attestés par l'épigraphie, sous l'égide d'une corporation de docteurs, les vainqueurs recevant des privilèges. Plusieurs exercices de dialectiques et de réponses à des problèmes des Asclépieia s'accordent au contenu du recto[8].
DĂ©couverte et publications
Il est découvert en 1889 dans un groupe de papyrus contenant la Constitution d'Athènes ainsi que des textes d'Hypéride et de Démosthène[40]. Ce lot de papyrus devait faire partie d'une bibliothèque privée ou un fond pour des fonctionnaires et notables locaux [41]. Les conditions d'acquisitions sont peu claires mais furent menées par le révérend J.R. Alexander, directeur du collège américain d'Assayout et des égyptologues Ernest Alfred Thompson Wallis Budge et Archibald Henry Sayce[42]. L'edito princeps, soit la première édition imprimée, fut réalisée par Hermann Diels en 1893[43].
Références
- C.U.F., p. 70. Il est probable que le papyrus n'ait pas de titre, malgré des reconstitutions.
- C.U.F., p. XX.
- C.U.F., p. XVIII-XIX.
- C.U.F., p. CXLI.
- C.U.F., p. XXI.
- C.U.F., p. XXIII.
- C.U.F., p. XLII-XLIII.
- C.U.F., p. CXXX-CXXXVIII.
- C.U.F., p. CXIV-CXV. Les études anciennes suggéraient plutôt une identification avec l'école Méthodique voir que l'auteur serait Soranos d'Éphèse.
- C.U.F., p. LI.
- C.U.F., p. XV-XVI.
- C.U.F., p. XLIII.
- C.U.F., p. LI-LVIII.
- C.U.F., p. LIX.
- C.U.F., p. LXVI.
- C.U.F., p. LXVII.
- C.U.F., p. LXIX-LXXI.
- C.U.F., p. LXXX.
- C.U.F., p. LXXXIV.
- C.U.F., p. LXXXV.
- C.U.F., p. LXXVIII. Nous connaissons trois médecins nommés Hérodicos, chacun avec leurs ethniques : de Sélymbrie, de Léontium et de Cnide mais impossible de confirmer un rapprochement avec l'Héridicos du papyrus.
- C.U.F., p. LXXXVIII. Les passages utilisés du Timée sont 42e et 73b-84e.
- C.U.F., p. XC.
- C.U.F., p. XCIV-XCV. Il est évoqué par Plutarque, Elien, Clément d'Alexandrie, Athénée, Eustathe et la Souda.
- C.U.F., p. XCVI.
- C.U.F., p. XCVII.
- C.U.F., p. L.
- C.U.F., p. XLV-XLVII. La recherche est compliquée en sachant que nous n'avons aucune certitude sur l'existence historique de Ménon et son rôle dans la rédaction.
- C.U.F., p. XLVIII-XLIX.
- C.U.F., p. L-LI.
- C.U.F., p. XCVIII-XCIX.
- C.U.F., p. C.
- C.U.F., p. CIV.
- C.U.F., p. CIV. Il est cité dans l'Histoire Naturelle (XXVI, 12-17) de Pline.
- C.U.F., p. CV.
- C.U.F., p. CVII.
- C.U.F., p. CXVIII-CXIX.
- C.U.F., p. CXIX-CXXV.
- C.U.F., p. CXXV-CXXIX.
- C.U.F., p. IX-X.
- C.U.F., p. XVI-XVII.
- C.U.F., p. X-XV.
- C.U.F., p. CXXXIX.
Bibliographie
- Anonyme (trad. Antonio Ricciardetto), L'Anonyme de Londres : P. Lit. Lond. 165, Brit. Libr. inv. 137 : un papyrus médical grec du Ier siècle après J.-C., Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France. Série grecque », .