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Animal fouisseur

Un animal fouisseur est un animal, terrestre ou aquatique, qui creuse respectivement le sol et les sédiments pour y passer tout ou partie de sa vie ou s'y nourrir (vers de terre par exemple). Le fouissement met en œuvre des mécanismes très divers selon les groupes d'animaux. Les formes fouisseuses peuvent creuser des trous ou des galeries (simples ou multiples, à une ou plusieurs sorties) et y vivre seules, en famille ou en groupes plus importants.

Galeries dans des sédiments fossilisés, creusées par des crustacés fouisseurs de l'époque Jurassique (Sud d'Israël).
Le Lystrosaurus est un reptile fouisseur de l'ordre des Thérapsides — ou reptiles mammaliens — . Il vécut entre le Permien supérieur et le Trias supérieur. C'est l'une des rares grandes espèces rescapées de la grande extinction des espèces (peut-être en partie grâce à sa capacité à se protéger sous le sol ?)
Amphisbène, reptile fouisseur présentant de nombreuses adaptations au fouissage.
Un tamia Ă©mergeant de son terrier.
Terriers d'hirondelles de rivage sur les berges de la Volga près de Kstovo (Russie).

Parfois, un même terrier peut être partagé par plusieurs espèces.

Dans le cas d'animaux comme le ver de terre ou certains vers de sable, le terrier est aussi en quelque sorte un sous-produit de son mode de locomotion.

Une partie de la faune fouisseuse est ou a été considérée comme « nuisible », mais on reconnait maintenant aux organismes fouisseurs un rôle écologique important voire majeur (service écosystémique) en termes d'aération, de micro-drainage, de cycle biogéochimique et de productivité du sol [1]

De nombreuses espèces vivent dans les sédiments qu’elles contribuent à mélanger et à aérer, y évitant une anoxie peu favorable aux espèces dites "supérieures".

Histoire

Comme le montrent de nombreux fossiles trouvés sur tous les continents, le fouissage est probablement un mode de vie et d'habitat très ancien sur terre comme dans les sédiments aquatiques.
Il a présenté ou présente certains avantages contre la prédation (bien que les taupes puissent par exemple se nourrir des vers de terre en ayant adapté un mode de vie souterraine impliquant également le fouissage).
C'est un mode de vie qui préserve aussi l'animal des grands froids, de certains incendies (quand l'animal ne meurt pas asphyxié) et des ultraviolets et (probablement beaucoup plus intenses et agressifs quand la terre n'était pas encore entourée d'une couche d'ozone), mais qui rend vulnérable aux inondations et à certains parasites (puces et certains acariens qui peuvent pulluler dans certains terriers par exemple).

Typologies

Les animaux fouisseurs peuvent être classés dans leur groupe systématique (oiseaux, reptiles, mammifères, invertébrés, etc.) ou selon leur habitat préférentiel :

  • Ce sont parfois des animaux (Edaphon) vivant plutĂ´t en surface du sol qu'en profondeur. Souvent ils ne font que creuser leur gĂ®te ou tanière dans le sol, parfois uniquement pour y hiberner ;
  • Ce sont parfois des animaux de la faune du sol, on distingue alors :
- l'Hémiédaphon (le groupe des organismes de la litière qui fouit aussi le sol en surface, et les espèces de l'horizon organique dites espèces hémiédaphiques).
- l'Euédaphon (organismes des profondeurs généralement caractérisés par des traits adaptatifs plus marqués (espèces euédaphiques).

On parle de faune anécique, endogée ou épigée selon les profondeurs où elle vit, et selon l'orientation (horizontale ou verticale de leurs galeries, dans le cas des vers de terre par exemple).

On trouve aussi des animaux fouisseurs dans les sédiments marins ou d'eau douce ; coquillages et vers principalement. Dans les sédiments anoxiques, certains fouisseurs passent une grande partie de leur temps la tête dans le sédiment et la queue hors de celui-ci, tels Tubifex tubifex et Lumbriculus variegatus en eau douce.

Certains animaux ne deviennent fouisseurs que dans certains contextes.
Ainsi et Ă  titre d'exemple, une espèce-ingĂ©nieur comme le castor (C. fiber en Eurasie et C. canadensis en AmĂ©rique du Nord) par exemple construit des « huttes Â» faites de branches et de terre (en bordure d'Ă©tangs, de cours d'eau ou « insularisĂ©es Â» par un plan d'eau naturel ou retenu par un barrage dans les zones humides), mais il creuse un terrier sur les bords de fleuves plus puissants (Loire par exemple) ou quand il est pourchassĂ© (on parlait autrefois de Castor-terrier pour dĂ©signer ces castors fouisseurs, dont la fourrure Ă©tait rĂ©putĂ©e de moindre qualitĂ©). Selon qu'il est fouisseur ou non, les effets Ă©copaysagers de sa prĂ©sence diffèrent fortement (un peu moins importants quand il vit dans des terriers que quand il creuse des barrages)[2].

Exemples

Les animaux fouisseurs sont communs presque partout, dans tous les groupes taxonomiques animaux, dont :

  • mammifères (notamment mammifères insectivores tels que les taupes ou musaraignes, mais aussi des rongeurs (ex : marmotte qui selon certaines estimations pourrait pour un seul terrier d'un mètre cube environ, dĂ©placer 320 kg de sol ou cailloux); Certains comme l'Ă©cureuil roux ne fouissent le sol que pour y manger les truffes (Elaphomyces granulatus surtout, et y enterrer leurs provisions de graines. Les blaireaux crĂ©ent de vĂ©ritables villages souterrains qu'ils peuvent habiter durant plusieurs siècles. Le lapin et d'autres Lagomorphes font un travail important de terrassement. Le plus grand animal fouisseur est probablement l'ours polaire quand il creuse sa tanière dans la neige et/ou le sol ;
  • amphibiens ;
  • reptiles ;
  • oiseaux ; les oiseaux fouisseurs sont souvent des espèces dĂ©pendantes de l'eau. Ils creusent gĂ©nĂ©ralement leur terrier dans du sable ou des matĂ©riaux assez faciles Ă  creuser, dans de petites falaises ou berges. C'est le cas de l'Hirondelle de rivage, du macareux, du martin pĂŞcheur et du guĂŞpier par exemple, ou encore de certains manchots et d'autres oiseaux pĂ©lagiques ; le Manchot de Magellan (Spheniscus magellanicus) creuse ainsi son terrier le long du littoral de Patagonie[3] ;
  • petits dinosaures fouisseurs, de la moitiĂ© du CrĂ©tacĂ©, dont 3 fossiles (un adulte et 2 jeunes) ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans une chambre Ă©largie creusĂ©e au fond d'un terrier, conservĂ© dans le sud-ouest du Montana) aux États-Unis[4]). De tels terriers auraient peut-ĂŞtre permis Ă  de petites espèces de dinosaures de vivre dans des environnements extrĂŞmes aux latitudes polaires, dans des dĂ©serts et zones de zones de haute montagne[4] ;
  • invertĂ©brĂ©s (très nombreux) dont :

Substrats creusés

Ils sont très variés.

Des souris kangourou creusent le sable fin et la gale est causée par un acarien qui creuse ses galeries dans la peau des animaux (y compris les humains) qu'il infeste; Les termites creusent des terriers dans le bois. Certains oursins et coquillages peuvent creuser des roches assez dures.

Les galeries

Elles varient d'un simple tube de quelques millimètres de long ou large à des réseaux complexes de tunnels creusés sur plusieurs kilomètres et mettant en communication plusieurs centaines de chambres comme celles du lapin Warren.

RĂ´le Ă©cologique des fouisseurs

Le fouisseur le plus souvent cité est le ver de terre, autrefois considéré comme « nuisible », mais réhabilité par Darwin dans un livre[5] traduit en Français en 1882[6]. et élevé par Jones au rang d’ « ingénieur du sol[7] ». Ce ver fouisseur contribue en effet au mélange permanent des couches du sol (phénomène dit de bioturbation) et c’est un des « faiseurs de sol » et il en améliore la productivité ; De plus ses galeries en facilitent aussi la colonisation par les racines, les bactéries et les mycéliums, et ils améliorent beaucoup sa productivité[8]. Son aire de vie est parfois dite « drilosphère »[9]
Dans un ouvrage publiĂ© le et intitulĂ© « "The formation of vegetable mould through the action of worms with observations on their habits" » (son dernier livre scientifique, qui s'est vendu Ă  2000 exemplaires immĂ©diatement, et en quelques mois Ă  3 500 exemplaires vendus puis Ă  8500 exemplaires en moins de trois ans, soit plus rapidement et en plus grand nombre que son Ĺ“uvre principale, «L'Origine des espèces»[5]), il a traitĂ© de l'importance du travail de bioturbation des vers de terre sur la pĂ©dogenèse, l’érosion, la fertilitĂ© du sol[5]. Un critique en fait le commentaire suivant : « Au regard de la plupart des gens… le ver de terre est simplement un annĂ©lide aveugle, sourd, dĂ©pourvu de sensations, dĂ©sagrĂ©ablement gluant. M. Darwin entreprend de rĂ©habiliter son caractère, et le ver s’avance tout Ă  coup comme un personnage intelligent et bienfaisant, qui opère de vastes changements gĂ©ologiques, un niveleur de montagnes… un ami de l’homme… et un alliĂ© de la SociĂ©tĂ© pour la conservation des monuments anciens »[5]. La rĂ©Ă©dition en 1945 de ce livre, avec une Introduction par Sir Albert Howard aura un succès encore plus important[5], confirmant le rĂ´le de Darwin en tant que prĂ©curseur dans l'histoire de la pĂ©dologie[10]. Il a dĂ©montrĂ© l'importance globale de l'activitĂ© des vers de terre dans la fertilitĂ© des sols ; « La charrue est une des inventions les plus anciennes et les plus prĂ©cieuses de l'homme, mais longtemps avant qu'elle existât, le sol Ă©tait de fait labourĂ© par les vers de terre et il ne cessera jamais de l'ĂŞtre encore. Il est permis de douter qu'il y ait beaucoup d'autres animaux qui aient jouĂ© dans l'histoire du globe un rĂ´le aussi important que ces crĂ©atures d'une organisation si infĂ©rieure »[11] tout comme le climat, la nature de la roche-mère sur laquelle se dĂ©veloppe le sol en question, et le type de litière apportĂ© au sol.

Dispersion ou remise Ă  jour de polluants

Les animaux fouisseurs peuvent enfouir ou remonter au jour des polluants enfouis, dont des radionucléides. Lysikov a ainsi montré (en 1995) près de la centrale de Tchernobyl, après la catastrophe de 1986, que le travail de fouissage du sanglier interférait avec la circulation des radionucléides (dont césium) dans l'environnement[12].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • (fr)

Bibliographie

  • Bachelier G., 1978. La faune du sol, son Ă©cologie et son action, IDT no 38. ORSTOM, Paris, 391 pp.

Références

  1. Lavelle, P., Spain, A.V., 2001. Soil Ecology. Kluwer Academic Publishers, 654 p. .
  2. Collen P, Gibson RJ (2000) The general ecology of beavers (Castor spp.) as related to their influence on stream ecosystems and riparian habitats, and the subsequent effects on fish—a review. Rev Fish Biol Fish 10:439–461. doi:10.1023/A:1012262217012 (résumé)
  3. C. Michael Hogan, (2008) Magellanic Penguin, Globaltwitcher.com, Ă©d. Nicklas Stromberg
  4. (en) David J. Varricchio, Anthony J. Martin et Yoshihiro Katsura, « First trace and body fossil evidence of a burrowing, denning dinosaur », Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, vol. 274, no 1616,‎ , p. 1361-1368 (ISSN 1471-2954, PMID 17374596, PMCID PMC2176205, DOI 10.1098/rspb.2006.0443, résumé, lire en ligne).
  5. C. Feller, G.G. Brown et E. Blanchart, Darwin et le biofonctionnement des sols, Étude et Gestion des Sols, 7, 4, 2001 - numéro spécial, Article reçu: mars 2000 et Accepté : mars 2000 - 8 pages (p. 385 à 392)
  6. Darwin Ch., 1882 - Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale. Traduit de l’anglais par M. Levêque. Préface de M. Edmond Perrier. C. Reinwald Libr.-Ed., Paris, XXVIII + 264 p.
  7. Jones et al. (1994)
  8. Earthworm Ecology By Clive Arthur Edwards. 2d Ed. 2004. CRC Press. (ISBN 0-8493-1819-X)
  9. M. B. Bouché, Action de la faune sur les états de la matière organique dans les écosystèmes. 1975.
  10. Boulaine J., 1989 - Histoire des pédologues et de la science des sols. Inra Éditions, Paris, 285p.
  11. - Charles Darwin - 1881
  12. Lysikov, A.B. (1995): Der Einfluss der Wühl aktivität von Schwarzwild auf den Prozeß der Wanderung von Radionukliden im Boden nahe des Kernkraftwerks Tschernobyl. Schriftenreihe für Ökologie, Jagd und Naturschutz, Band 3, 99-105
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