Ananda (bouddhisme)
Ananda (IAST Änanda, Ch:éżéŁ, A Nan) « FĂ©licitĂ© » en sanskrit, Ă©tait le cousin et lâun des dix principaux disciples du Bouddha dont il fut lâassistant personnel pendant vingt-cinq ans. Ă ce titre, il est celui qui recueillit le plus de paroles de Gautama, et fut requis Ă sa mort pour rĂ©citer le Sutta Pitaka afin que le souvenir ne sâen perde pas. L'Ă©tymologie lĂ©gendaire du terme sutra (pali : sutta) le fait dĂ©river de lâentrĂ©e en matiĂšre de ce type de texte : evam me sutam (ainsi ai-je entendu), qui daterait de la rĂ©citation d'Ananda.
Patriarche du zen (d) | |
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Famille de Siddhartha Gautama (en) |
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Fratrie | |
ParentĂšle |
Siddhartha Gautama (cousin et cousin germain) |
La tradition le dĂ©crit comme un moine de haut niveau intellectuel et spirituel, mais dĂ©rogeant parfois aux rĂšgles ou prenant des initiatives contestĂ©es (comme celle de persuader le Bouddha dâautoriser lâentrĂ©e des femmes dans les ordres), et cependant toujours sympathique. Le canon pali prĂ©tend qu'on ne lui connaissait pas d'ennemis.
Il est considéré par le courant chan/zen comme son troisiÚme patriarche aprÚs Shakyamuni et Mahakashyapa (Mahakassapa).
Comme pour tous les compagnons de Siddhartha Gautama, les informations le concernant sont parfois contradictoires et sujettes à caution, particuliÚrement celles tirées des Jatakas, clairement légendaires.
Divers historiens actuels, parmi de nombreuses chronologies, datent les Ă©vĂ©nements : 563 av. J.-C. le Bouddha et Ananda naissent la mĂȘme annĂ©e, -526 Ananda est moine, -508 il est le serviteur personnel (upasthĂąyaka) du Bouddha, -482 il est arhant (mĂ©ritant) et il rĂ©cite les sutra (sermons) du Bouddha lors du premier concile bouddhique[1].
Ananda est né le jour de l'éveil du Bouddha, c'est la raison pour laquelle il fut nommé Ananda qui signifie « la joie », il était plus jeune de trente ans que le Bouddha qu'il servait pendant 27 ans.
Jeunesse
La lĂ©gende prĂ©tend quâil descendait de Tushita comme Siddhartha Gautama et naquit le mĂȘme jour que lui. Son pĂšre Ă©tait Amitodana, frĂšre de Shuddhodana ; il avait pour frĂšres MahÄnÄma et Anuruddha. Une autre source prĂ©tend quâil Ă©tait fils de Suklodana et frĂšre de Devadatta et UpadhÄna. Le nom de sa mĂšre Ă©tait MáčgÄ«.
Il entra dans les ordres la deuxiĂšme annĂ©e de prĂȘche du Bouddha, en mĂȘme temps que de nombreux jeunes gens du clan Sakya. Il fut ordonnĂ© par Gautama lui-mĂȘme et son upajjhÄya (guide pour la vie monastique) Ă©tait BelatthasÄ«sa. Il atteignit bientĂŽt le grade de sotÄpanna.
AprĂšs avoir eu pendant vingt ans comme assistants diffĂ©rents moines Ă tour de rĂŽle, le Bouddha dĂ©clara devant l'assemblĂ©e quâil avait rĂ©solu de choisir un assistant permanent. De nombreuses candidatures sâĂ©levĂšrent, mais aucune ne reçut sa faveur. Il sâadressa alors Ă Ananda et lui demanda pourquoi il ne s'Ă©tait pas manifestĂ©. Celui-ci rĂ©pondit quâil Ă©tait intĂ©ressĂ©, mais uniquement Ă huit conditions, qui peuvent ĂȘtre regroupĂ©es en trois grands points : son cousin ne devait jamais lui remettre de cadeau ni le faire bĂ©nĂ©ficier dâun avantage qui ferait croire quâil avait briguĂ© le poste pour cette raison ; il devait lui dĂ©lĂ©guer plein droit pour accepter des invitations Ă sa place et lui amener des visiteurs venus de loin ; il devait rĂ©pondre Ă toutes ses questions et lui rĂ©pĂ©ter tous les enseignements quâil avait prodiguĂ©s en son absence. Gautama accepta.
Assistant du Bouddha
Ananda prenait son rĂŽle Ă cĆur et Ă©tait trĂšs attentif aux changements de ton ou dâapparence de son maĂźtre, tombant parfois malade avec lui par empathie. Il sâinterposa pour lui sauver la vie lorsque son frĂšre Devadatta voulut lancer contre lui un Ă©lĂ©phant Ăźvre.
Les moines et laĂŻques lui faisaient confiance et venaient souvent lui demander des conseils, ou des prĂ©cisions sur les prĂȘches du Bouddha. Ananda reprenait ou poursuivait alors le prĂȘche, approuvĂ© et encouragĂ© par Gautama. Il prĂȘchait aussi parfois de sa propre initiative. Buddhaghosa a laissĂ© une liste de discours qui lui sont attribuĂ©s : Sekha, BÄhitiya, AnañjasappÄya, Gopaka-MoggallÄna, BahudhÄtuka, CĆ«lasuññata, MahÄsuññata, Acchariyabbhuta, Bhaddekaratta, MahÄnidÄ-na, MahÄparinibbÄna, Subha et CĆ«laniyalokadhÄtu ainsi que plusieurs Ă©changes avec les autres moines.
Dans son rĂŽle dâintermĂ©diaire il faisait preuve de diplomatie et de gentillesse. Afin de ne pas dĂ©cevoir les visiteurs qui souhaitaient laisser des offrandes lorsque le Bouddha Ă©tait absent, sur les conseils de celui-ci, il fit rapporter un fruit de l'arbre de la bodhi. Il fit pousser Ă partir d'une graine une Ananda-bodhi devant lequel les pĂšlerins pouvaient laisser leurs guirlandes de fleurs. Il est particuliĂšrement connu pour sâĂȘtre fait lâavocat des femmes menĂ©es par Mahaprajapati Gautami que beaucoup, y compris le Bouddha lui-mĂȘme, ne souhaitaient accepter dans le sangha. C'est lui qui aurait rappelĂ© Ă son cousin que leurs capacitĂ©s spirituelles nâĂ©taient pas infĂ©rieures Ă celles des hommes. Il aurait Ă une autre occasion questionnĂ© le bien-fondĂ© de les tenir Ă©cartĂ©es des assemblĂ©es judiciaires et de certains mĂ©tiers, et de leur refuser les bĂ©nĂ©fices complets de leurs efforts religieux. Câest pourtant la « folie fĂ©minine » quâil invoque pour calmer Mahakassapa, autre disciple proche du Bouddha, lorsque ce dernier se fait (une fois de plus) rembarrer par des nonnes Ă qui il Ă©tait venu prĂȘcher. Elles le comparent dĂ©favorablement Ă Ananda, qui est aussi le prĂȘcheur prĂ©fĂ©rĂ© des dames de la cour. Ce favoritisme mutuel lui vaudra des reproches lors du premier concile.
Ananda entretenait en fait dâexcellents rapports avec Mahakassapa, qui se montra son principal soutien lors du premier concile, et aussi avec Sariputta dont il composa lâeulogie. MoggallÄna, Anuruddha et KankhÄ Revata Ă©taient aussi au nombre de ses amis.
Le Bouddha lui adressa publiquement des Ă©loges devant lâassemblĂ©e des moines Ă Jetavana, le dĂ©clarant premier dans les domaines de lâĂ©rudition, du comportement, de la mĂ©moire, de la dĂ©termination et de lâattention. Peu avant le parinirvana il ajoutera quâAnanda choisissait toujours le bon moment pour lui amener les visiteurs, et quâil mĂ©ritait bien son nom, sachant rendre heureux tous ceux qui venaient le trouver.
Lorsquâil commença Ă distinguer dans lâaspect physique de son maĂźtre des signes de sa fin proche, Ananda lui fit part de son inquiĂ©tude. Le Bouddha aurait alors rĂ©pliquĂ© quâil lui avait signalĂ© un jour, par allusion, quâil pourrait Ă sa requĂȘte vivre un kalpa entier, mais qu'il avait manquĂ© dâintuition et laissĂ© passer lâoccasion.
Au dĂ©but du neuviĂšme chapitre du SĆ«tra du Lotus, Änanda et RÄhula sont convaincus quâil serait merveilleux de recevoir une prophĂ©tie dâillumination. Ils lâexpriment respectueusement au Bouddha, suivis de deux mille personnes parmi les disciples auditeurs, tant novices que confirmĂ©s, qui rĂ©itĂšrent ce vĆu. Le Bouddha annonce aux moines quâAnanda, en tant que gardien de la Loi parviendra Ă lâillumination correcte et deviendra un bouddha sous le nom de SÄgaravaradharabuddhivikrÄ«ážitÄbhijña[2] dont la « durĂ©e de vie sera incommensurable, en raison de sa compassion envers les ĂȘtres vivants[3] ». Ă la grande assemblĂ©e rĂ©unie, Shakyamuni explique quâAnanda et lui avaient rĂ©solu au mĂȘme moment de parvenir Ă lâanuttara-samyak-sambodhi. Lui-mĂȘme, redoublant dâeffort, est parvenu Ă lâillumination et Ananda, heureux de ses vastes connaissances, garde et gardera les resserres du Dharma.
Il Ă©tait bien sĂ»r prĂšs du Bouddha Ă sa mort et se chargea dâorganiser les funĂ©railles.
Premier concile
Peu aprĂšs, un concile fut convoquĂ© pour fixer la mĂ©moire des enseignements du maĂźtre. La plupart des participants jugeaient la prĂ©sence dâAnanda indispensable, mais il nâavait pas encore atteint lâĂ©tat dâarahant, condition nĂ©cessaire, peut-ĂȘtre parce que sa fonction lâavait empĂȘchĂ© de consacrer autant de temps Ă cette entreprise que ses collĂšgues. EncouragĂ© par Mahakassapa, il se mit au travail dâarrache-pied et atteint lâĂ©tat souhaitĂ© au milieu dâun bois prĂšs de Kosala dans un Ă©tat de total Ă©puisement, alors quâil s'effondrait Ă terre. Cette lĂ©gende le fait connaitre comme « celui qui nâa atteint lâĂ©tat d'arahant dans aucune des quatre positions prescrites ». On prĂ©tend quâil fit son entrĂ©e au concile in extremis, traversant les airs ou surgissant de terre sous les cris de joie de Mahakassapa, et fut mis immĂ©diatement au travail. Heureusement, il avait dit-on une mĂ©moire phĂ©nomĂ©nale et parlait huit fois plus vite quâune personne ordinaire. Il aurait mĂ©morisĂ© 82 000 sujets dâenseignement provenant du Bouddha et 2 000 provenant dâautres moines.
MalgrĂ© sa contribution, Ananda dut subir des reproches concernant les femmes, la longĂ©vitĂ© du Bouddha, le fait quâil ait oubliĂ© de demander quelles rĂšgles sont plus importantes que les autres, et aussi pour avoir un jour marchĂ© par inadvertance sur un vĂȘtement de Gautama et ĂȘtre lui-mĂȘme sorti une fois dans une tenue non rĂ©glementaire. Il s'en excusa pour que le concile s'achĂšve dans l'harmonie.
Parinirvana
Le canon pali nâa gardĂ© aucune trace de ses derniers instants mais prĂ©tend quâil mourut Ă cent-vingt ans. Il existe une lĂ©gende rapportĂ©e par le moine chinois Faxian : Sentant sa fin proche, Ananda se mit en route pour Vaisali avec lâintention dây atteindre le parinirvana. AjÄtasattu, roi de Magadha le suivit avec une nombreuse escorte pour avoir lâhonneur de lui tenir compagnie jusquâĂ la riviĂšre Rohini, mais le roi de Vaisali lâattendait sur lâautre rive. Ne voulant vexer personne, il entra dans la riviĂšre et son corps disparut en flammes au beau milieu. Ses restes se divisĂšrent naturellement en deux et chacun eut des reliques pour lesquelles ils bĂątirent un cetiya.
Vies antérieures
La tradition bouddhiste considĂšre que les destins religieux exceptionnels demandent plusieurs vies de pratique et dâaccumulation de perfections (parami), et aussi dâavoir exprimĂ© le vĆu de devenir arahant, dont la rĂ©alisation future est garantie par le bouddha de lâĂšre en cours. Comme beaucoup dâautres personnes de lâentourage de Gautama, câest Ă lâĂšre du bouddha Padumuttara, alors quâil Ă©tait Sumana, fils du roi Ananda de HamsavatÄ«, quâil fit, impressionnĂ© par le dĂ©vouement de lâassistant de Padumuttara, le vĆu d'avoir un jour une situation semblable Ă la sienne. Ses renaissances relatĂ©es dans les Jatakas (recueils de rĂ©cits de la vie de Gautama) sont trĂšs nombreuses. LâApadÄna prĂ©tend quâil fut avant Gautama cinquante-huit fois roi sur terre et trente-quatre fois roi dans les cieux.
Notes et références
- Hans Wolfgang Schumann, Le bouddha historique (1982), trad., Sully, 2011, p. 125, 155, 307-309.
- (en) « Sagaravaradharabuddhivikriditabhijna, SÄgaravaradharabuddhivikrÄ«ážitÄbhijña: 2 definitions », sur www.wisdomlib.org, (consultĂ© le )
- Sylvie Servan-Schreiber et Marc Albert 2007, SdL-IX, p. 158.
Bibliographie
Ouvrage
- Sylvie Servan-Schreiber et Marc Albert (trad. du chinois), Le SĂ»tra du Lotus ćŠæłèźèŻç”, Paris, Les Indes savantes,â , 323 p. (ISBN 978-2-84654-180-0). .
Annexes
Articles connexes
- Gautama Bouddha
- Famille du Bouddha
- Sangha
- Conciles bouddhiques
- Tipitaka
- SĆ«tra du Lotus
- MahĂąyĂąna