Sariputta
SÄriputta (pÄli), ĆÄriputra (sanskrit) ou Shariputra[1], nom dâorigine Upatissa, Ă©tait le premier en titre des disciples du Bouddha, premier en sagesse et hĂ©ritier spirituel, « gĂ©nĂ©ral du dharma » (dhammasenÄpati), selon les propres mots de Gautama. Il Ă©tait aussi lâun des deux prĂ©cepteurs de son fils Rahula. De nombreux discours du Sutta Pitaka lui sont attribuĂ©s. NĂ© dans une famille brahmane, il fut dâabord avec Moggallana, ami dâenfance et second disciple, ascĂšte de lâĂ©cole paribbajaka dirigĂ©e par le sceptique Sanjaya Belatthiputta.
Autres noms sanscrits : SÄriputra, SÄliputra, SÄrisuta, SÄradvatÄ«putra. SÄrisambhava ; chinois : èć©ćŒ ShĂ©lĂŹfĂș
Actuellement, certains historiens, parmi diverses chronologies retiennent ces dates : premiÚre rencontre avec le Bouddha en -527, décÚs en oct. nov. -486 un mois avant Moggallana et avant le Bouddha (mars-avril -483 ?)[2].
Origines
Shariputta est nĂ© prĂšs de Rajagaha, dans l'Ă©tat du Magadha, ses parents sont le brahmane Tishya et sa femme Shari[3], le mĂȘme jour que Moggallana, nĂ© dans une famille amie de la mĂȘme caste. Il aurait reçu comme nom personnel Upatissa, mais sera surtout connu, comme câĂ©tait souvent le cas, par le nom de sa mĂšre (Sariputta : fils de [dame] Sari). Certains commentateurs prĂ©tendent quâUpatissa Ă©tait le nom de son bourg natal, mais dâautres sources donnent Nalaka ou Nalagamaka. Il avait trois frĂšres (Cunda, Upasena, Revata) et trois sĆurs (Cala, Upacala, Sisupacala), qui devinrent tous moines et moniales bouddhistes. Avant de devenir nonnes, ses sĆurs furent tout dâabord mariĂ©es et donnĂšrent naissance Ă trois fils qui entrĂšrent eux aussi dans les ordres ; un oncle bonze est Ă©galement mentionnĂ© dans les sources. MalgrĂ© lâenthousiasme Ă©vident de la famille pour la doctrine du sage des Shakyas, la mĂšre de Sariputta y Ă©tait violemment hostile, et ne changera dâavis quâĂ la mort de son fils, revenu tout exprĂšs pour la convertir avant dâexpirer.
Conversion
Leur maĂźtre Sanjaya leur ayant, de son propre aveu, dispensĂ© lâintĂ©gralitĂ© de son savoir, Sariputta et Mogallana furent convaincus de rejoindre la communautĂ© de Shakyamuni par Assaji (sk Asvajit), lâun des cinq premiers compagnons du Bouddha avant son illumination. Mogallana se serait dĂ©cidĂ© le premier ; Sariputta, Ă©ternellement respectueux envers ses maĂźtres, ne voulait tout dâabord pas abandonner Sanjaya et tenta de le convaincre de les suivre. Devant son refus obstinĂ©, il se rĂ©signa Ă partir. Les deux compagnons dâascĂšse se prĂ©sentĂšrent donc auprĂšs de Gautama avec 250 ou 500 disciples paribbajakas qui les auraient suivis. Ces derniers devinrent arhats immĂ©diatement aprĂšs avoir entendu le premier prĂȘche du Bouddha, mais Mogallana nâatteignit ce stade quâune semaine aprĂšs, et Sariputta deux semaines plus tard, fait traditionnellement interprĂ©tĂ© comme signe de leur potentiel supĂ©rieur, demandant plus de temps pour mĂ»rir.
Moine
Le Bouddha leur aurait donnĂ© rapidement aprĂšs leur ordination le titre de chefs des disciples (aggasÄvaka). Aux autres moines qui dĂ©sapprouvaient cette promotion de nouveaux venus, Gautama expliqua quâils la mĂ©ritaient pour avoir fait dans une vie antĂ©rieure le vĆu dâaccĂ©der Ă cette position, et pratiquĂ© Ă cet effet les vertus durant de nombreuses existences. Sariputta Ă©tait particuliĂšrement renommĂ© pour son intuition et sa sagesse. Le Bouddha lâavait dâailleurs proclamĂ© le plus sage de ses disciples (etadaggam mahÄpaññÄnam) lors dâune assemblĂ©e, et le laissait souvent prĂȘcher sur des thĂšmes quâil lui donnait ou sur des thĂšmes de son propre choix. Des moines et des laĂŻcs venaient Ă lui pour des questions de doctrine ou de pratique. Le Sutta Pitaka contient de nombreux discours qui lui sont attribuĂ©s, et la tradition en fait le dĂ©positaire privilĂ©giĂ© de lâAbhidharma, prĂȘchĂ© pour la premiĂšre fois par le Bouddha Ă sa mĂšre Maya et aux autres devas du ciel TÄvatimsa, selon certaines sources. Ă intervalles rĂ©guliers, Gautama devait quitter ce ciel, laissant un double (nimitta buddha) continuer le prĂȘche, pour revenir sur terre Ă Anotatta se baigner dans un lac et se reposer. Sariputta le rejoignait alors et se faisait rĂ©pĂ©ter lâenseignement quâil transmettait Ă ses propres disciples.
Il excellait dans les dĂ©bats, et eut lâoccasion de faire la preuve de ses talents lors de lâamĂ©nagement du Jetavana, domaine offert aux bouddhistes par le riche Anathapindika, donation qui rencontra beaucoup dâopposition.
Relations dans le sangha
En tant que premiers disciples, Sariputta et Mogallana Ă©taient aussi « exĂ©cuteurs des hautes Ćuvres ». Câest ainsi quâils furent chargĂ©s, entre autres, de ramener les schismatiques qui avaient suivi Devadatta et dâexcommunier les moines rĂ©calcitrants de Kitagiri. Cette fonction disciplinaire valu Ă Sariputra quelques inimitiĂ©s et deux plaintes avĂ©rĂ©es, rejetĂ©es par le Bouddha. Sariputta avait, dit-on, un sens aigu des responsabilitĂ©s vis-Ă -vis du maintien de lâimage de la communautĂ©. Lorsque les jeunes moines Ă©taient sortis mendier, bien quâil puisse en tant que doyen se consacrer Ă la mĂ©ditation ou se reposer, il prĂ©fĂ©rait souvent en toute humilitĂ© faire un peu de mĂ©nage, disant : « Si des hĂ©rĂ©tiques venaient Ă passer, il ne faudrait pas quâils repartent avec une mauvaise impression ».
Sariputra et Mogallana, amis dâenfance selon la lĂ©gende, entretenaient une relation privilĂ©giĂ©e illustrĂ©e dans de nombreuses anecdotes oĂč lâintuition du premier est mise en parallĂšle avec les pouvoirs surnaturels du second. Le Saccavibhanga Sutta compare Sariputta Ă la mĂšre naturelle des disciples, qui les amĂšne Ă la conversion, et Moggallana Ă la mĂšre nourriciĂšre qui les Ă©duque jusquâaux pouvoirs surnaturels dâiddhi. Il Ă©tait Ă©galement en trĂšs bons termes avec Ananda, assistant du Bouddha ainsi qu'avec le fils de celui-ci, Rahula, quâil avait ordonnĂ© et dont il Ă©tait un des prĂ©cepteurs.
Il Ă©tait trĂšs respectueux de ceux qui avaient Ă©tĂ© ses maitres et, bien que premier assistant de Gautama, continuait de dormir chaque nuit la tĂȘte tournĂ©e dans la direction oĂč il pensait que se trouvait Assaji, selon la coutume brahmane. Ses disciples principaux Ă©taient : Kosiya, Kandhadinna, Cullasari, Vanavasika Tissa, et Sankicca Sarabhu.
Mort
Sariputta (et Moggallana) seraient morts quelques mois avant le Bouddha. alors que ce dernier venait de rentrer Ă Savatthi aprĂšs sa retraite annuelle Ă Beluvagama. Sariputta, sentant quâil sâĂ©teindrait dans une semaine, vint lui faire ses adieux et prononcer devant lui sa derniĂšre profession de foi. Puis il se mit en route vers son village natal car il Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă tenter une ultime fois de convertir sa mĂšre, encouragĂ© par le Bouddha qui lui avait confirmĂ© quâelle Ă©tait spirituellement prĂȘte. Il se mit en marche avec une grande escorte. Son neveu, Uparevata, lâattendait Ă lâentrĂ©e du bourg, mais sa mĂšre ne voulut pas le voir. Il sâinstalla dans la chambre oĂč il Ă©tait nĂ© et tomba bientĂŽt malade, veillĂ© par son frĂšre Cunda Samanuddesa. Câest seulement en voyant les quatre rois gardiens des orients et Maha Brahma en personne se joindre Ă la veille quâelle rĂ©alisa que moine bouddhiste n'Ă©tait pas synonyme de dĂ©chĂ©ance. Elle vint Ă©couter le dernier prĂȘche de son fils, fut touchĂ©e et devint sotapanna.
Sariputta mourut un jour dâuposatha de pleine lune du mois de kattika (octobre-novembre) ; Moggallana devait mourir quinze jours plus tard, lors de lâuposatha de nouvelle lune. Cunda porta ses reliques, son bol et ses robes Ă Ananda qui les transmit au Bouddha. Ce dernier lui fit Ă©riger un stupa.
Sariputta et le canon bouddhique
Parmi les nombreux discours qui lui sont attribuĂ©s, les plus connus sont les suttas Dasuttara et Sangiti, ainsi que le Discours de lâempreinte de lâĂ©lĂ©phant. La tradition lui attribue lâordre des textes des sept livres de lâAbhidharma, bien que leur rĂ©daction soit vraisemblablement postĂ©rieure Ă lâĂ©poque du Bouddha. LâAnupada Sutta est un long Ă©loge que Gautama lui aurait adressĂ©.
Sariputta apparait dans certains sutras mahayana, en particulier le Sutra de Vimalakirti et le Sutra du Lotus, avec une image moins exaltĂ©e que dans le canon pali. Sa place prĂ©Ă©minente dans la communautĂ© bouddhique des origines lui vaut dây incarner le disciple hinayana Ă lâentendement infĂ©rieur, tels que le voyaient les militants du Grand VĂ©hicule.
Bianwen
Le plus ancien des bianwen (genre de la littĂ©rature orale chinoise, dans lequel le rĂ©cit fait alterner prose et vers) bouddhiques, datant des environs de 750, se rapporte Ă la lĂ©gende de Sariputra, disciple de Ăakyamuni, et Ă son combat magique contre un magicien reprĂ©sentant la religion locale, Ă l'occasion de la fondation du monastĂšre de Jetavana (en)[4] - [5]. Au recto, la partie conservĂ©e prĂ©sente cinq scĂšnes sĂ©parĂ©es par un arbre. De la gauche vers la droite (mais la prĂ©sentation du rouleau au public devait se faire de la droite vers la gauche, la premiĂšre scĂšne Ă gauche Ă©tant la scĂšne finale) : deux dĂ©mons crĂ©Ă©s par le magicien sont soumis par un roi gardien cĂ©leste appelĂ© par Sariputra ; un dragon crĂ©Ă© par le magicien est dĂ©fait par un oiseau garuda crĂ©Ă© par Sariputra ; un lac crĂ©Ă© par le magicien est assĂ©chĂ© par un Ă©lĂ©phant blanc crĂ©Ă© par Sariputra ; un buffle crĂ©Ă© par le magicien est vaincu par un lion crĂ©Ă© par Sariputra ; une montagne crĂ©Ă©e par le magicien est dĂ©truite par un vajra crĂ©Ă© par Sariputra.
Références
- Sylvie Servan-Schreiber et Marc Albert (trad. du chinois), Le SĂ»tra du Lotus ćŠæłèźèŻç”, Paris, Les Indes savantes,â , 323 p. (ISBN 978-2-84654-180-0), version française de la traduction anglaise du chinois de KumÄrajÄ«va par Burton Watson.
- Hans Wolfgang Schumann, Le bouddha historique (1982), trad., Sully, 2011, p. 116-118, 290, 306. Jùtaka n° 95.
- (en) The Princeton dictionary of buddhism par Robert E. Buswell Jr et Donald S. Lopez Jr aux Ă©ditions Princeton University Press, (ISBN 0691157863), pages 777 et 778
- Jacques Pimpaneau, Chine. Littérature populaire. Chanteurs, conteurs, bateleurs, Philippe Picquier, 1991, p. 83-84.
- Catalogue des manuscrits chinois de Touen-Houang, volume V, numéro 4001-6040, p. 163-164
- Sariputra et les Six MaĂźtres d'erreur, exposition Chine. L'Empire du trait, BibliothĂšque nationale de France, 2004.
Bibliographie
- Nicole Vandier-Nicolas (Ă©d.), Sariputra et les six MaĂźtres dâerreur. Fac-similĂ© du manuscrit chinois 4524 de la BibliothĂšque nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1954.
- AndrĂ© Migot, "Un grand disciple du Bouddha : ShĂąriputra", Bulletin de l'Ăcole Française d'ExtrĂȘme-Orient, n° XLVI, fasc. 2, 1954, p. 405-554.
- Nyanaponika Thera et Hellmuth Hecker, Les grands disciples du Bouddha, t. I : Sariputra - Mahamoggallana - Mahakassapa - Ananda, trad. de l'anglais par TancrĂšde Montmartel, Kim Burgat, Claire Jullien, Christine Louveau, Claire LumiĂšre, 1999.
- Sylvie Servan-Schreiber et Marc Albert (trad. du chinois), Le SĂ»tra du Lotus ćŠæłèźèŻç”, Paris, Les Indes savantes,â , 323 p. (ISBN 978-2-84654-180-0), version française de la traduction anglaise du chinois de KumÄrajÄ«va par Burton Watson.