Alejandro AgustĂn Lanusse
Alejandro AgustĂn Lanusse (nĂ© le Ă Buenos Aires et mort le dans la mĂŞme ville) est un gĂ©nĂ©ral argentin qui occupa de facto la prĂ©sidence de la Nation entre le et le .
Président de l'Argentine | |
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Chef de l’état-major de l'Armée argentine | |
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Ambassadeur d'Argentine près le Saint-Siège (d) | |
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(Ă 77 ans) Buenos Aires |
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Sa présidence fut marquée par le Grand accord national (GAN), visant à trouver une issue électorale à la crise du régime, tant sur le plan économique et social que sur le plan politique. Ainsi, Lanusse fit diverses concessions au mouvement ouvrier, engagea des négociations avec le général Juan Perón, en exil à Madrid, et réprima brutalement les mouvements révolutionnaires qui avaient pris les armes après le Cordobazo de 1969. Plusieurs disparitions forcées eurent ainsi lieu dès ce moment. La manœuvre du GAN, à la tête de laquelle se trouvait l'un des dirigeants de l'Union civique radicale (UCR), Arturo Mor Roig (es), nommé ministre de l'Intérieur, échoua finalement. Lanusse finit ainsi par convoquer des élections en mars 1973 en ayant dû céder sur pratiquement toutes ses conditions, à l'exception de la non-candidature de Perón, écarté par une clause de résidence. Ce furent les premières élections véritablement démocratiques, sans limitation importante des droits civiques ni proscription d'une force politique majeure, à savoir le péronisme, depuis 1955.
Si la présidence de Lanusse fut courte, ces deux années de l'histoire argentine ont été cruciales, la violence politique s'exacerbant pendant cette période.
Carrière militaire
Lanusse fut incorporĂ© dans la cavalerie de l'ArmĂ©e argentine en 1938, après avoir Ă©tudiĂ© dans un lycĂ©e militaire. Il fit partie du rĂ©giment aristocratique de prestige des Grenadiers Ă cheval, qu'il commanda jusqu'Ă sa condamnation Ă la rĂ©clusion Ă perpĂ©tuitĂ© pour sa participation dans le coup d'État orchestrĂ© par BenjamĂn MenĂ©ndez contre Juan Domingo PerĂłn en 1951 avant sa rĂ©Ă©lection. Il fut libĂ©rĂ© en 1955, après le renversement de PerĂłn.
L'annĂ©e suivante, il fut envoyĂ© comme ambassadeur au Vatican, d'oĂą il revint en 1960 pour ĂŞtre nommĂ© sous-directeur de l'École supĂ©rieure de l'ArmĂ©e. AntipĂ©roniste convaincu, il participa au putsch contre Arturo Frondizi, qui mit JosĂ© MarĂa Guido au pouvoir, et plus tard au coup d'État de 1966 de Juan Carlos OnganĂa contre Arturo Umberto Illia, qu'ils baptisèrent assez pompeusement « RĂ©volution argentine ». En 1962 il commanda la première division blindĂ©e, et en 1968 fut nommĂ© commandant en chef de l'armĂ©e de terre.
Accès à la présidence
Il eut des divergences avec la politique participationniste d'OnganĂa. D'autre part il Ă©tait clair que la prĂ©tendue « rĂ©volution argentine » s'affaiblissait gravement, le climat Ă©tant devenu insurrectionnel, plusieurs groupes des Jeunesses pĂ©ronistes (dont les Forces armĂ©es pĂ©ronistes ou les Forces armĂ©es rĂ©volutionnaires) s'Ă©tant lancĂ©s dans la lutte armĂ©e en 1970. Aussi après le Cordobazo (soulèvement populaire Ă CĂłrdoba le ), il fut amenĂ© Ă exiger la dĂ©mission d'OnganĂa, et face Ă son refus, Ă le destituer.
La junte des commandants en chef, dont Lanusse faisait partie, remplaça OnganĂa par Roberto Marcelo Levingston, qui lui aussi après une brève pĂ©riode de prĂ©sidence, ayant fait preuve de brutalitĂ© et de cruautĂ©, et s'Ă©tant aliĂ©nĂ© encore plus les Argentins, se vit destituĂ© et remplacĂ© par Lanusse lui-mĂŞme en mars 1971.
Mode de gouvernement
La première mesure de Lanusse fut de nommer un des dirigeants les plus importants de l'Union civique radicale (UCR), Arturo Mor Roig (es), prĂ©sident de la Chambre des dĂ©putĂ©s de 1963 Ă 1966, en tant que ministre de l'IntĂ©rieur. Ainsi, l'UCR, qui avait Ă©tĂ© victime du coup d'État de 1966, finit par rejoindre les militaires pour sauver le rĂ©gime. L'ex-militaire Francisco Manrique (en), qui avait Ă©tĂ© nommĂ© au Ministère de la SantĂ© (es) par Levingston, avant de dĂ©missionner en , est rĂ©tabli au mĂŞme poste. Luis MarĂa de Pablo Pardo (es) conserva le portefeuille des Affaires Ă©trangères, ainsi qu'Aldo Ferrer (en) celui de l'Économie (en); toutefois, la junte supprima ce ministère dès le , remplacĂ© par les portefeuilles du Logement (Hacienda), attribuĂ© Ă Juan A. F. Quilici (de formation « dĂ©veloppementiste »), de l'Agriculture et du BĂ©tail, de l'Industrie et du Commerce, et du Travail, attribuĂ© de nouveau Ă Rubens San Sebastián (es). L'Éducation Ă©tait confiĂ© Ă Gustavo Malek (es).
Les premières mesures du gouvernement Lanusse visèrent à calmer le jeu politique, en réhabilitant en les partis politiques et en leur rendant leurs biens, confisqués en 1966 : la loi organique sur les partis politiques du organise le règlement interne des partis, et prévoit une période transitoire de « normalisation » des partis d'une durée d'un an, à l'issue de laquelle, les dirigeants officiels des partis étant élus, les partis seraient légalisés. Au sein du Parti justicialiste, cette « normalisation » s'effectue dans un climat d'intenses luttes politiques, donnant lieu à de nombreux actes de violence. Par ailleurs, Lanusse lève les sanctions sur les syndicats ainsi que le blocage des salaires (mais ceux-ci sont immédiatement grignotés par l'inflation), abroge la ley de topes (loi restreignant les montants des retraites ), et promulgue la première loi sur les faillites d'Argentine (décret-loi no 19 551).
Au-delà de ces mesures, Lanusse avait parfaitement conscience que le problème véritable était à Madrid : il fallait admettre la réintégration au jeu politique du péronisme, proscrit depuis le coup d'État de 1955. Toutefois, Lanusse espérait empêcher le général Juan Perón d'accéder à la présidence et voulait maintenir l'interdiction pesant sur sa candidature.
Ainsi, le , il annonce un Grand Accord National (GAN) qui vise à « dépasser les erreurs du passé ». Il critique alors les « mercenaires de la terreur », désignant par là les organisations de lutte armée (FAR, FAP, etc.) ainsi que ceux qui pensaient que les militaires cherchaient une issue électorale parce qu'ils avaient échoué en tant que « révolutionnaires ». Arturo Mor Roig (es) est chargé de la mise en œuvre du GAN.
Dans le même temps, Lanusse ordonne la répression brutale des mouvements révolutionnaires, continuant sur la lancée entamée avec l'enlèvement de Martins et Zenteno, fin 1970, disparus à jamais. Plusieurs membres des FAR sont ainsi séquestrés et assassinés en , ainsi que l'un des dirigeants de l'ERP, Luis Pujals, en . Les exécutions extra-judiciaires se poursuivent ainsi, culminant avec le massacre de Trelew d'. Les prisonniers péronistes ou révolutionnaires tentent une évasion massive qui devait libérer cent dix prisonniers politiques. Seuls six d'entre eux parviennent à rallier le Chili tandis que dix-neuf autres parviennent à l'aéroport. Ces dix-neuf fugitifs négocient leur reddition et demandent la présence d'avocats, et sont finalement transférés dans une base de la marine près de Trelew. Le , le gouvernement militaire donne l'ordre de les faire fusiller.
Durant son mandat, Lanusse montra un visage pragmatique, établissant des relations diplomatiques avec la Chine, rendant le corps d'Eva Perón au général, en 1971, à Madrid Sur le plan économique, il fit exécuter d'importants travaux d'infrastructure, comme des routes, des barrages et centrales électriques, des ponts, etc. Cela ne suffit pas à empêcher la hausse du chômage, qui passe, dans le Grand Buenos Aires, de 4,8 % en 1970 à 7,4 % en 1972, selon des statistiques officielles qui le sous-estime pourtant largement[1]. Dans la province de Tucuman, affectée par la monoculture sucrière et la surproduction, il atteignait 12 % en 1972, la dictature n'ayant lancé un plan de reconversion industrielle qu'après avoir fermé de force plusieurs usines[1].
Ainsi, la politique de Lanusse échoua à répondre au rejet et à la réprobation populaire quasi-unanime de la dite « Révolution argentine », tandis que le général Perón durcit ses conditions fin 1971, peu de temps après l'annonce de Lanusse de convocations d'élections pour 1972 sans qu'il n'eût précisé si Perón pourrait s'y présenter. Ainsi, il appelle la CGT à une grève générale le , puis remplace son délégué Jorge Daniel Paladino (es), jugé trop conciliant avec les militaires, par Héctor Cámpora en , tandis qu'il encourage la lutte armée engagée par les « formations spéciales » de la Jeunesse péroniste.
Le GAN, qui visait à trouver un candidat n'appartenant à aucun des partis, peut-être Lanusse lui-même, pour les élections, échoue ainsi. Le , Lanusse annonce subitement que Perón aurait le droit de se présenter en tant que candidat aux élections, mais seulement s'il rentrait en Argentine avant le mois d'août (la dite « clause du mois d'août »). S'il pensait que Perón ne le ferait pas, et si ce dernier déclare refuse de se laisser dicter des conditions, le général rentre, à la surprise générale, en en Argentine. Lanusse est finalement contraint d'admettre la tenue d'élections en mars 1973, autorisant à nouveau le péronisme, et qui furent les premières élections démocratiques, sans limitation des libertés civiles ni proscription d'un parti majeur, depuis 1946. Lanusse institue toutefois un scrutin à deux tours, espérant que la mise en ballotage permettrait l'union de toutes les forces antipéronistes contre le candidat justicialiste[2].
Le confesseur de Lanusse était Francisco "Paco" Rotger, membre de la Société de saint Paul et ex-secrétaire du nonce, qui avait aussi marié Lanusse à Illeana Bell, et qui était l'un des rares à connaître le lieu d'inhumation exact d'Evita[3].
Notes et références
- Alain Rouquié, « Le vote péroniste en 1973 », in Revue française de science politique, 24e année, no 3, 1974. p. 469-499.
- Felipe Pigna, Cámpora al gobierno, PerĂłn al poder, El ClarĂn, 9 mars 2008
- MarĂa Seoane, El Ăşltimo misterio de Eva PerĂłn, El Clarin, 23 janvier 2005. Voir, en anglais, Sergio Rub, The lady vanishes, The Tablet.