Agence d'emploi privée
Une agence dâemploi privĂ©e est une entreprise qui propose des services de rapprochement entre lâoffre et la demande dâemploi. Elle peut Ă©galement mettre Ă disposition des salariĂ©s dans une entreprise avec laquelle elle conclut un contrat (travail temporaire ou intĂ©rim).
DĂ©finition
Le Bureau international du travail (BIT) donne la dĂ©finition suivante : « Agence dâemploi privĂ©e â Toute personne physique ou morale, indĂ©pendante des autoritĂ©s publiques, qui fournit un ou plusieurs des services suivants se rapportant au marchĂ© du travail: a) des services visant Ă rapprocher offres et demandes dâemploi; b) des services consistant Ă employer des travailleurs dans le but de les mettre Ă la disposition dâune tierce personne physique ou morale (dĂ©signĂ©e comme «lâentreprise utilisatrice»); et/ou c) dâautres services ayant trait Ă la recherche dâemplois, tels que la fourniture dâinformations, sans pour autant viser Ă rapprocher une offre et une demande spĂ©cifiques. Ces agences ne peuvent facturer de frais aux travailleurs pour leur avoir trouvĂ© un emploi[1]. »
Le BIT dĂ©finit Ă©galement deux autres types de structures, entrant dans le cadre des agences dâemploi privĂ©es : les « agences de placement permanent » qui essaient de rapprocher des demandeurs dâemploi avec des employeurs dĂ©sireux de rĂ©aliser une embauche et les « agences de placement temporaire » qui mettent du personnel Ă la disposition dâun client[1].
Cadre international
Les travaux de lâOIT
Quatre documents adoptĂ©s par lâOrganisation internationale du travail (OIT) ont eu pour objet lâintervention dâorganismes privĂ©s dans les services liĂ©s Ă lâemploi.
La convention n° 34 sur les bureaux de placement payants de 1933 stipule notamment que « les bureaux de placement payants Ă fin lucrative (âŠ) devront ĂȘtre supprimĂ©s dans un dĂ©lai de trois annĂ©es » aprĂšs son entrĂ©e en vigueur en [2]. Ce principe est rĂ©affirmĂ© par la convention n° 96 sur les bureaux de placement payants de 1949, qui prĂ©voit cependant quelques exceptions et pĂ©riodes transitoires[3].
Constatant que cette disparition nâa pas eu lieu et quâau contraire, le secteur du travail temporaire se dĂ©veloppait fortement, une nouvelle convention (n° 181) portant sur les agences d'emploi privĂ©es est adoptĂ© en 1997. Elle affirme avoir comme objectifs « celui de permettre aux agences d'emploi privĂ©es d'opĂ©rer et celui de protĂ©ger, dans le cadre de ses dispositions, les travailleurs ayant recours Ă leurs services[4] ». La convention est entrĂ©e en vigueur en . En , 21 pays lâavaient ratifiĂ©e, dont 11 Ătats membres de lâUnion europĂ©enne[1].
LâOIT adoptait Ă©galement en 1997 une recommandation (n° 188) sur les agences d'emploi privĂ©es, qui encourageait des mesures de protection des travailleurs et prĂ©conisait une coopĂ©ration avec les services publics de lâemploi[5].
La coopĂ©ration entre agences dâemploi privĂ©es
La Confédération internationale des entreprises de travail temporaire (CIETT), fondée à Paris le a adopté en 2005 le nom de Confédération internationale des agences d'emploi privées tout en gardant son sigle[6]. En 2012, elle regroupe 48 fédérations nationales sectorielles dans 47 pays et 8 grandes entreprises internationales de travail temporaire. Fred van Haasteren, dirigeant de Randstad (Pays-Bas), a été élu président en [7].
Une subdivision de la CIETT, baptisĂ©e Euro-CIETT, assure la reprĂ©sentation de la branche professionnelle en matiĂšre de dialogue social sectoriel au sein de lâUnion europĂ©enne. Euro-CIETT est prĂ©sidĂ©e par Annemarie Muntz, dirigeante de Ranstad France. Ălue en 2005, elle a Ă©tĂ© reconduite Ă ce poste en 2010[8].
Le siĂšge commun Ă la CIETT et Ă Euro-CIETT se situe Ă Bruxelles (Belgique).
Caractéristiques du secteur
Poids Ă©conomique et social
Le BIT estime que le secteur des agences dâemploi privĂ©es a doublĂ© entre 1994 et 1999 puis Ă nouveau de 1999 Ă 2006, pour atteindre un volume de 341 milliards de dollars E.-U. en 2007. Cette mĂȘme annĂ©e, six marchĂ©s nationaux, reprĂ©sentaient 80 % du chiffre dâaffaires global : Ătats-Unis (28 %), Royaume-Uni (16 %), Japon (14 %), France (9 %), Allemagne (6 %) et Pays-Bas (5 %)[1].
Selon leurs reprĂ©sentants, les agences dâemploi privĂ©es fournissent chaque jour en Europe du travail Ă plus de trois millions de personnes par le biais de contrats non traditionnels[9].
La fĂ©dĂ©ration syndicale internationale UNI global union, qui regroupe les salariĂ©s de cette branche, Ă©value lâimportance du secteur Ă 60 000 agences dâemploi privĂ©es dans le monde, avec un million de travailleurs employĂ©s par ces agences et un faible taux de syndicalisation[1].
Les principales agences
Selon le BIT, les 5 premiĂšres agences dâemploi privĂ©es d'aprĂšs lâimportance de leur chiffre dâaffaires en 2008[1] Ă©taient :
- Adecco (Suisse) 31 068 millions USD
- Randstad (Pays-Bas) 23 242 millions USD
- Manpower (Ătats-Unis) 21 552 millions USD
- Allegis (Ătats-Unis) 5 740 millions USD
- Kelly Services (Ătats-Unis) 5 517 millions USD
Les agences dâemploi privĂ©es dans certains pays
Algérie
Les organismes privĂ©s doivent ĂȘtre agrĂ©Ă©s par le ministre chargĂ© de lâemploi et passer convention avec lâAgence nationale de lâemploi (Anem) [10]. Ils sont constituĂ©s sur une base territoriale. Sept organismes ont Ă©tĂ© agrĂ©Ă©s en 2009 et cinq en 2010[11]. Quatre autres se sont ajoutĂ©es en 2011, portant le total Ă 16 dĂ©but 2012[12].
Belgique
En Belgique, la politique de lâemploi relĂšve des autoritĂ©s des diffĂ©rentes communautĂ©s. Dans la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale, les agences d'emploi privĂ©es doivent obtenir un agrĂ©ment ou une autorisation pour pouvoir exercer. Elles peuvent exercer les activitĂ©s suivantes sĂ©lection et le recrutement de travailleurs pour un employeur ; mise Ă disposition de travailleurs intĂ©rimaires auprĂšs d'un tiers utilisateur ; placement de sportifs rĂ©munĂ©rĂ©s ; placement d'artistes pour la crĂ©ation, l'exĂ©cution ou l'interprĂ©tation d'Ćuvres artistiques ; l'outplacement pour le compte d'employeurs ayant pour objet d'aider un travailleur menacĂ© de licenciement ou licenciĂ© Ă retrouver un emploi[13].
Ătats-Unis
La premiĂšre agence dâemploi privĂ©e aux Ătats-Unis, âââEngineering Agencyâââ, aurait Ă©tĂ© fondĂ©e en 1893 par lâingĂ©nieur Frederick Winslow Taylor [14].
Les entreprises de travail temporaire ont ensuite pris une importance considĂ©rable, faisant du pays le principal marchĂ© pour ce secteur avec 28 % du chiffre dâaffaires mondial[1].
France
Le secteur de lâintĂ©rim en France a adoptĂ© en 2008 lâappellation « agences d'emploi » Ă la place de la dĂ©signation traditionnelle en tant quâ« agences d'intĂ©rim ». Il sâagissait de montrer que, depuis cette annĂ©e, la profession du travail temporaire proposait, outre des missions d'intĂ©rim, des recrutements en contrat de travail Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e (CDI) et en contrat de travail Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e (CDD). Les agences assurent Ă©galement un accompagnement et le placement de demandeurs d'emploi, en tant qu'opĂ©rateur pour le compte du service public de l'emploi[15].
LâĂ©volution a Ă©galement touchĂ© lâĂ©cole professionnelle du secteur. L'Ăcole nationale des attachĂ©s commerciaux du travail temporaire (ENACTT), fondĂ©e en 1990, est devenue en Ăcole supĂ©rieure des mĂ©tiers des agences dâemploi (ESMAE) en 2009[16]. Elle dispose de trois centres de formation Ă Lyon (RhĂŽne), Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) et Angers (Maine-et-Loire).
Le syndicat professionnel PRISME estimait, dans son bilan 2009, le nombre d'agences en France Ă 6 000. Cette annĂ©e-lĂ , elles employaient 447 348 intĂ©rimaires en Ă©quivalent temps plein (industrie, 39 % ; tertiaire, 37,2 % ; BTP, 23,3 %). Les agences dâemploi avaient recrutĂ© la mĂȘme annĂ©e 29 300 personnes en CDD et CDI (tertiaire, 68 % ; industrie, 24 % ; BTP, 8 %)[15].
Irlande
Les agences de recrutement privĂ©es sont autorisĂ©es en Irlande sur la base dâune loi de 1971 (Employment Agency Act). Elles ne peuvent pas faire payer aux demandeurs d'emplois l'inscription sur leurs bases de donnĂ©es. Toutes les agences doivent ĂȘtre enregistrĂ©es auprĂšs du ministĂšre des entreprises, du commerce et de lâinnovation (Department of Enterprise, Trade and Innovation)[17].
Les agences ont créé une fédération nationale, la National Recruitment Federation (NRF), constituée en 1971[18].
Japon
Citant des travaux de N.M. Coe (2009) et de A.B. Keizer (2010), le BIT prĂ©sente un Historique de la dĂ©rĂ©glementation des agences de travail temporaire au Japon[19]. En 1947, la loi sur la sĂ©curitĂ© de lâemploi met en place un service public de lâemploi et interdit les services privĂ©s de placement. Câest en 1986 quâune loi sur le travail temporaire permet Ă des agences dâintĂ©rim dâagir en qualitĂ© dâintermĂ©diaires dans certaines professions pour des missions dâune durĂ©e de neuf mois maximum. Jusquâen 2007, plusieurs textes Ă©largissent les domaines ouverts Ă lâintĂ©rim et portent la durĂ©e maximale des missions Ă trois ans.
Maroc
La loi 65-99 relative au code du travail (), a permis Ă des agences privĂ©es dâintervenir en matiĂšre de recrutement, aprĂšs autorisation gouvernementale. En , 45 agences de recrutement privĂ©es Ă©taient enregistrĂ©es dans huit villes [20]. En 2011, le Maroc Ă©tait le plus grand marchĂ© dâAfrique du Nord pour les agences dâemploi privĂ©es[1].
Lois et rĂšglements
Dans la Loi sur les normes du travail (LNT)[21] du Québec, il y a une section consacrée au placement du personnel et des travailleurs étrangers. Cette section s'étend des articles 92.5[22] à 92.12 LNT. Ces rÚgles de la LNT sont complétées par le RÚglement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires[23].
Jurisprudence
En droit quĂ©bĂ©cois, il existe deux arrĂȘts de principe en matiĂšre d'agences d'emplois : l'arrĂȘt Agence OcĂ©anica inc. c. Agence du revenu du QuĂ©bec [24] et l'arrĂȘt Pointe-Claire (Ville) c. QuĂ©bec (Tribunal du travail)[25]. Dans ces dĂ©cisions, les tribunaux ont conclu que l'agence d'emploi est le vĂ©ritable employeur du salariĂ© pour les fins des cotisations du RĂ©gie des rentes du QuĂ©bec. Par contre, lorsque l'employĂ© de l'agence d'emploi poursuit une dĂ©marche d'accrĂ©ditation dans un syndicat auprĂšs du client de l'agence d'emploi, c'est le client de l'agence d'emploi qui est le vĂ©ritable employeur pour les fins du Code du travail.
Notes et références
- Les agences dâemploi privĂ©es, les travailleurs intĂ©rimaires et leur contribution au marchĂ© du travail, GenĂšve, Bureau international du Travail, 2009
- OIT : C034 - Convention (n° 34) sur les bureaux de placement payants, 1933
- OIT : C096 - Convention (n° 96) sur les bureaux de placement payants (révisée), 1949
- OIT : C181 - Convention (n° 181) sur les agences d'emploi privées, 1997
- OIT : R188 - Recommandation (n° 188) sur les agences d'emploi privées, 1997
- Gilles Lafon, 2005, un challenge pour le travail temporaire in MĂ©diaSETT, 3e trimestre 2005
- Site internet du CIETT, lu le
- Site internet dâEuro-CIETT, lu le
- Annemarie Muntz, prĂ©sidente dâEuro-CIETT : Lâabsence de rĂ©forme des marchĂ©s du travail porte prĂ©judice Ă lâEurope
- Loi n° 04-19 du 25 décembre 2004 relative au placement des travailleurs et au contrÎle de l'emploi
- Emploi en Algérie: Création des organismes privés de placement, Liberté (quotidien), Alger, 30/10/2010
- Création de micro-entreprises : augmentation de 70 % des nouveaux emplois entre 2010 et 2011, El-Moudjahid (quotidien), Alger, 30/01/2012
- Ordonnance du relative Ă la gestion mixte du marchĂ© de lâemploi dans la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale
- Robyn Conners : Human Resources ManagementâRecruiting and Selecting XIN ZHAO ELP, Level 820 09/22/09
- PRISME : Les agences d'intérim sont aujourd'hui des agences d'emploi, Site internet de PRISME, consulté le
- Focus RH, 22 avril 2009
- Site internet du Department of Enterprise, Trade and Innovation, consulté le
- Site internet de la National Recruitment Federation, consulté le
- BIT : Les agences dâemploi privĂ©es et leur rĂŽle dans la promotion du travail dĂ©cent et dans lâamĂ©lioration du fonctionnement des marchĂ©s du travail dans les secteurs de services privĂ©s. GenĂšve, Bureau international du travail, 2011
- Site internet du ministĂšre marocain chargĂ© de lâemploi, consultĂ© le 27/08/2012
- RLRQ c N-1.1
- Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art 92.5, <https://canlii.ca/t/1b65#art92.5>, consulté le 2021-11-07
- RLRQ, N-1.1, r. 0.1
- 2014 QCCA 1385
- [1997] 1 RCS 1015
Annexes
Bibliographie
- BIT : Guide pour les agences dâemploi privĂ©es â RĂ©glementation, contrĂŽle et application ; GenĂšve, Bureau international du Travail, 2008.
- BIT : Les agences dâemploi privĂ©es, les travailleurs intĂ©rimaires et leur contribution au marchĂ© du travail, Document de rĂ©flexion Ă dĂ©battre au cours de lâAtelier visant Ă promouvoir la ratification de la convention (n° 181) sur les agences dâemploi privĂ©es, 1997 (20-), GenĂšve, Bureau international du Travail, 2009.
- BIT : Atelier visant Ă promouvoir la ratification de la convention (n° 181) sur les agences dâemploi privĂ©es, 1997, GenĂšve, 20- / Bureau international du Travail, Programme des activitĂ©s sectorielles. GenĂšve: BIT, 2010.
- BIT : Les agences dâemploi privĂ©es et leur rĂŽle dans la promotion du travail dĂ©cent et dans lâamĂ©lioration du fonctionnement des marchĂ©s du travail dans les secteurs de services privĂ©s. GenĂšve, Bureau international du travail, 2011.