Agadir (architecture)
Un agadir (tachelhit: ⎰⎳⎰⎷â”â”, au pluriel igoudar, igudar, igidar) est, dans la rĂ©gion de Souss et de l'Anti-Atlas, au Maroc, un grenier collectif fortifiĂ© ou grenier-citadelle. Ce terme berbĂšre a donnĂ© son nom Ă la ville d'Agadir au Maroc. Dans le Haut-Atlas central et oriental, ils sont nommĂ©s ighrem (en tamazight).
Description
La fonction de ces bĂątiments est avant tout dĂ©fensive. L'agadir comporte des Ă©lĂ©ments communs (rĂ©servoir d'eau, mosquĂ©e, loge du gardien, loge des inflas, pluriel de anflus[1] (reprĂ©sentants des familles), muraille, cuisine, toilette, etc.) et des Ă©lĂ©ments privĂ©s que reprĂ©sentent les cases de stockage. L'agadir abrite les rĂ©serves d'eau dans des citernes. Un espace est rĂ©servĂ© pour mettre le bĂ©tail Ă lâabri.
La construction se fait souvent sur un terrain collectif et souvent dans la propriété du clan dominant ou dans des terres incultes au sommet d'un pic ou d'une colline. Les matériaux de construction sont toujours locaux: chaux, pisé, pierres sÚches, briques. On trouve des agadirs construits avec plusieurs matériaux (pierre dans la base des murs et le reste est en pisé). Les portes sont en bois et décorées de motifs.
Les escaliers sont construits en dalles de calcaire à demi-encastrées dans les murs. Dans d'autres cas, des palmiers taillés sont utilisés comme escaliers.
Conservation
On y conservait les aliments au sec pendant parfois plusieurs annĂ©es. Entre vingt et trente ans pour les amandes ou les arganes. Le beurre et le miel Ă©taient conservĂ©s dans des jarres et les liquides, dont l'huile, dans des cruches Ă long col. On entreposait aussi les denrĂ©es quotidiennes comme les dattes, les figues, les pains de sel ou des objets plus prĂ©cieux comme les peaux de mouton, les armes et munitions, les habits de fĂȘte, le hennĂ©, les titres de propriĂ©tĂ©.
Fonctions
La dĂ©cision de la construction dâun agadir Ă©tait prise par une assemblĂ©e de reprĂ©sentants de la tribu des Inflass. Chaque anflouss reprĂ©sente un clan ou un groupe de familles. Chaque famille doit participer Ă la construction de l'Ă©difice afin d'avoir le droit de stocker ses biens.
Au Moyen Ăge, les fonctions ont changĂ©. Au Maroc, l'agadir devient une institution dotĂ©e d'une charte (llouh â”â”â”â”) et assure des rĂŽles politiques, sociaux, dĂ©fensifs en plus de sa fonction Ă©conomique de stockage des biens et des cĂ©rĂ©ales. Dans les greniers (ksour) de Tunisie, la fonction commerciale a Ă©tĂ© dominante et ces greniers deviennent des lieux d'Ă©changes commerciaux.
Les igoudar du Maroc avaient un rĂŽle politique puisqu'ils reprĂ©sentaient le lieu du gouvernement local nommĂ© en amazighe les inflass â”â”⎌â”⎰â”. Il avait aussi un rĂŽle sĂ©curitaire dĂ©fensif puisqu'il reprĂ©sente un refuge en cas d'incursions tribales ou d'attaques du pouvoir central. Dans ces zones, les anciens greniers sont connus par les locaux sous le nom de igoudr n-iroumines ou n-bertkiz, laissant entendre qu'ils sont d'origine romaine ou portugaise, bien que ces zones sahariennes n'ont jamais connu la prĂ©sence romaine ou ibĂ©rique. Actuellement, les plus anciens igoudar se situent au Maroc, au cĆur de l'Anti-Atlas dans le territoire des tribus d'Illalen â”â”â”⎰⎱â”â”. Les plus anciennes chartes de gestion de ces igoudars remontent au Xe siĂšcle.
Situation actuelle
Menaces
Les igoudar sont menacĂ©s par un ensemble de facteurs, notamment l'abandon, Ă cause de la sĂ©cheresse et de l'exode rural. Ils sont menacĂ©s ainsi de disparition. Un grand nombre d'entre eux, construits en pisĂ©, se sont effondrĂ©s sous l'action des facteurs climatiques. GrĂące aux associations locales, aux projets de restauration et au tourisme, certaines de ces institutions ont pu ĂȘtre sauvĂ©es et valorisĂ©es. Quelques-unes sont encore fonctionnelles et gĂ©rĂ©es de la mĂȘme maniĂšre qu'autrefois par les communautĂ©s locales.
Tourisme
Les agadirs sont depuis les années 50 des destinations prisées des touristes. En 2000, l'agadir de Tasguent et l'agadir Id Aïssa in Amtoudi, sont considérés comme les deux principaux exemples d'agadirs au Maroc[2].
Notes et références
- Adam 1985.
- Herbert Popp et Brahim El Fasskaoui, « Some observations on tourism developments in a peripheral region and the validity of global value chain theory. The Anti-Atlas Mountains in Morocco », erdkunde, vol. 67, no 3,â , p. 265â276 (ISSN 0014-0015, DOI 10.3112/erdkunde.2013.03.05, lire en ligne, consultĂ© le )
Bibliographie
- Djinn Jacques-MeuniĂ©, « Les greniers collectifs au Maroc », Journal de la SociĂ©tĂ© des Africanistes, vol. 14,â , p. 1â16 (DOI 10.3406/jafr.1944.2553).
- Djinn Jacques-Meunié, Greniers-citadelles au Maroc, Paris, Arts et Métiers Graphiques, , deux volumes.
- Djinn Jacques-Meunié, Sites et forteresses de l'Atlas : Monuments montagnards du Maroc, Paris, Arts et Métiers Graphiques, .
- AndrĂ© Adam, « L'agadir berbĂšre, une ville manquĂ©e ? », Revue de l'Occident musulman et de la MĂ©diterranĂ©e, vol. 26, no 1,â , p. 5â12 (DOI 10.3406/remmm.1978.1821).
- AndrĂ© Adam, chap. A86 « Agadir », dans EncyclopĂ©die berbĂšre, vol. 2 : Ad â AÄuh-n-TahlĂ©, Aix-en-Provence, Edisud, (ISBN 2-85744-209-2), p. 236â239 [lire en ligne].
- Salima Naji, Greniers collectifs de l'Atlas, Aix-en-Provence, Ădisud (ISBN 978-2-7449-0645-9), et Casablanca, La CroisĂ©e des chemins (ISBN 9981-896-89-6), 2006, 301 p.
- Marie-Christine Delaigue, Jorge Onrubia Pintado, Youssef Bokbot et Abdessalam Amarir, « Une technique dâengrangement, un symbole perchĂ© : Le grenier fortifiĂ© Nord-africain », Techniques & Culture, no 57,â , p. 182â201 (DOI 10.4000/tc.5875).
- Herbert Popp, Mohamed Aït Hamza, Brahim el Fasskaoui et André Humbert (photographies aériennes), Les agadirs de l'Anti-Atlas occidental : Atlas illustré d'un patrimoine culturel du Sud marocain, Bayreuth, Naturwissenschaftliche Gesellschaft Bayreuth, , 499 p. (ISBN 978-3939146070).
- Khalid Alayoud, Les igoudar un patrimoine universel valorisant Ă valoriser : Cas d'Agadir Inoumar, Ăditions universitaires europĂ©ennes, , 76 p. (ISBN 9783838184609).
- Andreas Kagermeier, « La mise en tourisme des greniers collectifs du Maroc : PotentialitĂ©s et contraintes », dans Brahim El Fasskaoui (dir.) et Andreas Kagermeier (dir.), Patrimoine et tourisme culturel au Maroc (actes du 9e colloque maroco-allemand de MeknĂšs, -), MeknĂšs, UniversitĂ© Moulay-IsmaĂŻl, FacultĂ© des Lettres et des Sciences Humaines, coll. « Actes de colloques » (no 43), (ISBN 978-9981-933-48-4), p. 111â122.
- (en) Giuliana Raffaelli, Pedro Robles-MarĂn, Francesco Guerrera, Manuel MartĂn-MartĂn, Francisco Javier AlcalĂĄ-GarcĂa, Maria Letizia Amadori, Lahcen Asebriy, Iz-Eddine El Amrani El Hassani et Julian Tejera de LeĂłn, « Archaeometric study of a typical medieval fortified granary (Amtoudi Agadir, Anti-Atlas Chain, southern Morocco) : A key case for the maintenance and restoration of historical monuments », Italian Journal of Geosciences, vol. 135, no 2,â , p. 280â299 (DOI 10.3301/IJG.2015.25, hdl 10045/64989 , lire en ligne).
- Naïma Keddane, Greniers collectifs de l'Anti-Atlas marocain : Histoire et archéologie, Paris, L'Harmattan, , 177 p. (ISBN 978-2-343-11233-6).