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Équivariance

En mathématiques, l'équivariance est une forme de symétrie de fonctions d'un espace par symétrie avec un autre (tels que les espaces symétriques). Une application est dite équivariante par l'action d'un groupe de symétrie si ce groupe peut agir sur ses ensembles de départ et d'arrivée et quand cette application commute avec l'action de groupe. Autrement dit, appliquer une transformation du groupe de symétrie puis effectuer l'application produit le même résultat que d'effectuer ces opérations en sens inverse.

Les applications équivariantes généralisent le concept d'invariant, application dont le résultat est inchangé par une transformation de son argument. La valeur d'une application équivariante est souvent (par abus) appelée un invariant.

En inférence statistique, l'équivariance sous transformation statistique de données est une propriété importante de plusieurs méthodes d'estimation ; voir estimateur invariant pour plus de détails. En mathématiques pures, l'équivariance est un objet central d'étude en topologie équivariante et ses sous-sujets (cohomologie équivariante et théorie d'homotopie stable équivariante).

Exemples

Géométrie élémentaire

Le centre de gravité d'un triangle (à l'intersection des médianes rouges) est équivariant par transformation affine : le centre de gravité d'un triangle transformé est le transformé du centre de gravité du triangle initial.

En géométrie du triangle, l'aire et le périmètre d'un triangle sont invariants : ces valeurs ne changent pas par translation ou rotation du triangle. Cependant, des centres du triangle tels que le centre de gravité, le centre du cercle circonscrit, celui du cercle inscrit ou l'orthocentre ne sont pas invariants, car déplacer un triangle entrainera le déplacement des centres. Toutefois, ces centres sont équivariants :appliquer un déplacement (combinaison d'une translation et d'une rotation) à un triangle, puis construire son centre, produit le même point que construire d'abord le centre, puis appliquer le même déplacement. Plus généralement, les centres du triangle sont par définition équivariants par similitude (combinaison d'une translation, d'une rotation et d'une homothétie et éventuellement d'une symétrie)[1]; le centre de gravité est même équivariant par toute transformation affine[2].

La même fonction peut être invariante par l'action d'un groupe de symétries et équivariante par l'action d'un autre. Par exemple, par des similitudes au lieu de déplacements, l'aire et le périmètre ne sont plus invariants : appliquer une homothétie à un triangle change aussi son aire et son périmètre. Cependant, ces changements ont un caractère prévisible : si un triangle subit une homothétie de rapport k, le périmètre est multiplié par et son aire, par k2. Ainsi, l'application associant un triangle à son aire ou son périmètre peut être vue comme équivariante par l'action du groupe des homothéties.

Statistiques

Une autre classe d'exemples simples vient de l'estimation statistique. La moyenne d'un échantillon (un ensemble de nombres réels) est souvent utilisé comme une tendance centrale d'un échantillon. Elle est équivariante par applications linéaires des nombres réels, donc par exemple elle n'est inchangée par le choix des unités utilisé pour représenter les nombres. Inversement, la moyenne n'est pas équivariante par transformations non linéaires comme des exponentielles.

La médiane d'un échantillon est équivariant pour un groupe plus grand de transformations, les fonctions (strictement) monotones sur les nombres réels. Cette analyse indique que la médiane est plus robuste devant certaines formes de changements dans un ensemble de données, et que (contrairement à la moyenne) elle a du sens sur des données ordinales[3]

Les concepts d'estimateur invariant et d'estimateur équivariant ont été utilisés pour formaliser ce style d'analyse.

Théorie de la représentation

Dans la théorie de la représentation des groupes finis, un espace vectoriel muni d'un groupe qui agit par transformations linéaires de l'espace est appelé représentation linéaire du groupe. Une application linéaire qui commute avec l'action est appelé un entremêleur. Ainsi, un entremêleur est juste une application linéaire équivariante entre deux représentations. De façon alternative, un entremêleur pour des représentations d'un groupe G sur un champ K est comparable à un homomorphisme de module de K[G]-modules, où K[G] est l'anneau de groupes de G[4].

Sous certaines conditions, si X et Y sont toutes deux des représentations irréductibles, alors un entremêleur (autre que l'application nulle) n'existe que si les deux représentations sont équivalentes (plus précisément, sont isomorphes comme modules). Cet entremêleur est alors unique à un facteur multiplicatif près (un scalaire non nul de K). Ces propriétés sont vérifiées si l'image de K[G] est une algèbre simple, de centre K (par le lemme de Schur : voir module simple). Par conséquent, dans des cas importants, la construction d'un entremêleur suffit à montrer que les représentations sont effectivement les mêmes[5].

Formalisation

L'équivariance peut être formalisé à travers le concept de G-ensemble pour un groupe G. C'est un objet mathématique constitué d'un ensemble mathématique S et d'une action de groupe (à gauche) de G vers S. Si X et Y sont tous deux des G-ensembles sur le même groupe G, alors une fonction f : XY est dite équivariante si f(g·x) = g·f(x) pour tout gG et tout xX[6].

Si une ou les deux actions sont des actions à droite, la condition d'équivariance peut être modifiée à convenance :

f(x·g) = f(x)·g; (droite-droite)
f(x·g) = g1·f(x); (droite-gauche)
f(g·x) = f(x)·g1; (gauche-droite)

Les applications équivariantes sont des homomorphismes dans la catégorie de G-ensembles (pour un G fixé)[7]. Ils sont ainsi également désignés comme des G-morphismes[7] G-applications[8], ou G-homomorphismes[9]. Les isomorphismes de G-ensembles sont simplement des applications équivariantes bijectives[7].

La condition d'équivariance peut aussi être comprise par le diagramme commutatif suivant. On notera que g· désigne l'application qui prend un élément z et renvoie g·z.

Voir aussi

  • Théorème de Curtis-Hedlund-Lyndon, une caractérisation d'automates cellulaires en termes d'applications équivariantes

Références

  1. (en) Clark Kimberling, « Central Points and Central Lines in the Plane of a Triangle », Mathematics Magazine, vol. 67, no 3, , p. 163–187 (DOI 10.2307/2690608, JSTOR 2690608, MR 1573021). "Similar triangles have similarly situated centers", p. 164.
  2. Le centre de gravité est le seul centre équivariant affine d'un triangle, mais des formes convexes plus générales peuvent avoir des centres équivariants affines ; e.g. (en) B. H. Neumann, « On some affine invariants of closed convex regions », Journal of the London Mathematical Society, vol. 14, no 4, , p. 262–272 (DOI 10.1112/jlms/s1-14.4.262, MR 0000978).
  3. (en) Warren S. Sarle, Measurement theory: Frequently asked questions (Version 3), SAS Institute Inc., (lire en ligne). Révision d'un chapitre dans Disseminations of the International Statistical Applications Institute (4th ed.), vol. 1, 1995, Wichita: ACG Press, pp. 61–66.
  4. (en) Jürgen Fuchs et Christoph Schweigert, Symmetries, Lie algebras and representations: A graduate course for physicists, Cambridge University Press, Cambridge, coll. « Cambridge Monographs on Mathematical Physics », (ISBN 0-521-56001-2, MR 1473220, lire en ligne), p. 70.
  5. (en) Roman U. Sexl et Helmuth K. Urbantke, Relativity, groups, particles: Special relativity and relativistic symmetry in field and particle physics, Vienna, Springer-Verlag, coll. « Springer Physics », (ISBN 3-211-83443-5, DOI 10.1007/978-3-7091-6234-7, MR 1798479, lire en ligne), p. 165.
  6. (en) Andrew M. Pitts, Nominal Sets: Names and Symmetry in Computer Science, vol. 57, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Tracts in Theoretical Computer Science », (ISBN 9781107244689, lire en ligne).
  7. (en) Maurice Auslander et David Buchsbaum, Groups, Rings, Modules, Dover Publications, coll. « Dover Books on Mathematics », , 86–87 p. (ISBN 9780486490823, lire en ligne).
  8. (en) G. B. Segal, Actes du Congrès International des Mathématiciens (Nice, 1970), Tome 2, Gauthier-Villars, Paris, , 59–63 p. (MR 0423340), « Equivariant stable homotopy theory ».
  9. (en) Mahima Ranjan Adhikari et Avishek Adhikari, Basic modern algebra with applications, New Delhi, Springer, (ISBN 978-81-322-1598-1, DOI 10.1007/978-81-322-1599-8, MR 3155599, lire en ligne), p. 142.
  • Paul-Émile Paradan, Cohomologie équivariante et quantification géométrique, Université Joseph-Fourier - Grenoble I, (lire en ligne)
  • Abdelouahab Arouche, « Sur la complétion de la K-théorie équivariante », Annales de la faculté des sciences de Toulouse 6e série, vol. 6, no 3, , p. 377-387 (lire en ligne)
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