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Élection présidentielle guatémaltèque de 2023

L'élection présidentielle guatémaltèque de 2023 a lieu les et afin d'élire le président et le vice-président de la République du Guatemala. Le premier tour se déroule en même temps que les élections législatives, les élections de 20 députés au Parlement centraméricain et les élections municipales.

Élection présidentielle guatémaltèque de 2023
(1er tour)
(2d tour)
Corps électoral et résultats
Inscrits 9 361 068
Votants 5 557 273
60,52% en diminution 1,3
Sandra TorresUNE
Colistier : Romeo Estuardo Guerra
Voix 881 592
20,88%
Bernardo ArévaloSemilla
Colistier : Karin Herrera
Voix 654 534
15,61%
Manuel CondeVamos
Colistier : Luis Arturo Suárez
Voix 435 631
10,37%
Président de la République
Sortant
Alejandro Giammattei
Vamos

Le président sortant Alejandro Giammattei n'est pas éligible à sa réélection, la constitution interdisant d'effectuer un second mandat présidentiel, de manière consécutive ou non.

Le vote intervient dans le contexte d'un régime autoritaire qui entrave la tenue d'un scrutin libre et équitable. Dotée d'une classe politique réputée parmi les plus corrompues du continent, la population voit la plupart de ses candidats favoris disqualifiés dans les mois précédant le scrutin. Le Tribunal suprême électoral (TSE) et la Cour constitutionnelle sont ainsi accusés de manœuvrer au profit des élites dirigeantes et des candidats qu'elles cooptent.

Le second tour voit s'opposer deux sociaux-démocrates : Sandra Torres, candidate malheureuse aux seconds tours des deux précédents scrutins, et Bernardo Arévalo, candidat anti-corruption qui crée la surprise au premier tour.

Contexte

Présidence d'Alejandro Giammattei

Le président sortant, Alejandro Giammattei.

L'élection présidentielle de juin 2019 voit la victoire au second tour du candidat du parti Vamos, Alejandro Giammattei sur Sandra Torres, candidate de l'Union nationale de l'espérance (UNE). L'élection intervient dans un contexte de perte de confiance de la population envers sa classe politique, jugée incapable de lutter contre la corruption, la criminalité et la misère que connaît le pays[1] - [2].

Médecin de formation, Alejandro Giammattei fait face, durant sa présidence, à plusieurs crises politiques, économiques et sociales. La mauvaise gestion par le gouvernement des conséquences des ouragans Eta et Iota et surtout de la pandémie de Covid-19 lui valent d'importantes critiques qui se cristallisent lors du vote du budget de 2021. Ce dernier réduit en effet la part allouée aux hôpitaux publics tout en augmentant les aides aux grandes entreprises, soupçonnées de favoritisme[3]. Les manifestations de grande envergure qui s'ensuivent surnommées « Révolution des haricots » en référence au qualificatif de « mangeurs de haricots » attribué aux manifestants par un député conduisent à l'incendie du bâtiment du Congrès et à des appels à la démission du président, auxquels se joint notamment son propre vice-président, Guillermo Castillo Reyes[4] - [5].

Au cours du mois de février 2022, le site d'investigation salvadorien El Faro accuse Alejandro Giammattei d'avoir financé sa campagne avec des pots-de-vin versés par une entreprise de construction. Le président guatémaltèque aurait négocié en 2019 une contribution de 2,6 millions de dollars à sa campagne électorale de la part de José Luis Benito, ministre au sein du gouvernement du président sortant Jimmy Morales. En échange de cette somme, Giammattei aurait promis au ministre de le maintenir en poste pendant un an afin de perpétuer un système de corruption de plusieurs millions de dollars dans le cadre de contrats de construction et d'entretien de routes. Le président guatémaltèque refuse néanmoins de démissionner et parvient à se maintenir en poste jusqu'à l'élection présidentielle de 2023[6].

Candidate malheureuse en 2015 et 2019, Sandra Torres reçoit en janvier 2023 l'investiture de l'UNE pour une troisième candidature[7].

Indicateurs sociaux-économiques

Après une période de récession due à la pandémie de Covid-19, le Guatemala connaît une forte croissance en 2021 et 2022. Cette croissance est attribuée aux exportations vers l'Amérique du Nord de matières premières et aux envois de fonds (remesas) de la diaspora, qui représentent plus de 15 % du PIB du pays[8]. Le Guatemala demeure un pays très inégalitaire avec 60 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et 56 % souffrant d’insécurité alimentaire. Les populations indigènes, qui représentent près de 45 % de la population totale, soit le taux le plus haut d’Amérique centrale, sont les plus touchées. Les gouvernements successifs ont toujours peu investi dans des projets d’infrastructures et de développement[8].

Prévalence de la corruption

La corruption et l'impunité sont très répandues dans le pays. Après la signature des accords de paix en 1996, mettant fin à la guerre civile, la question des corps illégaux et des appareils clandestins de sécurité n'a jamais été résolue. Selon une enquête des Nations unies, ces organisations liées aux services de renseignements militaires ont recouru pendant le conflit à des réseaux illicites pour s'enrichir et favoriser les intérêts des élites économiques. Dans les années 2010, la création par les Nations unies de la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (Cicig) avait permis d'aboutir aux premières condamnations, dont celle du président Otto Pérez Molina (2012-2015) qui pilotait un vaste réseau de détournement de fonds publics. Les enquêtes de la Cicig ont progressivement révélé de multiples réseaux de corruption impliquant politiciens et chefs d'entreprise ; en conséquence, les élites obtiennent l'expulsion de la Cicig en 2019[9]. Des dizaines de magistrats ayant enquêté sur la corruption, de même que plusieurs journalistes, ont depuis été emprisonnés ou contraints à l'exil[9]. De nombreuses ONG dénoncent une tentative de « criminalisation » du travail de journaliste au Guatemala[8].

Mode de scrutin

Le président guatémaltèque est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de quatre ans non renouvelable. Si aucun candidat ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, un second est convoqué entre les deux candidats arrivés en tête au premier, et celui recueillant le plus de suffrages l'emporte. Chaque candidat se présente avec un colistier, lui-même candidat à la vice-présidence. Tous deux doivent être âgés de plus de quarante ans et posséder la nationalité guatémaltèque de naissance[10].

Le vice-président remplace le président en cas de vacance du pouvoir, jusqu'au terme de son mandat de quatre ans. Il ne peut se présenter lui-même à une élection présidentielle que si ce remplacement n'a pas duré plus de deux ans, tout comme un président dont le mandat a été interrompu. En cas d'empêchement simultané du président et du vice-président, le Congrès de la République élit un président à la majorité qualifiée des deux tiers du total de ses membres, pour la durée restante du mandat en cours[10].

Une grande partie de la jeunesse guatémaltèque n'est pas inscrite sur les listes électorales et ne peut donc pas voter (environ 1,8 million de personnes sur les 2,7 millions ayant entre 18 et 25 ans)[11].

Campagne

Pressions des autorités

Les institutions électorales sont vivement critiquées en raison de l'exclusion à répétition de candidats en situation de remporter l'élection présidentielle, dans ce qui s'apparente à une fraude électorale par anticipation. La candidate de gauche Thelma Cabrera est ainsi disqualifiée au motif que son colistier, l'ex-juge anticorruption Jordán Rodas, fait l'objet d'une enquête. Puis, à un mois du premier tour, la candidature du favori des sondages, Carlos Pineda, est également écartée par la Cour constitutionnelle, de même que celle de Roberto Arzú, fils de l’ancien président Álvaro Arzú et autre potentiel vainqueur du scrutin[12] - [13].

Au contraire, la candidate d’extrême droite Zury Ríos, fille de l'ex-dictateur Efraín Ríos, est autorisée à participer en dépit de la Constitution guatémaltèque qui interdit aux proches d'anciens dictateurs de participer aux élections présidentielles. Les autorités électorales valident également la candidature de personnalités notoirement liées au crime organisé[14].

Le président Alejandro Giammattei exerce une forte pression sur les institutions du pays et est accusé de dérives dictatoriales. De nombreuses institutions, telles que la Cour constitutionnelle ou le ministère public, ont été investies par des élites largement décrites comme corrompues, et leurs anciens membres arrêtés et condamnés[14]. La Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (Cicig), fondée par les Nations unies, a été dissoute et ses membres également arrêtés, pour ceux qui n'ont pu s'exiler[15]. Selon l'ancien rapporteur de l'ONU pour la liberté d'expression, Frank La Rue, le Guatemala est soumis à la « dictature d'un groupe [soudé] par des intérêts économiques, de corruption et même de crime organisé », groupe dont le président Giammattei n'est qu'un représentant parmi d'autres[13].

Les ONG dénoncent la disparition de l’État de droit au Guatemala, la concentration des médias et les liens entre la classe politique traditionnelle et les narcotrafiquants. En 2019, la Cicig avait déclaré que le crime finançait 25 % du budget des campagnes électorales[14].

Thèmes

Les candidats autorisés à se présenter mènent une campagne marquée à droite, mettant en avant leur attachement aux valeurs religieuses et à la défense de la propriété privée, ainsi que leur opposition à la légalisation de l’avortement. Sont notamment portés en exemples à suivre les politiques sécuritaires du président salvadorien Nayib Bukele[11]. Les églises évangéliques conservent une grande influence dans la vie politique, après avoir notamment participé à la sélection des juges de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle, de même que plusieurs débats entre candidats lors desquels les pasteurs orientent les discussions. Lors de l'ultime débat de la campagne, les échanges concernent en particulier le mariage homosexuel, tandis que la question de la pauvreté, qui touche au moins 54 % de la population, est ignorée[11]. Au contraire, l'éviction des candidatures de gauche par les autorités électorales à conduit à ce que « le discours et les idées de la gauche [disparaissent] du débat »[11].

Les trois favoris du scrutin — Zury Rios, Sandra Torres et Edmond Mulet — usent abondement de pratiques clientélistes. Les personnes venues assister à leurs meetings se voient ainsi offrir divers cadeaux, voire une somme d'argent dans le cas de Zury Rios. Les militants des partis politiques circulent dans les rangs pour noter les noms et adresses des présents comme « premiers bénéficiaires » en cas de victoire de leur candidat. La pratique du don contre le vote est une pratique habituelle lors des élections au Guatemala et n'est pas sanctionnée[11].

Sondages

Résultats

Résultats préliminaires de la présidentielle guatémaltèque de 2023[16] (dépouillés à 98 %)
Candidats Colistiers Partis Premier tour Second tour
Voix % Voix %
Sandra Torres Romeo Estuardo Guerra UNE 20,88
Bernardo Arévalo Karin Herrera Semilla 15,61
Manuel Conde Luis Antonio Suárez Vamos 10,37
Armando Castillo Édgar Grisolia ViVa 9,63
Edmond Mulet Máximo Santa Cruz Cabal 8,89
Zury Ríos Héctor Cifuentes Valor-PU 8,69
Manuel Villacorta Jorge Mario García VOS 5,70
Giovanni Reyes Óscar Figueroa BIEN 3,38
Amílcar Rivera Fernando Mazariegos V 3,23
Amílcar Pop Mónica Enríquez Winaq 2,09
Ricardo Sagastume Guillermo González Todos 1,83
Rudy Guzmán Diego González PPN 1,57
Isaac Farchi Mauricio Zaldaña PA 1,46
Julio Rivera José Urrutia MF 1,10
Francisco Arredondo Francisco Bermúdez CREO 1,00
Giulio Talamonti Óscar Barrientos UR 0,96
Hugo Peña Hugo Jhonson CE 0,93
Rudio Lecsan Mérida Rubén Darío Rosales PHG 0,77
Rafael Espada Arturo Herrador PR 0,76
Sammy Morales Miguel Ángel Moir FCN 0,53
Álvaro Trujillo Miguel Ángel Ibarra C 0,42
Luis Lam Padilla Otto Marroquín PIN 0,19
Suffrages exprimés
Votes invalides
Votes blancs
Total 5 499 963 100 100
Abstentions
Inscrits / participation 9 361 068 58,75 9 361 068

Analyse et conséquences

Le premier tour voit Sandra Torres se qualifier pour la troisième fois consécutive. L'ancienne première dame du président Álvaro Colom de 2008 à 2011 arrive en tête, portée par une campagne l'ayant éloignée de ses anciennes positions social-démocrates pour un tournant plus conservateur[17].

À la surprise générale, son adversaire est Bernardo Arévalo, fils de l'ancien président Juan José Arévalo et candidat du Mouvement Semilla né des manifestations anti-corruption de 2015[18] - [19]. La qualification de ce candidat de gauche anti-corruption jusque-là absent des sondages est perçu comme un vote de rejet de la classe politique[17] - [20]. Social-démocrate comme sa rivale, il est comme elle opposé au mariage homosexuel et à l'avortement[21].

Le 2 juillet, à la demande de neuf partis de droite dont celui du président sortant qui réclament un nouveau scrutin sur la base d'allégations de fraudes, la Cour constitutionnelle suspend les résultats. Cette décision est dénoncée par l'Union européenne, l'Organisation des États américains (OEA) et les États-Unis. Ceux-ci exhortent au respect des résultats et à la séparation des pouvoirs[22].

Notes et références

  1. « Election présidentielle au Guatemala : victoire du conservateur Giammattei », sur Le Monde, (consulté le )
  2. « Guatemala: le candidat de droite Alejandro Giammattei élu président », sur La Croix, (consulté le )
  3. « La colère contre le pouvoir s’enflamme au Guatemala », sur Libération, Libération (consulté le ).
  4. « Un médecin conservateur à la tête du Guatemala », sur perspective.usherbrooke.ca (consulté le ).
  5. « Des manifestants mettent le feu au Parlement du Guatemala », sur Le Figaro.fr, Le Figaro, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
  6. « À la Une: au Honduras, l’ex-président Hernández bientôt arrêté? », sur RFI,
  7. (es) Douglas Cuevas, « Partido UNE proclama a Sandra Torres como su candidata presidencial para las elecciones del 2023 », sur Prensa Libre, (consulté le ).
  8. « Guatemala : les enjeux d’une élection en Amérique centrale », sur IRIS (consulté le )
  9. « Au Guatemala, enquêter sur la corruption est synonyme “d’exil, de prison ou de mort” », sur Courrier international, (consulté le )
  10. « Constitution », sur www.constituteproject.org (consulté le ).
  11. « Au Guatemala, des élections sur fond de dérive autoritaire », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  12. « Au Guatemala, les évictions multiples des favoris à la présidentielle sèment le trouble », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  13. « Guatemala: des candidats empêchés de se présenter à l'élection présidentielle du 25 juin », sur RFI, (consulté le )
  14. « Au Guatemala, la candidate de gauche interdite d’élection présidentielle, celle d’extrême droite adoubée », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  15. (es) « Narcos, corruptos y la hija de un genocida se inscribieron como candidatos para las elecciones de Guatemala », sur infobae (consulté le )
  16. OYGM, « Resultados Electorales Preliminares 2023 », sur www.trep.gt (consulté le ).
  17. (es) « Quiénes son Sandra Torres y Bernardo Arévalo, la eterna candidata y el aspirante sorpresa que se disputarán la presidencia de Guatemala », sur BBC News Mundo, (consulté le ).
  18. (en) Catherine Osborn, « Guatemala’s Surprising Election », sur Foreign Policy, (consulté le ).
  19. (en) « Guatemala’s election produces a pleasant surprise », sur The Economist (consulté le ).
  20. (sv) « Arévalo Breaks into Presidential Runoff for Center-Left Surprise in Guatemala », sur elfaro.net (consulté le ).
  21. https://www.facebook.com/FRANCE24, « Présidentielle au Guatemala : deux sociaux-démocrates s'affronteront au second tour », sur France 24, FRANCE24, (consulté le ).
  22. « Au Guatemala, le tribunal électoral suspend les résultats du premier tour de la présidentielle à la demande de la Cour constitutionnelle », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
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