Affaire de corruption La LĂnea
L’affaire de corruption La LĂnea (« la ligne tĂ©lĂ©phonique ») a commencĂ© au Guatemala le , lorsque la Commission internationale contre l'impunitĂ© au Guatemala (CICIG) implique de nombreux hauts responsables du gouvernement d'Otto PĂ©rez Molina dans une affaire de fraude douanière. Cette affaire a provoquĂ© une vague de manifestations de la population pour exiger la dĂ©mission du prĂ©sident de Guatemala Otto PĂ©rez Molina et de la vice-prĂ©sidente Roxana Baldetti.
Le mardi , Otto Pérez Molina perd son immunité présidentielle ; le , il démissionne ; le enfin, il est emprisonné, et est remplacé le même jour par Alejandro Maldonado Aguirre en tant que président de la République.
EnquĂŞte
Le , le parquet guatémaltèque et la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG), une entité des Nations unies chargée d’assainir le système judiciaire, donnent une conférence de presse où ils dévoilent l'existence d'un réseau de fraudeurs bien organisé bénéficiant de complicités de haut niveau à l'intérieur de l'administration fiscale guatémaltèque, la SAT[1]. Ils accusent notamment Juan Carlos Monzón, l'ancien secrétaire de la vice-présidente Roxana Baldetti, d’avoir dirigé cet important réseau de corruption, grâce auquel de hauts fonctionnaires étaient suspectés d’avoir encaissé des dessous de table en échange de réductions des droits de douane encaissés[2].
Le , la vice-prĂ©sidente Roxana Baldetti est mise en cause pour avoir reçu plusieurs chèques d'un montant total de 900 000 euros. Quelque 158 personnes sont entendues, et 27 d'entre elles sont placĂ©es en dĂ©tention. Le rĂ©seau mafieux La LĂnea avait mis en place un système qui faisait bĂ©nĂ©ficier des entreprises importatrices de taxes douanières très rĂ©duites, en Ă©change de pots-de-vin[3], grâce Ă un vaste rĂ©seau de corruption opĂ©rant Ă l'intĂ©rieur mĂŞme du service des douanes et impliquant des dizaines de fonctionnaires et des membres du gouvernement[4]. Ă€ la suite des premières rĂ©vĂ©lations, une « manifestation pacifique » rĂ©unit plusieurs milliers de personnes dans la capitale, Ciudad de Guatemala[5].
Le rĂ©seau tire son nom, La LĂnea - c'est-Ă -dire « la ligne (tĂ©lĂ©phonique) » - du numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone que tout importateur dĂ©sireux d'obtenir la rĂ©duction des droits de douane pouvait appeler au sein de l'administration fiscale guatĂ©maltèque (la SAT, la Superintendencia de AdministraciĂłn Tributaria de Guatemala). Le rĂ©seau comprenait de nombreux membres de l'administration fiscale situĂ©s Ă diffĂ©rents niveaux de la hiĂ©rarchie, chacun avec un rĂ´le bien dĂ©fini. Durant l'enquĂŞte, de Ă , le rĂ©seau a traitĂ© au moins 500 containers, engrangeant de substantiels pots-de-vin grâce au contrĂ´le exercĂ© sur les douanes de Puerto Quetzal et de Santo Tomás, ainsi que sur les douanes centrales[6].
Le prĂ©sident Otto PĂ©rez Molina est ensuite accusĂ© Ă son tour par le procureur de « faire partie d'une bande criminelle qui opĂ©rait depuis avec l'objectif de voler l’État ». Lors du message radio-tĂ©lĂ©visĂ© qu'il adresse au pays le dimanche , le prĂ©sident rĂ©fute formellement les accusations portĂ©es contre lui et affirme qu'il ne dĂ©missionnera pas, jusqu'au moment oĂą des Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques apportent la preuve de son implication dans le rĂ©seau mafieux La LĂnea. Selon les calculs effectuĂ©s, il aurait pu recevoir des pots-de-vin pour un total de 3,7 millions de dollars, au moyen de la fraude Ă la taxation sur les importations ainsi mise en place[7].
Arrestations de la vice-présidente et du président
Le , la CICIG et le Ministère public lancent un mandat d'arrĂŞt Ă l'encontre de l'ex-vice-prĂ©sidente Roxana Baldetti et une demande d'ouverture d'une enquĂŞte prĂ©liminaire Ă l'encontre du prĂ©sident Otto PĂ©rez Molina, pour corruption, association illĂ©gale et fraude douanière[8]. Lors de la confĂ©rence de presse donnĂ© ce mĂŞme jour par ces deux entitĂ©s, il est indiquĂ© que des preuves obtenues lors des opĂ©rations menĂ©es le dĂ©montrent que le secrĂ©taire de Roxana Baldetti, Juan Carlos MonzĂłn, n'Ă©tait pas le chef du rĂ©seau La LĂnea, mais bel et bien le prĂ©sident lui-mĂŞme et l'ex vice-prĂ©sidente ; il est Ă©galement suggĂ©rĂ© lors de cette confĂ©rence que ces deux personnes Ă©taient impliquĂ©s dans le rĂ©seau avant mĂŞme d'avoir Ă©tĂ© Ă©lus au gouvernement[8] - [9].
Roxana Baldetti est alors envoyée en prison préventive au Centre de détention préventive Santa Teresa, après avoir passé quelques jours dans la prison militaire de Matamoros, cependant que la population appelait à une grève générale dans tout le Guatemala. Finalement, le , le président Pérez Molina présente sa démission, acceptée le par le Congrès de la République ; le même jour, Alejandro Maldonado Aguirre prête serment en tant que nouveau président de la République[10].
Le jeudi également, Otto Pérez Molina est placé en détention à la prison militaire de Matamoros, à la demande du juge Miguel Galvez[7]. Le , il est maintenu en détention préventive[11].
Conséquences
Le dimanche , se déroule le premier tour des élections par lesquelles les 7,5 millions d'électeurs guatémaltèques sont appelés à désigner un nouveau président, 158 députés et 338 maires[12].
L'affaire a eu de fortes conséquences sur le processus démocratique au Guatemala. Dans la continuité des manifestations organisées pour dénoncer la corruption et réclamer la démission d'Otto Pérez Molina, des milliers de manifestants vêtus de noir ont participé dans la capitale la veille des élections à une « marche funèbre » que l'un des collectifs citoyens nés à l'occasion de ces événements, le collectif « Un autre Guatemala maintenant », a qualifiées d'« élections imposées, immorales, illégales et illégitimes »[13]. Sur sa page Facebook, le collectif « RenunciaYa » qui est à l'origine de la mobilisation citoyenne a, quant à lui, appelé à voter librement et en conscience[14].
Notes et références
- (es) Red de defraudación controlaba operaciones de la SAT, sur prensalibre.com du 16 avril 2015 (consulté le 7 septembre 2015).
- Au Guatemala, le président fait front malgré le scandale de corruption, sur lemonde.fr (consulté le 7 septembre 2015).
- Le Guatemala se mobilise contre son président accusé de corruption, sur libération.fr du 25 août 2015 (consulté le 7 septembre 2015).
- Guatemala. Le président Pérez Molina démissionne, le pays est en fête, sur courrierinternational.com (consulté le 7 septembre 2015).
- Miles de guatemaltecos manifiestan contra la corrupción, sur noticias.emisorasunidas.com du 25 avril 2015 (consulté le 7 septembre 2015).
- (es) Desmantelan red de defraudadores - Forma de operar, sur prensalibre.com (consulté le 7 septembre 2015).
- Guatemala : l'ex-président Otto Perez dort en prison, sur lefigaro.fr du 4 septembre 2015 (consulté le 6 septembre 2015).
- (es) Exvicepresidenta Baldetti capturada esta mañana por tres delitos, sur archive.org (consulté le 6 septembre 2015).
- (es) CICIG: Otto PĂ©rez participĂł en “La LĂnea”, sur archive.org (consultĂ© le 6 septembre 2015).
- (es) Maldonado Aguirre revela su terna vicepresidencial , sur prensalibre.com (consulté le 6 septembre 2015).
- (es) « Pérez Molina ligado a proceso e irá a prisión preventiva », sur Prensa Libre, (consulté le )
- Guatemala : dernières manifestations avant des élections marquées par la corruption, sur lemonde.fr du 6 septembre 2015 (consulté le 7 septembre 2015).
- Au Guatemala, va-t-on assister à un printemps latino?, sur lejdd.fr du 6 septembre 2015 (consulté le 7 septembre 2015).
- (es) « #VotoConsciente », sur Facebook (consulté le )
Liens externes
- Guatemala: le président au cœur d'un réseau de corruption, selon la justice, sur rfi.fr (consulté le ).
- Guatemala : accusé de corruption, le président Pérez démissionne, sur lesechos.fr (consulté le ).
- Guatemala : démission du président, sur humanite.fr (consulté le ).