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Yennayer

Yennayer (en berbĂšre : â”ąâ”â”âŽ°â”ąâ””, Yennayer, ou ┉âŽč ┏ â”‰â”â”âŽ°â”ąâ””, Iឍ en Innayer [1]) est le jour de l'an du calendrier agraire utilisĂ© depuis l'AntiquitĂ© par les BerbĂšres Ă  travers l'Afrique du Nord. FĂȘtĂ© selon les rĂ©gions du 12 au de chaque annĂ©e, il correspond au premier jour de janvier du calendrier julien, qui est dĂ©calĂ© de 13 jours par rapport au calendrier grĂ©gorien, et dĂ©bute le 14 de chaque annĂ©e. Par suite probablement d'une erreur des premiĂšres associations culturelles qui ont prĂŽnĂ© le retour Ă  cette fĂȘte traditionnelle menacĂ©e de disparition, l'opinion que la date traditionnelle est le est trĂšs rĂ©pandue, surtout en AlgĂ©rie, bien que les spĂ©cialistes indiquent que la date exacte est le [2] - [3].

Yennayer
Yennayer

Nom officiel Yennayer
Observé par BerbÚres
Signification Célébration de la nouvelle année, commémoration de l'accession au pouvoir du Pharaon Sheshonq Ier
Date 12 ou 14 Janvier
Observances Repas, chants et danses
Le Yennayer, Nouvel An berbĂšre *
Domaine Pratiques festives
Lieu d'inventaire Paris
* Descriptif officiel MinistĂšre de la Culture (France)

En AlgĂ©rie, une dĂ©cision prĂ©sidentielle annoncĂ©e le fait de Yennayer un jour chĂŽmĂ© et payĂ©[4], fĂȘtĂ© pour la premiĂšre fois officiellement le [5] - [6].

Au Maroc, Le roi Mohammed VI a déclaré, le 3 mai 2023, le Nouvel An Amazigh comme jour férié officiel[7].

Dans certaines régions, Yennayer est précédé par imensi n yennayer (littéralement « le dßner de Yennayer ») qui a lieu la veille du nouvel an Amazigh. Les participants se réunissent et attendent, à travers différentes manifestations, la venue de la nouvelle année.

En France, le Yennayer, est inscrit à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel depuis 2020.

Origines

Selon diverses acceptions, Yennayer correspond au premier jour du calendrier agraire utilisé par les BerbÚres depuis plusieurs siÚcles. Yennayer fait également référence au début du calendrier julien, adopté dans la Rome antique et décalé de treize jours par rapport au calendrier grégorien.

L'AcadĂ©mie berbĂšre s'est basĂ©e sur le fait que les BerbĂšres avaient coutume de cĂ©lĂ©brer Yennayer chaque annĂ©e, pour le dĂ©crĂ©ter comme « nouvel an amazigh ». C’est Ammar Negadi[8] qui mit en avant un calendrier berbĂšre, en 1980, fondĂ© sur un Ă©vĂšnement marquant dans l’histoire du peuple amazigh, un fait historique incontestable pour en faire le point zĂ©ro du calendrier. Son choix s’est portĂ© sur l’an 950 avant JĂ©sus-Christ qui correspond Ă  la date oĂč le roi berbĂšre Sheshonq Ier (orthographiĂ© Ă©galement Chichnaq ou Chichneq) fut intronisĂ© pharaon d’Égypte et fonda la XXIIe dynastie qui rĂ©gna sur l'Égypte jusqu’à l’an Ce roi berbĂšre avait rĂ©ussi Ă  unifier l’Égypte pour ensuite envahir le Royaume d’IsraĂ«l. On dit de lui qu’il s’empara des trĂ©sors du temple de Salomon Ă  JĂ©rusalem en 926 avant JĂ©sus-Christ. Cette date est mentionnĂ©e dans la Bible et constituerait, par-lĂ -mĂȘme, la premiĂšre date de l’histoire berbĂšre sur un support Ă©crit. Le roi Sheshonq est Ă©voquĂ© dans la Bible sous le nom de SĂ©saq et Shishaq (Ś©ÖŽŚŚ™Ś©Ö·ŚŚ§) en hĂ©braĂŻque ancien cette version reste trĂšs contestĂ©e.

Au Moyen Âge, les premiĂšres rĂ©fĂ©rences Ă©crites relatives Ă  Yennayer en tant qu'Ă©vĂ©nement festif apparaissent dans les Ă©crits du maĂźtre de la poĂ©sie Zajal, Ibn Quzman (1086-1160), de Cordoue, ainsi que dans ceux du faqih malĂ©kite Abu Bakr Muhammad al Turtusi (1059-1126). Alors que le poĂšte dĂ©crit Yennayer comme un moment de cĂ©lĂ©bration, le faqih le considĂšre comme une innovation bidaa[9].

Ibn Quzman mentionne Yennayer Ă  deux reprises dans son Diwan. Tout d'abord, il l'Ă©voque dans des termes festifs, puis il offre une description dĂ©taillĂ©e de la cĂ©lĂ©bration de Yennayer au XIIe siĂšcle Ă  Cordoue. Au cours d'une promenade dans un marchĂ©, il dĂ©crit les produits allĂ©chants exposĂ©s sur les Ă©tals du marchĂ©, tels que les brioches, les cornes de gazelles, les friandises, les fruits frais et les fruits secs[9]. Ce poĂšme constitue l'une des rares sources mĂ©diĂ©vales fournissant autant de dĂ©tails sur le rituel de Yennayer en Andalousie. Il convient de souligner que la cĂ©lĂ©bration actuelle de cette fĂȘte dans l'Oranie et d'autres rĂ©gions d'Afrique du Nord prĂ©sente des similitudes frappantes avec celle dĂ©crite par Ibn Quzman[9].

Étymologie

Yennayer serait composé de deux mots berbÚres : yan, qui signifie « le numéro un », et ayyur, qui signifie « mois », « yennayer » signifiant le premier mois[10] - [11] - [12] - [13].

D'autres pensent que Yennayer est la prononciation berbÚre du mois de janvier qui se nomme en latin Ianuarius, en espagnol Enero et en arabe Yannāyir.

Une étymologie populaire berbÚre serait « les paroles de la lune » ou encore « verbe du ciel »[14].

La fĂȘte et la tradition

Yennayer est une fĂȘte trĂšs rĂ©pandue, Ă  travers toutes les rĂ©gions d'AlgĂ©rie oĂč elle est considĂ©rĂ©e comme une cĂ©lĂ©bration nationale. Cette fĂȘte est aussi fĂȘtĂ©e parmi les autres communautĂ©s nord-africaines, comme au Maroc.

Imensi n umenzu n yennayer (le dĂźner du 1er jour de janvier)

folklore Kabyle de Yennayer.

Le repas, prĂ©parĂ© pour la circonstance, est assez copieux et diffĂ©rent du quotidien. Pour la prĂ©paration de « imensi n yennayer », les Kabyles utilisent la viande de la bĂȘte sacrifiĂ©e (asfel), souvent de la volaille, mĂ©langĂ©e parfois Ă  la viande sĂ©chĂ©e (acedluh) pour agrĂ©menter le couscous, Ă©lĂ©ment fondamental de l’art culinaire berbĂšre. Le plus aisĂ© affiche sa diffĂ©rence. Il sacrifie une volaille par membre de la famille.

En revanche, le premier yennayer suivant la naissance d’un garçon Ă©tait d’une grande importance. Le pĂšre effectue la premiĂšre coupe de cheveux au nouveau-nĂ© et marque l’évĂ©nement par l’achat d’une tĂȘte de bƓuf. Ce rite augure Ă  l’enfant le rĂŽle de futur responsable du village. il est rĂ©pĂ©tĂ© lors de la premiĂšre sortie du garçon au marchĂ©. Il est transposĂ©, dans les mĂȘmes conditions, Ă  la fĂȘte musulmane de l’achoura, dans certaines localitĂ©s berbĂ©rophones.

« Imensi n yennayer » se poursuit tard dans la nuit et la satiĂ©tĂ© est de rigueur. C’est mĂȘme dĂ©sobligeant pour la maĂźtresse de la maison (tamghart n wexxam) de ne pas se rassasier. C'est aussi un repas de communion. Il se prend en famille. On dispose autour du plat commun des cuillĂšres pour signaler leur prĂ©sence. À travers les gĂ©nies gardiens, les forces invisibles participent au festin par des petites quantitĂ©s dĂ©posĂ©es aux endroits prĂ©cis, le seuil de la porte, le moulin de pierre aux grains, le pied du tronc du vieil olivier, etc. et la place du mĂ©tier Ă  tisser qui doit ĂȘtre impĂ©rativement enlevĂ© Ă  l’arrivĂ©e de yennayer. Sinon les forces invisibles risqueraient de s’emmĂȘler dans les fils et se fĂącheraient. Ce qui est mauvais pour les prĂ©sages.

Pour les Kabyles, « amenzu n yennayer » dĂ©termine la fin des labours et marque le milieu du cycle humide. Les aliments utilisĂ©s durant ce mois sont les mĂȘmes que ceux de la pĂ©riode des labours. La nourriture prise est bouillie, cuite Ă  la vapeur ou levĂ©e. Les aliments augmentant de volume Ă  la cuisson sont de bon augure. La rĂ©colte prĂ©sagĂ©e sera d’une grande quantitĂ©. Les diffĂ©rentes sortes de couscous, de crĂȘpes, de bouillies, etc., et les lĂ©gumes secs les agrĂ©mentant apparaissent. Les desserts servis seront les fruits secs (figues sĂšches, abricots secs, noix, etc.) de la rĂ©colte passĂ©e, amassĂ©s dans de grandes et grosses cruches en terre pourvues d’un nombril servant Ă  retirer le contenu (ikufan).

« Imensi n yennayer » nĂ©cessite des prĂ©paratifs prĂ©alables. Dans l'Aures et en Kabylie, la veille, la maison est mĂ©ticuleusement nettoyĂ©e et embaumĂ©e Ă  l’aide de diverses herbes et branches d’arbres (pin, autres).

Les jeux

Les masques symbolisent le retour des invisibles sur Terre. En pĂ©riode du mois de yennayer, les enfants en Kabylie et dans l'Oranie se dĂ©guisaient (chacun confectionne son propre masque) et parcouraient les ruelles du village. Passant de maison en maison, ils quĂ©mandaient des beignets sfendj ou des feuilletĂ©s de semoule cuits lemsemmen pour qui les gens s’obligent de donner. Par ce geste d’offrande, le BerbĂšre de Kabylie tisse, avec les forces invisibles, un contrat d’alliance qui place la nouvelle annĂ©e sous d’heureux auspices.

Ce rite, comme celui de la premiĂšre coupe de cheveux du nouveau-nĂ©, est transposĂ© Ă  l’Achoura et repris lors de la pĂ©riode des labours. Le paysan distribue d’humbles offrandes aux passants croisĂ©s sur son chemin et dĂ©pose de petites quantitĂ©s de nourritures dans des lieux saints, en se rendant dans ses champs. Amenzu n yennayer marqua toutes les rĂ©gions berbĂ©rophones par des jeux liĂ©s aux morts de retour sur Terre : carnaval de Tlemcen, jeux de taÎłisit (os) des femmes de GhadamĂšs


Le mythe de la vieille

Un calendrier tunisien qui prend le 14 comme le premier jour de la nouvelle année.

Dans l’univers culturel berbĂšre, un drame mythique marqua yennayer de sa forte empreinte. Des histoires lĂ©gendaires sont diffĂ©remment contĂ©es au sujet d’une vieille femme. Chaque contrĂ©e et localitĂ© a sa version. Les Kabyles disaient qu’une vieille femme, croyant l’hiver passĂ©, sortit un jour de soleil dans les champs et se moqua de lui. Yennayer mĂ©content emprunta deux jours Ă  furar (fĂ©vrier) et dĂ©clencha, pour se venger, un grand orage qui emporta la vieille dans ses Ă©normes flots.

Chez les At-Yenni, la femme fut emportĂ©e en barattant du lait. Chez les At-Fliq, il emprunta seulement un jour et dĂ©clencha un grand orage qui transforma la vieille en statue de pierre et emporta sa chĂšvre. Ce jour particulier est appelĂ© l’emprunt (Amerdil). Le Kabyle le cĂ©lĂ©bra chaque annĂ©e par un dĂźner de crĂȘpes. Le dĂźner de l’emprunt (Imensi umerdil) fut destinĂ© Ă  Ă©loigner les forces mauvaises.

À Azazga et Ă  BĂ©jaĂŻa (en AlgĂ©rie), la pĂ©riode de la vieille (timÎłarin) durait sept jours. Le mythe de la vieille exerçait une si grande frayeur sur le paysan berbĂšre que celui-ci Ă©tait contraint de ne pas sortir ses animaux durant tout le mois de yennayer. Le pragmatisme a fait que les jours malĂ©fiques furent adaptĂ©s par le Kabyle Ă  l’organisation hebdomadaire des marchĂ©s dans les villages. Cette rĂ©partition du temps de la semaine est encore d’actualitĂ©. Chaque commune de Kabylie possĂšde son jour de marchĂ©. Pour l’esprit rationnel, le tabou de ne pas sortir les animaux s’explique plutĂŽt par l’utilisation de la bĂȘte comme source de chaleur pour la famille durant le mois le plus froid de l’annĂ©e. L’architecture intĂ©rieure de la maison traditionnelle Ă©taye au demeurant cette argumentation.

Le mythe de la vieille marqua, d’ouest en est, les rĂ©gions berbĂ©rophones. À FĂšs (au Maroc), lors du repas de yennayer, les parents brandissaient la menace de la vieille, appelĂ©e « Hagouza » du mot arabe ajouza signifiant la vieille, si leurs enfants ne mangeaient pas Ă  satiĂ©tĂ© : « la vieille de yennayer viendra vous ouvrir le ventre pour le remplir de paille ». Ainsi le nom du plat Ă  base de lait et de grains de blĂ© porte-t-il Ă©galement le nom de Hagouza .

À GhadamĂšs (en Libye), Imma Meru Ă©tait une vieille femme, laide, redoutĂ©e malfaisante. Elle viendrait griffer le ventre des enfants qui ne mangeraient pas des lĂ©gumes verts durant la nuit du dernier jour de l’an, disaient les parents. Pour permettre aux jeunes pousses d’aller Ă  maturitĂ©, l’interdit de les arracher s’applique par « Imma Meru a urinĂ© dessus ». Étant contĂ© diffĂ©remment, dans la quasi-totalitĂ© des rĂ©gions berbĂ©rophones, le drame lĂ©gendaire de la vieille de yennayer a le mĂȘme support culturel.

Des traditions berbĂšres liĂ©es au changement de l’annĂ©e se retrouvent dans plusieurs rĂ©gions d’Afrique, voire du bassin mĂ©diterranĂ©en. Elles s’apparentent parfois Ă  de la superstition, nĂ©anmoins elles participent Ă  la socialisation des personnes, harmonisent et renforcent le tissu culturel. Des peuples d’identitĂ©s diffĂ©rentes, considĂšrent les divers rites de yennayer faisant partie intĂ©grante de leur patrimoine culturel. À ce titre, la fĂȘte est intĂ©grĂ©e au patrimoine culturel immatĂ©riel français en 2020[15].

Yennayer et ses rites

Le vocable yennayer s’apparente au terme latin ianuarius (janvier) lui mĂȘme nom du dieu Janus, d'origine encore obscure mais culte attestĂ© prĂ©-romain, notamment chez les Etrusque et les Samnites, en tant que dieu Biffron (deux visages), celui d'ĂȘtre la porte de l'an entre le passĂ© et le futur, ce que les linguistes berbĂ©risants reconnaissant dans l'Ă©tymologie du mot Yennayer : Yan-Ayyur : premier/porte du mois, entre passĂ© et nouveau. Terme trĂšs utilisĂ© dans l’univers culturel berbĂšre, si le Kabyle a tendance Ă  employer parfois « ixf u segwas » (le dĂ©but de l’annĂ©e) ou encore « tabburt u segwas », il emploie donc le sens Ă©tymologique du terme Yen-Ayyur, comme les At Waziten (les BerbĂšres de Libye) qui prĂ©fĂšrent « anezwar n u segwas » (entrĂ©e/dĂ©but/premier de l’annĂ©e). Ce mois marque les dĂ©buts du solstice d’hiver, qui avec le dĂ©calage calendaire se retrouve entre le 21 et le 22 dĂ©cembre de nos jours (correction du calendrier grĂ©gorien). Le soleil entame sa remontĂ©e. Les jours encore trĂšs froids se rallongent et instaurent l’espoir d’une meilleure annĂ©e. Il est ritualisĂ© d’une maniĂšre assez significative.

La cĂ©lĂ©bration de Yennayer s’articule autour de plusieurs symboliques.

Un moment de convivialité familiale

Le jour qui prĂ©cĂšde Yennayer reste le plus important. La veille donc de cette fĂȘte, le repas est frugal. Le plus souvent on prĂ©pare des berkukes (boulettes de farine cuites dans un bouillon lĂ©ger) ou encore des icacmen (blĂ© en grain prĂ©parĂ© au lait ou en sauce). Ailleurs, on ne consomme que du lait ou des lĂ©gumes secs cuits Ă  l’eau. Le lendemain en revanche, on partage un repas copieux en signe de prospĂ©ritĂ©, composĂ© des Ă©lĂ©ments suivants :

  • gĂąteaux/galettes : lesfenj (des beignets), tiÎłrifin (crĂȘpes) ;
  • plat des « sept lĂ©gumes » fait uniquement de plantes vertes ;
  • viande (volaille, chevreaux ou moutons) ;
  • friandises (fruits secs comme des figues sĂšches, des amandes, des noisettes, des dattes).

Dans certaines rĂ©gions d'AlgĂ©rie (Oran) ou du Maroc (Berkane chez les Iznassen), on Ă©vite de manger des aliments Ă©picĂ©s ou amers pour se prĂ©server d’une mauvaise annĂ©e. Le repas de Yennayer est conditionnĂ© par les rĂ©coltes selon les rĂ©gions mais aussi par les moyens des uns et des autres. Les aliments servis vont symboliser la richesse, la fertilitĂ© ou l'abondance. Il est ainsi des irecman (bouillie de blĂ© et de fĂšves) ou du cƓur du palmier chez les Beni-Hawa : pas question de rater le repas de bĂ©nĂ©diction qu'est celui de Yennayer !

Au centre-ouest du Maroc, une dinde (ou une poule) est sacrifiĂ©e et un plat traditionnel "Rfissa" (plat Ă  base de crĂȘpes marocaines) est prĂ©parĂ©e.

Une occasion de se souhaiter des vƓux de prospĂ©ritĂ©

Yennayer symbolise la longĂ©vitĂ©, et c’est souvent l’occasion d’y associer des Ă©vĂ©nements familiaux :

  • premiĂšre coupe de cheveux aux petits garçons. Dans certaines rĂ©gions berbĂ©rophones, on dit que l'enfant est comme un arbre, une fois dĂ©barrassĂ© des mauvaises influences, il poussera plus fort et plus Ă©nergiquement (c’est d’ailleurs Ă  cette pĂ©riode qu’on opĂšre la taille de certains arbres fruitiers) ;
  • le mariage sous le bon prĂ©sage de Yennayer. Les petites filles s'amusent Ă  marier leurs poupĂ©es (pratique qui rappelle tislit n wenZar) ;
  • rites d’initiation agricoles : on envoie les enfants aux champs afin de cueillir eux-mĂȘmes fruits et lĂ©gumes.

Marquer le changement de saison

Cette saison correspond à l'approche de la rupture des provisions gardées pour l'hiver.

Croyances et superstitions

Ainsi, pour espĂ©rer une nouvelle annĂ©e plus prospĂšre, Yennayer est marquĂ© par quelques opĂ©rations de purification. Dans l’anti-Atlas par exemple, au petit jour de Yennayer, la maĂźtresse de maison nettoie toutes les recoins de la maison en y saupoudrant ibsis (mĂ©lange de farine, huile et sel). Elle balaie ensuite toutes les piĂšces pour « chasser » tamÎłart n gar aseggwas (« l'Ă©pouse de la mauvaise annĂ©e ») qui n'est autre que tamara la « misĂšre » (mot Ă  Ă©viter ce jour-lĂ ).

Le sacrifice d'un animal est de rigueur, symbolisant l'expulsion des forces et des esprits malĂ©fiques mais aussi marquant ses vertus prophylactiques. On prie alors les forces divines pour assurer une saison culturale fĂ©conde. Au cours de la fĂȘte de Yennayer, on fait intervenir des personnages tels teryel (tamZa, « ogresse » en rifain) ou aĂądjouzet Yennayer (« la vieille de janvier » en arabe).

AprÚs le copieux repas de Yennayer, la maßtresse de maison mettait jadis un peu de nourriture dans le métier à tisser (azzetta), dans la meule domestique (tasirt) et dans le foyer au feu (kanun) pour embaumer de bénédictions ces objets essentiels dans la vie rurale (AurÚs, Kabylie et Oranie).

Yennayer en Algérie

La fĂȘte

CĂ©lĂšbrations de nouvel an Amazigh, 2970.

Comme toutes les familles algĂ©riennes, les familles chĂ©lifiennes accueillent la fĂȘte de Yennayer dans une ambiance trĂšs particuliĂšre, les prĂ©parations pour cet Ă©vĂ©nement commencent trĂšs tĂŽt, elles se caractĂ©risent principalement par la rĂ©union de la grande famille, les femmes font l’achat de nouveaux ustensiles, elles achĂštent aussi les ingrĂ©dients pour prĂ©parer les plats traditionnels et mĂȘme de nouveaux habits. Les enfants ont aussi profitĂ© de cette occasion pour dĂ©couvrir les traditions et la culture de leur rĂ©gion. La cĂ©lĂ©bration de la fĂȘte de Yennayer Ă  Chlef est plus particulier que dans les autres rĂ©gions de l'AlgĂ©rie. Les plats traditionnels sont prĂ©parĂ©s Ă  la veille du jour de l'an par les mamans ou les grand-mĂšres, les filles nettoyaient la maison ; elles font le grand mĂ©nage. Yennayar reprĂ©sente pour les familles chĂ©lifiennes une occasion pour se rĂ©unir ; les oncles, les cousins les petits-enfants
 la rĂ©union se fait chez l'un des grands-parents. la journĂ©e de Yennayer se caractĂ©rise par la distribution des aumĂŽnes aux pauvres. Tout simplement c’est ĂȘtre gĂ©nĂ©reux. La fĂȘte se dĂ©roule dans une ambiance particuliĂšre ; une variĂ©tĂ© de plats seront prĂ©sentĂ©s sur la table pour que l’annĂ©e soit prospĂšre. On se met tous Ă  la table ; on mange dans une seule assiette. AprĂšs le dĂźner, on met le plus petit enfant dans une large assiette, on verse au dessus les fruits secs (les amandes, les noix, les pistaches, etc.), aprĂšs chaque personne va prendre sa part, tout en buvant du thĂ© et en bavardant jusqu'Ă  l’aube.

Les plats

Couscous de Yennayer.

Le plat de rĂ©sistance prĂ©sentĂ© la veille de la fĂȘte de yennayer est le couscous. Additionnellement au couscous, on prĂ©pare des crĂȘpes, parfois on prĂ©sente une soupe prĂ©parĂ©e Ă  la base de pois chiches, de fĂšves sĂ©chĂ©es et de viande hachĂ©e.

Cherchem est un plat pour célébrer yennayer dans l'Oranie et qui est préparé à base d'un mélange de légumes secs.

Pour la soirée, on sert du thé avec des gùteaux traditionnels et des fruits secs.

Date du nouvel an amazigh et erreur de datation

Bien que la date exacte du nouvel an amazigh soit le 14 janvier, une probable erreur des premiĂšres associations culturelles qui ont prĂŽnĂ© le retour Ă  cette fĂȘte traditionnelle menacĂ©e de disparition fait que l'opinion que la date traditionnelle est le 12 janvier est rĂ©pandue dans le milieu kabyle en AlgĂ©rie, tandis qu'au Maroc, en Libye et aux Canaries c'est le jour 13 qui revient. Le mouvement culturel chaoui dans les AurĂšs met cependant en avant la date du 14[16].

En effet, le nouvel an berbÚre correspond au premier jour du calendrier julien, qui est décalé de 13 jours par rapport au calendrier grégorien, et débute donc le 14. Il s'agit de l'avis de tous les spécialistes qui ont étudié le sujet, dont Edmond Doutté[17], Germaine Tillion[18], Jean Servier[19], R. P. Genevois et Edmond Destaing[20] - [16] - [21].

Par ailleurs, d'anciens calendriers maghrébins prennent le 14 janvier pour la premiÚre année[16].

Notes et références

  1. « âŽ°â”™â”‰â”âŽ°âŽł âŽ°âŽłâ”âŽ·âŽ°â” ┏ ├┓┙┙┏⎰ â”œâŽ°â”ŽâŽ°â”Łâ”‰â”–â”œ », sur ircam.ma (consultĂ© le ).
  2. « Yennayer », sur Guide du routard (consulté le ).
  3. « Quel est le jour de l’an amazigh : le 12, le 13 ou le 14 janvier ? », sur inumiden.com.
  4. Hasna Yacoub, « Les surprises du prĂ©sident », L’Expression, AlgĂ©rie,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  5. Yassin Temlali, « Yennayer : entre politique, fĂȘte populaire et « tradition inventĂ©e » », sur Huffington Post Maghreb, , publiĂ© initialement sur Middle East Eye (Ă©dition française).
  6. « L’AlgĂ©rie fĂȘte officiellement le Nouvel An berbĂšre pour la premiĂšre fois », sur Le Monde.fr, .
  7. (ar) « Ű§Ù„Ù…Ù„Ùƒ Ù…Ű­Ù…ŰŻ Ű§Ù„ŰłŰ§ŰŻŰł يŰčلن ۱ۣ۳ Ű§Ù„ŰłÙ†Ű© Ű§Ù„ŰŁÙ…Ű§ŰČيŰșÙŠŰ© ŰčŰ·Ù„Ű© Ű±ŰłÙ…ÙŠŰ© Ù…Ű€ŰŻÙ‰ ŰčÙ†Ù‡Ű§ », sur Hespress - Ù‡ŰłŰšŰ±ÙŠŰł ŰŹŰ±ÙŠŰŻŰ© Ű„Ù„ÙƒŰȘŰ±ÙˆÙ†ÙŠŰ© مŰșŰ±ŰšÙŠŰ©,‎ (consultĂ© le )
  8. Jugurtha hanachi, « Ammar Negadi, ce symbole amazigh de l’AurĂšs authentique », Le Matin DZ,‎ (lire en ligne).
  9. « Yennayer, un moment de réconciliation avec soi », sur Djazairess (consulté le )
  10. « Que signifie « Yennayer », le Nouvel An berbĂšre ? – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com, (consultĂ© le )
  11. « Yennayer : entre politique, fĂȘte populaire et « tradition inventĂ©e » * », sur Al Huffington Post (consultĂ© le ).
  12. Amayas Zmirli, « Algérie - Yennayer : le nouvel an berbÚre change de dimension », sur Le Point, (consulté le )
  13. « Au fait, c’est quoi Yennayer ? », sur TSA, (consultĂ© le )
  14. « Yennayer, une fĂȘte sĂ©culaire encore cĂ©lĂ©brĂ©e au 21Ăšme siĂšcle » (consultĂ© le ).
  15. Le yennayer, nouvel an berbĂšre en rĂ©gion parisienne (Fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel), Île de France, MinistĂšre de la Culture (France), , 14 p. (lire en ligne [PDF]), p. 13.
  16. « Quel est le jour de l’an amazigh : le 12, le 13 ou le 14 janvier ? », sur Inumiden, (consultĂ© le )
  17. DouttĂ©, Edmond (1867-1926). Magie et religion dans l’Afrique du Nord, 1909.
  18. Germaine Tillon, Il Ă©tait une fois l’ethnographie.
  19. Jean Servier, Les Portes de l’annĂ©e : Rites et symboles, l’AlgĂ©rie dans la tradition.
  20. Doutté, Edmond, p. 544.
  21. « Quel est le jour de l’an amazigh : le 12, le 13 ou le 14 janvier ? », sur inumiden.com.

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

  • Encyclopaedia Universalis. France S.A. 1989.
  • Paul Couderc. Le calendrier. P.U.F. Que sais-je. no 203
  • Jean Servier. Tradition et civilisation berbĂšres. « Les portes de l’annĂ©e ». Éditions du Rocher. aoĂ»t 1985.
  • Michel Quitout, Grammaire berbĂšre, L'Harmattan, Paris, 1997
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