Vision sans tĂȘte
La « Vision sans tĂȘte » (ou « Voie sans tĂȘte » ; en anglais « Headless way ») est une mĂ©thode laĂŻque, dĂ©veloppĂ©e par le philosophe britannique Douglas Harding (1909-2007), qui cherche Ă montrer Ă chacun quâessentiellement il nâest pas ce quâil paraĂźt ĂȘtre et Ă l'aider Ă accĂ©der directement Ă ce quâil est vraiment au-delĂ des apparences, Ă sa vĂ©ritable nature (dâoĂč une 3Ăš appellation : « Voir qui vous ĂȘtes vraiment »). Câest en sâappuyant sur des expĂ©riences simples, basĂ©es sur un retournement de lâattention vers ce qui regarde, que cette approche cherche Ă conduire, directement, les personnes intĂ©ressĂ©es dans une « expĂ©rience d'Ă©veil ». En rĂ©sumĂ©, le sens de ces expĂ©riences signifie : nous ne pouvons voir notre tĂȘte, Ă la place il reste la vision du monde et des autres.
« Vois-tu ta tĂȘte ?
- Non
- Vois-tu le monde Ă la place ?
- Oui
- Tu y es ».
R. Lang[1]
Si le sens de la vision est plus particuliĂšrement testĂ©, les autres sens sont aussi questionnĂ©s, ainsi que les pensĂ©es et les Ă©motions. La rĂ©pĂ©tition des expĂ©riences, de prĂ©fĂ©rence dans le quotidien, pourrait mener, rapidement ou Ă plus long terme, facilement ou non, dans ce qui peut ĂȘtre appelĂ© un Ă©veil permanent, un Ă©tat de conscience plus serein, avec plus dâouverture sur les autres et le monde (notre Ă©tat naturel, dans la simplicitĂ©). Ainsi est dĂ©passĂ© le « je » (lâ« ego »), ce sentiment dâĂȘtre sĂ©parĂ©, cause des problĂšmes relationnels, du stress, de la tristesse, du ruminement mental et de lâaviditĂ© qui, au-delĂ de chacun, conduit lâhumanitĂ© vers les grands problĂšmes qui sont posĂ©s Ă notre Ă©poque (environnement, guerres, dĂ©rives dĂ©mocratiques).
La « Vision sans tĂȘte » sâest bĂątie en relation avec les traditions (bouddhisme, soufisme, advaita par exemple), ainsi que la philosophie et mĂȘme les sciences. Il sâagit essentiellement dâune dĂ©marche dâexpĂ©rimentation en 1re personne, dans laquelle lâattention est portĂ©e sur le ressenti conscient brut, sans jugement et en lĂąchant prise. Dans un contexte actuel de recherches sur la conscience, les mĂ©thodes de la « Vision sans tĂȘte » intĂ©ressent des chercheurs comme T. Metzinger ou D.Chalmers qui voient lâintĂ©rĂȘt des approches en 1re personne, mais ces mĂ©thodes peuvent aussi ĂȘtre rejetĂ©es, comme par D. Hofstadter et D. Dennett. Car il y a souvent des incomprĂ©hensions quand il est dit « Je nâai pas de tĂȘte », alors quâil en faut une pour le dire. Il peut ĂȘtre intĂ©ressant de chercher plus de clartĂ©, en prĂ©cisant par exemple : « Je me situe uniquement au niveau de ce que je ressens et alors je ne vois pas ma tĂȘte ». Enfin, la « Vision sans tĂȘte » pourrait aussi utiliser les outils des recherches en 1re personne pour questionner et amĂ©liorer ses propres expĂ©riences ou la maniĂšre dâen rendre compte.
Depuis plus de 60 ans et Ă travers le monde, des ateliers sont organisĂ©s pour faire connaĂźtre et pratiquer les expĂ©riences de la « Vision sans tĂȘte ». Des livres sont Ă©ditĂ©s et rĂ©Ă©ditĂ©s, des sites en font une prĂ©sentation en plusieurs langues[2] - [3]. Dans tous les cas il est demandĂ© Ă chacun dâĂȘtre son propre maĂźtre, de tester par lui-mĂȘme et de voir ce quâil en est. Cette voie est non-hiĂ©rarchique, une fois de plus : sans tĂȘte.
Se dessiner tel quâon se voit
La « Vision sans tĂȘte »[4], est une dĂ©marche qui sâappuie essentiellement sur des expĂ©riences que le lecteur (ou lâauditeur) est invitĂ© Ă rĂ©aliser lui-mĂȘme[1] pour ne pas passer Ă cĂŽtĂ© de l'essentiel[5] : les preuves concrĂštes (et non les thĂ©ories) sur lesquelles il pourra s'appuyer.
Lâune de ces expĂ©riences, « Se dessiner tel quâon se voit »[6], permet de se relier Ă lâhistorique de la dĂ©marche. La consigne de l'expĂ©rience peut ĂȘtre rĂ©sumĂ©e ainsi : « Dessinez-vous tel que vous vous voyez, tel que vous vous percevez rĂ©ellement, et non pas tel que vous le pensez. ». Le lecteur est, ici aussi, invitĂ© faire rĂ©ellement lâexpĂ©rience, de façon trĂšs simple, ou Ă imaginer ce quâil ferait lui-mĂȘme en rĂ©ponse Ă cette consigne.
Dans les faits, la trĂšs grande majoritĂ© des personnes produisent un dessin oĂč apparaĂźt leur visage. Et pourtant, il est impossible de voir directement son propre visage[6]. Câest dâailleurs pourquoi les artistes ont rĂ©alisĂ© leur autoportrait en utilisant une aide technique, historiquement un miroir (voir l'encadrĂ©). Le miroir (plus rĂ©cemment la photographie et le selfie) permet d'accĂ©der Ă une image de son propre visage : nous voyons alors notre visage comme nous voyons les autres visages, Ă distance, comme un objet, c'est une vue « en 3e personne »[7].
Nous ne pouvons voir directement notre visage, nous le dessinons pourtant comme s'il Ă©tait vu directement et nous ne savons pas comment faire autrement. Il s'agit d'une illusion mentale, telle celle qui est illustrĂ©e depuis fort longtemps en Inde par l'histoire de la corde prise pour un serpent : dans un pays oĂč il y a beaucoup de serpents, une corde placĂ©e dans l'ombre peut ĂȘtre confondue avec un serpent et provoquer une belle frayeur. Et pourtant : « il n'y a pas de serpent en dehors de votre imagination »[8]. Pour les scientifiques, le processus de vision (qui transforme l'image reçue par nos yeux en l'image mentale qui est rĂ©ellement vue) est un processus trĂšs complexe et : « Beaucoup de choses que vous pensez voir, vous les inventez, vous ne les voyez pas rĂ©ellement. » nous indique Lai-Sang Young, de l'UniversitĂ© de New York[9], ce que confirme L. Naccache : « Notre perception du monde est une construction active »[10]. Nous nous illusionnons sur ce que nous voyons.
Autoportrait d'Ernst Mach
Ernst Mach (1838-1916) Ă©tait un physicien, il est surtout connu pour avoir donnĂ© son nom au nombre de Mach, un nombre qui reprĂ©sente la vitesse d'un objet par rapport Ă la vitesse du son (Mach 1, Mach2,âŠ). Einstein considĂ©rait Mach comme un prĂ©curseur de sa thĂ©orie de la RelativitĂ©[11] - [12].
Mach a aussi jouĂ© un rĂŽle dans lâhistoire de la philosophie[12] - [13]. Dans ce cadre, cherchant à « montrer comment lâauto-inspection du Moi pouvait vraiment ĂȘtre « rĂ©alisĂ©e » », il a publiĂ© en 1886, dans son livre L'analyse des sensations[14] un dessin souvent appelĂ© « Vue de lâĆil gauche » ou « Autoportrait dâE. Mach » (voir l'encadrĂ©). Ce dessin est un bien un autoportrait[n 1], mais inhabituel puisque sans tĂȘte et sans visage (seules quelques parties du visage et du corps apparaissent)[15]. Mach a fait bien attention Ă ce qu'il voyait, prĂ©cisĂ©ment de lĂ oĂč il Ă©tait : il s'agit d'un point de vue subjectif, « en 1Ăšre personne »[4] - [6] - [16]. Ce point de vue permet aussi de mieux rĂ©pondre Ă la consigne de lâexpĂ©rience « Se dessiner tel quâon se voit », surtout si la vue se fait avec les deux yeux : on peut alors obtenir quelque chose de similaire Ă la photo devant l'ordinateur de l'encadrĂ© ci-dessous).
- Autoportrait d'Ernst Mach ou Vue de lâĆil gauche (1886). Cet autoportrait est une vue directe, habituelle : pour E. Mach, c'est son environnement immĂ©diat qui apparaĂźt, ainsi qu'une partie de son corps (sans la tĂȘte), alors que son « esprit » semble devant le dessin.
- Commentaires d'Ernst Mach sur son autoportrait[15]. H. Cartier-Bresson a réalisé un autoportrait photographique similaire en 1933. Pour un dessin plus récent (2011) de vue en 1re personne, voir la couverture de l'album de Cabu Voyages au bout du crayon (Flammarion).
- Le lecteur devant son ordinateur se voit comme sur cette photo : l'appareil photo placé prÚs des yeux permet de fournir une image qui pointe vers ce qui est vu en 1re personne. En réalité l'expérience est bien plus riche (multisensorielle, vivante)[17].
Douglas Harding
Lâautoportrait dâErnst Mach servira de point de dĂ©part Ă une dĂ©marche que va dĂ©velopper Douglas Harding (1909-2007) et qui sera appelĂ© : « The headless way » (La « Voie sans tĂȘte ») ou, plus particuliĂšrement en France, la « Vision sans tĂȘte ».
D. Harding Ă©tait architecte de profession. Il Ă©tait aussi, depuis son enfance, quelquâun de profondĂ©ment taraudĂ© par la question « Qui suis-je ? ». Ainsi, son Ćuvre traite de questions relatives Ă une recherche sur qui nous sommes vraiment (en particulier, son ouvrage de base : « Vivre sans tĂȘte » Ă©ditĂ© en 1961 et constamment rĂ©Ă©ditĂ© depuis[18]) et aussi dâune mise en perspective bien plus large[1] - [11] - [19].
La « Vision sans tĂȘte »
Lors de ses lectures, Ă 33 ans (annĂ©es 1942-43), D. Harding est interpellĂ© par les travaux de Mach qui affirme qu'il ne voit ni sa tĂȘte ni son visage : « Harding rĂ©alisa que c'Ă©tait ainsi qu'il se voyait, s'il regardait objectivement, avec l'innocence d'un enfant »[11]. Puis, au cours dâune randonnĂ©e, une vision similaire Ă la vision de Mach sâest imposĂ©e naturellement Ă lui, le touchant profondĂ©ment : ne voyant pas sa tĂȘte, il a mĂȘme pu affirmer quâil nâavait plus de tĂȘte. A la place de sa tĂȘte, il y avait un vide contenant la vision de tout ce qui lâentourait : gazon, arbres, au loin des cimes enneigĂ©es et le ciel : « J'avais perdu une tĂȘte et gagnĂ© un monde »[16] - [18] - [20].
Le philosophe M. Merleau-Ponty (1908-1961) a fait part de constations similaires Ă celle de D. Harding dans deux ouvrages publiĂ©s Ă la mĂȘme Ă©poque, en 1942 et 1945 : il a constatĂ© qu'au-dessus de ses Ă©paules, il y avait « un objet tactilo-musculaire »[21] et que visuellement c'Ă©tait « un grand vide au niveau de la tĂȘte »[22]. B. Ramm indique que J.-P. Sartre lui aussi Ă©tait conscient de ne pas voir sa tĂȘte, alors que D. Harding a Ă©tĂ© plus loin que ces deux philosophes en mettant en Ă©vidence les implications au niveau de la nature de soi et en dĂ©veloppant des expĂ©riences qui permettent d'Ă©tudier ce vide qui est ressenti[13].
Plusieurs auteurs (comme S.Harris[16], F. Terreaux[23] ou O. Burkeman[20]) notent que l'expression de D. Harding « Je n'ai pas de tĂȘte » est trĂšs imagĂ©e mais peut aussi amener des incomprĂ©hensions importantes (car, objectivement, celui qui parle a une tĂȘte). Ainsi, S. Harris fait longuement rĂ©fĂ©rence Ă des philosophes connus comme D. Dennett et D. Hofstadter[24] qui n'Ă©taient pas loin de penser que D. Harding avait rĂ©ellement perdu la tĂȘte. Pour F. Terreaux, il faudrait ĂȘtre plus explicite, dire que ne pas avoir de tĂȘte c'est juste une impression et que l'important c'est l'espace vide dans lequel le monde apparaĂźt, qu'il y ait une tĂȘte ou pas. Pour S. Harris il doit ĂȘtre bien clair qu'il s'agit d'un langage en 1re personne (subjectif), non un langage en 3e personne (objectif, rationnel) : le « Je n'ai pas de tĂȘte » est bien compris par « ceux qui sont familiers avec lâexpĂ©rience de la transcendance du moi » et peut malgrĂ© tout laisser perplexe ceux qui sont moins prĂ©parĂ©s. Ce qui est formulĂ© est Ă situer dans son contexte (un vĂ©cu intĂ©rieur ou une rĂ©alitĂ© extĂ©rieure, sans qu'un point de vue ou l'autre soit rejetĂ©)[n 2]. Dans tous les cas, la rĂ©alitĂ© ne sera dĂ©crite qu'imparfaitement.
Une réalité qu'une une petite fille de neuf ans fait sentir dans ce poÚme :
Ne t'es-tu jamais sentie comme absente,
Juste un tout petit point d'air,
Avec tous ces gens autour de toi.
Et tu n'es tout simplement pas lĂ ?
Il s'agit d'un poÚme, collecté par D. Harding, et traduit par J.Le Roy : l'enfant, plus encore en bas ùge, se vit « comme absent du monde » car il ne voit pas son visage comme il voit celui des autres. TrÚs jeune, il ne se reconnait pas dans un miroir, croyant qu'il s'agit du visage d'un autre. Un peu plus tard, dans un groupe, si quelqu'un lui demande de compter combien il y a d'enfants en tout, il s'oubliera souvent[25] (voir l'encadré). Ceci avait déjà noté en 1900 par le philosophe Léon Brunschvicg[26] dont les travaux inspireront le psychologue Jean Piaget.
Pointer du doigt
Ă la suite de sa vision, D. Harding va longuement dĂ©velopper son approche, au contact des philosophes ou de traditions comme le Zen, en particulier les enseignements originels du ChĂĄn chinois[1] - [18]. Il va aussi chercher Ă partager cette « Vision sans tĂȘte » en organisant des ateliers et en proposant des expĂ©riences variĂ©es, lâexpĂ©rience de base consistant Ă pointer du doigt (pointage) en Ă©tant attentif Ă ce qui est rĂ©ellement vu : « Montrez vos pieds, vos jambes, votre ventre, votre poitrine, puis ce qu'il y a au-dessus. Continuez Ă regarder vers quoi votre doigt pointe maintenant. Regardez quoi ? »[20]. Cette simple expĂ©rience est souvent une rĂ©vĂ©lation[1].
Il est nĂ©cessaire de laisser de cĂŽtĂ© la mĂ©moire et la pensĂ©e, de tourner « son attention de 180° vers sa propre origine ; (...) faire basculer le regard de ce qui est regardĂ© vers ce qui regarde en nous »[6] et de rĂ©aliser un vĂ©ritable lĂącher-prise, sans tension mentale : je sais que j'ai un visage mais je constate que je ne le ne vois pas, qu'est-ce qui est rĂ©ellement vu[13] - [27] ? Pour contourner ce qui peut ĂȘtre une difficultĂ©, S. Harris propose une approche trĂšs concise : « Pendant que vous regardez le monde, imaginez simplement que vous nâavez pas de tĂȘte »[16]. Pour lui, il nây a rien Ă faire dâextraordinaire, il ne faut pas se battre avec l'expĂ©rience, cette vision est directement accessible, Ă la surface de la conscience, elle est vue immĂ©diatement ... ou pas.
Pointer vers le visage, la tĂȘte, est donc une invitation Ă se questionner sur ce qui regarde. Pour S. Harris, il s'agit de la « vision de la conscience ouverte », un « Ă©tat sans moi » (sans ego), une expĂ©rience d'Ă©veil que tant de mĂ©ditants n'arrivent Ă atteindre, passant Ă cĂŽtĂ© de la trop grande Ă©vidence que cache bien souvent les enseignements spirituels[16]. Pour B. Ramm, ce qui regarde c'est la « pure conscience »[n 3] : l'expĂ©rience du pointage est particuliĂšrement intĂ©ressante car non seulement elle permet d'expĂ©rimenter la « pure conscience », mais en plus c'est une mĂ©thode qui peut ĂȘtre reproduite Ă tout moment[28]. En final, l'expĂ©rience peut ĂȘtre complĂ©tĂ©e en tournant son attention non seulement vers ce qui regarde mais aussi vers l'extĂ©rieur (double-pointage). Elle peut aussi ĂȘtre faite sans pointer rĂ©ellement le doigt, mais en pointant au moins l'attention vers ce qui regarde et ce qui est vu (se centrer).
Autres expériences
Les expĂ©riences qui ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es dans le cadre de la « Vision sans tĂȘte » sont nombreuses et variĂ©es[6] - [29] : des expĂ©riences individuelles (s'appuyant sur les sens et plus particuliĂšrement la vision, le temps, l'immobilitĂ©, les pensĂ©es, les Ă©motions), Ă deux ou en groupe (la relation, la comparaison, l'unitĂ©,...), en atelier, dans la vie courante,...
S. Harris[16] rapporte cette expĂ©rience (appelĂ©e souvent « face Ă non-face »[5]) : quand nous sommes avec une autre personne, nous pouvons constater que nous voyons son visage et qu'elle est en train de regarder notre visage, ce visage que nous ne pouvons voir nous-mĂȘmes. Se chercher soi-mĂȘme peut alors amener le changement de perspective que dĂ©crit D. Harding. Cette expĂ©rience peut aussi ĂȘtre faite devant son miroir, le matin par exemple : dans le miroir, Ă distance, nous voyons ce visage que les autres voient de nous-mĂȘmes et dont il est difficile de se dĂ©s-identifier, mais quel visage voyons-nous rĂ©ellement, lĂ oĂč nous sommes ? Un visage que D. Harding appelle « notre vĂ©ritable visage »[30].
PrĂ©cĂ©demment, il a Ă©tĂ© dit qu'habituellement nous nous voyons de l'extĂ©rieur (vue en troisiĂšme personne). C'est le cas aussi quand nous nous dĂ©plaçons : sur la route, nous voyons habituellement notre voiture se dĂ©placer et les bords de route sont immobiles. L'expĂ©rience consiste, sans prendre de risque, Ă faire attention Ă nos mains ou Ă la voiture : alors, nous devenons immobiles et ce sont les bords de la route qui dĂ©filent[n 4], nous « avalons » le bitume cette fois. Nous sommes revenus Ă une vision en 1re personne, une vision plus rĂ©aliste car il est impossible de se voir de l'extĂ©rieur. Le mĂȘme phĂ©nomĂšne peut ĂȘtre constatĂ© si nous tournons sur nous-mĂȘmes (comme des Derviches Tourneurs) : habituellement, nous nous voyons tourner, mais nous pouvons voir aussi les murs de la piĂšce tourner autour de nous alors que nous nous voyons immobiles (au dĂ©but, il est souvent utile de placer un doigt devant les yeux et le fixer)[29].
D'autres expĂ©riences mettent en Ćuvre les autres sens : par exemple, Ă©couter ou sentir en fermant les yeux.
Vision
- Dessin de R. Descartes (1596-1650): le processus de la vision est purement mĂ©canique jusquâĂ la glande pinĂ©ale dans le cerveau qui ferait alors le lien avec lâesprit[31].
- Le processus de la vision. Pour les scientifiques, la vision est un processus optique puis neurologique qui produit une image dans le cerveau : comment expliquer alors que la perception a lieu dans la conscience ? Et oĂč est la conscience : dans la tĂȘte ou ailleurs ? C'est le « problĂšme difficile de la conscience ». Par ailleurs, la conscience est : tĂ©moin (la « pure conscience ») des perceptions, pensĂ©es, Ă©motions, ainsi que de l'Ă©nergie vitale[32]. La « pure conscience » peut ĂȘtre (ou peut ne pas ĂȘtre) vue en relation avec une rĂ©alitĂ© plus large.
Les scientifiques dĂ©crivent le processus de la vision Ă partir de ce quâils comprennent de lâextĂ©rieur (en 3Ăš personne), en rĂ©sumĂ© : la lumiĂšre rĂ©flĂ©chie par un objet frappe lâĆil, puis sa rĂ©tine, il y a alors transmission d'informations au cerveau oĂč tout un travail est effectuĂ© pour restituer finalement une image consciente. Comme il a Ă©tĂ© dit plus haut, cette image s'avĂšre plus ou moins fidĂšle aux images d'origine (dans les yeux). Certains aspects sont tout simplement construits par le cerveau, comme les couleurs : la lumiĂšre rouge est une onde Ă©lectromagnĂ©tique Ă l'extĂ©rieur, elle n'est rouge que dans ce qui est vu ; de mĂȘme, l'herbe n'est verte que dans la vision[33]. Par ailleurs, la vision n'a pas lieu dans les yeux : dans l'approche des sciences de la nature (naturalisme, une forme de matĂ©rialisme), elle se produit dans le cerveau[34] - [35] - . En rĂ©alitĂ©, la vision (ainsi que les autres perceptions) est vĂ©cue dans la conscience de la personne (en 1re personne)[n 5] - [36] : la question du lien entre le cerveau et la conscience[5] - [7] est posĂ©e depuis longtemps. Ce qui constitue le problĂšme corps-esprit ou « le problĂšme difficile de la conscience » (D. Chalmers), toujours non-rĂ©solus et posĂ©s diffĂ©remment suivant les auteurs[n 6] - [37].
Les rĂ©alitĂ©s qui vont au-delĂ de la conscience individuelle[13] sont aussi apprĂ©hendĂ©es diversement : la conscience pourrait, selon certaines Ă©coles du panpsychisme ou de l'idĂ©alisme, ĂȘtre reliĂ©e Ă ou intĂ©grĂ©e Ă une conscience plus large (ou au flux de la vie, ...) dont dĂ©pendrait toute chose, et l'inverse[38] est Ă©galement envisagĂ© comme dans les approches du matĂ©rialisme (la conscience dĂ©pend de la matiĂšre)[39] - [40].
Cependant, pour B. Ramm (qui s'adresse ensuite au lecteur) :« la question la plus importante pour l'investigation, de loin, parce qu'elle est la plus personnelle, concerne la nature de soi-mĂȘme : Qu'est-ce qui est conscient de ces marques noires sur un fond blanc en ce moment ? »[5]
DĂ©couvrir ce que nous sommes vraiment
L'essentiel de la« Vision sans tĂȘte » consiste Ă prendre conscience que, pour l'essentiel, nous ne sommes pas ce que nous paraissons (un visage, un corps) ou croyons ĂȘtre (une identitĂ©, un moi sĂ©parĂ©)[29]. O. Burkeman[20] note que D. Harding fait le lien entre le sentiment d'ĂȘtre un moi sĂ©parĂ©, le « je », et nos difficultĂ©s dans la vie, en particulier : tristesse, stress, relations difficiles. Ce que confirme J. Le Roy qui explique que ces difficultĂ©s viennent du fait que nous vivons Ă partir de l'apparence, du faux, au lieu de notre vraie nature, que nous sommes dĂ©centrĂ©s[41]. Tandis qu'avec l'expĂ©rience sans tĂȘte, nous nous recentrons, et quelque chose d'intĂ©ressant se produit : la vision du « je » en tant qu'objet a disparu, remplacĂ©e par la vision du monde[1] apparaissant dans notre conscience qui est alors le vrai « je », « ce que nous sommes vraiment » :
l'identitĂ© centrale, ou l'ĂȘtre le plus intime, est immĂ©diatement accessible par l'expĂ©rience directe ; vide, simple et silencieuse en soi, elle contient ou manifeste toutes les formes, couleurs, sons et complexitĂ©s de ce monde en constante Ă©volution[11].
En 1re personne, c'est vu, sans personne pour regarder, dans la « pure conscience »[28] - [n 3], le « Visage Originel » du Zen, le « Soi » du VĂ©danta[11]. La « Vision sans tĂȘte » apparaĂźt donc bien comme une mĂ©thode pour se familiariser avec sa « vĂ©ritable nature ». Cette voie est simple, il ne s'agit pas d'expĂ©riences extraordinaires, et ce petit dialogue de R. Lang le confirme : « -Pouvez-vous voir votre tĂȘte? -Non. -Pouvez-vous voir le monde Ă la place ? -Oui. -Vous l'avez »[1]. Il s'agit mĂȘme d'une rĂ©alitĂ© souvent trop simple pour ĂȘtre vue[n 7]. MĂȘme les personnes qui ont compris qu'ils ne voient pas leur tĂȘte peuvent rĂ©agir en disant : « Et alors ? ». Ce qui amĂšne S. Harris Ă prĂ©ciser que ceux qui passent Ă cĂŽtĂ© de l'expĂ©rience sont souvent les personnes qui ne sont pas assez avancĂ©es dans le questionnement sur ce qu'ils sont[16]. Car, pour ceux qui sont prĂȘts, cette expĂ©rience, en fait une forme de mĂ©ditation[5] - [n 8], leur renvoie la rĂ©ponse (tant) attendue. D'autres difficultĂ©s peuvent ĂȘtre dues aux croyances : par exemple croire qu'il est impossible d'accĂ©der Ă sa vĂ©ritable nature tout de suite ou mĂȘme dans deux vies[1]. De plus, il y a souvent beaucoup Ă lĂącher, c'est pourquoi D. Harding indique que s'Ă©veiller est souvent semblable Ă mourir[42] : il y a donc des rĂ©sistances Ă cette ouverture ; par contre, quand elle est Ă©tablie, la mort ne fait plus peur.
D'autre part, l'ouverture de la conscience, l'éveil, a souvent été comparé à la vision d'un enfant. J. Le Roy[25], en accord avec les travaux du psychologue Steve Taylor[43], note que la conscience du petit enfant est une conscience éveillée, ouverte au monde et à autrui (sans ego). Puis, découvrant au fur et à mesure son corps et son visage (dans le stade du miroir en particulier) et développant son individualité, l'enfant perd cette conscience éveillée pour une conscience plus restreinte et une esprit moins serein (plus égotique), mais acquiert des capacités cognitives et se structure psychologiquement. Ainsi, ouvrir sa conscience, s'éveiller, ce n'est pas revenir en enfance, mais garder aussi les acquits de l'état adulte habituel tout en retrouvant un contact plus direct avec soi, les autres et le monde, un état naturel[4].
Approfondissement - Voie sans tĂȘte
D. Harding[44] indique :
Vous n'avez que trois choses Ă faire dans la vie :
La premiĂšre chose Ă faire est de Voir Ce que vous ĂȘtes vraiment.
La deuxiĂšme c'est de Voir Ă partir d' Ici.
La troisiĂšme c'est de continuer Ă le faire.
La « Voie sans tĂȘte » permet un accĂšs direct à « ce que nous sommes vraiment » : cependant, souvent, il est nĂ©cessaire d'avoir une certaine maturitĂ© avant de pouvoir voir sa vĂ©ritable nature, ou d'avoir un temps d'intĂ©gration et de pratiques aprĂšs la premiĂšre vision. Les expĂ©riences de cette voie sont des expĂ©riences (des aperçus) d'Ă©veil, elles doivent ĂȘtre renouvelĂ©es jusqu'Ă ce que la vision devienne continue et naturelle (confiance, lĂącher-prise)[42]. Pour R. Lang, arriver Ă la vision est facile, mais s'y maintenir est plus difficile[1], cependant il n'y a rien Ă forcer, les pratiques doivent convenir Ă celui qui les met en Ćuvre. L'accĂšs aux expĂ©riences est accessible Ă tous et gratuit (sites) ou presque (livres). Les pratiques peuvent ĂȘtre formelles (faire les expĂ©riences en s'appuyant sur les livres, les sites dĂ©diĂ©s ou en participant Ă des ateliers) ou informelles ( dans la vie de tous les jours : penser Ă se centrer sur son espace de vision, en particulier en face de quelqu'un d'autre dans une attitude d'Ă©coute[42] ; se voir immobile alors qu'on se dĂ©place ; ...). Chacun peut les organiser Ă un moment rĂ©gulier dans la journĂ©e ou pas[6] - [29].
La « Voie sans tĂȘte » est une voie spĂ©cifique, elle peut se suffire Ă elle-mĂȘme. Elle permet aussi que chacun adapte les pratiques prĂ©sentĂ©es, ou en adopte d'autres proposĂ©es ailleurs, en restant vigilant sur le rĂŽle du mental[n 8] (certaines pratiques n'ouvrent pas rĂ©ellement la conscience, renforçant insidieusement l'ego ; de plus, il est recommandĂ© de s'en tenir Ă des pratiques qui paraissent adaptĂ©es Ă celui qui les met en Ćuvre, ne pas se forcer Ă faire une pratique). Par ailleurs, Ă l'intĂ©rieur mĂȘme des autres approches, les pratiques de la « Voie sans tĂȘte » peuvent ĂȘtre utilisĂ©es comme l'expĂ©rience du pointage par exemple, il n'y a pas d'exclusive. Enfin, cette voie, qui s'appuie sur le vĂ©cu de chacun, est non-hiĂ©rachique : elle n'a pas de chef, elle est Ă nouveau sans tĂȘte[42]. Par contre, le fait qu'elle ne soit pas cadrĂ©e par une hiĂ©rarchie et une doctrine figĂ©e amĂšne parfois des difficultĂ©s pour les personnes intĂ©ressĂ©es[1].
Comment faire face aux Ă©motions ou au stress ? D. Harding propose ses rĂ©ponses dans son livre « Vivre sans stress : l'accĂšs direct Ă votre paix intĂ©rieure »[45]. Sur le fond, la « Voie sans tĂȘte » est la rĂ©ponse de long terme puisqu'elle permet d'aller vers une vie plus paisible en s'appuyant sur sa vraie nature plutĂŽt que sur les apparences[29]. Sur le moment, en cas d'Ă©motion ou de stress, il est proposĂ© deux façons de rĂ©pondre : soit se recentrer sur l'espace de la conscience ouverte oĂč tout est paisible ; soit plonger dans ce qui perturbe, accueillir les sensations, ne pas les rejeter (fermer les yeux, explorer et accueillir les sensations ou simplement lĂącher-prise). Ce sont en fait deux maniĂšres de revenir Ă la conscience ouverte : alors l'Ă©motion (la colĂšre par exemple), qui s'alimente Ă notre moi Ă©gotique, perd de sa force, sans forcĂ©ment disparaĂźtre. C'est une maniĂšre puissante de rĂ©pondre aux (ou d'anticiper les) difficultĂ©s ; ne pas ĂȘtre (uniquement) Ă la recherche de soulagement[16] - [46] - [n 9].
Ouvertures
La « Vision sans tĂȘte » touche des disciplines qui s'intĂ©ressent Ă la conscience comme la philosophie, la spiritualitĂ©, les sciences. Elle peut aussi apporter des Ă©clairages par ailleurs, par exemple les arts.
Au niveau des neurosciences, un lien a pu ĂȘtre Ă©tabli entre Ă©largir sa vision (vision lointaine et panoramique : regarder sur les cĂŽtĂ©s, au-dessus, au-dessous) et la rĂ©duction du stress[47] cerveau et psy regardez l'horizon. Ici, ce sont les neurosciences qui confirment une expĂ©rience de « Vision sans tĂȘte » appelĂ©e « Embrasser le monde »[6] qui permet de se centrer et donc prendre ses distances avec le stress, comme indiquĂ© ci-dessus.
Dans le domaine artistique, la « Vision sans tĂȘte » a pu apporter des Ă©lĂ©ments pour Ă©clairer certaines Ćuvres. Ainsi, W. Muller, tout en prĂ©cisant que les tableaux de RenĂ© Magritte sont de vĂ©ritables exercices de phĂ©nomĂ©nologie, s'appuie sur l'approche de D. Harding pour commenter« Le principe du plaisir »(1937), Ćuvre dans laquelle une boule de lumiĂšre a pris la place de la tĂȘte et serait le symbole d'un Ă©veil (illumination)[48]. D'autres auteurs font Ă©galement appel Ă la vision de D. Harding pour expliquer pourquoi certaines statues sont sans tĂȘte dans les temples de Khajuraho en Inde[49] (construits aux alentours de l'an 1000) : dans les perspectives de l'Ă©poque, l'Ă©veil (identifiĂ© Ă un Ă©tat sans tĂȘte) pouvait ĂȘtre favorisĂ© par l'utilisation de champignons psychotropes (symbolisĂ©s par le motif en 8).
Pour O. Burkeman : « Suivez ces idĂ©es dans un sens et vous arrivez au Bouddhisme Zen, dans un autre et vous vous retrouvez avec la philosophie de l'esprit moderne »[20]. M. Haederle confirme que les expĂ©riences de D. Harding rappellent les instructions du Zen : « faire un pas en arriĂšre » ou « voir son visage originel » alors que des rapprochements peuvent aussi ĂȘtre faits avec d'autres voies du Bouddhisme (Dzogchen, Pleine conscience par exemple)[1]. D'autre part,dans le cadre de la recherche sur la conscience en philosophique (en particulier la philosophie de l'esprit) et dans les sciences, les chercheurs ont dĂ©veloppĂ©s des travaux sur le thĂšme de la conscience « pure » ou « pure conscience » (la conscience sans ses contenus, par exemple les pensĂ©es ou perceptions)[n 3] et les mĂ©thodes en 1re personne avec la phĂ©nomĂ©nologie[37]. Ainsi, les travaux de la « Vision sans tĂȘte », aprĂšs avoir Ă©tĂ© peu pris en compte au niveau universitaire, ont pu ĂȘtre utilisĂ©s dans le but d'accĂ©der simplement Ă la « pure conscience »[28] - [50] - [40]. Pour les approches en 1re personne, B. Ramm rappelle la mĂ©thode de l'Ă©pochĂš de la phĂ©nomĂ©nologie Husserlienne (suspension des pensĂ©es et jugements ; retournement de l'attention vers le vĂ©cu de l'expĂ©rience ; lĂącher-prise), en s'appuyant sur N. Depraz et al.. Cette mĂ©thode est, de fait, trĂšs proche de celle qui est utilisĂ©e pour rĂ©aliser les expĂ©riences de la « Vision sans tĂȘte » et B. Ramm fait le lien entre les deux[13]. Ainsi, les relations entre phĂ©nomĂ©nologie en 1re personne et « Vision sans tĂȘte »se dĂ©veloppent de maniĂšre fructueuse.
Par ailleurs, J. Le Roy indique que l'époché d'E. Husserl est une expérience d'éveil[4] tandis que P. Setlakwe Blouin dans son livre « La phénoménologie comme maniÚre de vivre »[51] reproduit la traduction du texte suivant, d'E. Husserl :
Peut-ĂȘtre mĂȘme se montrera-t-il que lâattitude phĂ©nomĂ©nologique totale, et lâáŒÏÎżÏÎź [Ă©pochĂš] qui en fait partie, sont appelĂ©es par essence Ă produire tout dâabord une transformation (Wandlung) personnelle complĂšte qui serait Ă comparer en premiĂšre analyse avec une conversion religieuse (religiösen Umkehrung), mais qui davantage encore porte en soi la signification de la transformation existentielle (existenziellen Wandlung) la plus grande qui soit confiĂ©e Ă lâhumanitĂ© comme humanitĂ©[52].
Dans ce texte, et en relation avec les 2 auteurs prĂ©cĂ©dents, il est question de transformation personnelle complĂšte (quelque chose comme l'Ă©veil) et mĂȘme d'une transformation collective nĂ©cessitĂ©e par l'Ă©tat du monde, une transformation qui sâappuierait sur la philosophie revenue Ă ses sources (Ă©tymologie du mot philosophie : aimer la sagesse) avec des approches en 1re personne.
Notes et références
Notes
- Un autoportrait est un portrait de l'artiste par lui-mĂȘme suivant la dĂ©finition du site cnrtl.fr.
- Dans l'entretien Vous ĂȘtes l'espace de mon visage, D. Harding lui-mĂȘme situe bien le lieu de ce qui est dit : « « Je ne suis pas ce dont jâai lâair ». (...) Ă partir dâoĂč je regarde est diffĂ©rent de ce que je regarde dans le miroir. Quand je me regarde dans le miroir, câest ce que je regarde, mais Ă partir dâoĂč je regarde, câest lâEspace. Une diffĂ©rence totale, Ă tous Ă©gards. Je semble ĂȘtre une masse solide, mais « ici » je suis transparent »
- « Prenez l'expĂ©rience du jardinage comme exemple. Je suis conscient des plantes, de leurs couleurs et de leurs formes, de l'odeur du sol et de la chaleur du soleil. Je suis conscient de toutes ces choses simultanĂ©ment. Il y a une expĂ©rience unifiĂ©e. Cela suggĂšre qu'il existe une conscience qui englobe toutes ces modalitĂ©s sensorielles, et est donc neutre entre les modalitĂ©s. » Autrement dit, pour B. Ramm dans son article « Pure awareness experience », il y a la conscience pure (non-sensorielle, non-mentale et non-Ă©motionnelle) et ses contenus (donnĂ©es des sens, pensĂ©es, Ă©motions et tout ce qui est mental). B. Ramm sâappuie en particulier sur les traditions mĂ©ditatives, il affirme que la conscience pure est expĂ©rimentable et que les mĂ©thodes de D. Harding permettent dâaccĂ©der Ă une expĂ©rience de la conscience pure.
- B. Ramm (The technology ..., page 9/20) indique que nous pouvons alors comprendre ce que dit Huang-Ho :« Le voyage d'une journée ne vous a pas fait faire un seul pas »
- Le processus de la vision décrit par les scientifiques est trÚs complexe. Et l'expérience vécue est toute autre : par exemple, ce qui se passe dans le cerveau est incolore pour les sciences, alors que la vision montre des couleurs ; d'autre part, la vision utilise les yeux alors qu'il n'y a pas d'yeux dans l'image vue (il n'y a pas non plus d'oreilles dans ce qui est entendu). Le point de vue des sciences est objectif, à la 3Ú personne et le ressenti est subjectif (à la 1re personne).
- Par exemple, D Dennet estime que la conscience n'existerait tout simplement pas , tandis que J.Le Roy dans son livre sur l'éveil formule la question corps-esprit ainsi : « Comment des processus physiques peuvent-ils donner naissance à une subjectivité ? Ou, autrement dit, comment un objet (le cerveau) peut-il créer un sujet (une personne) ? »
- B. Ramm (The technology ..., page 10/20) rappelle lâhistoire, rapportĂ©e par Suzuki, d'un moine demandant Ă son maĂźtre, Gensha (835-908), la voie Ă suivre pour entrer dans le Zen :« "Entends-tu le murmure du ruisseau ?' Le moine rĂ©pondit : "Oui, je l'entends". Le maĂźtre dit : "Voici l'entrĂ©e". »
- S. Harris prĂ©cise que dans la mĂ©ditation « Le but est de rĂ©aliser Ă chaque instant les qualitĂ©s intrinsĂšques de la conscience, quel que ce soit ce qui apparaĂźt en elle. », Pour une spiritualitĂ© sans religion, chap. IV partie Le dzogchen. Tandis que J. Le Roy prĂ©cise que « Pour que la mĂ©ditation soit vĂ©ritablement libĂ©ratrice, elle doit inclure dans son protocole â de maniĂšre explicite â le retournement de lâattention. », Retour Ă soi retour au soi, Ă©d. Almora, 2020.
- Pour aller plus loin : L'acceptation profonde - Dire oui à la vie... et se transformer de Jeff Foster et Thérapie d'acceptation et d'engagement
Références
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Publications
Articles
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Livres
- Douglas Harding, Vivre sans tĂȘte, Paris, Le Courrier du Livre, (ISBN 978-2-7029-0714-6)
- Natalie Depraz, Comprendre la phénoménologie : une pratique concrÚte, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-28286-8)
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- José Le Roy, L'éveil spirituel : ce que nous disent de l'éveil la spiritualité, la philosophie, la science et la psychologie, Paris, Almora, , 435 p.
- José et LorÚne Le Roy, 62 expériences de spiritualité quotidienne, Paris, Almora, , 285 p. (ISBN 978-2-35118-219-2)
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- Philippe Setlakwe Blouin, La phénoménologie comme maniÚre de vivre, Bucharest, Zeta Books, , 413 p. (ISBN 978-606-697-146-1)
Annexes
Articles connexes
Liens externes
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